Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 18 décembre 2020, n° 17/13401

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-3, 18 déc. 2020, n° 17/13401
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/13401
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 27 juin 2017, N° F15/02514
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 18 DECEMBRE 2020

N° 2020/ 350 B

RG 17/13401

N° Portalis DBVB-V-B7B-BA4MX

B C

D Y

SARL KARL EUROPE INTERVENTION

C/

E X

Association AGS CGEA

Copie exécutoire délivrée le 18 Décembre 2020 à :

-Me D FAVARO, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 28 Juin 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F15/02514.

APPELANTS

SARL KARL EUROPE INTERVENTION, demeurant […]

représentée par Me D FAVARO, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître B C, Mandataire judiciaire de la SARL KARL EUROPE INTERVENTION, demeurant […]

représenté par Me D FAVARO, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître D Y, Commissaire à l’exécution du plan de la SARL KARL EUROPE INTERVENTION, demeurant […]

représenté par Me D FAVARO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur E X, demeurant […]

représenté par Me Mickael BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

Association AGS CGEA, demeurant […]

représentée par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julie GRIMA, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame B DUBOIS, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame B DUBOIS, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2020.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Décembre 2020

Signé par Madame B DUBOIS, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société KARL EUROPE INTERVENTION exerce une activité de Surveillance, gardiennage, sécurité et prestations dans le domaine de la surveillance, sous le code NAF 8010Z.

Elle relève à ce titre de la convention collective des entreprises de sécurité privées (IDCC 1351).

Monsiur X aurait été engagé par la société KARL EUROPE suivant contrat à durée déterminée à temps partiel en date du 25/07/2014, en qualité d’agent de prévention et de sécurité, Niveau 3, Echelon 1, Coefficient 130.

Suivant avenant en date du 31/10/2014, le contrat de travail de Monsieur X aurait été renouvelé jusqu’au 30/06/2015, dans les mêmes conditions.

Le contrat de travail de Monsieur X étant arrivé à son terme le 30/06/2015, l’employeur lui a remis ses documents de fin de contrat et son solde de tout compte.

Le 27/07/2015, Monsieur X a écrit à l’employeur afin de contester la rupture de son contrat de travail, prétextant une embauche verbale.

Le 25/08/2015, l’employeur l’a contesté.

Monsieur X a saisi le conseil de Prud’hommes de MARSEILLE par requête en date du 28/09/2015, de diverses demandes, notamment constater l’embauche et la rupture verbale de la relation de travail ou à défaut, de prononcer la requalification du CDD en CDI et en tout état de cause de dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Les demandes chiffrées de Monsieur X devant le Conseil étaient les suivantes :

— rappel de salaire à temps plein : 3.197,00 € ;

— congés payés y afférent : 319,00 € ;

— indemnité de requalification : 1.694,00 € ;

— dommages et intérêts pour licenciement abusif : 10.000,00 € ;

— dommages et intérêts pour irrégularité de procédure ; 1.694,00 € ;

— indemnité compensatrice de préavis ; 1.694,00 € ;

— congés payés y afférent : 169,00 € ;

— indemnité légale de licenciement : 338,80 € ;

— solde indemnité compensatrice de congés payés : 290,00 € ;

— violation obligation de sécurité de résultat : 1.694,00 € ;

— absence de DIF : 1.694,00 € ;

— absence de portabilité de la prévoyance : 1.694,00 € ;

— exécution provisoire ;

— intérêts de droit à compter de la demande ;

— article 700 du CPC : 1.500,00 €.

Par jugement du Conseil de Prud’hommes de MARSEILLE du 28 juin 2017, il a été jugé que :

— l’employeur ne rapportait pas la preuve de l’existence d’un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel en date du 25 juillet 2014 ;

— la requalification du CDD à temps partiel en un CDI à temps complet devait être opérée.

En conséquence, la société KARL EUROPE INTERVENTION a été condamnée au paiement des sommes suivantes :

—  1.694,00 € au titre de l’indemnité de requalification ;

—  3.197,00 € au titre du rappel de salaires ;

—  319,00 € au titre du rappel de congés payés afférents ;

—  5.000,00 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

—  1.694,00 € au titre des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;

—  1.694,00 € au titre du préavis ;

—  169,00 € au titre des congés payés afférents ;

—  250 € pour violation de l’obligation de sécurité de résultat ;

—  1.000,00 € au titre de l’article 700 du CPC.

La société KARL EUROPE INTERVENTION a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 11/07/2017.

Par un jugement du Tribunal de Commerce d’AIX-EN-PROVENCE du 5 juillet 2018, la société KARL EUROPE INTERVENTION a été placée en redressement judiciaire et c’est dans ce cadre, que la SCP BR ASSOCIES, représentée par Maître B C ou Maître Laura BES a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.

Le 28 janvier 2020, un plan de continuation a été adopté et Maître Y désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

Dans leurs dernières conclusions en date du 17 novembre 2020, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et de moyens, la société KARL EUROPE INTERVENTION , Maître Y de la SCP DOUHAIRE AVAZERI Y, ès-qualité de commissaire à l’exécution du plan de continuation ,et Maître C de la SCP BR Associés, ès-qualité de mandataire judiciaire, demandent à la cour de :

Vu les articles susvisés, la jurisprudence applicable, et les pièces versées au débat.

' Sur la requalification de temps partiel à temps complet

A titre principal,

— dire et juger qu’il n’y a pas lieu à requalification de temps partiel à temps complet.

— dire et juger en conséquence que la moyenne des salaires doit être établie sur la base des sommes

perçues, soit 1.363,04 € bruts.

A titre subsidiaire,

— dire et juger, si la requalification de temps partiel à temps complet est accordée, que le solde des heures dues au titre du temps plein s’élève 1.934,70 €, outre 193,47 € d’incidence congés payés.

— dire et juger en conséquence que la moyenne des salaires doit être établie sur la base des sommes perçues augmentée du rappel opéré, soit 1.550,72 € bruts.

' Sur la requalification de CDD en CDI

A titre principal,

— dire et juger qu’il n’y a pas lieu à requalification du CDD en CDI.

A titre subsidiaire,

— dire et juger que l’indemnisation correspondante doit se limiter à 1.363,04 € bruts si la requalification de temps partiel à temps complet a été rejetée, et à 1.550,72 € dans le cas inverse.

' Sur la rupture

A titre principal,

— dire et juger si la requalification du CDD en CDI n’est pas ordonnée, que la rupture intervenue et régulière et ne peut donner lieu à condamnation.

A titre subsidiaire,

— dire et juger que Monsieur X ne justifie pas d’un préjudice à hauteur des prétentions formulées à titre indemnitaire.

— dire et juger que l’indemnité compensatrice de préavis doit se limiter à 1.363,04 € bruts si la requalification de temps partiel à temps complet a été rejetée, et à 1.550,72 € dans le cas inverse, outre incidence congés payés.

— dire et juger que Monsieur X ne peut prétendre à une indemnité de licenciement en l’état d’une ancienneté inférieure à 1 an à la date de la rupture.

' Sur les autres demandes

A titre principal,

— dire et juger que l’employeur n’a commis aucun manquement quant à la visite médicale d’embauche, la portabilité de la prévoyance, le droit à formation et le solde de congés payés.

A titre subsidiaire,

— dire et juger que Monsieur X ne justifie pas d’un préjudice à hauteur des prétentions formulées à titre indemnitaire.

PAR CONSÉQUENT

A titre principal,

— confirmer le jugement en ses dispositions déboutant Monsieur X.

— réformer le jugement en ses autres dispositions entraînant condamnation.

Et statuant à nouveau,

— débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

— En conséquence condamner Monsieur X au remboursement des sommes réglées au titre de l’exécution provisoire de droit.

— condamner Monsieur X au paiement de la somme de 1.000,00 € au titre de l’article 700 du CPC.

A titre subsidiaire,

— réduire les condamnations aux montants sus-exposés ou à défaut, au strict minimum.

Dans ses dernières conclusions en date du 26 juin 2020, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et de moyens, L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Marseille demande à la cour de :

Vu les articles L 3253-6 à L 3253-21 du code du travail régissant le régime de garantie des salaires

Vu l’article L 624-4 du code de commerce

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,

Vu la mise en cause de l’AGS/CGEA par Monsieur E X sur le fondement de l’article L 625-3 du Code de Commerce,

— donner acte au concluant de ce qu’il s’en rapporte sur le fond à l’argumentation développée par l’employeur de Monsieur E X représenté par son mandataire judiciaire,

— réformer la décision attaquée et débouter Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,

— en tout état rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus juste proportions les indemnités susceptibles d’être allouées au salarié,

— dire et juger que la décision à intervenir ne pourra que prononcer une fixation au passif de la procédure collective en vertu de l’article L.622-21 du code de commerce, et dire et juger qu’il sera fait application des dispositions légales relatives :

— Aux plafonds de garanties (articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail) qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales,

— A la procédure applicable aux avances faite par l’AGS (l’article L 3253-20 du code du travail),

— Aux créances garanties en fonction de la date de leurs naissances (Article L 3253-8 du code du travail)

— rejeter la demande de condamnation sous astreinte et en tout état la déclarer inopposable à l’AGS

CGEA

— déclarer inopposable à l’AGS CGEA l’éventuelle condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— dire et juger que le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels.

Dans ses dernières conclusions en date du 3 juillet 2020, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et de moyens, M. X demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré

Et, statuant à nouveau :

— constater l’embauche et la rupture verbale de la relation de travail

A défaut,

— prononcer la requalification du CDD en CDI

— constater l’illégitimité du renouvellement du CDD

Et, par conséquent, en tout état de cause de

— dire et juger le licenciement querellé irrégulier et sans cause réelle et sérieuse

— et, par conséquent, condamner la société KARL EUROPE INTERVENTION, actuellement en plan de continuation à verser à Monsieur X les sommes ci-après :

Rappel de salaire temps plein 3 197.00 €

Du 25 juillet 2014 au 1er février 2015

Incidence congés payés y afférent 319.00 €

Indemnité spéciale de requalification CDD/CDI 1 694.00 €

DI au titre du licenciement illégitime et abusif 10 000.00 €

DI au titre de l’irrégularité de procédure 1 694.00 €

Indemnité compensatrice de préavis 1 694.00 €

Incidence congés payés y afférent 169.00 €

Indemnité légale de licenciement 338.80 €

Solde indemnité compensatrice de congés payés 290.00 €

violation d’une obligation de sécurité de résultat 1 694.00 €

Absence du DIF 1 694.00 €

Absence de la portabilité de la prévoyance 1 694.00 €

— condamner l’employeur sous astreinte de 100 € par jour de retard à :

— Délivrer l’intégralité des documents de rupture portant la mention « licenciement illégitime et abusif»

— Délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

— dire et juger que la juridiction de céans se réservera le droit de liquider l’astreinte

— dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts de droit à compter du jour de l’introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts.

— Article 700 du CPC distrait au profit de MB AVOCATS 2 500.00 €

— déclarer le jugement opposable au CGEA/ASSEDIC en qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites de l’article L 3253-8 du Code du Travail ainsi qu’aux organes de la procédure désignés

— condamner les parties appelantes aux dépens.

— dire et juger que la moyenne des salaires s’élève à la somme totale de 1 694.00 €.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 janvier 2020 .

Toutes les parties ayant conclu ultérieurement sollicitent le rabat de l’ordonnance de clôture.

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

SUR CE

- Sur le rabat de l’ordonnance de clôture

En application de l’article 784 du code de procédure civile, il y a lieu de prononcer le rabat de l’ordonnance de clôture et de la fixer au jour des plaidoiries soit le 24 novembre 2020.

En effet, un jugement d’homologation d’un plan de continuation de la société KARL EUROPE est intervenu le 28 janvier 2020, Maître Y ès-qualité de commissaire à l’exécution du plan est intervenu aux débats et les parties ont régularisé leurs écritures en conséquence.

- Sur la requalification du CDD en CDI

Monsieur X prétend avoir fait l’objet d’une embauche et d’une rupture verbale et considère à ce titre que son contrat est à durée indéterminée.

Les appelants soutiennent qu’ils rapportent la preuve de l’existence du contrat de travail à durée déterminée qui a été régularisé le 25/07/2014 sur lequel figure bien la signature de Monsieur X précédée de la mention manuscrite « lu et approuvé ».

La signature effective du contrat de travail est d’ailleurs attestée par Monsieur Z qui confirme que le contrat de travail de Monsieur X lui a effectivement été remis le 25/07/2014 avec sa tenue et son badge professionnel.

Monsieur X fait preuve de mauvaise foi et ce, d’autant plus qu’un avenant de

renouvellement du contrat de travail a été régularisé et là encore, signé par le salarié.

En application de l’article L 1242-12 du code du travail, le contrat à durée déterminée doit être établi par écrit et à défaut, il est réputé conclu à durée indéterminée.

L’absence de signature du contrat par le salarié vaut absence d’écrit et entraîne la requalification du CDD en CDI.

En l’espèce, M. X conteste sa signature.

Or, l’employeur a produit devant le conseil de prud’hommes une copie d’un CDD à temps partiel en date du 25 juillet 2014 sur lequel figure sous la mention 'lu et approuvé’ la signature attribuée au salarié ainsi qu’un avenant de renouvellement de ce CDD à temps partiel en date du 31 octobre 2014, sur lequel figure également sous la mention 'lu et approuvé’ la signature attribuée au salarié ainsi qu’une attestation de M. Z, salarié de l’entreprise, qui témoigne qu’il a reçu dans les locaux le 25 juillet 2014 M. X et qu’au rendez-vous, il a signé son contrat et récupéré la tenue ainsi que son badge professionnel.

Le salarié déniant sa signature, il appartient au juge, en application de l’article 1324 du code civil, de procéder à l’examen des écrits litigieux.

Or le salarié produit à son dossier trois pièces de comparaison, à savoir l’annexe au solde de tout compte, le reçu pour solde de tout compte et un courrier qu’il a adressé le 27 juillet 2015 à l’employeur, documents qui portent tous trois sa signature et qui n’ont pas été établis pour les besoins de la cause.

Il en résulte que les signatures apposées sur ces trois pièces de comparaison sont identiques entre elles mais différentes de celles figurant sur le CDD et l’avenant produit par l’employeur.

Ainsi la barre du T n’est pas du tout la même et la signature des documents de comparaison ne comporte pas de E, le C n’est pas barré, l’écriture est ferme et d’un seul jet sur les documents de comparaison ce qui n’est pas le cas sur les pièces de l’employeur, entre autres.

Il s’en suit que le CDD et l’avenant n’ont pas été manifestement signés par le salarié, et ce malgré l’attestation de M. Z qui doit être écartée au vu de ces faits incontestables.

En conséquence, en l’absence d’écrit, le CDD doit être requalifié en CDI.

- Sur la requalification à temps complet du contrat de travail

Monsieur X considère successivement :

— que compte tenu de l’embauche verbale dont il a fait l’objet, la relation de travail s’inscrit nécessairement dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;

— que le contrat et l’avenant ne comportent pas la répartition de l’horaire, ce qui emporte présomption de travail à temps complet ;

— que depuis son embauche il a été rémunéré tantôt sur la base d’un temps partiel, tantôt sur la base d’un temps complet ;

— que cet état de fait l’obligeait à demeurer à la disposition permanente de son employeur ;

— que pris ensemble, ces éléments lui permettent de revendiquer la requalification à temps complet.

Les appelants soutiennent que, quand bien même une présomption de travail à temps complet serait retenue, en raison de l’imprécision ou de l’absence d’écrit, l’employeur est en mesure de la combattre utilement, puisqu’il apporte des éléments tangibles sur la réalisation d’un horaire effectivement à temps partiel, dont le rythme était nécessairement connu du salarié.

En effet, au-delà des bulletins de salaire que Monsieur X n’a jamais contestés, en revendiquant un horaire différent de celui rémunéré, l’employeur est en mesure d’établir que l’horaire était connu comme à temps partiel, et régulier.

Ainsi Monsieur X ne conteste-t-il à aucun moment avoir effectivement été recruté à temps partiel, pour le nombre d’heures payées.

Il ne démontre pas plus avoir accompli plus d’heures que celles rémunérées.

Au-delà, aucun élément du dossier ne démontre qu’il devait se tenir à disposition permanente de l’employeur.

En effet, ses plannings lui étant remis tous les mois, il savait pertinemment à quelle fréquence il devait travailler, et pour quelle durée.

Subsidiairement, les appelants demandent que les montants sollicités par le salarié soient ramenés à la somme brute de 1.934,70 €, outre 193,47 € d’incidence congés payés.

En l’espèce, M. X a été embauché sans écrit et donc en CDI.

Or, en application de l’article L 3123-6 , quelle que soit sa forme (hebdomadaire, mensuel ou annuel), le contrat de travail des salariés à temps partiel doit être écrit.

L’exigence de l’écrit s’applique non seulement au contrat initial qu’aux avenants.

L’absence d’un écrit fait présumer que le contrat a été conclu pour un horaire à temps complet.

Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il s’agissait bien d’un contrat à temps partiel.

Il doit prouver la durée exacte du travail et sa répartition sur la semaine ou sur le mois.

A défaut, il doit par ailleurs rapporter la preuve que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Or en l’espèce, l’employeur se fonde sur les bulletins de salaire de M. X qui montrent que son temps de travail a beaucoup varié ( 29 h, 110 h, 127h, 130h, 83h, 95h, 149h )et a atteint un temps complet de février à juin 2015.

Et en sus, à compter de février 2015, la durée du travail a dépassé la durée légale du travail puisque M. X a effectué en février 154,50 h, en mars 157,50 h, en avril 178,25 h , ce qui a pour effet d’entraîner la requalification en temps complet au moins à compter de février 2015.

L’employeur verse aux débats des plannings mensuels portant la mention 'planning susceptible d’être modifiable en cours de mois' dont il ne prouve pas, si ce n’est par l’attestation de M. Z, salarié de l’entreprise, dont le témoignage n’a pas été retenu en ce qui concerne la signature du contrat de travail et qui est donc sujette de ce fait à caution, qui indique que les agents reçoivent leurs plannings au plus tard le 25 de chaque mois au bureau ou sur site, en plus ensuite on les envoie par mail pour confirmation et de Madame A, assistante de gestion, qui témoigne que les

plannings de chaque agent sont à disposition au bureau au plus tard le 25 de chaque mois et que chaque salarié peut venir le récupérer ou se le faire envoyer lorsqu’il ne peut venir le chercher alors qu’aucun envoi ou mail d’envoi n’est produit, qu’ils aient été remis au salarié et n’aient pas de surcroît été modifiés en cours de mois.

L’employeur ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe du fait que le salarié connaissait ses horaires de travail et ne devait pas se tenir à la disposition permanente de l’employeur.

Il y a donc lieu de requalifier le contrat de travail en contrat à temps complet à compter du 25 juillet 2014.

- Sur les conséquences de la requalification du contrat en CDI et à temps complet

Du fait de la requalification à temps complet du contrat, le salarié a droit à un rappel de salaire du 25 juillet 2014 au 1er février 2015 soit sur un taux horaire de 9,6407 € de 1960,44 € outre congés payés de 196,04 €.

Du fait de la requalification du CDD en CDI, le salarié a droit à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire , il sera donc alloué au salarié la somme de 1694 €.

En application des articles L1232-6, L1232-2 et L1232-6 du code du travail, un salarié à durée indéterminée ne peut être licencié qu’après convocation à un entretien préalable sur la mesure envisagée par l’employeur, par une lettre recommandée énonçant des motifs constitutifs d’une cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, la société appelante a mis fin à la relation de travail, requalifiée en contrat à durée indéterminée comme il dit ci-dessus, sans convoquer le salarié intimé à un entretien préalable ni énoncer de motif.

Sa décision a donc été prise au terme d’une procédure irrégulière et elle s’avère dépourvue de cause réelle et sérieuse.

En application de l’article L.1235-2 du code du travail, le salarié intimé est fondé à obtenir d’une part l’indemnisation du préjudice que lui a causé l’irrégularité dans la procédure de licenciement, et ce pour un montant qui ne peut être supérieur à un mois de salaire. Au vu des éléments produits aux débats, il sera alloué au salarié la somme de 1500 €.

En application de l’article L.1235-5 du code du travail, le salariée intimé est fondée à obtenir d’autre part l’indemnisation du préjudice que lui a causé la rupture abusive de la relation. Au vu des éléments qu’il produit aux débats sur l’étendue de son préjudice, particulièrement caractérisé en ce qu’il n’a pu retrouver d’emploi, il y a lieu de maintenir l’exacte évaluation à laquelle les premiers juges ont procédé pour fixer le montant des dommages et intérêts qui l’indemniseront exactement.

Le salarié intimé a également droit à une indemnité de préavis correspondant à un mois de salaire soit la somme de 1694 € outre les congés payés afférents soit 169 €.

Le salarié intimé ayant moins d’un an d’ancienneté lors de la rupture n’a pas droit à une indemnité de licenciement, en application de l’article L 1234-9 du code du travail applicable à l’époque.

- Sur la violation de l’obligation de sécurité

Le salarié prétend que l’employeur a violé son obligation de sécurité car il n’a pas passé de visite médicale lors de l’embauche mais bien après la fin de la période d’essai en janvier 2015.

Les appelants soutiennent que le salarié a passé cette visite , certes avec retard et que le salarié ne justifie pas d’un préjudice.

En l’espèce, il est démontré que M. X a bien passé cette visite médicale d’embauche le 9 janvier 2015, avec retard , puisqu’il a été embauché le 25 juillet 2014.

Mais le médecin du travail l’a déclaré apte et M. X, qui n’a jamais connu de problème de santé, ne justifie pas d’un préjudice, se contentant d’alléguer qu’il a été placé dans un état d’incertitude, concernant la compatibilité de son poste de travail avec son état de santé, étant précisé que celui-ci devait exécuter d’importantes heures de travail, notamment des heures supplémentaires, ce qui avait nécessairement une influence sur son état de santé.

Il s’en suit que M. X sera débouté de sa demande à ce titre.

- Sur l’absence d’information du droit au DIF

Le salarié sollicite des dommages et intérêts à ce titre dans le dispositif de ses dernières conclusions mais ne motive pas sa demande.

Les appelants rappellent que depuis le 01/01/2015, le DIF a été remplacé par le Compte Personnel de Formation et que, depuis cette date, l’employeur n’a plus à informer le salarié de son droit au DIF dans la lettre de rupture.

En tout état de cause, il a été remis au salarié avec son bulletin de salaire de janvier 2015, une note d’information relative à l’entrée en vigueur du Compte Personnel de Formation.

Il s’en suit que M. X sera débouté de sa demande.

- Sur le défaut de portabilité de la prévoyance

Le salarié sollicite des dommages et intérêts à ce titre dans le dispositif de ses dernières conclusions mais ne motive pas sa demande.

Les appelants démontrent que, lors de la rupture du contrat de travail de Monsieur X, l’employeur lui a remis une notice d’information relative au maintien de la couverture sociale complémentaire et que donc il a parfaitement été informé de son droit au maintien.

Il s’en suit que M. X sera débouté de sa demande.

- Sur le solde de congés payés

Monsieur X sollicite dans le dispositif de ses dernières écritures le paiement de 290 € au titre du solde de l’indemnité compensatrice de congés payés sans motiver sa demande.

Mais les appelants soulignent qu’il ne prend même pas la peine d’étayer son propos et de justifier du montant demandé.

Or, une indemnité compensatrice de congés payés a bien été payée à Monsieur X lors de la rupture de son contrat de travail, pour un montant de 1.449,32 € correspondant au solde restant dû.

Il s’en suit que M. X sera débouté de sa demande .

- Sur les autres demandes

Il y a lieu d’ordonner la délivrance des documents de fin de contrat rectifiés et des bulletins de salaire rectifiés dans le délai d’un mois de la notification du présent arrêt, sans qu’il soit besoin d’assortir cette condamnation d’une astreinte en l’état.

Les sommes allouées au salarié porteront intérêt au taux légal à compter de la demande sauf en ce qui concernent les dommages et intérêts alloués par le premier juge, avec capitalisation , étant observé que le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux.

La présente décision sera déclarée opposable à L’AGS CGEA dans les limites de la loi, dont l’intervention n’est que subsidiaire en l’état du plan de continuation de la société KARL EUROPE.

La société KARL EUROPE qui succombe supportera les entiers dépens et sera en outre condamnée à payer à M. X la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La moyenne des salaires s’élève à la somme de 1694 € brute.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Ordonne le rabat de la clôture prononcée le 10 janvier 2020 et prononce la clôture le 24 novembre 2020.

Déclare en conséquence recevables les conclusions des parties postérieures au 10 janvier 2020.

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la société KARL EUROPE à payer à M. X les sommes suivantes :

—  3.197,00 € au titre du rappel de salaires ;

—  319,00 € au titre du rappel de congés payés afférents ;

—  1.694,00 € au titre des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure ;

—  250 € pour violation de l’obligation de sécurité de résultat ;

Et en ce qu’il a fixé à la somme de 1964 € la moyenne des trois derniers mois de salaires

Statuant à nouveau, y ajoutant,

Déboute M. X de sa demande au titre de la violation de l’obligation de sécurité de résultat

Condamne la société KARL EUROPE INTERVENTION, actuellement en plan de continuation à verser à Monsieur X les sommes ci-après :

— Rappel de salaire temps plein du 25 juillet 2014 au 1er février 2015 : 1960,44 €

— Incidence congés payés y afférent 196,04 €

— Dommages et intérêts au titre de l’irrégularité de procédure 1500.00 €

Ordonne à l’employeur, sans astreinte, dans le délai d’un mois de la notification du présent arrêt de :

— délivrer l’intégralité des documents de rupture portant la mention « licenciement illégitime et abusif»

— délivrer un bulletin de salaire rectificatif mentionnant les sommes allouées judiciairement

Dit que le montant des condamnations au titre des créances salariales portera intérêts de droit à compter du jour de l’introduction de la demande en justice avec capitalisation des intérêts et ce jusqu’au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Condamne la société KARL EUROPE INTERVENTION à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile distrait au profit de MB AVOCATS la somme de 2 500.00 €

Déclare le jugement opposable au CGEA/ASSEDIC en qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites de l’article L 3253-8 du Code du Travail ainsi qu’aux organes de la procédure désignés

Condamne la société KARL EUROPE aux dépens.

Dit que la moyenne des salaires s’élève à la somme totale de 1 694.00 €.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-3, 18 décembre 2020, n° 17/13401