Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2012, 11-82.866, Publié au bulletin

  • Qualification des faits incriminés·
  • Injures publiques·
  • Détermination·
  • Conditions·
  • Juif·
  • Religion·
  • Personnes·
  • Spectacle·
  • Origine·
  • Injure publique

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

En matière de presse, il appartient aux juges du fond de relever toutes les circonstances extrinsèques qui donnent une portée injurieuse ou diffamatoire aux propos poursuivis, même si ceux-ci ne présentent pas par eux-mêmes ce caractère, et qui sont de nature à révéler leur véritable sens

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Maître Jean-philippe Mariani Et Bruno Lehnisch · LegaVox · 27 novembre 2020
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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 16 oct. 2012, n° 11-82.866, Bull. crim., 2012, n° 217
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 11-82866
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 2012, n° 217
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 16 mars 2011
Précédents jurisprudentiels : Dans le même sens :
que :Crim., 1er décembre 1998, pourvoi n° 97-86.465, Bull. crim. 1998, n° 324 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité
que :Crim., 1er décembre 1998, pourvoi n° 97-86.465, Bull. crim. 1998, n° 324 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité
Textes appliqués :
article 23 de la loi du 29 juillet 1881
Dispositif : Irrecevabilite et rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000026520559
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2012:CR05267
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

— M. Dieudonné X…,

— M. Joël Y…,

— M. Gérard Z…,

— L’association HCCDA, parties civiles,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 17 mars 2011, qui, pour injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une religion déterminée, a condamné le premier à 10 000 euros d’amende et à la diffusion de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 18 septembre 2012 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, MM. Blondet, Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori, Monfort, Buisson conseillers de la chambre, Mme Divialle, MM. Maziau, Barbier conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cordier ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle YVES et BLAISE CAPRON, la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général CORDIER ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

I-Sur les pourvois de MM. Y…, Z… et de l’association HCCDA ;

Sur leur recevabilité :

Attendu que les pourvois formés le mercredi 23 mars 2011 par MM. Y… et Z… et par l’association HCCDA, plus de trois jours après le prononcé de l’arrêt attaqué, rendu contradictoirement le jeudi 17 mars 2011, sont irrecevables comme tardifs au regard des dispositions de l’article 58 de la loi du 29 juillet 1881 ;

II-Sur le pourvoi de M. X… :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des article 8 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, des articles 23, 29, alinéa 2, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, des articles 111-3 et 111-4 du code pénal et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X… coupable d’injure publique envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, en l’espèce, les personnes d’origine ou de confession juive, l’a condamné à la peine de 10 000 euros d’amende, a ordonné, à titre de peine complémentaire, la diffusion, aux frais de M. X… et dans la limite de 3 000 euros par insertion, dans les quotidiens « Le Monde » et « Le Parisien-Aujourd’hui en France », du communiqué judiciaire suivant :

« par arrêt du 17 mars 2011, la chambre 2-7 de la cour d’appel de Paris (chambre de la presse) a confirmé un jugement de la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris qui a déclaré coupable Dieudonné X… dit « A… » du délit d’injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, en l’espèce, les personnes d’origine ou de confession juive, à raison de propos tenus publiquement dans la salle de spectacle Le Zénith le 26 décembre 2008 et poursuivis par le ministère public, l’a condamné à une peine d’amende et à indemniser diverses associations se proposant par leurs statuts de combattre le racisme et qui s’étaient constituées parties civiles, et a condamné M. Dieudonné X… à payer à chacune des associations SOS racisme-Touche pas à mon pote, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, Ligue pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, J’accuse ! Action internationale pour la justice, Union des étudiants juifs de France, Loge Hatikva B’nai B’rith et B’nai B’rith David B… la somme d’un euro à titre de dommages et intérêts » ;

« aux motifs que, sur les propos poursuivis, en tournée depuis le mois de juin précédent, M. X… qui se définit comme humoriste et qui exerce sa profession sous le nom d’artiste de » A… « a donné son spectacle intitulé » J’ai fait le con « dans la salle du » Zénith " à Paris, le 26 décembre 2008 ; qu’il n’est pas contesté que les propos poursuivis ont été tenus lors de cette seule soirée, à la fin de celle-ci, constituant en quelque sorte un « supplément » au spectacle habituel ; qu’ayant fait l’objet d’un enregistrement vidéo accessible sur le site internet « Dailymotion » et dont la copie figure au dossier de la procédure, ils ont fait l’objet d’une transcription non contestée ; que l’enregistrement commence par le passage reproduit dans la citation, le prévenu s’adressant ainsi au public : " Vous savez que le Zénith c’est toujours pour moi une étape assez importante chaque année, alors quand je peux le faire c’est toujours plus difficile. Je me suis dit : faut que je trouve une idée quand même sur ce Zénith, une idée pour leur glisser une quenelle comme il fallait. Évidemment, je réfléchis, hein ça m’arrive, et donc euh … je me suis inspiré un petit peu de la dernière critique de C… (inaudible-huées dans le public) qui décrivait la soirée au Zénith, le spectacle, cette soirée, cette soirée au Zénith comme le plus grand meeting antisémite depuis la dernière guerre mondiale. Alors évidemment il me laissait une petite marge de progression, parce que je me suis dit, il faut que je fasse mieux cette fois-ci, hein ? « et se poursuit ainsi : » Alors, si vous voulez participer à ce qu’on appelle une oeuvre collective de glissage de quenelle, je vous propose d’accueillir une personne alors là qui va les faire grimper aux rideaux … inaudible la personne qui va monter sur scène est un scandale à lui tout seul, je vous le dit tout de suite … inaudible je crois que c’est la personne la plus infréquentable de France … inaudible sachez que dès demain matin, il ne restera de cette soirée que le moment où il est arrivé sur scène, comme quoi il s’est fait tabasser par le Betar et la LDJ, il a été laissé pour mort sur le bord d’un chemin et l’homme, d’ailleurs, pour la petite anecdote, qui lui a sauvé la vie, qui l’a conduit à l’hôpital, cet homme a été obligé de s’en justifier dans la presse. Ce mec là je ne le connaissais pas il y a quelques années, je le connais encore très peu mais je sais que c’est l’homme le plus infréquentable et donc je me suis dit, si on veut faire un truc qui s’appelle un truc d’enfer, un truc puisqu’ils sont là, la presse est parmi nous, donc demain … inaudible écoutez, la meilleure façon de leur répondre, c’est d’accueillir un homme qui était au départ accroché à la poésie et qui a développé ensuite des thèses qui sont les siennes. Je vous demande d’applaudir M. Robert D… … (applaudissements), mieux qu’ça, mieux qu’ça, plus de coeur, encore, encore … » ; qu’entre alors sur scène M. D… et les deux s’embrassent ; que le prévenu poursuit : " Alors là, sachez en tout cas une chose, vos applaudissements vont retentir vous verrez dans les médias dès demain matin, jusqu’assez loin. Robert je crois que vous méritez bien ce prix … Alors le sketch, le sketch ne serait pas complet si Jacky, je vais demander à Jacky, mon fidèle technicien, de remettre à Robert le prix de l’infréquentabilité et de l’insolence, Jacky dans son habit de lumière. Photographes, lâchez-vous … ! « qu’entre sur scène un homme vêtu d’un pyjama à carreaux, trop grand pour lui, portant sur la poitrine une étoile jaune sur laquelle figure le mot » Juif " et tenant à la main un objet ressemblant à un chandelier à trois branches sur lequel sont piquées trois pommes ; que l’objet est remis à Robert D… ; que M. X… poursuit : " Regardez ce scandale, appréciez, ovation … « cris dans le public : » D… a raison « , » Il a gagné … « . Robert D… dit alors : » Écoute, tu nous dis : « J’ai fait le con ». C’est sûr … mais ce soir, tu es vraiment en train de faire le con « . M. X… : » C’est la plus grosse connerie que j’ai faite « . Robert D… reprend alors la parole pour remercier le public d’accueillir en lui » un gangster de l’Histoire « , précisant : » C’est « Le Monde » qui l’a dit et « Le Monde » a toujours raison « et relate les violences, les » traitements spéciaux « dont il a fait l’objet » dix fois « , Dieudonné X… ajoutant que l’intéressé a été » tabassé par les milices sionistes » ; que l’invité de la soirée s’exprime ensuite ainsi : " Vous ne savez pas ce que je dis ni ce que je maintiens … Certains d’entre vous ou la plupart d’entre vous ne savent pas ou savent ce que les médias osent dire à mon propos, toutes les sottises qu’ils peuvent prêter aux révisionnistes … Vous savez qu’il existe en France une loi spéciale qui va permettre à notre ami de se retrouver à la 17ème chambre d’ici peu de temps, comme moi j’y ait été un nombre de fois que je ne peux pas vous dire. Je veux simplement vous dire ceci, c’est que je n’ai pas le droit, c’est la loi, comme tu disais si bien. Je n’ai pas le droit de vous dire ce qu’est en réalité le révisionnisme, que ces gens-là appellent le négationnisme (applaudissements dans la salle) mais je peux vous dire … Oui enfin s’ils tiennent à m’appeler négationniste je les appelle affirmationnistes et vous écrirez le mot comme vous voudrez (applaudissements). Voilà … écoutez moi bien … voilà 34 ans, 1974-1998 que je suis traité dans mon pays en Palestinien. Je suis traité en Palestinien et je ne peux m’empêcher de faire cause commune avec eux … » ; que M. X… conclut alors la soirée en ces termes : " Je réitère notre soutien indéfectible à la Palestine … Il faut malheureusement arrêter … De toute façon, votre présence ici, notre poignée de main, est déjà un scandale en soi et sachez que dès demain le débat sera lancé et vous aurez tous l’occasion à mon avis de le suivre. Liberté d’expression, merci à tous, merci de votre solidarité, mes respects, chapeau bas. Liberté d’expression » ; que, sur le délit poursuivi, ainsi que l’a rappelé le tribunal, l’alinéa 2 de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse définit l’injure comme « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait », l’article 33, alinéa 3, de la même loi punissant spécialement l’injure commise « envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » par l’un des moyens visés à l’article 23 de ladite loi soit les « discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics », les « écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics », les « placards » ou « affiches exposés au regard du public » ou « tout moyen de communication électronique » ; que, se référant, ce qu’il ne conteste pas, à l’écrivain M. E… qui l’a, dit-il, accusé par le passé d’avoir organisé au Zénith « le plus grand meeting antisémite depuis la dernière guerre mondiale », M. X… se donne pour ambition de faire mieux cette fois-ci » ; que, joignant par deux fois le geste à la parole, remontant sa main droite le long de son bras gauche jusqu’à l’épaule, M. X… explique au public qu’il s’agit de « leur glisser une quenelle », une expression imagée évoquant à l’évidence la sodomie : « si ça glisse, c’est plus souple, c’est plus agréable qu’une gifle » a-t-il déclaré devant la cour ; que, c’est en vain que le prévenu soutient dans ses conclusions que son message n’était pas destiné « à un groupe de personnes, en l’occurrence, la communauté juive, mais à certains de ses représentants avec lesquels il est en controverse, dont notamment le chroniqueur de l’hebdomadaire » Le Point ", la suite de ses propos et la mise en scène organisée par ses soins démontrant sa volonté de cibler l’ensemble de la communauté juive ; qu’il annonce, en effet, la venue d’une personne « qui va les faire grimper aux rideaux », « un scandale à lui tout seul », « la personne la plus infréquentable de France », précisant que l’intéressé a été « tabassé par le Betar et la LDJ », « des milices sionistes », et qu’il développe « des thèses qui sont les siennes » ; qu’entre alors sur scène M. D…, notoirement connu pour ses thèses négationnistes qui lui ont valu bon nombre de condamnations et que M. X… fait applaudir par le public, la soirée perdant ainsi son caractère de spectacle et présentant, dès lors, les caractéristiques d’un meeting ; qu’ayant pour objectif de « faire mieux » en matière d’antisémitisme, le prévenu ne peut sérieusement soutenir, ainsi qu’il l’a fait devant le tribunal et devant la cour, qu’il ne connaissait son invité qu’au travers de ses travaux mettant en doute la réalité du rôle tenu par l’île de Gorée au Sénégal à l’époque de la traite des noirs ; que, donnant à ses propos liminaires tout leur sens et leur portée, M. X… fait alors remettre à M. D… le « prix de l’insolence et de l’infréquentabilité » par un personnage revêtu d’un pyjama, qualifié « d’habit de lumière » qui rappelle à l’évidence la tenue des déportés, l’étoile jaune portant le mot « juif », cousue sur le vêtement levant toute ambiguïté quant au but poursuivi et à la communauté visée ; que, s’il en était besoin, la remise du prix, un chandelier à trois branches coiffées de trois pommes qui vient caricaturer un symbole de la religion juive, complète le dispositif ; que, le « glissage de quenelle » annoncé au public et qui a pour objectif affiché de faire « mieux » en matière d’antisémitisme prend alors tout son sens, offenser délibérément la mémoire d’un peuple en tournant en dérision, par le biais de la parole, de l’étoile jaune-support du mot « juif »- et de l’emblème du chandelier remis par un « déporté » à un spécialiste des thèses négationnistes, la déportation et l’extermination des juifs par les nazis durant la seconde guerre mondiale, ce qui constitue, ainsi que l’a déjà dit le tribunal, un mode d’expression à la fois outrageant et méprisant à l’égard de l’ensemble des personnes d’origine ou de confession juive, ce qui caractérise l’injure poursuivie ;

que, si M. X… revendique son droit à la liberté d’expression et, en quelque sorte, l’immunité dont devrait bénéficier la création artistique à vocation humoristique, il doit être rappelé que ces droits, essentiels dans une société démocratique, ne sont pas sans limites, tout spécialement lorsqu’est en cause le respect de la dignité de la personne humaine, ce qui est le cas en l’espèce, et lorsque les actes de scène cèdent la place à une manifestation qui ne présente plus le caractère d’un spectacle ; qu’aussi, la cour confirmera le jugement déféré sur la culpabilité ; qu’il en sera de même quant aux sanctions prononcées par les premiers juges, justement appréciées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité du prévenu déjà condamné à plusieurs reprises pour des motifs similaires ; que les termes du communiqué judiciaire ordonné par le tribunal seront cependant modifiés comme indiqué au dispositif du présent arrêt ; que, sur l’action civile, justement apprécié par les premiers juges, le montant de l’indemnité réparatrice du préjudice subi par chacune des parties civiles sera confirmé par la cour ;

«  1) alors que, le délit d’injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée n’est constitué que dans le cas d’une injure commise par l’un des moyens énoncés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, c’est-à-dire soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ; qu’en déclarant, dès lors, M. X… coupable d’injure publique envers les personnes d’origine ou de confession juive et en entrant en voie de condamnation à son encontre de ce chef pour avoir organisé une mise en scène, quand celle-ci ne constituait pas l’un des moyens énoncés à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d’appel a violé les stipulations et les dispositions susvisées ;

«  2) alors que, le délit d’injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée n’est constitué que dans le cas de l’usage d’une expression outrageante, de termes de mépris ou d’une invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ; qu’en déclarant, dès lors, M. X… coupable d’injure publique envers les personnes d’origine ou de confession juive et en entrant en voie de condamnation à son encontre de ce chef, quand elle ne relevait l’existence d’aucun propos tenu par M. X… constituant une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective, la cour d’appel a violé les stipulations et les dispositions susvisées ;

«  3) alors que, le délit d’injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée n’est constitué que dans le cas d’une injure dirigée contre une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, c’est-à-dire d’une attaque personnelle et directe envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ; qu’en déclarant, dès lors, M. X… coupable d’injure publique envers les personnes d’origine ou de confession juive et en entrant en voie de condamnation à son encontre de ce chef, en raison de faits qui avaient pour seules cibles les personnes qui l’avaient critiqué et avec lesquelles il entretenait une controverse, et qui ne constituaient pas une attaque personnelle et directe envers les personnes d’origine ou de confession juive, la cour d’appel a violé les stipulations et les dispositions susvisées » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. Dieudonné M. X… a été cité à la requête du ministère public devant le tribunal correctionnel sous la prévention d’injure publique envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une race ou une religion déterminée, pour avoir, au cours d’un spectacle s’étant déroulé le 26 décembre 2008 dans la salle du Zénith, à Paris, tenu notamment les propos suivants : " Vous savez que le Zénith, c’est toujours pour moi une étape assez importante chaque année, alors quand je veux le faire, c’est toujours plus difficile. Je me suis dit : faut que je trouve une idée quand même sur ce Zénith, une idée pour leur glisser une quenelle comme y fallait… Evidemment, je réfléchis, hein ça m’arrive, et donc euh… je me suis inspiré un petit peu de la critique très élogieuse de C….. (inaudible,- huées dans le public) qui décrivait la soirée au Zénith, le spectacle, cette soirée, cette soirée au Zénith comme le plus grand meeting antisémite depuis la dernière guerre mondiale… (…). Alors évidemment, il me laissait une petite marge de progression, parce que je me suis dit, il faut que je fasse mieux cette fois-ci, hein ? » ; que la citation a précisé que lesdits propos devaient être lus au regard du sketch consistant à faire monter sur scène un acteur déguisé en déporté juif, revêtu d’un costume rappelant celui des déportés (pyjama et étoile jaune-supportant la mention « juif »- cousue sur la poitrine), pour faire remettre à M. Robert D…, dont les théories consistent à contester l’existence des chambres à gaz et la réalité de la Shoah, « le prix de l’infréquentabilité et de l’insolence », représenté par un chandelier à trois branches, supportant trois pommes » ; que, déclaré coupable de l’infraction reprochée par le tribunal, M. X… a relevé appel de la décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l’arrêt retient notamment que le fait de tourner en dérision, par le biais de la parole, de l’étoile jaune, support du mot « juif », et de l’emblème du chandelier remis par un « déporté » à un spécialiste des thèses négationnistes, la déportation et l’extermination des juifs par les nazis durant la seconde guerre mondiale constitue à l’égard de l’ensemble des personnes d’origine ou de confession juive un mode d’expression à la fois outrageant et méprisant qui caractérise l’infraction d’injure poursuivie ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, exempts d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel a légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 et des dispositions conventionnelles invoquées ;

Qu’en effet, il appartient aux juges du fond de relever toutes les circonstances extrinsèques qui donnent une portée injurieuse ou diffamatoire à des propos, même si ceux-ci ne présentent pas par eux-mêmes ce caractère, et qui sont de nature à révéler leur véritable sens ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs :

I-Sur les pourvois de MM. Y…, Z… et de l’association HCCDA :

Les déclare irrecevables ;

II-Sur le pourvoi de M. X… :

Le REJETTE ;

FIXE à 3 000 euros la somme que X… devra payer à l’association La Ligue pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize octobre deux mille douze ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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