Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 septembre 2018, 18-40.028, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COMM.

COUR DE CASSATION

IK

______________________

QUESTION PRIORITAIRE

de

CONSTITUTIONNALITÉ

______________________

Audience publique du 27 septembre 2018

RENVOI PARTIEL

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 894 FS-D

Affaire n° F 18-40.028

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Vu le jugement rendu le 2 juillet 2018 par le tribunal de commerce de Paris, transmettant à la Cour de cassation les questions prioritaires de constitutionnalité, reçues le 3 juillet 2018, dans l’instance mettant en cause :

d’une part,

le ministre de l’économie et des finances, domicilié […] , représenté par Mme Virginie X…, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, domiciliée […] ;

d’autre part,

1°/ la société Interdis, société en nom collectif,

2°/ la société Carrefour administratif France, société par actions simplifiée,

ayant toutes deux leur siège […] ,

3°/ la société Carrefour hypermarchés, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

4°/ la société CSF, société par actions simplifiée,

5°/ la société Carrefour proximité France, société par actions simplifiée,

ayant toutes deux leur siège […] ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 25 septembre 2018, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Z…, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Laporte, M. Grass, Mmes Darbois, Orsini, Poillot-Peruzzetto, MM. Sémériva, Cayrol, Mmes Daubigney, Sudre, conseillers, M. Contamine, Mme Le Bras, M. Guerlot, Mmes de Cabarrus, Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z…, conseiller, les observations de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat des sociétés Interdis, Carrefour administratif France, Carrefour hypermarchés, CSF et Carrefour proximité France, de la SCP Foussard et Froger, avocat du ministre de l’économie et des finances, l’avis de Mme A…, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que les questions transmises sont ainsi rédigées :

Première question :

« L’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce qui, tel qu’il est désormais interprété par la Cour de cassation, permet au juge :

i) d’interdire à un partenaire commercial donné d’insérer, à l’avenir, certaines clauses dans ses contrats, quelles que soient la personne du cocontractant à venir ou les adaptations logistiques rendues nécessaires, dans le futur, par l’évolution de la distribution, et/ou

ii) d’exercer un contrôle sur les prix,

porte-t-il atteinte à la présomption d’innocence, au principe de légalité des délits et des peines, ainsi qu’à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre, respectivement garantis par les articles 8, 9, 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 reprises dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, ainsi qu’au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 reprise dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l’article 1er de la Constitution ? » ;

Seconde question :

« L’article L. 441-7, I du code de commerce qui, tel qu’il est désormais interprété par la Cour de cassation, permet au juge d’exercer, en application de l’article L. 442-6, I, 2° du même code, un contrôle sur les prix, porte-t-il atteinte à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre, respectivement garanties par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 reprise dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 ? » ;

Sur la première question :

Attendu que l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce, dans sa version en cause, dispose que « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (…) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ;

Attendu que ce texte est applicable au litige, le ministre chargé de l’économie ayant saisi la juridiction de pratiques imputées aux sociétés Interdis, Carrefour administratif France, Carrefour hypermarchés, CSF et Carrefour proximité France afin qu’il soit jugé qu’elles sont contraires à ce texte, en demandant leur cessation et la condamnation de leurs auteurs à une amende civile ;

Attendu que si cette disposition a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2010-85 QPC rendue le 13 janvier 2011 par le Conseil constitutionnel, est intervenu depuis cette décision un changement de circonstance de droit résultant d’un arrêt de cette Cour (Com., 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-23.547, Bull. 2017, IV, n° 13), lequel, en énonçant que l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce autorise un contrôle judiciaire du prix dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, confère une portée nouvelle à cette disposition ;

Sur la question, en son point i) :

Attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;

Et attendu que la question ne présente pas un caractère sérieux en ce que ce n’est pas l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce qui permet de prohiber l’insertion dans des contrats commerciaux de clauses créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties mais l’article L. 442-6, III, alinéa 2 de ce code ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Sur la question, en son point ii) :

Attendu que la question posée présente un caractère sérieux ;

D’où il suit qu’il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Sur la seconde question :

Attendu que l’article L. 441-7, I du code de commerce, dans sa version en cause, dispose que :

« I.-Une convention écrite conclue entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services indique les obligations auxquelles se sont engagées les parties, dans le respect des articles L. 441-6 et L. 442-6, en vue de fixer le prix à l’issue de la négociation commerciale. Elle indique le barème de prix tel qu’il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses conditions générales de vente, ou les modalités de consultation de ce barème dans la version ayant servi de base à la négociation. Etablie soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat-cadre annuel et des contrats d’application, elle fixe :

1° Les conditions de l’opération de vente des produits ou des prestations de services telles qu’elles résultent de la négociation commerciale dans le respect de l’article L. 441-6, y compris les réductions de prix ;

2° Les conditions dans lesquelles le distributeur ou le prestataire de services rend au fournisseur, à l’occasion de la revente de ses produits ou services aux consommateurs ou en vue de leur revente aux professionnels, tout service propre à favoriser leur commercialisation ne relevant pas des obligations d’achat et de vente, en précisant l’objet, la date prévue, les modalités d’exécution, la rémunération des obligations ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent ;

3° Les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur ou le prestataire de services, en précisant pour chacune l’objet, la date prévue et les modalités d’exécution, ainsi que la rémunération ou la réduction de prix globale afférente à ces obligations.

La convention unique ou le contrat-cadre annuel est conclu avant le 1er mars ou dans les deux mois suivant le point de départ de la période de commercialisation des produits ou des services soumis à un cycle de commercialisation particulier.

La rémunération des obligations relevant des 2° et 3° ainsi que, le cas échéant, la réduction de prix globale afférente aux obligations relevant du 3° ne doivent pas être manifestement disproportionnées par rapport à la valeur de ces obligations.

Les obligations relevant des 1° et 3° concourent à la détermination du prix convenu. Celui-ci s’applique au plus tard le 1er mars. La date d’entrée en vigueur des clauses prévues aux 1° à 3° ne peut être ni antérieure ni postérieure à la date d’effet du prix convenu. Le fournisseur communique ses conditions générales de vente au distributeur au plus tard trois mois avant la date butoir du 1er mars ou, pour les produits ou services soumis à un cycle de commercialisation particulier, deux mois avant le point de départ de la période de commercialisation.

Les conditions dans lesquelles, le cas échéant, le fournisseur s’engage à accorder aux consommateurs, en cours d’année, des avantages promotionnels sur ses produits ou services sont fixées dans le cadre de contrats de mandat confiés au distributeur ou prestataire de services ; conclu et exécuté conformément aux articles 1984 et suivants du code civil, chacun de ces contrats de mandat précise, notamment, le montant et la nature des avantages promotionnels accordés, la période d’octroi et les modalités de mise en oeœuvre de ces avantages ainsi que les modalités de reddition de comptes par le distributeur au fournisseur.

Sans préjudice des dispositions et stipulations régissant les relations entre les parties, le distributeur ou le prestataire de services répond de manière circonstanciée à toute demande écrite précise du fournisseur portant sur l’exécution de la convention, dans un délai qui ne peut dépasser deux mois. Si la réponse fait apparaître une mauvaise application de la convention ou si le distributeur s’abstient de toute réponse, le fournisseur peut le signaler à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation.

Le présent I n’est pas applicable aux produits mentionnés au premier alinéa de l’article L. 441-2-1, ni à la convention conclue entre un fournisseur et un grossiste conformément à l’article L. 441-7-1" ;

Attendu que le ministre entendant, aux termes de son assignation, voir juger que les sociétés mises en cause ont subordonné la négociation de la convention prévue par ce texte à l’octroi d’une remise dans des conditions caractérisant une pratique prohibée par l’article L. 442-6, I, 2° du même code, la disposition contestée par la question est applicable au litige ;

Mais attendu, d’une part, que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle ;

Et attendu, d’autre part, que la question ne présente pas un caractère sérieux en ce que le contrôle du prix repose sur l’interprétation jurisprudentielle de l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce invoquée par la première question et non sur celle de l’article L. 441-7, I du même code ;

D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question suivante : "L’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce qui, tel qu’il est désormais interprété par la Cour de cassation, permet au juge d’exercer un contrôle sur les prix, porte-t-il atteinte à la présomption d’innocence, au principe de légalité des délits et des peines, ainsi qu’à la liberté contractuelle et à la liberté d’entreprendre, respectivement garantis par les articles 8, 9, 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 reprises dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, ainsi qu’au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 reprise dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l’article 1er de la Constitution ?" ;

DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la première question prioritaire de constitutionnalité, prise en son point i), ni la seconde question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-huit.

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