Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 8 février 2013, n° 10/06066

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 8 févr. 2013, n° 10/06066
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 10/06066

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3e chambre 3e section

N° RG :

10/06066

N° MINUTE :

Assignation du :

16 Avril 2010

JUGEMENT

rendu le 08 Février 2013

DEMANDEURS

Société K L SARL

[…]

[…]

Monsieur C Y

[…]

[…]

représenté par Me M N, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2536

DÉFENDERESSES

Société Z – AUTEURS LIVRES SCENARIO POUR L’ECRITURE AUDIOVISUELLE SA

[…]

[…]

représentée par Me Virginie MEYRIER, de la SELARL DORE MEYRIER, vocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0292

SOCIETE CIVILE RMV

[…]

[…]

représentée par Me O P Q, D avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0043 & Me Thomas ROCHE de la SELARL ROCHE & ASSOCIES, Avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie SALORD , Vice-Président, signataire de la décision

D E, Juge

F G, Juge

assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision

DEBATS

A l’audience du 26 Novembre 2012

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé par remise de la décision au greffe

Contradictoire

en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société K L est une société d’architecture créée en 1987 dont l’un des fondateurs et associés est M. C Y.

Le 15 juin 1998, la société K L a conclu un contrat d’architecte avec la SCI RMV en vue de la conception d’une maison située Route de Genève à […] (Rhône) dite "La maison dans la forêt", pour M. et Mme X, les propriétaires.

La société K L et M. Y indiquent avoir découvert que la maison servait, sans leur autorisation et sans mention du nom de M. Y, de décor au film de H I "La fille coupée en deux", sorti dans les salles le 8 août 2007, édité en DVD et VHS en mars 2008 diffusé sur Canal + en septembre 2008 puis sur France 2 en 2010.

Une telle utilisation de la maison comme décor du film résulte d’une convention de tournage conclue le 4 septembre 2006 entre les sociétés Z et RMV.

M. Y déclare s’être rapproché de la société Z, producteur du film litigieux, afin que son nom soit mentionné au générique par un courriel du 9 juillet 2007.

Le 12 juillet 2007, la société Z répondait à M. Y qu’elle n’avait pas été mise au courant de l’existence d’un architecte, mais ne donnait pas suite à sa requête d’inscription au générique. M. Y lui a alors envoyé un courrier recommandé en date du 2 août 2007 tendant à la modification du générique du DVD, puisqu’il était trop tard pour modifier celui du film. Il demandait l’inscription de la mention suivante: "La maison dans la forêt a été conçue par C Y, Architecte au sein de l’K L ".

Par courriel du 6 août 2007, la société Z lui a indiqué avoir publié sur le site internet dédié au film « lafillecoupéeendeux.com » une mention accompagnant une photographie de la maison, extraite du film.

Le 8 mars 2008, M. Y indique avoir constaté que le générique du film DVD n’avait pas été modifié et qu’il n’y était pas mentionné. Son nom est néanmoins mentionné en bas de la jaquette du DVD et sur le carton de protection.

Estimant cette mesure insuffisante, la société K L et M. Y ont dans un premier temps envoyé une lettre de mise en demeure à la société Z le 20 juin 2008, puis, en l’absence de réponse, ont fait établir un procès-verbal d’huissier le 20 octobre 2008 duquel il ressort que la maison apparaît à plusieurs reprises pour une durée totale de 3 minutes 33 secondes au cours du film de 115 minutes.

C’est dans ces conditions qu’ils ont saisi le président du tribunal de grande instance de Nanterre statuant en référé en date du 12 février 2009. Celui-ci s’est prononcé par ordonnance du 12 mars 2009 en refusant d’ordonner le retrait des circuits commerciaux des DVD litigieux, mais en enjoignant à la société Z "de communiquer aux demandeurs tout documents permettant de déterminer la diffusion passée et actuelle du film « La fille coupée en deux".

La société K L et M. Y ont assigné au fond la société Z, producteur et M. H I, co-auteur, par assignations délivrées les 16 et 21 avril 2010.

Par acte d’huissier du 4 août 2010, la société Z a appelé en garantie la SCI RMV.

Les deux affaires ont fait l’objet d’une jonction le 28 septembre 2010.

Le 12 septembre 2010, M. H I est décédé. Les demandeurs n’ont pas souhaité poursuivre l’instance à l’égard de ses ayants-droit, de sorte que l’instance relative aux demandes formulées initialement à l’encontre du co-auteur a été disjointe, puis radiée.

Dans leurs dernières écritures notifiées le 19 juin 2012, la société K L et M. Y sollicitent du tribunal de:

Vu les dispositions du code de la propriété intellectuelle et notamment les articles L.111-1, L.112-2, L.113-1, L.113-2, L.113-4, L.121-1, L. 122-4, L.131-3, L.331-1-3, L.335-3 ;

Vu les dispositions du code civil, notamment l’article 1382,

Vu les dispositions du code de procédure civile, notamment les articles 699 et 700,

— CONSTATER que la maison sise […] à […] est une œuvre de l’esprit originale bénéficiant à ce titre de la protection instituée par le livre I du code de la propriété intellectuelle,

— CONSTATER que M. Y est l’auteur de ladite maison,

— CONSTATER que l’K L est cessionnaire des droits patrimoniaux afférents à la maison créée par M. Y,

— DIRE ET JUGER qu’en permettant la reproduction, la représentation et la diffusion de l’image de la maison sans autorisation, la société Z se rend coupable d’actes de contrefaçon et porte atteinte aux droits patrimoniaux de la société K L,

— DIRE ET JUGER qu’en ne mentionnant aucunement le nom de M. Y au générique du film sur tous supports, la société Z a porté atteinte au droit moral de M. Y et notamment à son droit de paternité,

EN CONSEQUENCE :

— CONDAMNER la société Z à verser à l’K L la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon,

— CONDAMNER la société Z à verser à M. Y la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice matériel par lui subi du fait de l’atteinte portée à son droit de paternité,

— CONDAMNER la société Z à verser à M. Y la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice moral par lui subi du fait de l’atteinte portée à son droit de paternité,

— ORDONNER la publication du jugement à venir aux frais de la société Z dans trois revues d’envergure nationale, dont une généraliste, une spécialisée dans le cinéma et une spécialisée dans l’architecture, au choix des demandeurs, dans la limite de 5.000 euros,

— CONDAMNER la société Z à verser à l’K L la somme de 20.000 euros et à M. Y la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— CONDAMNER la société Z aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me M N, Avocat au Barreau de Paris,

— ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à venir.

A l’appui de leurs demandes, la société K L et M. Y font tout d’abord valoir qu’ils sont en droit de n’agir qu’à l’encontre de la société Z, producteur du film sans mise en cause des co-auteurs de ce film, en l’absence de toute demande susceptible de porter atteinte au droit moral de ces derniers. Ils rappellent que le producteur bénéficie d’une présomption de titularité des droits patrimoniaux.

Les demandeurs indiquent ensuite que « la maison dans la forêt » est une oeuvre de l’esprit au sens de l’article L.112-2-7° et 12° du code de la propriété intellectuelle et qu’elle est originale notamment du fait de son toit plat, son organisation en deux « blocs » principaux joints ensemble par une galerie en baies vitrées, des découpes obliques de la construction, l’emplacement et la taille des ouvertures, la surélévation de la terrasse et de la piscine, qui se trouve au même niveau que la maison malgré l’inégalité du terrain, l’agencement des volumes, mais aussi le choix des matériaux (béton visible). Ils réfutent l’existence d’une oeuvre originale antérieure présentant les mêmes éléments révélateurs d’originalité.

M. Y indique être l’unique auteur de l’oeuvre architecturale, comme en témoignent les plans et croquis dont il dispose, de même que la demande de permis de construire effectuée en son nom. Il précise que c’est bien sa signature (posée à l’envers lors du coffrage) qui a été apposée sur la maison et non celle des époux X. Il revendique seulement les droits moraux sur l’oeuvre litigieuse, les droits patrimoniaux ayant été cédés à la société K L par acte du 20 décembre 2003.

Dans ces conditions, les demandeurs estiment qu’en reproduisant l’image de la maison dans le film sans leur autorisation, la société Z s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon. En effet, ils estiment que le film constitue une oeuvre composite et que, dès lors, il convenait d’obtenir l’accord de l’auteur de l’oeuvre préexistante, M. Y. La société K L et M. Y précisent que la présence de la maison n’est en aucun cas purement accessoire, celle-ci apparaissant à plusieurs reprises et non de manière fortuite.

La société K L demande par conséquent réparation du préjudice patrimonial qu’elle a subi du fait de la reproduction et de la représentation de la maison sans son autorisation. Quant à M. Y, il demande réparation de l’atteinte portée à son droit à la paternité de l’oeuvre, d’une part pour absence de mention de son nom au générique, d’autre part en ce qu’il estime que la mention apposée sur la jaquette du DVD est insuffisante et non directement liée à l’oeuvre.

La société K L refuse toute garantie à la société RMV et nie pouvoir être tenue responsable d’un quelconque manquement à une obligation précontractuelle d’information sur l’existence de droits d’auteur sur la maison. D’une part, elle considère qu’une telle obligation ne porte que sur les éléments essentiels du contrat, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. D’autre part, elle estime que cette donnée n’a pas été déterminante du consentement de la société RMV lors de la signature du contrat d’architecte.

Dans ses dernières écritures notifiées le 25 mai 2012, la société RMV sollicite du tribunal de:

A titre principal:

CONSTATER que M. et Mme X sont coauteurs de l’éventuelle oeuvre constituée par la maison en cause, et qu’ils s’opposent à l’action intentée par les autres coauteurs, la société K L et M. C Y,

CONSTATER que la société K L et M. Y n’ont pas mis dans la cause les coauteurs du film « La fille coupée en deux »,

En conséquence,

DIRE irrecevable l’ensemble des demandes formées par la société K L et M. Y,

DECLARER sans objet les demandes formées par la société Z contre la société RMV.

A titre subsidiaire:

DIRE que la maison en cause n’est pas une oeuvre originale,

DIRE que la société K L n’a commis aucun acte de contrefaçon,

En conséquence,

DIRE mal fondé l’ensemble des demandes formées par la société K L et M. Y,

DECLARER sans objet les demandes formées par la société Z contre la société RMV.

Si le tribunal jugeait que la maison en cause est une oeuvre originale protégée par le droit d’auteur:

DIRE que la société K L a manqué à son obligation d’information envers la société RMV,

CONDAMNER la société K L à verser à la société RMV la somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts,

CONDAMNER la société K L à relever et garantir la société RMV de toute condamnation qui serait prononcée contre elle au titre des demandes formées contre elle par la société Z.

En toute hypothèse:

REJETER les demandes formées par la société Z contre la société RMV comme étant mal fondées,

CONDAMNER la société Z à verser à la société RMV la somme de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir,

CONDAMNER in solidum la société K L, M. Y et la société Z aux entiers dépens avec distraction au profit de Me O P-Q sur ses affirmations de droit, ainsi qu’à la somme de 15 000 € au titre des frais irrépétibles.

A l’appui de ses demandes, la société RMV soutient que la société K L est irrecevable à agir car la maison litigieuse est une oeuvre de collaboration dont M. et Mme X, les propriétaires, sont coauteurs. Dès lors, M. Y et la société K L ne pouvaient agir en contrefaçon sans recueillir leur accord préalable.

Elle fait valoir que la maison ne constitue pas une oeuvre originale protégeable par le droit d’auteur en ce qu’elle ne révèle en effet aucune originalité que ce soit dans les plans, la structure ou le choix des matériaux.

Quand bien même l’oeuvre serait protégée par le droit d’auteur, la société RMV argue de l’absence de contrefaçon dès lors que la maison n’apparaît que 3 minutes et 33 secondes dans un film de 115 minutes et relève dès lors de l’accessoire.

Elle avance en toute hypothèse qu’elle n’est tenue d’aucune garantie à l’égard de la société Z. D’une part parce que l’article 9 de la convention de tournage n’est pas applicable dès lors qu’il ne concerne que les intérieurs des lieux de tournage et non les lieux de tournage eux-mêmes, pas plus que les articles 12 et 14. D’autre part parce que la société RMV n’était tenue à aucune obligation précontractuelle d’information à partir du moment où elle était la partie profane à la convention, la société Z étant un professionnel en matière de production de films et ayant connu l’existence de la société K L et de M. Y antérieurement à ladite convention.

Selon la société RMV c’est la société K L qui était tenue d’une obligation précontractuelle d’information de l’existence de droits d’auteur sur la maison à son égard à partir du moment où elle était la partie professionnelle au contrat d’architecte. Elle réclame par ailleurs réparation pour la perte de jouissance résultant de la réserve des droits d’auteur.

Enfin, la société RMV estime l’action de la société Z à son encontre abusive car celle-ci ne pouvait prétendre ignorer l’existence de M. Y alors qu’elle a eu recours à un intermédiaire pour choisir les lieux de tournage qui était en relation directe avec ce dernier.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 avril 2012, la société Z demande au tribunal de:

RECEVOIR la concluante en ses écritures, l’y dire bien fondée, et, ce faisant:

A titre principal:

DIRE ET JUGER irrecevables les demandeurs en leurs prétentions,

A titre subsidiaire:

DIRE ET JUGER que Z n’a commis aucun acte de contrefaçon, et partant,

DEBOUTER les demandeurs de l’ensemble de leurs demandes, fins et moyens,

En tout hypothèse:

DIRE ET JUGER que la société RMV devra garantir Z de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre,

CONDAMNER la société K L et M. Y conjointement et solidairement à verser à Z la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société K L et M. Y aux entiers dépens.

A l’appui de ses demandes, la société Z soulève l’irrecevabilité de l’action des demandeurs, d’une part parce qu’ils n’ont pas attrait en la cause l’ensemble des co-auteurs du film prétendument contrefaisant, d’autre part parce qu’ils n’ont pas non plus recueilli l’accord des co-auteurs de la maison, les époux X, avant d’agir en contrefaçon de cette oeuvre de collaboration.

La société Z considère par ailleurs que les demandeurs n’apportent pas la preuve de l’originalité de la villa et produit en outre un certain nombre de documents constituant, selon elle, des antériorités venant détruire une quelconque originalité.

En tout état de cause, la société Z conteste tout grief de contrefaçon dans la mesure où la maison n’apparaît dans le film qu’à titre accessoire. Bien plus, elle estime que M. Y et la société K L n’ont aucun droit à être mentionnés au générique, seuls les co-auteurs d’une oeuvre audiovisuelle ayant ce droit aux termes de l’article L.113-7 du code de la propriété intellectuelle.

Enfin, elle sollicite la garantie de la société RMV, non seulement en application de la convention de tournage que les deux sociétés ont conclu, mais aussi du fait de l’absence d’information sur l’existence de droits d’auteur lors de la conclusion de la convention.

Elle conclut enfin au débouté des demandes indemnitaires qu’elle estime exorbitantes.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 9 octobre 2012.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur les fins de non-recevoir

* sur l’absence de mise en cause des coauteurs de l’oeuvre audiovisuelle

En vertu de l’article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle, l’oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs, qui doivent exercer leurs droits d’un commun accord.

En l’espèce, les demandeurs ne forment plus aujourd’hui que des demandes indemnitaires en réparation des préjudices subis du fait des prétendus actes de contrefaçon de leurs droits d’auteur et plus aucune demande pouvant affecter les conditions d’exploitation du film ni porter atteinte au droit moral des coauteurs de l’oeuvre audiovisuelle de collaboration “La fille coupée en deux”.

Dès lors qu’en vertu de l’article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle, le producteur est présumé bénéficier de la cession des droits exclusifs d’exploitation de l’oeuvre audiovisuelle et que l’exploitation litigieuse de l’oeuvre arguée de contrefaçon lui est imputable, l’action en contrefaçon dirigée à l’encontre de la seule société Z est donc recevable.

* sur la titularité de droits d’auteur sur la maison

En vertu de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée.

En l’espèce, outre que le contrat d’architecture a été signé par M. C Y en sa qualité d’architecte pour le compte de la société K L, la demande de permis de construire a été faite à son nom et la maison a été divulguée dans la presse sous son nom (article Surprenants volumes, dans Construction moderne n°128).

Il est d’ailleurs constant que M. Y est bien l’architecte de la Maison dans la Forêt mais la société RMV soutient que cette construction résulte d’une collaboration fructueuse entre l’architecte et M. et Mme X.

Or, ces derniers, qui ne sont pas dans la cause, ne revendiquent aucunement la qualité de coauteurs.

En outre, seul un article de presse reprenant les déclarations des époux X (article Surprenants volumes, dans Construction moderne n°128) fait état d’une telle collaboration tout en indiquant que la maison est “le résultat des rêves de C Y, l’architecte”.

Cependant, cette unique pièce n’est pas de nature à renverser la présomption de titularité qui bénéficie à M. Y, seul et en tout état de cause, il y a lieu de rappeler que les idées étant de libre parcours, seule leur formalisation peut faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur alors qu’en l’espèce, aucune directive précise donnée à l’architecte par les propriétaires, susceptible de démontrer un apport créatif des époux X, n’est établie.

Il s’ensuit que la simple qualité d’exécutant technique invoquée par la société Z n’est pas démontrée, M. Y étant bien l’auteur des plans et de la maison qu’il a imaginée d’après les idées et les envies de ses clients.

Enfin, la maison comporte une signature stylisée dont M. C Y prétend qu’elle lui appartient, exposant l’historique de sa formalisation dans ses écritures (un D et un B stylisés, simplifiés par retrait des lignes verticales, pour pouvoir être gravés plus facilement dans le béton). La société RMV prétend que cette inscription figure deux “V” pour évoquer le nom patronymique des propriétaires, “X”.

Toutefois, même si l’apposition d’une signature sur un coffrage en béton ne saurait suffire en soi à démontrer la qualité d’auteur du signataire, le tribunal relève que le signe en cause ne peut en aucun cas ni dans aucun sens se lire comme deux “V”, éventuellement comme “V W”.

De plus, les déclarations de M. Y sont confirmées par M. A, qui a réalisé le gros oeuvre de la maison et qui indique dans une attestation du 29 mai 2012 que l’empreinte devait représenter la signature de M. Y selon ses directives et dessins mais que suite à une erreur, l’inscription a été inversée.

Enfin, le tribunal fait observer que la société RMV elle-même indique que les époux X, pour “marquer” leur maison, ont voulu faire apparaître un seul “V” géant sur la terrasse, ce qui achève d’établir que le signe gravé dans le béton ne peut être leur signature.

Il s’ensuit qu’aucun élément probant ne vient renverser la présomption de titularité des droits d’auteur qui bénéficie à M. Y, ni établir l’existence d’une oeuvre de collaboration et il s’ensuit que l’action de l’architecte est recevable, sans mise en cause de ses clients.

Sur la protection de la maison au titre du droits d’auteur

Aux termes de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

Ce droit est conféré, selon l’article L.112-1 du même code, à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Sont notamment considérées comme oeuvres de l’esprit, en vertu de l’article L.112-2-7°, les oeuvres d’architecture et en vertu de l’article L. 112-2-12° les plans, croquis et ouvrages plastiques relatifs à l’architecture.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale.

Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l’originalité d’une œuvre doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant l’empreinte de sa personnalité.

En conséquence, toute personne revendiquant des droits sur une oeuvre doit la décrire et spécifier ce qui la caractérise et en fait le support de sa personnalité, tâche qui ne peut revenir au tribunal qui n’est par définition pas l’auteur de l’oeuvre et ne peut substituer ses impressions subjectives aux manifestations de la personnalité de l’auteur.

Ainsi, le tribunal ne peut ni porter de jugement sur la qualité de l’oeuvre qui lui est soumise ni imposer ses choix ou ses goûts ; il ne peut qu’apprécier le caractère protégeable de l’oeuvre au vu des éléments revendiqués par l’auteur et des contestations émises par ses contradicteurs.

L’appréciation portée par le tribunal doit s’effectuer de manière globale, en fonction de l’aspect d’ensemble produit par l’agencement des différents éléments caractéristiques de la maison et non par l’examen de chacun d’eux pris individuellement.

En l’espèce, M. Y se prévaut du caractère original de la maison qui, au-delà des contraintes techniques et environnementales, répond à des recherches esthétiques en combinant : un agencement en deux “blocs” principaux reliés par une galerie en baie vitrée, un toit plat, des découpes obliques, de très nombreuses et larges ouvertures, la surélévation de la terrasse et de la piscine qui affleure la maison et l’alliance du béton au bois, dans un ensemble contemporain.

Il y a lieu de relever que le demandeur ne revendique aucun monopole sur le genre des maisons en béton ou des maisons en cubes mais tire l’originalité de l’immeuble de la combinaison de ses éléments originaux.

Pour dénier toute originalité à la maison litigieuse, la société Z verse aux débats des copies d’écran datées de juillet 2010, qui sont donc inopérantes pour démontrer qu’au jour de la conception de la maison en 1998 et au jour de son achèvement en 2005 (ainsi que cela ressort de la pièce n°1 de la société RMV), l’ensemble était déjà connu dans le domaine de l’architecture.

Il en est de même de la société RMV, qui produit des photographies de maisons dépourvues de dates ou dont les dates sont postérieures à la date de création de la maison litigieuse.

En tout état de cause, l’oeuvre architecturale conçue par M. Y présente une identité résultant des choix esthétiques reflétant sa personnalité, notamment par le choix des volumes, de leur agencement, des jeux d’ouvertures (larges baies vitrées, “meurtrières” horizontales) , des reliefs, des proportions, qui confèrent à l’ensemble une originalité, par ailleurs relevée dans l’article “Surprenants volumes” du magazine “Construction moderne”.

Il ne s’agit donc pas d’une simple organisation en blocs rappelant l’architecture de Le Corbusier mais d’une oeuvre qui présente les choix esthétiques révélant l’empreinte de la personnalité de son auteur et qui, en tant que telle, bénéficie de la protection prévue aux titres I et III du code de la propriété intellectuelle.

Ainsi qu’il l’a été vu ci-dessus, M. Y, en sa qualité de créateur, est titulaire des droits moraux y afférents et la société K L est cessionnaire des droits patrimoniaux d’auteur depuis le contrat de cession en date du 20 décembre 2003.

Sur la contrefaçon

En vertu de l’ article L. 122- 4 du code de la propriété intellectuelle, toute reproduction intégrale ou partielle d’ une oeuvre, faite sans le consentement de l’ auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite.

L’incorporation d’une oeuvre préexistante dans une oeuvre composite suppose l’autorisation de l’auteur de la première ou de ses ayants-droits.

* Sur la théorie de l’accessoire

Les défenderesses soutiennent que la reproduction partielle de la villa en arrière plan de quelques scènes du film “La fille coupée en deux” pour une durée totale de 3 minutes 33 secondes est faite à titre accessoire ce qui constitue une limitation justifiée au monopole de l’auteur.

Cependant, le visionnage du film permet au tribunal de constater que lors de la première séquence du film, la villa apparaît distinctement au milieu des arbres comme l’objectif que cherche à atteindre la conductrice; que lorsque celle-ci sort de la voiture, les deux personnages font référence à la maison ; que la scène tournée sur la terrasse autour de la piscine dans laquelle le personnage est présenté entouré de deux femmes, évoque son ambiguïté et constitue une scène importante pour la compréhension du personnage ; que les différentes scènes tournées dans la maison mettent en avant les espaces, leur agencement en différents niveaux et les ouvertures de la construction.

Il en ressort que la maison attire l’attention du spectateur pendant les premières minutes du film, qui correspondent à la présentation du personnage joué par M. B, reflétant des caractéristiques qui se retrouvent dans le caractère de ce dernier (lisse à l’extérieur mais torturé, anguleux), excluant tout caractère fortuit de l’inclusion de la bâtisse dans le film et donc tout caractère accessoire à la reproduction de la maison.

* Sur la contrefaçon des droits d’auteur

Par application de l’article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle l’oeuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’oeuvre préexistante.

Les défenderesses succombent à établir le caractère accessoire de la représentation de la maison, qui aurait seule pu constituer une exception limitant les droits d’exploitation de l’auteur.

Or, il est constant que la reproduction et la représentation de “La maison dans la Forêt” a été faite sans l’autorisation de la société K L, ce qui caractérise la contrefaçon au sens de l’article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, ayant porté atteinte à ses droits patrimoniaux.

En outre, en omettant de mentionner le nom de l’auteur au générique de l’oeuvre cinématographique ou sur son support commercial, la société Z a porté atteinte au droit moral de M. Y tel que défini à l’article L. 121-1 du même code.

Néanmoins, l’auteur d’une oeuvre incorporée dans une oeuvre seconde n’acquiert pas la qualité d’auteur et le respect de son droit au nom doit être assuré par toute mesure utile et suffisante.

Il y a lieu de relever à cet égard que le producteur de l’oeuvre audiovisuelle a mentionné l’identité et la qualité de M. Y sur la jaquette et le carton des DVD du film, dans des conditions permettant d’assurer le droit au nom de l’auteur, dès lors que les mentions sont parfaitement lisibles, d’autant plus que dès le mois d’août 2007, le site internet consacré au film présentait une photographie de la villa avec mention de M. Y et de la société K L.

Ces mentions permettant d’assurer le droit à la paternité de M. Y, dans des conditions satisfaisantes eu égard aux faits de l’espèce, aucune atteinte à son droit moral ne se poursuit dorénavant.

Le tribunal relève que dans le dispositif de leurs dernières écritures, les demandeurs ont abandonné toute demande de rappel des circuits commerciaux et de suspension de la fabrication des copies du film. Cet abandon est expressément rappelé en page 6 de leurs dernières conclusions tendant à voir déclarer leur action recevable malgré l’absence de mise en cause des coauteurs de l’oeuvre seconde. Il y a donc lieu de constater que le maintien de ces demandes dans le corps des motifs de leurs écritures, en page 23, résulte d’une erreur matérielle et qu’il n’y a pas lieu de statuer de ce chef.

En outre, M. Y, sur qui pèse la charge de la preuve des faits qu’il allègue, conformément aux dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, ne démontre pas que le film est encore exploité sans mention de son nom lors des diffusions de ce dernier. A ce titre, il n’établit ni la poursuite de l’exploitation du film en salle, ni sa diffusion sur des chaînes télévisées ou à la demande, dans des conditions qui portent atteinte à son droit de paternité, étant relevé qu’une mention au sein du générique n’est pas l’unique moyen d’assurer le respect de ce droit, ainsi qu’il l’a été vu ci-dessus.

Toutefois, compte tenu de l’absence de son nom au générique, une telle atteinte est établie pour l’exploitation en salle.

Sur les mesures réparatrices

En vertu de l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l’atteinte.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte.

En l’espèce, dès lors qu’aucune communication ni publicité n’a été faite autour de la villa sur laquelle la société K L détient les droits patrimoniaux d’auteur, l’ensemble des bénéfices réalisés par la société Z y sont étrangers et relèvent uniquement de la qualité intrinsèque de l’oeuvre cinématographique et de la performance de ses acteurs.

La demanderesse peut donc uniquement se plaindre du manque à gagner qu’elle a subi du fait de la reproduction et de la représentation de la maison sans son autorisation. Elle invoque en outre une perte de chance d’élargir son public mais dès lors qu’elle n’est pas titulaire d’un droit au nom sur l’oeuvre architecturale, elle ne démontre pas la réalité de ce préjudice, puisque aucune obligation légale n’aurait imposé la mention de sa dénomination sociale au générique du film, étant relevé en toute hypothèse que les mentions sur le site internet du film et sur les DVD font état de la société K L.

La demanderesse verse au débat l’autorisation d’utilisation et de cession de la villa pour un film postérieur dont il ressort que la cession consentie par l’agence a été faite à titre gracieux, moyennant une mention au générique de fin du film “Les Lyonnais” ainsi que 6 places exonérées.

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de fixer le préjudice patrimonial de la société K L à la somme de 500 euros.

De son côté, M. Y se prévaut d’un double préjudice professionnel et moral.

S’agissant du préjudice matériel invoqué, il expose qu’en sa qualité d’architecte et associé de la société K L, il incarne cette agence et que la mention de son nom au générique de l’oeuvre aurait nécessairement eu un impact sur sa clientèle. Cependant, ce préjudice est constitué par un éventuel gain manqué pour l’agence d’architecte et ne relève pas des préjudices personnellement subis par l’architecte. En outre, aucune obligation de publicité n’étant imposée à un producteur de film à l’égard d’un tiers, ce préjudice n’est pas établi.

En revanche, le défaut de mention du nom de l’auteur au générique des 360 copies a entraîné à M. Y un préjudice moral qu’il convient d’évaluer à 2 000 euros, vu d’une part le nombre d’entrées en salle qui s’élève à 753 316 spectateurs et d’autre part la tardiveté de sa réclamation auprès du producteur, à quelques jours de la sortie du film alors qu’il avait connaissance depuis juin 2006 de l’utilisation de la villa dont il est l’auteur pour le film litigieux.

Le préjudice des demandeurs étant suffisamment réparé, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de publication judiciaire qui apparaît totalement disproportionnée eu égard aux faits et à leur ancienneté.

Sur la garantie de la société RMV

En vertu de l’article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites et elles doivent être exécutées de bonne foi.

L’article 9 de la convention du 4 septembre 2006, conclue avec la société Z, relative au tournage dans la maison dont la société RMV est propriétaire stipule : “dans les cas où, dans les lieux concernés par le tournage se trouveraient des objets ou oeuvres protégées, le contractant devra les signaler à la production afin qu’ils soient retirés si celle-ci ne désire pas les reproduire, ou obtenir les autorisations nécessaires à leur reproduction à l’occasion des prises de vue.

En l’absence de stipulations de la part du contractant, tous objets, meubles, bibelots ou oeuvres contenus dans les lieux concernés par le tournage seront réputés libres de tous droit de reproduction … cette absence de stipulation dégageant la responsabilité de la production de tout recours des éventuels ayants-droit”.

La société RMV prétend que cette clause ne s’applique qu’aux objets matériels inclus dans la maison mais dès lors que les conventions doivent s’exécuter de bonne foi, il est évident que les lieux du tournage comprenaient les lieux intérieurs et extérieurs, la clause évoquant toute “oeuvre”. Il s’ensuit qu’elle aurait dû informer sa cocontractante de ce qu’elle n’était pas cessionnaire du droit de reproduction sur la maison et ne peut se retrancher à ce titre derrière l’insuffisance de prévision, au demeurant non établie, de cette clause.

En conséquence, la société RMV doit garantir la société Z des condamnations mises à sa charge au profit de la société L K.

En revanche, la société de production ne saurait s’exonérer de sa responsabilité au titre de l’atteinte au droit de paternité de l’auteur, sur les propriétaires, non professionnels et non avertis, de la maison d’architecte, laquelle a été notamment choisie pour sa modernité, ainsi que cela ressort des échanges de mails entre l’assistant réalisateur (dont il n’est pas établi qu’il s’agit d’un salarié de la société Z) et M. X.

En effet, en sa qualité de professionnelle, elle aurait dû se renseigner sur le nom de l’architecte et s’assurer du respect de son droit au nom, droit imprescriptible et inaliénable, ce manquement à son obligation de vérification, constituant une négligence excluant toute garantie contractuelle de la société RMV, laquelle n’est au demeurant limitée qu’au droit de reproduction par application de l’article 9 de la convention cité ci-dessus.

Par ailleurs, les articles 12, relatif aux responsabilités encourues lors du tournage et 14, relatif à l’étendue de la cession des droits d’exploitation, qui doivent s’analyser strictement, ne mettent aucune obligation générale de garantie à la charge de la société civile immobilière RMV au profit de la société de production audiovisuelle, qui est une professionnelle .

La garantie de la société RMV sera donc limitée aux préjudices résultant des atteintes aux droits patrimoniaux de l’auteur.

Sur la garantie de la société K L

Le contrat d’architecte conclu entre la société K L et la SCI RMV le 15 juin 1998 ne comprend aucune réserve de propriété intellectuelle ni aucune information sur l’existence de droits d’auteur, à l’exception d’une référence générale et erronée à la loi du 11 mars 1957 relative à la propriété littéraire et artistique, alors qu’à la date du contrat, seules les dispositions du code de la propriété intellectuelle étaient applicables.

La société RMV reproche à son cocontractant de ne pas avoir rempli son obligation contractuelle d’information.

Il est exact que la société K L, en sa qualité de professionnelle de l’architecture, avait une obligation spéciale d’information à l’égard de la société RMV, profane en ce domaine et aurait dû lui spécifier que le transfert de la propriété immobilière n’entraînait pas cession des droits d’auteur afférent à l’oeuvre créée par M. Y, ce qui constitue une limite à la jouissance totale du bien et est donc un élément essentiel du contrat.

Ce faisant, la société K L a manqué à son obligation de renseignement et doit dès lors être condamnée à garantir la société RMV des conséquences dommageables subies du fait de ce manquement contractuel, en l’espèce de toute condamnation mise à sa charge.

En revanche, la société RMV qui indique qu’elle n’avait pas connaissance de l’existence de droits d’auteur sur la maison d’architecte qu’elle a faite édifier, ne justifie d’aucune restriction à la jouissance de ses droits, étant relevé en toute hypothèse que le prix, qui n’inclut pas la cession des droits patrimoniaux d’auteur, a été fixé librement par les parties et que la société RMV ne démontre pas que ce prix aurait été moins élevé si elle avait eu connaissance de la réserve des droits d’auteur. Faute de rapporter la preuve d’une moins-value, la société RMV doit donc être déboutée de ce chef de demande.

Sur la procédure abusive

La société RMV reproche à la société Z d’avoir agi de mauvaise foi à son encontre dès lors qu’elle connaissait l’existence de M. Y dès avant la signature de la convention de tournage.

Cependant, la société Z, en appelant en garantie sa cocontractante, qui lui avait cédé le droit de reproduction sur les lieux de tournage, n’a fait qu’exercer légalement ses droits, sans aucune malice ou mauvaise foi et la société RMV, qui succombe partiellement dans cet appel en garantie, doit être déboutée de sa demande formée au titre d’une procédure abusive.

Sur les autres demandes

La société Z, qui succombe, supportera les entiers dépens de l’instance, lesquels pourront être directement recouvrés par Maître M N conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, aucune demande n’étant formée au titre de l’appel en garantie à l’égard de la société RMV.

Il y a lieu de condamner la société Z à payer à M. Y la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sans qu’il y ait lieu à garantie de la société RMV de ce chef.

Eu égard à la nature de la décision et à la situation respective des parties, il y a lieu de laisser à chacune des autres parties la charge de ses propres frais irrépétibles.

Compte tenu de l’ancienneté des faits, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, qui est compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

par jugement rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE l’abandon des demandes de rappel des circuits commerciaux et de suspension de la fabrication des copies du film ;

REJETTE les fins de non-recevoir soulevées par les défendeurs ;

DIT que M. C Y et la société K L sont recevables à agir en contrefaçon des droits d’auteur qu’ils détiennent sur la construction désignée sous le nom “La maison dans la Forêt” ;

DIT qu’en permettant la reproduction, la représentation et la diffusion de l’image de “la Maison dans la Forêt” sans autorisation de son auteur ou de son ayant-droit, la société Z s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon et a porté atteinte aux droits patrimoniaux de la société K L,

DIT qu’en omettant de mentionner le nom de M. Y au générique du film lors de son exploitation en salles, la société Z a porté atteinte au droit moral de ce dernier,

En conséquence,

CONDAMNE la société Z à payer à la société K L la somme de 500 euros (CINQ CENTS EUROS) en réparation de son préjudice patrimonial ;

CONDAMNE la société Z à payer à M. C Y la somme de 2 000 euros (DEUX MILLE EUROS) en réparation de son préjudice moral ;

DEBOUTE les demandeurs de leur demande de publication judiciaire ;

CONDAMNE la société RMV à garantir la société Z à hauteur de 500 euros (CINQ CENTS EUROS) ;

CONDAMNE la société K L à garantir la société RMV à hauteur de 500 euros (CINQ CENTS EUROS) ;

DEBOUTE la société RMV de sa demande de dommages et intérêts formée à l’encontre de la société K L ;

DEBOUTE la société RMV de sa demande au titre de la procédure abusive ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la société Z aux entiers dépens de l’instance, qui pourront être directement recouvrés par Maître M N conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Z à payer à M. Y la somme de 3 000 euros (TROIS MILLE EUROS) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à chacune des autres parties la charge de ses propres frais irrépétibles.

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi fait et jugé à Paris le huit février deux mil treize.

Le Greffier Le Président

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 8 février 2013, n° 10/06066