Cour de cassation, Chambre civile 1, 12 novembre 2015, 14-18.118, Publié au bulletin

  • Directive 85/374/cee du conseil du 25 juillet 1985·
  • Responsabilité du fait des produits défectueux·
  • Présomptions graves, précises et concordantes·
  • Appréciation souveraine du juge du fond·
  • Cour de justice de l'Union européenne·
  • Lien de causalité avec le dommage·
  • Question préjudicielle·
  • Union européenne·
  • Défectuosité·
  • Article 4

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La Cour de justice de l’Union européenne a été saisie des questions préjudicielles suivantes :1°) L’article 4 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux s’oppose-t-il, dans le domaine de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques du fait des vaccins qu’il produisent, à un mode de preuve selon lequel le juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, peut estimer que les éléments de fait invoqués par le demandeur constituent des présomptions graves, précises et concordantes, de nature à prouver le défaut du vaccin et l’existence d’un lien de causalité de celui-ci avec la maladie, nonobstant la constatation que la recherche médicale n’établit pas de lien entre la vaccination et la survenance de la maladie ? °) En cas de réponse négative à la question n° 1, l’article 4 de la directive 85/374, précitée, s’oppose-t-il à un système de présomptions selon lequel l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage subi par la victime serait toujours considéré comme établie lorsque certains indices de causalité sont réunis ? °) En cas de réponse affirmative à la question n° 1, l’article 4 de la directive 85/374, précitée, doit-il être interprété en ce sens que la preuve, à la charge de la victime, de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage par elle subi ne peut être considérée comme rapportée que si ce lien est établi de manière scientifique ?

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2014), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-17. 738), que Jack X…, aujourd’hui décédé et aux droits de qui se trouvent Mmes Nelly, Lauriane et Christelle X… (consorts X…), a présenté, dès le mois d’août 1999, après avoir été vacciné contre l’hépatite B en décembre 1998, janvier et juillet 1999, divers troubles ayant conduit, courant novembre 2000, au diagnostic de la sclérose en plaques ; qu’il a assigné en responsabilité la société Sanofi Pasteur MSD, fabricant du vaccin, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil, insérés dans ce code par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant en droit interne la directive 85/ 374/ CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux ;

Attendu que les consorts X… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que si la responsabilité du fait d’un produit défectueux suppose la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage subi par la victime, cette preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes, lesquelles sont caractérisées par le bref délai ayant séparé l’injection du vaccin antihépatite B et l’apparition des premiers symptômes d’une sclérose en plaques combiné avec l’absence de tout antécédent tant personnel que familial à cette pathologie ; qu’en jugeant cependant que la concomitance chronologique entre la vaccination administrée à Jack X… et l’apparition de la maladie jointe à l’absence d’antécédents neurologiques personnels et familiaux soulignés par les experts judiciaires, et dont la réalité n’était nullement contestée par la société Sanofi Pasteur, ne suffisaient pas à présumer entre la maladie présentée par Jack X… et sa vaccination un lien de causalité que le fournisseur aurait la charge de renverser, la cour d’appel a violé ensemble les articles 1386-4 et 1353 du code civil ;

2°/ que si la responsabilité du fait d’un produit défectueux suppose la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage subi par la victime, une telle preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; qu’en affirmant que la mise en jeu de la responsabilité du producteur supposait la preuve d’un lien de causalité entre « l’administration du produit » et le dommage, la cour d’appel, qui a exigé la preuve d’une imputabilité abstraite de la sclérose en plaques à la vaccination contre l’hépatite B faisant ainsi peser sur le demandeur la preuve d’une causalité scientifique, a violé ensemble les articles 1386-4 et 1386-9 du code civil ;

3°/ que si la responsabilité du fait d’un produit défectueux suppose la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage subi par la victime, une telle preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; que le doute scientifique, qui ne prouve ni n’exclut l’existence d’un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage, est un élément neutre que le juge ne peut retenir en faveur ou au détriment de l’une ou l’autre des parties ; qu’en déduisant l’absence de présomptions graves, précises et concordantes de la seule absence de consensus scientifique sur l’étiologie de la sclérose en plaques, la cour d’appel a violé les articles 1386-4 et 1353 du code civil ;

Attendu qu’il résulte de l’article 2 de la directive, selon lequel, pour l’application de cette directive, le terme « produit » désigne tout meuble, ainsi que du treizième considérant de la directive, qui se réfère aux produits pharmaceutiques, et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêts du 9 février 2006, O’Byrne, C-127/ 04 et du 2 décembre 2009, Aventis, C-358/ 08), que le régime de responsabilité du fait des produits défectueux institué par la directive est applicable aux vaccins ;

Attendu que, selon l’article 4 de la directive, transposé à l’article 1386-9 du code civil, la victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; que la Cour de justice veille à ce que le droit des Etats membres ne porte pas atteinte à la répartition de la charge de la preuve prévue par cette disposition (arrêt du 20 novembre 2014, Novo Nordisk Pharma, C-310/ 13) ;

Attendu qu’en l’espèce, les consorts X… invoquent la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle, dans le domaine de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques du fait des vaccins qu’ils produisent, la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué au vaccin et le dommage subi par la victime peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; que la même jurisprudence permet à la victime de prouver le défaut attribué au vaccin en recourant au même type de présomptions ;

Que, selon cette jurisprudence, le juge du fond peut, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, estimer que les éléments de fait invoqués par le demandeur, tels que le délai écoulé entre l’administration du vaccin et la survenance d’une maladie, et l’absence d’antécédents familiaux ou personnels, quant à la maladie en cause, constituent des présomptions graves, précises et concordantes, de nature à prouver le défaut du vaccin et l’existence d’un lien de causalité de celui-ci avec la maladie du demandeur, nonobstant la constatation que la recherche médicale n’établit pas de lien entre la vaccination et la survenance de la maladie ;

Attendu que la question se pose de savoir si l’article 4 de la directive s’oppose à un tel mode de preuve, dans le domaine de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques du fait des vaccins qu’ils produisent ;

Attendu qu’en l’espèce, le moyen, pris en sa première branche, soutient que l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué au vaccin administré à Jack X… et le dommage par lui subi doit être considérée comme établie lorsque les présomptions graves, précises et concordantes sont caractérisées par l’existence d’un bref délai ayant séparé l’injection du vaccin contre l’hépatite B et l’apparition des premiers symptômes de la sclérose en plaques, et l’absence de tout antécédent tant personnel que familial à cette maladie ;

Attendu qu’en cas de réponse négative à la première question, il convient de déterminer si l’article 4 de la directive s’oppose à un système de présomptions tel que celui résultant de la première branche du moyen, selon lequel l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage subi par la victime serait toujours considérée comme établie lorsque certains indices de causalité, tels que ceux invoqués par la première branche, sont réunis ;

Attendu que le moyen, pris en sa deuxième branche, reproche à l’arrêt, en exigeant la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre l’administration du vaccin et le dommage, de faire peser sur le demandeur la preuve d’une causalité scientifique et, en sa troisième branche, de déduire l’absence de lien de causalité de la seule absence de consensus scientifique sur l’étiologie de la sclérose en plaques ;

Attendu que la cour d’appel, indiquant se fonder sur de nombreuses études nationales et internationales et tenir compte de diverses mesures d’enquêtes et de surveillance renforcée mises en oeuvre par les autorités sanitaires, a considéré qu’il n’existait aucun consensus scientifique en faveur de l’existence d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques ;

Attendu qu’en cas de réponse affirmative à la première question, il convient de déterminer si l’article 4 de la directive doit être interprété en ce sens que la preuve, à la charge de la victime, de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut invoqué et le dommage par elle subi, ne peut être considérée comme rapportée que si ce lien est établi de manière scientifique ;

Attendu que les questions soulevées par le moyen, dont dépend la solution du pourvoi et qui nécessitent une interprétation uniforme de l’article 4 de la directive, justifient la saisine de la Cour de justice de l’Union européenne ;

Attendu qu’il y a lieu de surseoir à statuer sur le pourvoi jusqu’à ce que la Cour de justice se soit prononcée ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE à la Cour de justice de l’Union européenne aux fins de répondre aux questions suivantes :

1°/ L’article 4 de la directive 85/ 374/ CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux s’oppose-t-il, dans le domaine de la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques du fait des vaccins qu’ils produisent, à un mode de preuve selon lequel le juge du fond, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, peut estimer que les éléments de fait invoqués par le demandeur constituent des présomptions graves, précises et concordantes, de nature à prouver le défaut du vaccin et l’existence d’un lien de causalité de celui-ci avec la maladie, nonobstant la constatation que la recherche médicale n’établit pas de lien entre la vaccination et la survenance de la maladie ?

2°/ En cas de réponse négative à la question n° 1, l’article 4 de la directive 85/ 374, précitée, s’oppose-t-il à un système de présomptions selon lequel l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage subi par la victime serait toujours considérée comme établie lorsque certains indices de causalité sont réunis ?

3°/ En cas de réponse affirmative à la question n° 1, l’article 4 de la directive 85/ 374, précitée, doit-il être interprété en ce sens que la preuve, à la charge de la victime, de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut attribué à un vaccin et le dommage par elle subi ne peut être considérée comme rapportée que si ce lien est établi de manière scientifique ?

Sursoit à statuer sur le pourvoi ;

Renvoie à l’audience du 25 octobre 2016 ;

Réserve les dépens ;

Dit qu’une expédition du présent arrêt, ainsi qu’un dossier comprenant notamment le texte de la décision attaquée, seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de Cassation au greffier en chef de la Cour de justice de l’Union européenne ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour les consorts X….

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté les consorts X… de leurs demandes tendant à voir juger qu’il existait des présomptions graves, précises et concordantes d’un lien de causalité entre les doses de vaccin HB VAX DNA 10 administrées à feu Jack X… et la sclérose en plaques dont il se trouvait atteint et voir, en conséquence, déclarer la société Sanofi Pasteur MSD entièrement responsable des suites dommageables de cette vaccination en raison du défaut du vaccin HB VAX DNA 10 commercialisé par cette société ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l’imputabilité de la sclérose en plaques à la vaccination contre l’hépatite B : considérant que les consorts X… recherchent la responsabilité de la société Sanofi Pasteur pour défaut du produit sur le fondement des dispositions de l’article 1386-4 du Code civil, applicables à l’espèce puisque la vaccination incriminée a été administrée après l’entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998 transposant en droit français la directive n° 851374 du 25 juillet 1985 ; que la mise en jeu de la responsabilité du producteur suppose que le demandeur prouve, d’une part l’administration du produit, l’existence du dommage et le lien de causalité entre celles-ci, d’autre part le défaut du produit défini comme n’offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre compte tenu de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage du produit qui peut être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; que les preuves mises à la charge du demandeur peuvent être apportées par présomptions, à la condition que celles-ci soient graves, précises et concordantes, le défaut du vaccin et l’imputabilité du dommage ne pouvant se déduire de l’absence de certitude scientifique sur l’innocuité du produit ; qu’il est avéré et qu’il n’est plus contesté devant la cour que Jack X…, exerçant la profession de kinésithérapeute, a été vacciné contre l’hépatite B par l’administration du vaccin HB VAX DNA 10 produit par la société Sanofi Pasteur en une série de trois injections en date des 26 décembre 1998, 29 janvier 1999 et 8 juillet 1999 ; qu’il ressort des constatations et investigations des experts judiciaires désignés en référé, les Dr Y… et C…, ainsi que des témoignages de proches que Jack X… s’est plaint d’une asthénie importante et inhabituelle au cours du mois d’août 2009 et qu’il a ressenti des tremblements intermittents du pied gauche ; qu’en décembre 1999, il a présenté un tableau clinique associant des troubles de la déglutition, une dysarthrie, une hémiparésie gauche, des paresthésies de la main et du pied gauches régressant spontanément, puis, en mai-juin 2000, des troubles sensitifs de la main droite rapidement régressifs, des troubles urinaires et des troubles de l’équilibre intermittents, avec une asthénie intense ; qu’à la suite de divers examens, il était conclu, le 4 novembre 2000, que les épisodes présentés étaient des épisodes neurologiques déficitaires évoluant par poussée et probablement en rapport avec une sclérose en plaques ; que Jack X… a ensuite été hospitalisé à plusieurs reprises à l’hôpital de La Salpétrière, notamment en janvier et février 2001 pour une hémiparésie droite puis une hémiplégie droite, une dysarthrie et des troubles de la déglutition ; qu’il a commencé, en mai 2001, un traitement par interféron Bêta-1- a, traitement spécifique de la sclérose en plaques, qu’il a arrêté en mai 2002 ; que les experts judiciaire concluaient, le 1er mars 2005, que Jack X… souffrait d’une sclérose en plaques, maladie chronique et évolutive qui ne lui permettait plus, depuis le 20 janvier 2001, d’exercer une activité professionnelle et qui était à l’origine, depuis la consolidation constatée au 6 mai 2004, d’une incapacité permanente partielle de 65 % ; que le Dr. Z…, expert désigné par l’ONIAM en juillet 2007, notait une aggravation de J’état de santé de Jack X… puisqu’il était à l’époque atteint d’un déficit fonctionnel de 90 % avec nécessité d’une tierce personne 24h sur 24 ; que Jack X… est décédé le 30 octobre 2011 ; que les experts judiciaires, après avoir indiqué que Jack X… ne présentait aucun antécédent personnel le prédisposant à la maladie et qu’il n’existait pas d’antécédents de maladie neurologique dans sa famille, et après avoir rappelé la littérature médicale concernant les rapprochements entre la sclérose en plaques et la vaccination, ont retenu que la maladie dont souffrait Jack X… n’était pas liée par un rapport de causalité démontrable à l’administration du vaccin HB VAX DNA mais ont conclu leur rapport ainsi :

« l’analyse de la littérature à ce jour ne permet pas de démontrer de façon certaine et directe que l’administration du vaccin HB VAX DNA est la cause génératrice de la sclérose en plaques. Toutefois, Je lien temporel entre la vaccination et le début des symptômes de la maladie de M. X… ne peut être exclue de la réflexion. Les études épidémiologiques publiées à ce jour ne démontrent pas de manière certaine J’absence de relation de causalité chez un individu en particulier » ;

que, pour dire que l’imputabilité de la vaccination dans la survenance de la maladie ne pouvait être totalement exclue, les experts se sont référés-dans leur annexe 1 faisant Je point sur la littérature et les études médicales-à une publication du Pr A… concluant à un triplement du risque de sclérose en plaques associé au vaccin recombinant contre l’hépatite B chez l’adulte, et ont retenu qu’il fallait tenir compte des résultats de cette étude et les accepter comme vrais ; mais qu’il ressort des éléments scientifiques produits par la société Sanofi Pasteur, d’une part que cette étude est isolée, de nombreuses autres études, tant nationales qu’internationales ayant été menées sur la question et ayant conclu à l’absence de relation entre la vaccination et la sclérose en plaques, d’autre part, que dès sa publication, en septembre 2004, soit quelques mois seulement avant le dépôt du rapport d’expertise, cette étude a été très controversée dans le monde scientifique en raison notamment du très petit nombre de cas analysés et de l’existence de failles méthodologiques ; qu’une étude de De Stefano ayant réanalysé les données de l’étude A… a pu conclure, en sens contraire, à l’absence de risque accru de sclérose en plaques suivant la vaccination contre l’hépatite B ; que les autorités sanitaires ont toutes jugé que l’étude A… reposait sur l’analyse d’un trop petit nombre de patients vaccinés présentant par ailleurs des facteurs de risques pour l’hépatite 8 et qu’elle ne permettait pas de soutenir l’hypothèse d’une association entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques ; que dès lors, cette étude isolée et contredite ne peut sérieusement fonder les conclusions expertales-au demeurant fort prudentes puisqu’elles rappellent les réserves émises par le Comité Technique des Vaccinations-sur l’existence d’un lien scientifique entre le vaccin et la maladie ; que les consorts X… se prévalent de la concomitance chronologique entre la vaccination et l’apparition de la maladie et de l’absence d’antécédents neurologiques personnels et familiaux soulignés par les experts dont ils soutiennent qu’ils constituent des critères qui, cumulés, doivent être reconnus comme des présomptions graves, précises et concordantes du lien de causalité entre le vaccin et la maladie ; mais que force est de constater, au regard des multiples études médicales citées par la société Sanofi Pasteur, que l’étiologie de la sclérose en plaques est actuellement inconnue, qu’il s’agit d’une affection caractérisée au niveau physiopathologique par l’atteinte de la myéline du système nerveux central entrainant l’apparition de plaques de démyélinisation à la suite d’un processus immunologique méconnu, probablement très hétérogène ; qu’il est admis, à la suite du dernier éclairage donné par le Pr. B… dans une publication citée par la société Sanofi Pasteur et aux termes d’études cliniques d’un groupe de neurologues français publiées en 2008, qu’il existe une dissociation entre les poussées cliniques et la date d’apparition des lésions observées à l’imagerie médicale, leurs travaux concluant en effet que, lors de l’apparition des premiers symptômes de la maladie, le processus physiopathologique a probablement commencé plusieurs mois, voire plusieurs années auparavant ; qu’au regard de ces éléments, le critère de la proximité temporelle entre l’apparition des premiers symptômes décrits par Jack X… et par sa famille et sa vaccination perd de sa pertinence et qu’il ne peut en être tiré d’argument sérieux en faveur d’un lien de causalité ; que par ailleurs, l’ignorance de l’étiologie de la sclérose en plaques empêche de considérer que l’absence d’autres éventuelles causes de la maladie chez Jack X… et l’absence d’antécédents neurologiques personnels constitueraient des éléments de présomption graves, précis et concordants en faveur du lien de causalité avec la vaccination ; qu’il en est de même de l’absence d’antécédents familiaux, les études épidémiologiques faisant ressortir que 92 à 95 % des malades atteints de la sclérose en plaques n’ont aucun antécédent dans leurs familles ;… ; qu’il convient enfin d’observer qu’à l’issue de nombreuses études nationales et internationales citées par la société Sanofi Pasteur et évoquées dans les expertises réalisées dans des affaires similaires versées aux débats et à la suite des diverses mesures d’enquête et de surveillance renforcée mises en oeuvre par les autorités sanitaires, il n’existe aucun consensus scientifique en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques et que l’ensemble des autorités sanitaires nationales (Commission Nationales de Pharmacovigilance et Académie Nationale de Médecine) et internationales (Comité consultatif sur la Sécurité des vaccins de l’OMS et lnstitute of Medecine) ont écarté l’association entre un risque d’atteinte démyélinisante centrale ou périphérique et la vaccination contre l’hépatite B ; qu’ainsi, les éléments avancés par les consorts X… et retenus par le tribunal, qu’ils soient pris isolément ou ensemble, ne constituent pas des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir l’existence d’un lien de causalité entre la maladie présentée par Jack X… et sa vaccination ; que le jugement doit en conséquence être infirmé en toutes ses dispositions et les consorts X… déboutés de toutes leurs demandes, de même que la Carpimko et la CPAM des Hauts de Seine » ;

1°/ ALORS QUE si la responsabilité du fait d’un produit défectueux suppose la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage subi par la victime, cette preuve peut résulter de présomptions graves, precises et concordantes, lesquelles sont caractérisées par le bref délai ayant séparé l’injection du vaccin antihépatite B et l’apparition des premiers symptômes d’une sclérose en plaques combiné avec l’absence de tout antécédent tant personnel que familial à cette pathologie ; qu’en jugeant cependant que la concomitance chronologique entre la vaccination administrée à Jack X… et l’apparition de la maladie jointe à l’absence d’antécédents neurologiques personnels et familiaux soulignés par les experts judiciaires, et dont la réalité n’était nullement contestée par la société Sanofi Pasteur, ne suffisaient pas à présumer entre la maladie présentée par Jack X… et sa vaccination un lien de causalité que le fournisseur aurait la charge de renverser, la Cour d’appel a violé ensemble les articles 1386-4 et 1353 du Code civil ;

2°/ ALORS QU’en toute hypothèse, si la responsabilité du fait d’un produit défectueux suppose la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage subi par la victime, une telle preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; qu’en affirmant que la mise en jeu de la responsabilité du producteur supposait la preuve d’un lien de causalité entre « l’administration du produit » et le dommage, la Cour d’appel, qui a exigé la preuve d’une imputabilité abstraite de la sclérose en plaques à la vaccination contre l’hépatite B faisant ainsi peser sur le demandeur la preuve d’une causalité scientifique, a violé ensemble les articles 1386-4 et 1386-9 du Code civil ;

3°/ ALORS QU’en toute hypothèse, si la responsabilité du fait d’un produit défectueux suppose la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage subi par la victime, une telle preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; que le doute scientifique, qui ne prouve ni n’exclut l’existence d’un lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage, est un élément neutre que le juge ne peut retenir en faveur ou au détriment de l’une ou l’autre des parties ; qu’en déduisant l’absence de présomptions graves, précises et concordantes de la seule absence de consensus scientifique sur l’étiologie de la sclérose en plaques, la Cour d’appel a violé les articles 1386-4 et 1353 du Code civil.

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