Tribunal administratif de Caen, 1ère chambre, 25 novembre 2022, n° 2001427

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Association Lyonnaise du Droit Administratif · 25 février 2023

Si, en principe, le fait qu'une décision administrative ait un champ d'application territorial fait obstacle à ce qu'une association ayant un ressort national justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour en demander l'annulation, il peut en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales. Ce principe est régulièrement rappelé – et mis en œuvre - par le Conseil d'Etat, et ce encore dernièrement, voir CE, 24 juin 2022, n° …

 

blog.landot-avocats.net · 15 février 2023

Nouvelle diffusion Nombre de départements sont « revenus » aux 90 km / h sur un grand nombre de leurs routes avec plus ou moins de subtilité dans le ciselage et la motivation des décisions ainsi prises. Faisons donc le point, en vidéo puis sous la forme d'un article, sur les premières jurisprudences rendues à ce sujet. I. Vidéo Commençons avec cette courte vidéo (4 mn 11) : https://youtu.be/T1T6iYucpyo II. Article Voir ensuite : III. Sources Décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 ; loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) ; article …

 

blog.landot-avocats.net · 26 décembre 2022

Nouvelle diffusion Nombre de départements sont « revenus » aux 90 km / h sur un grand nombre de leurs routes avec plus ou moins de subtilité dans le ciselage et la motivation des décisions ainsi prises. Faisons donc le point, en vidéo puis sous la forme d'un article, sur les premières jurisprudences rendues à ce sujet. I. Vidéo Commençons avec cette courte vidéo (4 mn 11) : https://youtu.be/T1T6iYucpyo II. Article Voir ensuite : III. Sources Décret n° 2018-487 du 15 juin 2018 ; loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) ; article …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Caen, 1re ch., 25 nov. 2022, n° 2001427
Juridiction : Tribunal administratif de Caen
Numéro : 2001427
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 27 novembre 2022

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet et 20 décembre 2020, la Ligue contre la violence routière – fédération nationale, représentée par la SELARL Montpensier avocats, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler les cent trente-huit arrêtés du 10 juin 2020 par lesquels le président du conseil départemental de l’Orne a relevé à 90 km/h la vitesse maximale autorisée sur certaines portions de routes départementales ;

2°) de mettre à la charge du département de l’Orne la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— elle a intérêt à agir contre les arrêtés contestés ;

— les arrêtés sont insuffisamment motivés en ce qu’ils présentent une motivation identique sans tenir compte des caractéristiques propres à chaque section de route, ne contiennent aucun motif lié à l’accidentalité des sections de route concernées et ne mentionnent pas les motifs relatifs aux effets bénéfiques ou neutres attendus en matière de sécurité routière ;

— la commission départementale de sécurité routière a été saisie pour avis avant que la CEREMA n’ait rendu son rapport final d’évaluation ;

— l’étude d’accidentalité produite devant la commission départementale de sécurité routière ne reposait pas sur des données d’accidentalité pertinentes et actuelles ;

— l’étude d’accidentalité présentée à la commission départementale ne peut reposer sur des critères pertinents et actuels, dès lors que ceux-ci permettent un relèvement de la vitesse sur des sections de voies secondaires où la mortalité est la plus élevée dans le département ;

— les arrêtés se fondent sur une étude d’accidentalité qui intervient très peu de temps après l’application d’une vitesse maximale autorisée de 80 km/h ;

— l’Orne est l’un des seuls départements à avoir connu une hausse du nombre de morts sur les routes, pour un million d’habitants, entre 2010 et 2014 et entre 2015 et 2019, accompagnée d’une hausse des infractions pour excès de vitesse entre 2018 et 2019 ;

— le département de l’Orne ne justifie pas le taux d’accident retenu pour procéder au relèvement de la vitesse, alors que la moyenne du taux d’accident dans l’Orne est de 3,72 pour les routes de 1ère catégorie et de 5,82 pour les routes de 2ème catégorie ;

— le département de l’Orne ne justifie pas que le relèvement de la vitesse à 90 km/h sur les portions de route concernées aurait un effet positif sur l’économie locale ;

— dès lors, les arrêtés attaqués sont entachés d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 octobre 2020 et 28 avril 2021, le conseil départemental de l’Orne, représenté par la SELARL Lexcap, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la requête est irrecevable, dès lors que l’association requérante est dépourvue de tout intérêt à agir à l’encontre des arrêtés attaqués, en raison de la généralité de son objet et des incidences des arrêtés sur le seul territoire du département de l’Orne ;

— les moyens ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 28 octobre 2020, la Ligue contre la violence routière – fédération nationale a demandé au tribunal de transmettre au Conseil d’Etat une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 3221-4-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 36 de la loi n° 2019-1429 du 24 décembre 2019.

Par un mémoire en réponse à la question prioritaire de constitutionnalité, enregistré le 4 novembre 2020, le département de l’Orne conclut au rejet de celle-ci.

Par une ordonnance du 11 décembre 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l’association requérante.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des collectivités territoriales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. A,

— les conclusions de M. Bonneu, rapporteur public,

— et les observations de Me Cazo, représentant le département de l’Orne.

Considérant ce qui suit :

1. La Ligue contre la violence routière – fédération nationale demande l’annulation de cent trente-huit arrêtés du 10 juin 2020 par lesquels le président du conseil départemental de l’Orne a relevé à 90 km/h la vitesse maximale autorisée sur les sections de routes départementales de 1ère et de 2ème catégories ne comportant pas au moins deux voies affectées à un même sens de circulation.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le département de l’Orne :

2. Si, en principe, le fait qu’une décision administrative ait un champ d’application territorial fait obstacle à ce qu’une association ayant un ressort national justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour en demander l’annulation, il peut en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales.

3. En premier lieu, l’association requérante fédère les associations départementales des départements où de telles associations se sont constituées, ce qui n’est pas le cas dans l’Orne. Son objet est de lutter par tous les moyens légaux contre les manifestations de la violence routière et de prévenir les accidents de la circulation. Il est ainsi suffisamment précis et en adéquation avec l’objet des arrêtés litigieux, qui ont nécessairement un impact sur la sécurité routière.

4. En second lieu, les mesures de police édictées par chacun des arrêtés litigieux répondent à une situation susceptible d’être rencontrée dans d’autres départements et présentent une portée excédant leur seul objet local, aucune des sections de route concernées n’ayant vocation à accueillir uniquement des usagers locaux. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le département de l’Orne, la circonstance que l’association requérante a un champ d’intervention national n’est pas de nature à la priver d’intérêt à agir contre les arrêtés en litige.

5. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir soulevée par le département de l’Orne doit être écarté.

Sur les conclusions en annulation :

6. Aux termes de l’article L. 3221-4-1 du code général des collectivités territoriales : « Le président du conseil départemental ou, lorsqu’il est l’autorité détentrice du pouvoir de police de la circulation, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut fixer, pour les sections de routes hors agglomération relevant de sa compétence et ne comportant pas au moins deux voies affectées à un même sens de circulation, une vitesse maximale autorisée supérieure de 10 km/ h à celle prévue par le code de la route. Cette décision prend la forme d’un arrêté motivé, pris après avis de la commission départementale de la sécurité routière, sur la base d’une étude d’accidentalité portant sur chacune des sections de route concernées ».

7. Il résulte des dispositions précitées que la motivation d’un tel arrêté doit comporter les éléments permettant de connaître les raisons rendant possible le relèvement de la vitesse maximale autorisée pour chacune des sections de route concernées, en tenant compte notamment de l’accidentalité.

8. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier le relèvement à 90 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les sections de routes départementales concernées, les arrêtés attaqués reprennent une motivation identique selon laquelle « les caractéristiques techniques des routes départementales, en particulier la géométrie et les équipements de sécurité » sont compatibles avec ce relèvement. Ces arrêtés se fondent sur la circonstance que l’application, pendant près de dix-huit mois, d’une limitation de vitesse à 80 km/h n’aurait pas démontré son efficacité et précisent que cette mesure vise à lutter contre l’augmentation des temps de parcours ayant une incidence négative sur l’économie. Or, ces arrêtés, qui visent pourtant une étude d’accidentalité présentée devant la commission départementale de sécurité routière le 9 juin 2020, ne mentionnent pas les motifs justifiant un relèvement de la vitesse maximale autorisée au regard de l’étude d’accidentalité et ce, pour chacune des sections de routes départementales concernées. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation des arrêtés litigieux doit être accueilli.

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la Ligue contre la violence routière – fédération nationale est fondée à demander l’annulation des cent trente-huit arrêtés du 10 juin 2020 par lesquels le président du conseil départemental de l’Orne a relevé à 90 km/h la vitesse maximale autorisée sur certaines sections de routes départementales.

Sur la modulation dans le temps des effets de l’annulation :

10. L’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif – après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause – de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation. Il lui revient d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine.

11. L’annulation rétroactive des arrêtés du 10 juin 2020, qui aurait pour conséquence de remettre immédiatement en vigueur la vitesse maximale prévue par le code de la route sur les routes concernées, obligerait le département de l’Orne à procéder à la dépose de l’ensemble des panneaux fixant la limitation à 90 km/h. Elle pourrait également entraîner une remise en cause du fondement légal et du quantum des infractions au code de la route constatées pendant la période d’application des arrêtés. Ainsi, une telle annulation porterait une atteinte manifestement excessive aux intérêts du département de l’Orne et des automobilistes. Dès lors, afin notamment de permettre au président du département de l’Orne d’édicter, s’il le souhaite, de nouveaux arrêtés pour maintenir la vitesse à 90 km/h et de ne pas pénaliser les usagers de la route, il y a lieu de différer au 1er février 2023 les effets de l’annulation des arrêtés du 10 juin 2020.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du département de l’Orne la somme de 1 000 euros à verser à l’association requérante en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du présent jugement à l’encontre des actes pris sur leurs fondements, les cent-trente-huit arrêtés du 10 juin 2020 par lesquels le président du conseil départemental de l’Orne a relevé la vitesse maximale autorisée à 90 km/h, sont annulés à compter du 1er février 2023.

Article 2 : Le département de l’Orne versera à la Ligue contre la violence routière – fédération nationale une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la Ligue contre la violence routière – fédération nationale et au département de l’Orne.

Délibéré après l’audience du 10 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Cheylan, président,

M. Martinez, premier conseiller,

Mme Arniaud, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2022.

Le président-rapporteur,

Signé

F. A

L’assesseur le plus ancien,

Signé

P. MARTINEZ

La greffière,

Signé

C. BENIS

La République mande et ordonne au préfet de l’Orne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

la greffière,

A. Lapersonne

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Tribunal administratif de Caen, 1ère chambre, 25 novembre 2022, n° 2001427