Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 novembre 2016, 15-85.788, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 15 nov. 2016, n° 15-85.788
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 15-85.788
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 9 septembre 2015
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 6 mars 2024
Identifiant Légifrance : JURITEXT000033427693
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2016:CR05202
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Sur les parties

Texte intégral

N° G 15-85.788 FS-D

N° 5202

SC2

15 NOVEMBRE 2016

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— L’association cultuelle Institut du Bon Pasteur,

— M. [G] [D],

— M. [T] [M],

— M. [V] [H],

— L’association d’enseignement populaire Saint-Projet, parties civiles,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 10 septembre 2015, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de MM. [X] [W], [A] [K], [F] [U], [L] [E] et [Z] [B] du chef de diffamation publique envers un particulier ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 4 octobre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Buisson, Mme Durin-Karsenty, MM. Larmanjat, Ricard, Parlos, Bonnal, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Desportes ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DESPORTES ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

I – Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par M. [T] [M] :

Sur sa recevabilité ;

Attendu que la partie civile est irrecevable à se prévaloir d’un moyen de cassation fondé sur des irrégularités insusceptibles de préjudicier à ses intérêts, dès lors que l’arrêt attaqué a déclaré la constitution de partie civile du demandeur irrecevable et que son moyen ne porte pas sur sa constitution ;

D’où il suit qu’en application de l’article 567 du code de procédure pénale son pourvoi est irrecevable ;

II – Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par l’association cultuelle Institut du Bon Pasteur, M. [G] [D], M. [V] [H] et l’association d’enseignement populaire Saint-Projet :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 29 de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du code civil, 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et insuffisance de motifs ;

« en ce que la cour d’appel a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions civiles ;

« aux motifs que, sur l’excuse de bonne foi, les parties civiles mettent en cause le procédé même de « l’infiltration » utilisé pour le reportage dont les propos poursuivis constituent soit l’introduction, soit le commentaire, pour contester que les parties poursuivies puissent bénéficier de la bonne foi ; qu’elles font valoir qu’il ne peut y avoir de but légitime à chercher, à dénoncer , et non pas à prouver une information détenue préalablement, ou à recueillir les pensées plus intimes, ce qui relève du for intérieur, grâce à un reportage consistant à créer scénario fantasmatique, au moyen d’assemblage artificiel d’images et de propos ; que l’animosité personnelle n’est pas exclue en l’espèce, M. [W] ayant déjà infiltré le Front national de la jeunesse de Bordeaux en 2005 où il se serait fait remarquer, par des « propos obsessionnels sur…les juifs » ; que l’enquête ne peut être considérée comme sérieuse puisque, outre que M. [W] n’est pas un journaliste professionnel, elle a été réalisée en violation des règles déontologiques, en usant de moyens contraires à la charte des devoirs professionnels des journalistes français de 1918 et notamment en se prévalant d’une qualité imaginaire et en usant de moyens déloyaux pour obtenir une information ou surprendre la bonne foi de quiconque ; que les multiples mensonges et manipulations dénoncés, tels qu’emprunter à tout un groupe les propos de deux militants sur cent cinquante, tenter de faire tenir des propos antisémites à un jeune prêtre, provoquer deux jeunes adolescents à tenir des propos répréhensibles, traiter toute une école de nid de fascistes pour des propos tenus par deux pré ado, dire que les classes sont livrées à l’obsession antisémite alors que les propos ne sont pas tenus en classe mais en salle d’étude, par deux élèves, pendant quinze minutes et en la seule présence de « l’infiltré » et prétendre que la cave de [Établissement 2] qui héberge le groupe factieux [R] [J] (DI) est située en dessous de l’église, créant ainsi un lien organique et physique entre le groupe et la paroisse censée l’héberger, ne permettent pas de considérer que la condition exigée par la Cour européenne des droits de l’homme pour considérer comme légitime l’usage de la caméra cachée à savoir que les informations fournies soient « fiables et précises », a été respectée ; que, toutefois, en premier lieu, il ne peut être contesté que le sujet même du reportage, ayant donné lieu aux propos poursuivis, à savoir les liens susceptibles d’exister entre un groupuscule politique prônant une idéologie violente et raciste, une paroisse catholique, de la mouvance dite traditionaliste et un établissement d’enseignement, relève de l’information légitime du public ; qu’il n’est pas établi en second lieu, même si M. [W] a déjà été enquêté (sic) sur des mouvements d’extrême droite que le sujet du reportage ait été choisi dans le but de nuire aux parties civiles, seules les informations recueillies auprès de [R] [J] ayant conduit les journalistes, ainsi qu’ils le soutiennent sans être utilement contestés, à s’intéresser à l’école Saint-Projet et à l’institution culturelle du Bon Pasteur ; que, s’agissant de l’enquête sérieuse, il convient de rechercher si les scènes et les paroles qui ont été captées constituent une base factuelle sérieuse permettant de tenir les propos poursuivis lesquels constituent soit la présentation, soit le commentaire du reportage ; que le procédé lui-même de l’infiltration qui implique que le journaliste dissimule sa réelle identité pour enregistrer, caméra cachée, les propos de ses interlocuteurs, n’est pas légalement proscrit ni contraire à la charte des devoirs professionnels du journaliste ni de la résolution du conseil de l’Europe relative à l’éthique du journaliste adoptée en 2003, sous réserve qu’il soit justifié par les nécessités de l’information, soit en d’autres termes, qu’il permette au journaliste de recueillir des informations qu’il n’aurait pu obtenir par d’autres moyens, et qu’il soit utilisé sans recourir à la manipulation ou aux mensonges, dans une recherche de proportionnalité entre l’intérêt de l’enquête et le respect des personnes ; que le procédé de l’infiltration, utilisé depuis de nombreuses années, ainsi que le rappelle la défense, dans des milieux divers et non pénétrables par des moyens d’information classiques apparaît en l’espèce justifié en son principe dans la mesure où il vise à mettre à jour, à travers les scènes et propos enregistrés, les influences néfastes, sinon dissimulées, ignorées du grand public, résultant de la proximité idéologique des parties civiles avec un groupe extrémiste violent et raciste ; qu’au-delà-même du procédé qui n’est donc pas critiquable en lui-même, il doit être recherché si les scènes, telles qu’elles sont présentées au téléspectateur, justifient les propos et commentaires qui les introduisent et les accompagnent, ou si ce n’est que grâce à des procédés déloyaux, soit en provoquant ou en manipulant les interlocuteurs pour obtenir les réponses escomptées, soit en procédant à des montages, soit en tenant des propos mensongers, que le journaliste infiltré est parvenu à mettre en adéquation les scènes captées avec l’image qu’il souhaitait donner des parties civiles ; qu’il ressort du reportage que les propos extrêmement violents tant à l’égard des juifs, des musulmans, des francs-maçons que des prêtres dits « modernes » et de Vatican II recueillis de certains membres de DI, même si l’un d’eux, désigné à tort comme étant un « cadre fondateur » est devenu peu après membre d’un parti d’extrême gauche, permettaient de qualifier ce mouvement d’extrémiste et raciste et propageant des idées nauséabondes ; que les liens existant entre ce mouvement, la paroisse [Établissement 2] et l’école Saint-Projet, où enseignent des abbés, membres de l’Institut [Établissement 1], apparaissent à travers les scènes montrant l’abbé [D], alors curé de la paroisse, venir visiter la cave où se réunissent les membres de DI et répondant à une question, préciser que « c’est [R] [J] » qui occupe le local et « que c’est [P] » qui en est le patron, propos qui corroborent la proximité de ce prêtre avec M. [Q] [Y], surnommé « [P] », dirigeant de DI ; qu’un autre abbé est vu accompagnant des jeunes de la paroisse visiter la cave ; que l’ambiance régnant dans l’école Saint-Projet que révèlent des propos antisémites échangés entre des enseignants, les propos, chants et « blagues » racistes de même nature, tenus par des élèves, en présence du journaliste infiltré supposé être leur surveillant, justifient qu’il ait été fait état d’un climat raciste et antisémite ; que les extraits relatifs au cours dispensé par le professeur d’histoire selon lesquels les SS constituaient une troupe d’élites, l’occupation de la France par l’Allemagne en 1940 se justifiait par l’occupation de l’Allemagne pendant quinze ans, il est normal d’essayer de satisfaire l’occupant, au risque de choses graves, le maréchal Pétain a rendu d’énormes services à son pays et « le cas de de (sic) [S] » qui a quitté la France alors en guerre correspond en droit militaire à de la désertion outre la réponse faite au journaliste selon laquelle les élèves n’ont pas besoin qu’on leur parle des juifs pendant la guerre puisqu’on en parle « assez comme ça », justifient d’avoir évoqué une forme de contamination des idées du groupe DI à travers l’enseignement dispensé aux élèves et une lecture quelque peu éloignée de l’histoire traditionnellement enseignée ; que s’il est certain qu’à l’issue du montage opéré, il a été choisi de ne diffuser que les scènes significatives, les rushes produits par la défense attestent, d’une part, qu’elles ne peuvent être considérées comme ne concernant que des cas isolés et, d’autre part, qu’il n’y a ni manipulation ni provocation de nature à fausser le sens des propos recueillis ; que les propos tenus par les enseignants en salle de professeur (sic), la présence de membres de l’association DI parmi les enseignants ou surveillants, l’absence de formation pédagogique de ces enseignants, le regret exprimé par un abbé de ne pas avoir connaissance des réunions de DI afin de les coordonner avec les réunions de jeunes de la paroisse, ainsi que les propos hostiles aux francs-maçons et aux juifs tenus par un abbé, lors « d’un cours de doctrine », confirment l’influence idéologique imprégnant la paroisse et l’école telle qu’elle est dénoncée par les propos poursuivis ; que l’erreur ayant consisté à présenter le futur lieu de réunion de DI comme étant une cave située sous l’église [Établissement 2] et donc mise gracieusement à disposition par la paroisse alors que cette cave se situe sous une librairie attenante n’apparaît nullement ôter tout crédit au reportage, la présence bienveillante dans les lieux de plusieurs abbés étant clairement révélatrice de la proximité entre ce groupe et la paroisse ; que les dialogues, à juste titre coupés au montage, au cours desquels des élèves, certes sur le ton de défi à l’égard du surveillant, suspecté d’être un « gaucho », se livrent à des tirades violentes et antisémites que permettrait la lecture de l’évangile, ainsi qu’à une succession de « blagues » ayant pour thème de prédilection le camp d’exterminations d'[Localité 1], auxquels (sic) le surveillant, même si elle (sic) ne durent pas 1 heures 30 décide de mettre un terme, s’ils ne sont pas à l’évidence exempts de toute provocation de la part de ces adolescents, n’en manifestent pas moins l’influence idéologique propre à des groupes extrémistes exercée sur des jeunes qui n’hésitent pas dans le cadre de l’école, à répéter les histoires faisant partie à l’évidence de leur répertoire habituel ; que les scènes présentées étant exemptes de manipulation et de tromperie, et les propos poursuivis n’en constituant, ce que ne contestent pas les parties civiles, que la présentation ou le commentaire, il ne peut être fait grief aux intimés d’avoir manqué de prudence dans l’expression, le téléspectateur étant d’ailleurs, en l’espèce, à même de juger de l’adéquation entre le reportage filmé et les propos l’accompagnant ; qu’enfin, l’interview donné (sic) par M. [H], les propos recueillis de l’abbé en charge de la scolarité, visant à défendre l’enseignement de l’histoire tel qu’il est dispensé à l’école ainsi que la participation de l’abbé [I], l’un des fondateurs de l’Institut [Établissement 1], au débat organisé après la diffusion du reportage, permis aux parties civiles de s’exprimer, il convient de considérer que c’est à juste titre que le tribunal a accordé aux intimés le bénéfice de la bonne foi ; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions civiles ;

« 1°) alors que, saisi du seul appel d’un jugement de relaxe formé par la partie civile, le juge répressif ne peut plus rechercher si les faits qui lui sont déférés constituent ou non une infraction ; qu’en l’espèce, la relaxe des prévenus du chef de diffamation pour preuve de leur bonne foi étant définitive, la cour d’appel n’était tenue que de rechercher l’existence d’une faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; qu’en l’espèce, sur l’action civile, seule en cause devant la cour, les parties civiles réclamaient l’indemnisation de leurs préjudices résultant de leur identification, faute pour les prévenus d’avoir respecté l’anonymisation des personnes et des lieux ; que la cour d’appel s’est pourtant attachée à caractériser la diffamation et à la justifier par la bonne foi des prévenus, considérant « que c’est à juste titre que le tribunal a accordé aux intimés le bénéfice de la bonne foi » ; qu’en se bornant à rechercher si les faits poursuivis étaient constitutifs d’une infraction pénale, alors qu’il lui revenait d’établir si les intimés avaient commis une faute civile distincte de la diffamation pour laquelle ils avaient été définitivement relaxés, la cour d’appel, qui a commis un excès de pouvoir négatif, a violé l’article 1382 du code civil ;

« 2°) alors que, subsidiairement et à supposer que la cour d’appel ait pu à bon droit justifier la diffamation, la bonne foi s’établit à l’aide de quatre critères cumulatifs, dont notamment l’existence d’une enquête sérieuse « de manière à fournir des informations exactes » ; que, dès lors que le reportage contient des affirmations erronées qu’il appartenait pourtant aux prévenus de vérifier préalablement, le caractère sérieux de l’enquête fait défaut et, partant, le bénéfice de la bonne foi ne peut plus être accordé ; qu’en l’espèce, les parties civiles ont fait valoir que de nombreuses affirmations erronées, non vérifiées, voire dont le caractère erroné était parfaitement connu, ont émaillé le reportage en cause ; que la cour d’appel, qui a retenu seulement deux « erreurs » parmi toutes les affirmations invoquées par les demandeurs, a pourtant considéré que l’enquête était sérieuse ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ;

« 3°) alors que, subsidiairement et à supposer que la cour d’appel ait pu à bon droit justifier la diffamation, l’appréciation de la bonne foi impose, pour établir le caractère sérieux de l’enquête, de vérifier le respect des règles de la déontologie journalistique ; que capter des images et des paroles à l’aide d’une caméra cachée viole la déontologie journalistique dès lors que les lieux et les personnes ne sont pas anonymisés et que le reportage vise ainsi à les attaquer personnellement ; que les répercussions de l’identification des personnes filmées à leur insu sont à prendre en compte afin de préserver l’équilibre entre la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée ; qu’en l’espèce, le reportage a permis d’identifier les lieux et les personnes filmés, ce qui a eu pour répercussion une atteinte à la réputation d’une des victimes, avocat de profession, des dégradations sur les murs de son domicile et la fermeture de l’école Saint-Projet ; que la cour d’appel, pour considérer que le procédé n’était pas critiquable en raison de sa finalité, n’a pris en compte ni l’absence d’anonymisation des parties civiles, ni les répercussions sur leur droit au respect de la vie privée ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans répondre aux conclusions des parties civiles qui invoquaient l’absence d’anonymisation et les conséquences grandement préjudiciables du procédé utilisé sur leur réputation, la cour d’appel a violé les articles 29 de la loi du 29 juillet 1881 et 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme ;

« 4°) alors que, subsidiairement et à supposer que la cour d’appel ait pu à bon droit justifier la diffamation, l’appréciation de la bonne foi impose, pour établir le caractère sérieux de l’enquête, un recoupement des sources et, partant, l’exposé des arguments des victimes de la diffamation pour assurer le caractère contradictoire de l’enquête ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a considéré que la contradiction avait été assurée par « l’interview » de M. [H], qui a été interrogé sans savoir qu’un reportage à l’aide d’une caméra cachée était en cours et, partant, sans avoir été invité à défendre contradictoirement le contenu dudit reportage, et par la participation de l’abbé [I] au débat organisé après la diffusion du reportage en cause, alors que ce dernier avait été invité, non pour exposer des arguments contraires, mais pour parler de la tradition catholique ; qu’il en résulte que la contradiction n’a pas été assurée, les parties civiles n’ayant pu donner, avant la diffusion du reportage, leur version des faits présentés au public en toute connaissance de cause ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

« 5°) alors que, subsidiairement et à supposer que la cour d’appel ait pu à bon droit justifier la diffamation, c’est au prévenu qu’incombe la preuve de bonne foi, les juges devant énoncer les faits sur lesquels ils se fondent pour justifier l’exception ; qu’en l’espèce, les parties civiles ont été présentées, sans aucune nuance, comme « un nid de fascistes » prétendument dirigé par les prêtres de la paroisse [Établissement 2] et prenant sa source dans l’enseignement dispensé dans l’école Saint-Projet ; que ces propos particulièrement violents et comportant de graves accusations n’ont pas été nuancés et traduisent un manque flagrant de prudence et de mesure antinomique avec la bonne foi, ce d’autant plus qu’ils ont été fondés sur les paroles prononcées par une minorité d’élèves et d’enseignants alors que les intimés les ont généralisés et imputés à tout le corps professoral et à tous les élèves ; que, pour prouver leur bonne foi, les intimés se sont contentés d’affirmer avoir poursuivi un but d’intérêt général et avoir reproduit fidèlement les propos diffusés, arguments étrangers à la preuve de la prudence dans l’expression ; que la cour d’appel s’est néanmoins bornée, sans se référer à l’expression « nid de fascistes », où « on enseigne la haine de l’autre », à affirmer « qu’il ne peut être fait grief aux intimés d’avoir manqué de prudence dans l’expression » ; qu’en statuant ainsi, sans que les intimés aient rapporté la preuve de leur bonne foi sur ce point, et sans énoncer les faits sur lesquels elle se fondait pour justifier l’exception, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 27 avril 2010, dans le cadre du magazine « Les infiltrés » présenté par M. [E] et produit par l’agence de presse Capa, la chaîne de télévision France 2 a diffusé un reportage intitulé « A l’extrême droite du Père » réalisé par M. [W] qui, en dissimulant sa qualité professionnelle et en opérant au moyen d’une caméra cachée, s’était introduit dans l’école [Établissement 3] et la paroisse [Établissement 2], à Bordeaux (Gironde), afin d’y enregistrer des images et des paroles à l’insu de ses interlocuteurs ; que, préalablement à cette diffusion, la chaîne de télévision France 3, avait par ailleurs retransmis le 22 avril 2010 l’interview de M. [B] relative à la prochaine diffusion du reportage ; que, le 22 juillet 2010, d’une part, l’association d’enseignement populaire Saint-Projet, qui exploite l’école éponyme, et son président M. [H], d’autre part, l’association cultuelle Institut du Bon Pasteur, ayant en charge la paroisse [Établissement 2], son président et ancien curé de ladite paroisse M. [D], ainsi que son actuel curé M. [M], ont porté plainte et se sont constitués parties civiles du chef de diffamation publique envers un particulier devant le doyen des juges d’instruction à l’encontre de M. [U], directeur de la publication de la société France télévisions, elle-même civilement responsable, MM. [K] et [B], respectivement président directeur et rédacteur en chef de Capa, M. [E], présentateur de l’émission « Les infiltrés » et M. [W], réalisateur du reportage ; que, par ordonnance en date du 5 juin 2013, les intéressés ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers un particulier, s’agissant de M. [U], ou de complicité de ce délit, s’agissant des autres prévenus ; que, par jugement en date du 16 octobre 2014, le tribunal correctionnel a renvoyé les prévenus des fins de la poursuite, a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [M] et a débouté les parties civiles de leurs demandes ; que les parties civiles ont relevé appel de ce jugement ;

Sur le moyen, pris en sa première branche :

Attendu que, pour confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions civiles, l’arrêt relève que la saisine de la cour est limitée aux appels interjetés par les seules parties civiles et que, la décision de relaxe prononcée étant définitive, il doit être recherché si les propos poursuivis sont fautifs au regard de la prévention de diffamation publique visée par la poursuite ; que les juges ajoutent que les parties civiles remettant en cause, par leur appel, le caractère fautif de l’ensemble des propos visés par la prévention, il convient d’examiner chacun des passages poursuivis et d’en apprécier de nouveau le caractère diffamatoire, avant de se prononcer sur l’excuse de bonne foi dont le tribunal a fait bénéficier les parties poursuivies pour les passages dont il a retenu le caractère diffamatoire ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors que les juges du second degré, statuant sur le seul appel des parties civiles, doivent rechercher, à partir et dans les limites des faits objet de la poursuite, l’existence de propos diffamatoires à l’égard des parties civiles et apprécier les circonstances propres à caractériser la bonne foi des parties poursuivies, les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne pouvant être réparés que sur ce fondement ;

D’où il suit que le grief allégué n’est pas encouru ;

Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et cinquième branches :

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel, par des motifs répondant aux conclusions dont elle était saisie et sans inverser la charge de la preuve, a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les circonstances particulières invoquées par les prévenus et énoncé les faits sur lesquels elle s’est fondée pour justifier l’admission à leur profit du bénéfice de la bonne foi ;

D’où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche en ce qu’il critique non pas les propos poursuivis mais les conditions de la réalisation du reportage, doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs :

I – Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par M. [T] [M] :

Le DECLARE IRRECEVABLE ;

II – Sur le pourvoi en ce qu’il est formé par l’association cultuelle Institut du Bon Pasteur, M. [G] [D], M. [V] [H] et l’association d’enseignement populaire Saint-Projet :

Le REJETTE ;

FIXE à 2 000 euros la somme globale que l’association cultuelle Institut du Bon Pasteur, MM. [D], [M], [H] et l’association d’enseignement populaire Saint-Projet devront payer à MM. [X] [W], [A] [K], [F] [U], [L] [E], [Z] [B] et à la société France Télévisions en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze novembre deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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