Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2017, 16-12.734, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 21 sept. 2017, n° 16-12.734
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-12.734
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17 décembre 2015, N° 14/12717
Textes appliqués :
Articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, 3 à 6, 8 et 16 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.
Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000035618866
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:SO01979
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 21 septembre 2017

Cassation partielle

Mme X…, conseiller le plus ancien faisant fonction de président

Arrêt n° 1979 F-D

Pourvoi n° X 16-12.734

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par l’association ARTEAI, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 18 décembre 2015 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (18e chambre), dans le litige l’opposant à Mme Patricia Y…, domiciliée […] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 21 juin 2017, où étaient présents : Mme X…, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Z…, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, M. Schamber, conseillers, Mme Becker, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Z…, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l’association ARTEAI, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme Y…, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme Y… a été engagée par l’association pour la rééducation et le traitement des enfants et adultes inadaptés (ARTEAI) en qualité d’aide soignante dans un foyer d’accueil médicalisé, à compter du 13 février 2006 ; qu’à la suite d’un avertissement infligé le 26 janvier 2013, la salariée a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir l’annulation de cette sanction, la résiliation judiciaire du contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais, sur le deuxième moyen :

Vu les articles 288 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, 3 à 6, 8 et 16 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ;

Attendu que dans son arrêt du 12 juillet 1990, C-188/89, Foster, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’ emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, peut être invoqué en vue d’obtenir des dommages-intérêts à l’encontre d’un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre les particuliers ;

Attendu que pour condamner l’employeur à des dommages-intérêts pour non respect des temps de travail par application directe de la directive 2003/88/CE, l’arrêt retient que l’association gère un institut médico-éducatif et un foyer d’accueil médicalisé pour enfants et adultes handicapés, qu’elle a pour but la prise en charge, en internat ou par toute autre structure, le traitement médical et la réadaptation des enfants et adultes inadaptés, qu’elle est directement dépendante de l’autorité publique pour sa création en tant que structure d’accueil des personnes handicapées et gestionnaire de services de soins et médico-sociaux dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique publique concernant l’organisation de l’offre de soins en fonction des besoins de la population, en ce qu’elle est soumise à son contrôle quant à son fonctionnement, notamment par le biais de l’évaluation et de la formation des professionnels de santé, et en ce qu’elle en perçoit une partie de ses financements, que l’employeur est une entité à laquelle peuvent être directement opposés les articles susvisés de la directive 2003/88/CE ;

Qu’en se déterminant comme elle l’a fait, par des motifs impropres à caractériser un organisme qui a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’ accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers (CJCE, 12 juillet 1990, C-188/89, Foster), et qui, à ce titre, peut se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir des effets directs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Et attendu que, conformément à l’article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le deuxième moyen, du chef des dommages-intérêts pour non-respect du temps de travail par application directe de la directive 2003/88/CE, entraîne, par voie de conséquence la cassation sur le troisième moyen du chef du prononcé de la résiliation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne l’ARTEAI à payer à Mme Y… la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du temps de travail par application directe de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l’ARTEAI à payer à Mme Y… les sommes de 2 894 euros à titre d’indemnité de préavis, 289,40 euros à titre d’indemnité de congés payés subséquente, 68 682 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 18 décembre 2015, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Condamne Mme Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation ,chambre sociale, prononcé et signé par Mme X…, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et M. Schamber conseiller en ayant délibéré, conformément à l’article 452 du code de procédure civile en l’audience publique du vingt et un septembre deux mille dix-sept.

Le conseiller le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l’association ARTEAI

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné l’Association ARTEAI à verser à Mme Y… la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif au non-respect de l’obligation de surveillance médicale renforcée, outre une indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « L’article L 3122-42 du code du travail dispose: « Tout travailleur de nuit bénéficie, avant son affectation sur un poste de nuit et à intervalles réguliers d’une durée ne pouvant excéder six mois par la suite, d’une surveillance médicale particulière dont les conditions d’application sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. »

En vertu des prescriptions des articles R 3122-18 et suivants, cette surveillance médicale renforcée, qui a pour objet de permettre au médecin du travail d’apprécier les conséquences éventuelles du travail de nuit pour leur santé et leur sécurité, et d’en appréhender les répercussions potentielles sur leur vie sociale, s’exerce dans des conditions strictes qui imposent notamment que le travailleur ne peut être affecté à un poste de nuit que s’il a fait l’objet d’un examen préalable par le médecin du travail et si la fiche d’aptitude atteste que son état de santé est compatible avec une telle affectation. Cette fiche indique la date de l’étude du poste de travail et celle de la dernière mise à jour de la fiche d’entreprise lorsqu’elle est exigible. Elle est renouvelée tous les six mois, après examen du travailleur par le médecin du travail.

Il en résulte que l’intervalle entre deux visites d’une durée maximale de six mois doit être scrupuleusement observé par l’employeur qui ne peut se contenter d’assurer au salarié une moyenne de deux visites annuelles.

En l’espèce, l’employeur ne justifie pas du respect de cette obligation au regard des seules dates de visites dont il se prévaut, soit des 31 mai 2006, 17 décembre 2007, 12 janvier 2009, 30 avril 2009, 12 novembre 2009, 29 mars 2010, 15 novembre 2010, 20 juin 2011, 10 novembre 2011, 03 mai 2012, 15 novembre 2012, 29 juillet 2013, 07 août 2013 et 14 août 2013.

Il sera donc alloué à la salariée une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice nécessairement subi du fait du non-respect de cette obligation »

ALORS QUE l’octroi de dommages et intérêts suppose l’existence d’un préjudice qu’il appartient aux juges du fond de caractériser ; qu’en se bornant à constater que la fréquence des visites médicales qu’avait subies Mme Y… ne respectait pas l’intervalle entre deux visites d’une durée maximale de six mois pour accorder à la salariée des dommages et intérêts en réparation du préjudice nécessairement subi par elle, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné l’Association à verser à la salariée la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de travail par application de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, outre une indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « La directive 2003/88/CE du 04 novembre 2003, qui fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d’aménagement du temps de travail, s’applique notamment aux périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire ainsi qu’au temps de pause et à la durée maximale hebdomadaire de travail, outre à certains aspects du travail de nuit et du rythme de travail.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, une directive ne peut être opposée qu’à l’Etat membre défaillant, effet direct « vertical », ou à l’autorité étatique, cette notion étant étendue aux organismes et entités soumis à l’autorité ou au contrôle de l’Etat, ou qui disposent de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables entre particuliers.

Au regard de ce principe, les articles 3 sur le repos journalier, 4 sur le temps de pause, 5 sur le repos hebdomadaire, 6 sur la durée de travail maximale hebdomadaire et 8 sur la durée du travail de nuit, peuvent être invoqués directement par le salarié à l’encontre de son employeur si l’association ARTEAI réunit les conditions précitées en tant qu’entité soumise à l’autorité ou au contrôle de l’Etat.

Il y a lieu de procéder à cette analyse à la lumière de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui a posé le principe suivant: « Indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l’inverse, exclure l’existence d’un service public, une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public. Même en l’absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints ».

L’association à but non-lucratif ARTEAI gère un institut médico-éducatif et un foyer d’accueil médicalisé pour enfants et adultes handicapés. Elle a pour but la prise en charge, en internat ou par toute autre structure, le traitement médical et la réadaptation des enfants et adultes inadaptés.

A la lumière des dispositions précitées, en ce qu’elle est directement dépendante de l’autorité publique pour sa création en tant que structure d’accueil des personnes handicapées et gestionnaire de services de soins et médico-sociaux dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique publique concernant l’organisation de l’offre de soins en fonction des besoins de la population, en ce qu’elle est soumise à son contrôle quant à son fonctionnement, notamment par le biais de l’évaluation et de la formation des professionnels de santé, et en ce qu’elle en perçoit une partie de ses financements, l’association ARTEAI est une entité à laquelle peuvent être directement opposés les articles susvisés de la directive 2003/88/CE.

La Cour de cassation a posé le principe suivant lequel «les différentes prescriptions énoncées par la directive de 2003 en matière de temps minimal de repos constituent des règles de droit social d’une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé. »

Les prescriptions énoncées aux articles 3 à 6, 8 et 16 sont suffisamment précises pour être directement appliquées.

Sur le repos journalier, le travailleur doit bénéficier, d’une part, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives, d’autre part, si le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d’un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d’octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale.

Sur le repos hebdomadaire, tout travailleur doit bénéficier, au cours de chaque période de sept jours, d’une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s’ajoutent les onze heures de repos journalier précitées. Si des conditions objectives, techniques ou d’organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de vingt-quatre heures pourra être retenue.

Sur la durée maximale hebdomadaire de travail, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, la durée hebdomadaire du travail doit être limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux; la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours ne doit pas excéder quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires.

Enfin, la durée du travail de nuit ne doit pas dépasser huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures. Les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes, tel que défini par les normes nationales ou même aux termes de pratiques, ne peuvent travailler plus de huit heures au cours d’une période de vingt-quatre heures durant laquelle ils effectuent un travail de nuit.

Toutefois, des dérogations aux règles prévues aux articles 3, sur le repos journalier, 4 sur le temps de pause, et 5 sur le repos hebdomadaire, peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l’octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n’est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés.

Il peut être de même dérogé aux articles susvisés, mais en outre aux article 8 sur la durée du travail de nuit et 16 sur les périodes de référence, notamment pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes, pour les activités caractérisées par la nécessité d’assurer la continuité du service lorsqu’il s’agit des services relatifs à la réception, au traitement et/ou aux soins donnés par des hôpitaux ou des établissements similaires, et par des institutions résidentielles.

Enfin, un État membre a la faculté de ne pas appliquer l’article 6 sur la durée maximale du travail hebdomadaire tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu’il s’assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que l’employeur n’impose pas au travailleur une durée de travail supérieure à quarante-huit heures au cours d’une période de sept jours.

En ce qu’elle prévoit une durée hebdomadaire de 48 heures et de 44 heures sur douze semaines, la convention collective du travail secteur sanitaire, social et médico-social du 26 août 1965 n’est pas contraire à la directive.

Il résulte de cette convention collective et de l’accord du 08 juillet 2004 applicable au personnel soignant de nuit, d’une part, que la durée quotidienne de travail effectif applicable à cette catégorie de personnel peut atteindre 12 heures maximum, « pour les services impliquant une continuité de prise en charge et de sécurité des usagers (par exemple le personnel assurant le coucher et le lever des usagers ) », d’autre part que pour les personnels, dont l’aide-soignante, qui ne peuvent disposer d’une réelle disponibilité pendant le temps de pause en raison des spécificités de leur poste de travail, les temps de pause de 20 minutes pour six heures de travail quotidien sont considérés comme du travail effectif.

Si ces dispositions sont susceptibles de répondre aux critères définis par la directive puisqu’il s’agit d’assurer la continuité du service de traitement ou de soins donnés dans le type d’établissement qu’elle vise, la convention et l’accord précités, en ce qu’ils n’assurent qu’une compensation progressive partielle en heures des temps de pause et de repos et des contreparties salariales outre un repos compensateur fixé à 1 % du temps de travail réalisé pendant la plage de nuit, soit l’équivalent de deux jours de repos en plus par an, ne sont pas conformes à la directive pour ne pas prévoir des périodes équivalentes de repos compensateur, et, dans des cas exceptionnels dans lesquels l’octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur ne serait pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée accordée aux travailleurs concernés.

Au moyen d’un planning de nuit de l’année 2012, d’une note concernant le temps de pause des veilleurs de nuit rappelant que les temps de pause non-pris pour les nécessités du service sont du travail effectif, et d’une note d’explication générale sur les congés et le calcul du temps de travail sur une base annuelle, et en se référant à une convention collective, à un accord d’entreprise conclu pour son application, et à l’accord du 08 juillet 2004 qui pourtant ne respectent pas les prescriptions de la directive précitées, l’employeur ne justifie pas du respect de ses obligations sur les temps de pause et de repos, et doit réparer le préjudice nécessaire qui en découle pour la salariée.

Considérant la nature du travail, s’agissant d’assurer la surveillance et les soins de nuit au bénéfice de personnes handicapées, et la durée de la relation de travail, il sera alloué à la salariée une somme de 5.000 euros à titre d’indemnisation incluant la perte des heures récupérables »

1/ ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire; qu’il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations; qu’en relevant d’office que la directive n° 2003/88/CE avait un effet direct vertical qui pouvait être opposé à l’ARTEAI en sa qualité d’association gérant une structure d’accueil des personnes handicapées et gestionnaire de services de soins et médico-sociaux, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur la possibilité d’opposer à l’ARTEAI l’effet direct vertical de la directive, la Cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE le juge ne peut se fonder sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu’en affirmant que l’ARTEAI est directement dépendante de l’autorité publique pour sa création en tant que structure d’accueil des personnes handicapées et gestionnaire de services de soins et médico-sociaux dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique publique concernant l’organisation de l’offre de soins en fonction des besoins de la population, qu’elle est soumise à son contrôle quant à son fonctionnement, notamment par le biais de l’évaluation et de la formation des professionnels de santé, et qu’elle en perçoit une partie de ses financements, la Cour d’appel a violé l’article 7 du Code de procédure civile ;

3/ ALORS QUE les directives non transposées dans les délais n’ont qu’un effet direct vertical ; que figure au nombre des entités qui peuvent se voir opposer les dispositions d’une directive susceptible d’avoir des effets directs tout organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers ; qu’en se bornant à relever que l’ARTEAI est directement dépendante de l’autorité publique pour sa création en tant que structure d’accueil des personnes handicapées et gestionnaire de services de soins et médicosociaux dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique publique concernant l’organisation de l’offre de soins en fonction des besoins de la population, qu’elle est soumise à son contrôle quant à son fonctionnement, notamment par le biais de l’évaluation et de la formation des professionnels de santé, qu’elle en perçoit une partie de ses financements, pour lui opposer les dispositions de la Directive 2003/88/CE, sans caractériser ni qu’elle était chargée en vertu d’un acte de l’autorité publique d’ accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’ intérêt public, ni qu’elle disposait de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 288 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, et la Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d’AVOIR en conséquence condamné l’Association à verser à Mme Y… diverses sommes à titre d’indemnité de rupture et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE L’article L 3122-42 du code du travail dispose: « Tout travailleur de nuit bénéficie, avant son affectation sur un poste de nuit et à intervalles réguliers d’une durée ne pouvant excéder six mois par la suite, d’une surveillance médicale particulière dont les conditions d’application sont déterminées par décret en Conseil d’Etat. »

En vertu des prescriptions des articles R 3122-18 et suivants, cette surveillance médicale renforcée, qui a pour objet de permettre au médecin du travail d’apprécier les conséquences éventuelles du travail de nuit pour leur santé et leur sécurité, et d’en appréhender les répercussions potentielles sur leur vie sociale, s’exerce dans des conditions strictes qui imposent notamment que le travailleur ne peut être affecté à un poste de nuit que s’il a fait l’objet d’un examen préalable par le médecin du travail et si la fiche d’aptitude atteste que son état de santé est compatible avec une telle affectation. Cette fiche indique la date de l’étude du poste de travail et celle de la dernière mise à jour de la fiche d’entreprise lorsqu’elle est exigible. Elle est renouvelée tous les six mois, après examen du travailleur par le médecin du travail.

Il en résulte que l’intervalle entre deux visites d’une durée maximale de six mois doit être scrupuleusement observé par l’employeur qui ne peut se contenter d’assurer au salarié une moyenne de deux visites annuelles.

En l’espèce, l’employeur ne justifie pas du respect de cette obligation au regard des seules dates de visites dont il se prévaut, soit des 31 mai 2006, 17 décembre 2007, 12 janvier 2009, 30 avril 2009, 12 novembre 2009, 29 mars 2010, 15 novembre 2010, 20 juin 2011, 10 novembre 2011, 03 mai 2012, 15 novembre 2012, 29 juillet 2013, 07 août 2013 et 14 août 2013.

Il sera donc alloué à la salariée une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice nécessairement subi du fait du non-respect de cette obligation »

ET QUE « La Cour de cassation a posé le principe suivant lequel «les différentes prescriptions énoncées par la directive de 2003 en matière de temps minimal de repos constituent des règles de droit social d’une importance particulière dont doit bénéficier chaque travailleur en tant que prescription minimale nécessaire pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé. »

Les prescriptions énoncées aux articles 3 à 6, 8 et 16 sont suffisamment précises pour être directement appliquées.

Sur le repos journalier, le travailleur doit bénéficier, d’une part, au cours de chaque période de vingt-quatre heures, d’une période minimale de repos de onze heures consécutives, d’autre part, si le temps de travail journalier est supérieur à six heures, d’un temps de pause dont les modalités, et notamment la durée et les conditions d’octroi, sont fixées par des conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux ou, à défaut, par la législation nationale.

Sur le repos hebdomadaire, tout travailleur doit bénéficier, au cours de chaque période de sept jours, d’une période minimale de repos sans interruption de vingt-quatre heures auxquelles s’ajoutent les onze heures de repos journalier précitées. Si des conditions objectives, techniques ou d’organisation du travail le justifient, une période minimale de repos de vingt-quatre heures pourra être retenue.

Sur la durée maximale hebdomadaire de travail, en fonction des impératifs de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, la durée hebdomadaire du travail doit être limitée au moyen de dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux; la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours ne doit pas excéder quarante-huit heures, y compris les heures supplémentaires.

Enfin, la durée du travail de nuit ne doit pas dépasser huit heures en moyenne par période de vingt-quatre heures. Les travailleurs de nuit dont le travail comporte des risques particuliers ou des tensions physiques ou mentales importantes, tel que défini par les normes nationales ou même aux termes de pratiques, ne peuvent travailler plus de huit heures au cours d’une période de vingt-quatre heures durant laquelle ils effectuent un travail de nuit.

Toutefois, des dérogations aux règles prévues aux articles 3, sur le repos journalier, 4 sur le temps de pause, et 5 sur le repos hebdomadaire, peuvent être adoptées par voie législative, réglementaire et administrative ou par voie de conventions collectives ou d’accords conclus entre partenaires sociaux, à condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés ou que, dans des cas exceptionnels dans lesquels l’octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur n’est pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée soit accordée aux travailleurs concernés.

Il peut être de même dérogé aux articles susvisés, mais en outre aux article 8 sur la durée du travail de nuit et 16 sur les périodes de référence, notamment pour les activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la nécessité d’assurer la protection des biens et des personnes, pour les activités caractérisées par la nécessité d’assurer la continuité du service lorsqu’il s’agit des services relatifs à la réception, au traitement et/ou aux soins donnés par des hôpitaux ou des établissements similaires, et par des institutions résidentielles.

Enfin, un État membre a la faculté de ne pas appliquer l’article 6 sur la durée maximale du travail hebdomadaire tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu’il s’assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que l’employeur n’impose pas au travailleur une durée de travail supérieure à quarante-huit heures au cours d’une période de sept jours.

En ce qu’elle prévoit une durée hebdomadaire de 48 heures et de 44 heures sur douze semaines, la convention collective du travail secteur sanitaire, social et médico-social du 26 août 1965 n’est pas contraire à la directive.

Il résulte de cette convention collective et de l’accord du 08 juillet 2004 applicable au personnel soignant de nuit, d’une part, que la durée quotidienne de travail effectif applicable à cette catégorie de personnel peut atteindre 12 heures maximum, « pour les services impliquant une continuité de prise en charge et de sécurité des usagers (par exemple le personnel assurant le coucher et le lever des usagers ) », d’autre part que pour les personnels, dont l’aide-soignante, qui ne peuvent disposer d’une réelle disponibilité pendant le temps de pause en raison des spécificités de leur poste de travail, les temps de pause de 20 minutes pour six heures de travail quotidien sont considérés comme du travail effectif.

Si ces dispositions sont susceptibles de répondre aux critères définis par la directive puisqu’il s’agit d’assurer la continuité du service de traitement ou de soins donnés dans le type d’établissement qu’elle vise, la convention et l’accord précités, en ce qu’ils n’assurent qu’une compensation progressive partielle en heures des temps de pause et de repos et des contreparties salariales outre un repos compensateur fixé à 1 % du temps de travail réalisé pendant la plage de nuit, soit l’équivalent de deux jours de repos en plus par an, ne sont pas conformes à la directive pour ne pas prévoir des périodes équivalentes de repos compensateur, et, dans des cas exceptionnels dans lesquels l’octroi de telles périodes équivalentes de repos compensateur ne serait pas possible pour des raisons objectives, une protection appropriée accordée aux travailleurs concernés.

Au moyen d’un planning de nuit de l’année 2012, d’une note concernant le temps de pause des veilleurs de nuit rappelant que les temps de pause non-pris pour les nécessités du service sont du travail effectif, et d’une note d’explication générale sur les congés et le calcul du temps de travail sur une base annuelle, et en se référant à une convention collective, à un accord d’entreprise conclu pour son application, et à l’accord du 08 juillet 2004 qui pourtant ne respectent pas les prescriptions de la directive précitées, l’employeur ne justifie pas du respect de ses obligations sur les temps de pause et de repos, et doit réparer le préjudice nécessaire qui en découle pour la salariée »

ET QUE « En application des dispositions de l’article R 4624-28 du code du travail le temps correspondant aux visites médicales obligatoires est du temps de travail effectif.

Au regard des critères énoncés à l’article L 3121-1, le temps passé en réunion de travail, durant lesquelles la salariée était à la disposition de l’employeur et se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles, ce qui résulte notamment des termes du compte-rendu de la réunion du 28 novembre 2012, est également du temps de travail effectif.

Il n’est pas contesté que la salariée s’est rendue à des visites médicales et qu’elle était astreinte à assister à des réunions régulières pour organiser le travail, notamment les gardes de nuit, de sorte qu’en l’absence de preuve inverse, le travail effectif correspondant doit être rémunéré comme tel à hauteur de la somme de 428,85 euros correspondant à 36 heures ».

L’employeur sera donc condamné au paiement de cette somme outre de celle de 42,88 euros à titre d’indemnité de congés payés subséquents »

ET QUE « La réalité d’agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel, ne peut se déduire de l’absence de récupération ou de rémunération de 481 heures sur une période de presque sept années, du non-paiement de 36 heures de travail effectif passé en réunion de travail ou pour subir une visite médicale, et du non-respect partiel de l’obligation renforcée de surveillance médicale des travailleurs de nuit, non-révélateurs d’un contexte professionnel particulièrement dégradé mais caractérisant une violation grave et réitérée de ses obligations par l’employeur.

Dès lors que la demande de résiliation de la salariée remonte à la saisine de la juridiction de première instance et que le licenciement postérieur, fondé sur d’autres faits, ne la rend pas caduque, il y aura lieu de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur »

1/ ALORS QUE la cassation à intervenir sur le deuxième moyen de cassation entraînera la cassation par voie de conséquence de ce chef de dispositif en application de l’article 624 du Code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ne peut être prononcée que lorsqu’elle est fondée sur des manquements suffisamment graves de l’employeur qui rendent impossible la poursuite du contrat de travail ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que si l’ARTEAI n’avait pas strictement observé un intervalle de six mois entre chaque visite médicale, Mme Y… avait néanmoins bénéficié de 14 visites médicales sur une période de sept ans ; que la Cour d’appel a encore relevé que si l’ARTEAI ne justifiait pas avoir respecté les dispositions de la Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 en matière de temps de travail de nuit et de temps de pause, elle justifiait néanmoins s’être conformée aux dispositions conventionnelles applicables, qui ne sont pas conformes à la Directive uniquement en ce qu’elles ne prévoient pas en cas de dépassement des durées maximales prévues, des périodes équivalentes de repos compensateur; qu’enfin la Cour d’appel a relevé que le non paiement du temps passé en réunion et en visite médicale ne portait que sur la somme de 428, euros ; qu’en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’ARTEAI, sans aucunement caractériser que ces manquements anciens étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1184 du Code civil.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 21 septembre 2017, 16-12.734, Inédit