Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 10 décembre 2019, n° 18/00782

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 4e ch. com., 10 déc. 2019, n° 18/00782
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/00782
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Angoulême, 24 janvier 2018, N° 2017004679
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 10 DECEMBRE 2019

(Rédacteur : Madame Elisabeth FABRY, Conseiller)

N° RG 18/00782 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KIVV

- La SARL A-MATHE

c/

- La SARL INGEREST

- La Société LLOYD’S SYNDICATE BRIT 2987

- La SARL COGNAC PEINTURE RENELLEAU

- La SA MMA IARD

- La S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLE

- La SARL SOCIETE D’EXPLOITATION DE L’ENTREPRISE SERVEAU

- La SA QBE INSURANCE EUROPE LIMITED

- La SA QBE EUROPE SA/NV

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 janvier 2018 (R.G. 2017004679) par le Tribunal de Commerce d’ANGOULEME suivant déclaration d’appel du 12 février 2018

APPELANTE :

La SARL A-MATHE immatriculée au RCS de Angoulême sous le […], représentée par sa Gérante Madame Z A, domiciliée en cette qualité au siège social sis […]

représentée par Maître Laurène D’AMIENS de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D’AMIENS, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Annick DUMAS (SELARL), avocat au barreau de LA CHARENTE

INTIMÉES :

La SARL INGEREST, représentée par son gérant, domicilié en cette qualité au siège social sis […]

représentée par Maître Marine RAFFIER substituant Maître Pierrick CHOLLET de la SCP TMV, avocats au barreau de BORDEAUX

La Société LLOYD’S SYNDICATE BRIT 2987, pris en sa qualité d’assureur RCD de la Société INGEREST, Société de Droit Anglais représentée en France par son mandataire Général, la Société LLOYD’S FRANCE SAS, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 422 066 613, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis […]

représentée par Maître Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Julie PIQUET de la S.E.L.A.S. LGH & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

La SARL COGNAC PEINTURE RENELLEAU, immatriculée au RCS d’ANGOULEME sous le […], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social sis […]

représentée par Maître Christine MORAND-LEONETTI de la SELARL JURICA, avocat au barreau de LA CHARENTE

La SA MMA IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social sis […]

représentée par Maître Annabelle BOUTIN substituant Maître Denise BOUDET de la SELARL AB VOCARE, avocats au barreau de LA CHARENTE

La S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social sis […]

représentée par Maître Annabelle BOUTTIN substituant Maître Denise BOUDET de la SELARL AB VOCARE, avocats au barreau de LA CHARENTE

La SARL SOCIETE D’EXPLOITATION DE L’ENTREPRISE SERVEAU, société à responsabilité limitée, immatriculée au RCS d’ANGOULEME sous le n° 320 710 247, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social sis […]

représentée par Maître Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTES :

La SA QBE INSURANCE EUROPE LIMITED, représentée par sa succursale française dont le siège social est sis […]

La SA QBE EUROPE, commercialement dénommée QBE EUROPE SA/NV, qui vient aux droits et obligations de QBE INSURANCE (Europe) Limited, dont le siège social est sis […], prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliée en son établissement principal en France, sis […], […]

représentées par Maître Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 novembre 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Robert CHELLE, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Monsieur Gérard PITTI, Vice-Président placé,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

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EXPOSE DU LITIGE :

La société A Mathe, exploitante d’un café-brasserie à l’enseigne Garden Ice Café à Cognac, a confié à la société Ingerest Restauconcepteur (la société Ingerest) une mission de maîtrise d’oeuvre pour des travaux de restructuration des cuisines de l’établissement selon devis accepté du 23 octobre 2014 d’un montant de 22 295 euros HT.

Les travaux ont été plus particulièrement confiés :

— pour le lot démolitions- gros 'uvre, à la SARL société d’exploitation de l’entreprise Serveau (la société Serveau), assurée auprès de la SMABTP ;

— pour le lot revêtements de sols, à la SARL Cognac Peinture Renaulleau (la société Renaulleau), assurée auprès de la société Covea Risks aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelle (les MMA).

La réception des travaux est intervenue le 15 avril 2015 selon procès-verbaux séparés :

— réception sans réserve concernant la société Serveau

— réception avec réserves (étanchéité des angles entrants et sortants, étanchéité des soudures, pose angles inox, finition du sol après dépose de la cloison provisoire) concernant la société

Renaulleau.

Postérieurement à la réception, le maître d’ouvrage a signalé au maître d’oeuvre des désordres tenant à l’existence de contre-pentes génératrices de stagnation d’eau susceptible de générer des risques de chutes et ne répondant pas aux exigences sanitaires. Il a fait intervenir un conseil technique qui a établi un rapport le 12 juin 2015 signalant des défauts sur les ouvrages (revêtement de sol et dallage n’ayant pas de forme de pente vers les siphons) et préconisant divers travaux selon devis de réparation d’un montant de 12 229,89 euros HT.

Par acte du 30 septembre 2015, la société A Mathe a saisi le tribunal de commerce d’Angoulême statuant en référé d’une demande de désignation d’expert au contradictoire du maître d’oeuvre et des sociétés Renaulleau et Serveau, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 17 novembre 2015 qui a désigné M. X en qualité d’expert. Plusieurs appels en cause ont été régularisés à l’encontre des sociétés Lloyd’s France et QBE Insurance Europe Limited (en qualité d’assureurs de la société Ingerest) et des MMA en qualité d’assureur de la société Renaulleau

M. X a déposé son rapport le 13 février 2017.

Par exploit d’huissier en date du 09 mai 2017, la société A Mathe a fait assigner les défendeurs en référé provision devant le tribunal de commerce d’Angoulême aux fins de les voir condamner in solidum au paiement d’une indemnisation provisionnelle (32 042,62 euros TTC au titre des travaux de réparation + 53 100 euros au titre des pertes d’exploitation + 5 000 euros à titre de préjudice de jouissance).

Ses demandes ayant été rejetées par ordonnance du 04 juillet 2017 motif pris de l’existence de contestations sérieuses, la société A Mathe a délivré assignation à bref délai par actes des 24, 25, 28 et 29 août 2017 à l’encontre des mêmes défendeurs et en paiement des mêmes sommes.

Par jugement contradictoire en date du 25 janvier 2018 le tribunal de commerce d’Angoulême a :

— mis hors de cause la société Lloyd’s France

— pris acte de l’intervention volontaire de la société Lloyd’s Syndicate Brit 2987

— homologué le rapport d’expertise

— vu l’article 1792 du code civil

— fixé à 50 % la part de responsabilité de la société Ingerest, 30 % celle de la société Renaulleau et 20 % celle de la société Serveau

— condamné in solidum, à due concurrence de leur part de responsabilité, les sociétés Ingerest, Renaulleau et Serveau à payer à la société A Mathe les sommes de :

-20 125,22 euros HT au titre du coût des travaux de remise en état du sol de la cuisine

-6 577 euros HT pour la mise en place de la cuisine mobile

— débouté la société A Mathe de sa demande en paiement au titre de la perte d’exploitation

— condamné in solidum les sociétés Ingerest, Renaulleau et Serveau à payer à la société A Mathe la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance

— débouté la société A Mathe de ses demandes à l’encontre de la société QBE Insurance

— condamné la société Lloyd’s Syndicate Brit 2987 à garantir la société Ingerest à hauteur de 7 562,61 euros (50 % de 20 125,22 ' 5 000 euros de franchise) outre intérêts au taux légal à compter du 06 février 2017

— condamné les MMA à garantir la société Renaulleau à hauteur de 5 612,47 euros (30 % de 20 125,22 ' 1 417 euros de franchise) outre intérêts au taux légal à compter du 06 février 2017

— débouté la société Ingerest de sa demande reconventionnelle

— débouté la société Renaulleau de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles

— condamné les assureurs à se garantir réciproquement des sommes dues

rejeté la demande de la société Lloyd’s à être relevée et garantie par la société Cognac, ses assureurs les MMA et la société Serveau

— rejeté la demande de la société Cognac Renaulleau à être relevée et garantie par les sociétés Ingerest et Serveau ainsi que leurs assureurs Lloyds et QBE au delà d’un pourcentage de 20 %

— rejeté la demande des sociétés MMA à être relevée et garantie par les sociétés Ingerest, Lloyds France, QBE et la société Serveau au delà d’un pourcentage de 20 %

— condamné la société A-Mathé à payer à la société QBE Insurance Europe Limited la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné in solidum les sociétés Ingerest, Cognac Renaulleau et Serveau à payer à la société A Mathe la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

— débouté les MMA venant aux droits de la société Covea Risks et la société Lloyd’s Syndicate Brit 2987 de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— condamné in solidum les société Ingerest, Renaulleau et Serveau aux entiers dépens en ce compris les frais d’huissier et d’expertise à due concurrence de leur part de responsabilité

— ordonné l’exécution provisoire

— débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires.

La société A Mathe a relevé appel (limité au rejet de sa demande en indemnisation des pertes d’exploitation) par déclaration en date du 12 février 2018.

La société Renaulleau a relevé appel incident en contestant la part de responsabilité mise à sa charge.

La société Serveau a relevé appel incident pour les mêmes motifs en sollicitant sa mise hors

de cause.

Par assignation en appel provoqué en date du 30 juillet 2018, la société Ingerest a attrait à la procédure la société QBE Insurance Europe Limited afin de la voir condamnée à la garantir des condamnations prononcées à son encontre au titre des préjudices immatériels. La société QBE Europe est par la suite intervenue volontairement comme venant aux droits de la société QBE Insurance Europe Limited.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 14 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société A Mathe demande à la cour de :

— vu le jugement

— vu les articles 1134 et 1792-1 1° du code civil,

— vu les pièces communiquées,

— vu le rapport d’expertise judiciaire en date du 03 février 2017

— la déclarer recevable et fondée en son appel

— débouter les intimés de leurs demandes incidentes

— infirmer le jugement qui l’a condamnée à payer à la société QBE la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— lui donner acte de ce qu’elle s’en remet sur les demandes de la société Ingerest et de la société Loyd’s formées contre la société QBE

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement au titre de la perte d’exploitation

— condamner in solidum la société Ingerest, la société Cognac Renaulleau et la société Serveau au paiement de la somme de 53 100 euros au titre des indemnités dues en réparation du préjudice de perte d’exploitation pendant la durée de reprise des travaux de réparation des désordres matériels

— dire que dans leurs rapports internes et compte tenu du degré de gravité de chacune des fautes commises dans l’exécution des travaux, la société Ingerest, la société Serveau et la société Cognac Renaulleau seront tenues avec leurs assureurs de se garantir réciproquement à due concurrence de leurs parts de responsabilité respectives selon l’avis de l’expert judiciaire soit

— la société Ingerest pour 50 %

— la société Serveau pour 20 %

— la société Renaulleau pour 30 %

— confirmer le jugement en toutes les autres dispositions

condamner in solidum les mêmes à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel

— dire que dans leurs rapports internes et compte tenu du degré de gravité de chacune des fautes commises dans l’exécution des travaux, les sociétés codébitrices seront tenues avec leurs assureurs de se garantir réciproquement à due concurrence de leurs parts de responsabilité respectives.

La société A Mathe fait notamment valoir que les désordres résultent de négligences fautives du maître d’oeuvre et des entreprises ; qu’au jour de la réception des travaux, le maître d’oeuvre n’a pas relevé que le revêtement avait été posé sur un support non conforme à l’exigence d’écoulement des eaux et que les siphons n’étaient pas à la hauteur permettant cet écoulement des eaux, non conformité qu’il ne pouvait ignorer en sa qualité de professionnel cependant qu’elle ne pouvait quant à elle s’en rendre compte ; que la société Ingerest lui a adressé le 08 juin 2015 un mail dont il ressort qu’elle avait conscience de l’urgence de la reprise des travaux ; qu’elle a proposé des travaux superficiels qui ne pouvaient remédier aux désordres ; que c’est de mauvaise foi que la société Ingerest conteste sa responsabilité et demande reconventionnellement la somme de 13 802 euros en soutenant qu’elle a effectué intégralement sa mission en procédant aux opérations de réception et en menant les diligences aux fins de levée des réserves alors que les désordres sont la conséquence directe de sa défaillance dans la coordination et la surveillance des travaux qui ont permis les fautes des entreprises (maçon qui a réalisé la chape béton et peintre qui a posé le sol souple) ; qu’informée le 24 juin 2015 de l’avis donné par M. Y, expert judiciaire, dans un rapport non contradictoire en date du 12 juin 2015, la société Ingerest n’a pas contesté sa responsabilité ; que l’expertise judiciaire a confirmé les désordres et leurs conséquences très négatives, ainsi que la responsabilité du maître d’oeuvre et des entreprises dans des proportions qu’il a déterminées ; qu’il a donné son avis sur les travaux réparatoires, leur durée et leur coût, et confirmé l’existence d’un préjudice de jouissance dont elle justifie par ailleurs par des attestations produites en appel ; qu’elle est fondée à solliciter l’indemnisation du préjudice résultant de la perte d’exploitation pendant les 45 jours de fermeture de la cuisine pour la durée des travaux de reprise qui impliquent le démontage de tous les éléments composant la cuisine; que c’est à tort que le tribunal a considéré que l’option n° 3 de l’expert, consistant en la mise en place d’une cuisine mobile provisoire, permettait d’éviter toute perte d’exploitation, alors qu’une telle cuisine ne permettrait que de servir des menus de cuisine rapide et de maintenir une activité de bar ; qu’en aucun cas elle n’est de nature à remplacer les activités de brasserie permettant de servir 70 couverts par jour pour un chiffre d’affaires de restauration de 1 810 euros TTC par jour ; qu’elle justifie son préjudice par la production des comptes annuels de 2014 à 2017 ; qu’en outre une cuisine provisoire ne permet pas de satisfaire aux normes d’hygiène et de sécurité ; qu’elle rapporte donc la preuve qu’elle ne pourra éviter la cessation complète de ses activités pendant la période des travaux, prévue en février et mars 2020 ; que les désordres relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs dès lors qu’ils rendent les locaux de la cuisine impropres à leur destination ; que les trois intervenants dans l’opération de construction ayant entraîné la réalisation de l’entier dommage, il y a lieu de les condamner in solidum à due concurrence de leur part de responsabilités respectives selon l’avis de l’expert.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 26 juillet 2018, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, la société Ingerest demande à la cour de :

— vu le rapport d’expertise judiciaire du 13 février 2017

— vu les dispositions de l’article 1792 du code civil,

— vu le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Angoulême du 25 janvier 2018

— sur les responsabilités

— faire droit à son appel incident

— statuant à nouveau,

— condamner la société Serveau, la société Renaulleau et son assureur les MMA à la relever indemne de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre

— subsidiairement, dans l’hypothèse où la cour retiendrait une part de responsabilité à son encontre

— limiter sa responsabilité à hauteur de 5 %,

— condamner la société Lloyds à la garantir de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre au titre des préjudices matériels

— condamner la société QBE, son assureur décennal à la date de la réclamation de la société A Mathe, à la garantir de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre au titre des préjudices immatériels,

— sur sa demande reconventionnelle présentée en première instance,

— faire droit à son appel incident

— statuant à nouveau

— constater qu’elle a effectué intégralement sa mission en procédant aux opérations de réception et en menant ses diligences aux fins de levée desréserves,

— en conséquence, condamner la société A Mathe à lui payer la somme de 13 802 euros avec intérêts au taux légal

— ordonner le cas échéant la compensation à due concurrence des sommes réciproquement dues par les parties

— sur les préjudices,

— confirmer le jugement en ce qu’il a limité le préjudice matériel de la société A Mathe

— à la somme de 6 577 euros HT, pour la mise en place d’une cuisine mobile,

— à la somme de 20 125,22 euros HT, au titre des travaux de reprise

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société A Mathe de sa demande de perte d’exploitation

— réformer le jugement en ce qu’il a alloué une indemnité de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance à la société A Mathe, et, statuant à nouveau, la débouter de cette demande

— en tout état de cause,

— condamner toute partie succombant à lui régler une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La société Ingerest fait notamment valoir

— à titre principal, que les désordres résultent exclusivement d’un problème d’exécution imputable aux entreprises Serveau et Cognac Renaulleau ; qu’il s’agit de manquements aux règles de l’art qui doivent être maîtrisées par les constructeurs même en présence d’un maître d’oeuvre avec mission complète dans la mesure où cela ne les dispense pas d’exécuter les travaux correctement ; que de son côté elle n’a commis aucun manquement à sa mission de conception ; qu’elle a par ailleurs mis en 'uvre tout moyen lui permettant d’accomplir sa mission de surveillance ; que les entreprises ne lui ont pas signalé de difficultés ni de non conformité ; qu’elle est tenue d’une simple obligation de moyens ; que dans la mesure où aucune réserve n’a été formalisée par les entreprises (qui affirmaient au contraire la parfaite exécution de leur ouvrage), elle ne disposait d’aucun moyen pour relever les désordres ; qu’une fois informée, elle a été parfaitement diligente pour proposer une solution de reprise qui a été refusée à tort par le maître d’ouvrage

subsidiairement, que sa responsabilité doit être limitée à 5 %, avec garantie par la société Lloyds (assureur RC) pour les préjudices matériels à la date du fait générateur de responsabilité, le début des travaux en février 2015, et QBE (assureur décennal à la date de la réclamation) pour les préjudices immatériels; que le taux retenu de 50 % est exorbitant et ne peut être appliqué qu’en cas de défaut flagrant de conception alors qu’il s’agit ici de défauts d’exécution par les entreprises

— à titre reconventionnel, qu’elle est fondée à réclamer le paiement de ses factures (avec éventuelle compensation), cette demande ayant été rejetée à tort par le tribunal au motif qu’elle n’aurait pas complètement effectué sa mission puisque subsistaient des désordres susceptibles de lui être imputables, alors qu’elle l’a effectuée jusqu’à la réception des travaux et même au delà puisqu’elle a proposé des solutions pour pallier les désordres

— sur les préjudices, que le jugement doit être confirmé sauf en ce qu’il a alloué à la société A Mathé une somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance alors que le risque sanitaire allégué ne s’est jamais produit et qu’il peut être remédié à la stagnation d’eau par l’utilisation de racloirs.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 11 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Lloyd’s Syndicate Brit 2987 demande à la cour de :

— vu les articles 1382, 1792 et suivants du code civil

— vu les articles 699, 700 du code de procédure civile

— vu les articles A.243-1 et L.124-3, L.124-5 du code des assurances

— vu la police souscrite par la société Ingerest

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à garantir la société Ingerest à hauteur de 50 % du coût des travaux de remise en état du revêtement de sol de la cuisine et pour le surplus :

— à titre principal,

— dire et juger que les désordres allégués par la société A Mathe, qui sont des désordres réservés ou qui étaient visibles lors de la réception du 15 avril 2015, ne peuvent pas relever de la responsabilité décennale de la société Ingerest ;

— dire et juger que la réception des travaux a purgé la responsabilité décennale de la société Ingerest au titre de la conception des travaux et le suivi de ces derniers ;

— dire et juger que les désordres allégués par la société A Mathe n’ont pas de caractère décennal ;

— dire et juger que les désordres et préjudices allégués par la société A Mathe ne peuvent relever que de la responsabilité de droit commun de la société Ingerest pour absence de réserve sur le problème de pente des siphons lors de la réception des travaux en date du 15 avril 2015 ;

— dire et juger que les garanties souscrites auprès d’elle n’ont pas vocation à prendre en charge :

— les conséquences de la responsabilité de droit commun de la société Ingerest ;

— les préjudices immatériels allégués par la société A Mathe (perte d’exploitation, préjudice de jouissance) ;

— le coût des bâtiments provisoires permettant de limiter la perte d’exploitation

— dire et juger que les préjudices allégués par la société A Mathe relèvent exclusivement des garanties souscrites par la société Ingerest auprès de la société QBE, son assureur au jour de la première réclamation formulée par le maître de l’ouvrage au mois d’octobre 2015

— en conséquence,

— condamner la société QBE à garantir la société Ingerest au titre des conséquences de sa responsabilité de droit commun ;

— rejeter toute demande de condamnation à son encontre ;

— prononcer sa mise hors de cause en principal, frais et accessoires

— à titre subsidiaire,

— condamner la société Renaulleau, ses assureurs, les MMA IARD, et la société Serveau, à la relever et garantir à hauteur des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, en principal, frais et accessoires ;

— à titre très subsidiaire,

— dire et juger que la société A Mathe récupère le montant de la TVA et prononcer les condamnations en conséquence HT ;

— réduire le coût des travaux réparatoires à la somme de 20 125, 22 euros HT;

— rectifier le jugement qui a mis à sa charge la somme de 7 562, 61 euros au lieu de 5.062, 61 euros correspondant à 50 % du coût des travaux de remise en état de la cuisine déduction faite de la franchise et condamner la société A Mathe à restituer le surplus à hauteur de 2 500 euros ;

— dire et juger que le coût d’une cuisine provisoire ne relève pas du volet Responsabilité

décennale de la police souscrite auprès d’elle ;

— rejeter la demande d’indemnisation d’une perte d’exploitation qui n’est justifiée ni dans son principe, ni dans son quantum ;

— débouter la société A Mathe de sa demande d’indemnisation d’un préjudice de jouissance

— à titre encore plus subsidiaire

— laisser à la charge de la société Ingerest le montant de la franchise à hauteur de 5 000 euros

— en tout état de cause

— condamner la société A Mathe à lui régler une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, qui seront recouvrés par Me Puybaraud, avocat au barreau de Bordeaux.

La société Lloyd’s fait valoir en substance

— que la société Ingesrest a souscrit auprès d’elle une police RC décennale et une RC professionnelle et exploitation qui a pris effet le 1er avril 2010 et a été résiliée le 31 mars 2015

— que les désordres ne relèvent pas de la RCD en l’absence de caractère décennal avéré, les désordres ayant fait l’objet de réserves ou étant apparents lors de la réception, de sorte qu’ils ne sont pas des vices cachés pouvant seuls relever de la garantie décennale ; qu’il n’est pas non plus établi qu’ils rendent l’immeuble impropre à sa destination ; que cette garantie ne couvre pas, en tout état de cause, les désordres immatériels (trouble de jouissance, pertes d’exploitation ni le coût des bâtiments provisoires) mais seulement le coût des travaux de reprise (article L.243-1 annexe 1 code des assurances)

— que la responsabilité d’Ingerest ne peut pas être recherchée, sur le volet RCP, au titre des désordres affectant les revêtements de sol puisqu’elle a émis des réserves et que le choix du revêtement était parfaitement adapté ; que l’expert a d’ailleurs analysé la responsabilité des intervenants au titre du défaut de pente ; que sa responsabilité ne peut plus être engagée dans la mesure où la réception est intervenue sans réserves sauf si elle se révèle avoir été défaillante dans sa mission de conseil du maître d’ouvrage lors de la réception des travaux ; que c’est seulement sous cet angle que doit être examinée la question des garanties qui s’inscrivent dans la catégorie base réclamation ; que la société Ingerest n’a reçu aucune réclamation avant l’expiration de la police à effet du 31 mars 2015 ; que la police QBE a donc vocation à prendre en charge les conséquences découlant de la responsabilité de droit commun du maitre d’oeuvre ainsi que les préjudices immatériels et le coût de la cuisine provisoire

— à titre subsidiaire, si la responsabilité décennale était retenue, que les CCTP étaient parfaitement conformes, qui ont été validés par le bureau de contrôle, communiqués aux entreprises et sur la base desquels elles ont établi leurs devis ; qu’aucun problème n’a été évoqué lors des réunions de chantiers ; que la société Ingerest doit donc être relevée et garantie par les entreprises

— à titre très subsidiaire,

— que le jugement doit être confirmé s’agissant du coût des travaux, sauf à prononcer la

condamnation HT et à rectifier l’erreur de calcul du tribunal qui a déduit la franchise de la somme totale soit 7 562,61 alors qu’il aurait dû la déduire de la quote part de l’assurée soit 5 062,61 euros donc restitution de la différence 2 500 euros ; qu’il doit être réformé en ce qu’il a fait droit à la demande au titre de la cuisine provisoire (préjudice immatériel) et au préjudice de jouissance non prouvé

— que la demande au titre de la perte d’exploitation doit être rejetée dans son principe comme dans son montant.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 04 juillet 2018 comportant appel incident, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Renelleau demande à la cour de :

— vu le rapport d’expertise judiciaire, les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil,

— dire et juger la société A Mathe mal fondée en son appel principal

l’en débouter

— la dire et juger recevable et fondée en son appel incident

— en conséquence, y faisant droit et statuant à nouveau,

— au principal,

— dire et juger la société Ingerest seule responsable des désordres résultant exclusivement d’un défaut de conception

— prononcer sa mise hors de cause

— condamner la société A Mathe à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

— subsidiairement

— dire et juger que sa responsabilité ne saurait être retenue au-delà d’un pourcentage de 20 %

— condamner en conséquence in solidum les sociétés Ingerest et Serveau ainsi que la société Lloyds, assureur de la société Ingerest, à la relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre au-delà de ce pourcentage

— rejeter comme non fondée la demande formée par la société A Mathe au titre de l’indemnisation d’un préjudice de jouissance

— réduire à de plus justes proportions l’indemnisation allouée à la société A Mathe sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

— confirmer les autres dispositions du jugement et notamment celles rejetant la demande d’indemnisation au titre d’un préjudice d’exploitation formée par la société A Mathe, objet de son appel

— réduire à de plus justes proportions l’indemnisation sollicitée par la société A Mathe devant la cour au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

— statuer ce que de droit quant aux dépens

— en toute hypothèse

— vu les dispositions des articles 1134 et 1315 anciens du code civil,

— dire et juger recevable et fondée sa demande reconventionnelle

— condamner la société A Mathe à lui verser la somme de 5 067,12 euros TTC au titre des factures impayées en date du 28 avril 2015 n° 2804015.1 d’un montant de 4 715,76 euros et N° 2804015.2 d’un montant de 351,36 euros

— ordonner le cas échéant, la compensation à due concurrence des sommes réciproquement dues.

La société Renelleau fait notamment valoir :

— qu’elle conteste tout manquement technique dans la mise en 'uvre pour non respect des formes de pente et défaut de réagréage ; que le matériau prévu n’était pas adapté car il rendait impossible la réalisation des formes de pentes ; qu’elle n’est intervenue qu’en fin de chantier le 26 mars 2015 ; qu’elle a signalé au maître d’oeuvre que la société Serveau avait posé les siphons trop haut par rapport au sol mais qu’il a insisté pour qu’elle poursuive ; qu’aucun compte rendu de chantier n’a été établi suite à son intervention, le dernier étant du 23 mars 2015 ; que la société Ingerest ne saurait lui reprocher d’avoir réceptionné sans réserve le support alors que la réception des supports devait se faire contradictoirement entre le maître d’ouvrage, le maître d’oeuvre et l’entreprise selon le DTU ; qu’en tout état de cause, elle ne pouvait rattraper le niveau en conservant le support existant ; que les désordres procèdent essentiellement d’un défaut de conception imputable au maître d’oeuvre dont la responsabilité exclusive est engagée

— subsidiairement, qu’il y a lieu de majorer la responsabilité de la société Ingerest et de la société Serveau, la sienne devant être réduite à 20 %

sur l’indemnisation, que la demande est fondée pour les travaux et la cuisine mais non pour le préjudice de jouissance ni pour la perte d’exploitation qui n’est démontrée ni dans son principe dans son étendue

— reconventionnellement, qu’elle est fondée à demander le paiement de ses factures (5 067,12 euros) avec compensation le cas échéant, demande rejetée par le tribunal aux termes d’une analyse erronée.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 02 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour le détail de leurs moyens et prétentions, les MMA demandent à la cour de :

— rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées,

— vu l’appel formé par la société A Mathe

— vu leur appel incident

— les déclarer recevables et bien fondées en leur appel incident

— à titre principal

— dire et juger que la société Ingerest est seule responsable des désordres affectant les ouvrages et objets de l’expertise et la condamner in solidum avec les sociétés Lloyds et QBE à prendre en charge les sommes réclamées par la société A Mathe

— prononcer leur mise hors de cause en leur qualité d’assureur responsabilité décennale de la société Cognac Renaulleau

— condamner la société A Mathe à leur verser une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

— à titre subsidiaire

— dans l’éventualité où le tribunal retiendrait une part résiduelle de responsabilité à charge de la société Renaulleau, la limiter à un pourcentage qui ne saurait être supérieur à 20 %

— par conséquent, condamner la société Ingerest, la société Lloyds, la société QBE et la société Serveau in solidum à les relever et garantir indemnes de toutes condamnations mises à leur charge en principal, intérêts, frais et dépens au-delà de ce pourcentage

— confirmer le jugement en ce qu’il a chiffré le coût des travaux de reprise et de mise en oeuvre d’une cuisine provisoire à la somme de 26 702,22 euros HT

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de la société A Mathe à titre de pertes d’exploitation

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à la société A Mathe une somme de 5 000 euros à titre de préjudice de jouissance et débouter la société A Mathe de toute demande à ce titre

— en toute hypothèse, dire et juger qu’elles sont bien fondées à faire valoir une non-garantie des préjudices de jouissance et des dommages immatériels en application des dispositions de la police d’assurance

— réformer le jugement en ce qu’il a alloué à la société A Mathe la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et dire et juger que l’article 700 susceptible d’être alloué devant la juridiction de première instance ne saurait être supérieur à 4 000 euros

— en toute hypothèse

— les déclarer recevables et bien fondées à opposer à la société Cognac Renaulleau la franchise contractuelle au titre de la police d’assurance sur le montant du dommage matériel constitué par le coût des travaux de réparation,

les déclarer bien fondées à opposer à la société Cognac Renaulleau et à la société A Mathe la franchise contractuelle applicable sur les préjudices immatériels, pertes d’exploitation et préjudice de jouissance

— débouter la société A Mathe de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel

— condamner la société A Mathe ou tout succombant à leur verser la somme de 3 000 euros en application de article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Les MMA font notamment valoir

— que la garantie RCD n’a pas vocation à garantir la responsabilité contractuelle de la société Cognac Renaulleau puisqu’elle ne couvre que les désordres apparus postérieurement à la réception

— que le maître d’oeuvre a à tort fait le choix de conserver le dallage existant ne présentant pas nécessairement les formes de pentes permettant l’évacuation des eaux de lavage et a prévu un réagréage (type CEGESOL CPR) inadapté pour atteindre cet objectif ; qu’il existe donc un manquement du maître d’oeuvre dans la direction des travaux et le rédaction des pièces écrites CCTP pour le lot revêtement de sols ; que l’expert lui a à tort imputé une part de responsabilité de 30 % alors que le caractère inadapté du réagréage mis en 'uvre résultait d’une erreur de conception et de préconisation du maître d’oeuvre qui lui a été signalée ; que cependant la société Cognac Renaulleau n’a pas eu l’occasion de faire consigner ses objections puisqu’aucune réunion de chantier n’est intervenue (nouvelle carence du maître d’oeuvre) ; qu’il y a lieu de retenir une part de responsabilité de 80 % pour Ingerest et le reste pour la société Serveau responsable de la pose de siphons trop hauts par rapport au dallage existant

— à titre subsidiaire, que la part de responsabilité de la société Cognac Renaulleau ne saurait excéder 20 %

— que seules les demandes pour les travaux et la cuisine mobile sont fondées;

— qu’elles sont fondées à opposer les franchises à leur assurée s’agissant du coût des travaux de reprise, et à leur assurée et à l’appelante s’agissant des préjudices immatériels (garantie facultative).

Par conclusions déposées en dernier lieu le 02 novembre 2018, comportant appel incident, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société Serveau demande à la cour de

— dire l’appel de la société A Mathe recevable mais non fondé,

— la débouter de l’ensemble de ses demandes dirigées à son encontre

— la recevoir en son appel incident,

— réformer le jugement déféré en ce qu’il a :

— homologué le rapport d’expertise,

— dit que face au partage de responsabilités entre les sociétés Ingerest, Renaulleau et Serveau, les condamnations seraient prononcées in solidum,

— l’a condamnée in solidum avec les sociétés Ingerest et Renaulleau à payer à la société A Mathe la somme de 6 577 euros HT pour la mise en place de la cuisine mobile outre les intérêts au taux légal à compter du 06 février 2017 à due concurrence de leurs parts de responsabilités respectives soit 50 % pour la société Ingerest, 30 % pour la société Renaulleau et 20 % pour elle,

— l’a condamnée in solidum avec les société Ingerest et Renaulleau à payer à la société A Mathe la somme de 20 125,22 euros HT au titre des travaux de remise en état du sol de la cuisine du Garden Ice Cafe outre les intérêts au taux légal à compter du 06 février 2017

l’a condamnée in solidum avec les sociétés Ingerest et Renaulleau à payer à la société A Mathe la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance à due concurrence de leur parts de responsabilités respectives,

— l’a condamnée in solidum avec les sociétés Ingerest et Renaulleau à payer à la société A Mathe la somme de 8 000 euros à due concurrence de leurs parts de responsabilités respectives,

— l’a condamnée in solidum avec les sociétés Ingerest et Renaulleau aux entiers dépens comprenant les frais d’huissiers et les frais d’expertise taxés à 8 325,12 euros à due concurrence de leur part de responsabilité respective,

— statuant à nouveau,

— vu les dispositions des articles 246, 700 et 455 du code de procédure civile,

vu les dispositions des article 1792 et suivants du code civil,

— dire et juger que les demandes formulées à l’égard (sic) de la société A Mathe se heurtent à l’absence de toute faute commise de sa part dans la réalisation de son lot,

— dire et juger qu’elle s’est strictement conformée aux prescriptions du CCTP qui ne mentionnait aucune altimétrie des siphons,

— dire et juger que le problème de pente et hauteur des siphons était apparent au moment de la réception de ses travaux le 15 avril 2015 sans avoir fait l’objet de réserves,

— dire et juger que la réception des travaux sans réserve en date du 15 avril 2015 a purgé sa responsabilité,

— dire en tout état de cause que seules la société Ingerest au titre d’un défaut de conception de l’ouvrage et la société Renaulleau pour avoir accepté le support sans réserve, peuvent voir leur responsabilité engagée vis-à-vis du maître de l’ouvrage,

— en conséquence,

— à titre principal,

— rejeter toutes les demandes formulées à son égard au titre des désordres affectant les travaux de rénovation du fonds de commerce exploité par la société A Mathe,

— à titre subsidiaire,

— dire et juger que sa responsabilité ne saurait excéder 20 % selon le rapport d’expertise judiciaire,

— condamner la société Ingerest et la société Renaulleau à la relever indemne de toutes condamnations susceptibles d’être mises à sa charge,

— en tout état de cause,

— rejeter la demande d’indemnisation de la perte d’exploitation qui n’est justifiée ni dans son principe ni dans son quantum et confirmer par conséquent la décision déférée en ce qu’elle a débouté la société A Mathe de sa demande en paiement au titre de la perte

d’exploitation,

— rejeter la demande d’indemnisation au titre du préjudice de jouissance en ce qu’il n’est étayé par aucun document susceptible de prouver sa réalité,

— limiter l’indemnisation de la société A Mathe aux seuls travaux de remise en état à savoir à la somme de 20 125,22 euros HT pour la fourniture et la pose de revêtement PVC avec remontée en plein avec soudures des joints à chaud et à la somme de 6 577 euros HT pour la cuisine provisoire,

— débouter la société Ingerest et la société Renaulleau de leurs demandes respectives visant chacune à être relevées indemnes par elle au titre des condamnations susceptibles d’être mises à leur charge,

— débouter la société Lloyd’s, les sociétés MMA et la société QBE de leurs demandes visant chacune à être relevées indemnes par elle au titre des condamnations susceptibles d’être mises à leur charge,

— condamner toutes parties qui succomberont au paiement à son profit d’une indemnité de 5 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’instance et d’appel.

La société Serveau fait notamment valoir

— qu’elle doit être mise hors de cause car elle n’a aucune part de responsabilité ; qu’elle n’a fait que se conformer au CCTP qui ne prévoyait pas de pourcentage de pentes ni ne précisait l’épaisseur de l’ouvrage devant être réalisé par la société Renaulleau ; que les désordres ont deux causes différentes : le dysfonctionnement des siphons et les défauts de mise en 'uvre du revêtement de sol ; que la responsabilité du maître d’oeuvre est prépondérante ; que celle de la société Renaulleau est aussi engagée, qui s’en est aperçue et a accepté le support alors qu’elle aurait dû se retirer et informer toutes les entreprises ; que les autres défauts sont de la seule responsabilité de la société Renaulleau (traitement des angles, joints, boursoufflures) ; qu’en tout état de cause, les désordres ont été purgés faute de réserves à la réception en dépit du caractère apparent des désordres ; que le jugement qui a retenu sa responsabilité n’est pas motivé ne s’est pas prononcé sur ces questions

— à titre subsidiaire, qu’aucune condamnation ne peut être pronconcée faute de démontrer un manquement à une obligation contractuelle solidaire entre les constructeurs ou des fautes communes ayant entrainé la réalisation de l’entier dommage ;

— à titre plus subsidiaire, que sa responsabilité est minime et ne saurait excéder 20 %

— sur les préjudices, que le préjudice d’exploitation est hypothétique et ne pourra être démontré qu’après travaux ; que la demande au titre du préjudice de jouissance est infondée.

Par conclusions déposées en dernier lieu le 08 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, les sociétés QBE Insurance Europe Limited et QBE Europe, commercialement dénommée QBE Europe SA/NV, qui vient aux droits et obligations de QBE Insurance (Europe) Limited, demandent à la cour de :

— vu les articles 1147, 1382 et 1792 du code civil

— à titre liminaire

— déclarer recevable l’intervention volontaire de QBE Europe commercialement dénommée QBE Europe SA/NV, qui vient aux droits et obligations de QBE Insurance (Europe) Limited

— à titre principal,

— dire et juger que la garantie obligatoire de responsabilité décennale souscrite auprès d’elle n’a pas vocation à être mobilisée, n’étant pas l’assureur à la date de l’ouverture de chantier,

— dire et juger que la garantie obligatoire décennale de la société Lloyds a vocation à couvrir les travaux de reprise des désordres affectant le sol de la cuisine,

— dire et juger que sa propre garantie Responsabilité Civile professionnelle est exclue pour le dommage matériel que constitue la reprise des travaux de l’assuré

— dire et juger que sa garantie Responsabilité Civile professionnelle n’a pas vocation à être mobilisée compte tenu de ce que le fait dommageable est antérieur à la souscription du contrat,

— dire et juger que sa garantie Responsabilité Civile professionnelle est exclue pour le dommage immatériel qui ne constitue pas un préjudice économique,

dire et juger que la garantie du volet Responsabilité Civile professionnelle de la société Lloyds a vocation à couvrir tant les travaux de reprise des désordres affectant le sol de la cuisine que les dommages immatériels consécutifs que sont la prise en charge d’une cuisine provisoire, ainsi que la perte d’exploitation et le préjudice de jouissance allégués,

— en conséquence, confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société A Mathe et toute autre partie de ses demandes dirigées à son encontre et en ce qu’il a condamné la société A Mathe à lui régler une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— pour le surplus,

— débouter la société Ingerest et son assureur la société Lloyds de leurs demandes à son encontre,

— à tout le moins, condamner la société Lloyds à la relever indemne et garantie de toute condamnation prononcée à son encontre,

— condamner la société Ingerest et son assureur la société Lloyds ou toute autre partie succombante à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

— à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour considérait qu’une de ses garanties est mobilisable,

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

— alloué à la société A Mathe des montants HT au titre du préjudice matériel constitué des travaux de reprise du sol PVC de la cuisine pour 20 125,22 euros HT, ainsi que du démontage/ remontage des équipements et mise en place d’une cuisine provisoire de substitution pour 6 577 euros HT,

— débouté la société A Mathe de sa demande au titre du préjudice d’exploitation

— pour le surplus, statuant à nouveau,

— débouter la société A Mathe de sa demande au titre du préjudice de jouissance,

— dire et juger que les désordres relèvent de la responsabilité exclusive des sociétés Cognac Serveau et Renaulleau,

— en conséquence,

— condamner in solidum la société Serveau et la société Renaulleau et les compagnies MMA venant aux droits de la société Covea Risk à la relever et garantir de toute condamnation susceptible d’être mise à sa charge,

si par extraordinaire, sa garantie obligatoire de responsabilité décennale était mobilisée, condamner la société Ingerest à lui rembourser le montant de la franchise contractuelle prévue au contrat de 4 000 euros,

— si par extraordinaire, sa garantie RC était mobilisée, dire et juger que la franchise de 4 000 euros serait opposable aux tiers et la déduire des sommes éventuellement mises à sa charge,

— dire et juger qu’en toute hypothèse, sa garantie ne serait applicable que dans les limites des plafonds mentionnés aux conditions particulières,

— condamner in solidum la société Serveau, la société Cognac Renaulleau et les compagnies MMA venant aux droits de la société Covea Risk à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

— en tout état de cause

— réduire à de plus justes proportions l’indemnité de procédure susceptible d’être allouée à la société A Mathe,

— dire et juger que cette indemnité sera répartie entre les parties succombantes à proportion de la part de responsabilité retenue.

Outre les diverses dispositions reprises intégralement ci-dessus qui demandent de « constater » ou « dire que » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais les moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, la société QBE fait notamment valoir qu’elle est l’assureur RCP et RCDécennale de la société Ingerest depuis seulement le 1er avril 2015

— à titre principal, qu’elle n’était pas assureur RCD lors de l’ouverture du chantier (février 2015) ; que c’était la société Lloyd’s, qui conteste à tort le caractère décennal des désordres, lesquels lui incombent pour les préjudices matériels

— que sa garantie RCP, qui n’a pas vocation à couvrir les dommages portant sur les propres travaux de l’assuré, n’est pas mobilisable ; qu’elle comporte des garanties facultatives, mais que la garantie RC exploitation ne peut être mobilisée dans la mesure où les désordres ont été dénoncés après la réception des travaux ; que même si la date de la première réclamation est postérieure à la résiliation du contrat Lloyd’s, elle est enfermée dans le délai subséquent des garanties qui ne peut être inférieur à 5 ans ; qu’en outre le fait dommageable, générateur de la responsabilité de la société Ingerest, est antérieur à la résiliation puisqu’il résulte de la mauvaise exécution du contrat de main d’oeuvre pendant la période de validité de la police Lloyds et avant la prise d’effet de la police QBE ; que la société Ingerest en avait forcément

connaissance avant la souscription du nouveau contrat

— qu’en conséquence sa garantie n’a vocation à couvrir ni les dommages sur travaux ni les dommages immatériels consécutifs qui incombent à Lloyd’s car le fait dommageable est antérieur à la résiliation du contrat souscrit auprs de Lloyds

— qu’en tout état de cause elle ne peut être tenue à garantie pour les dommages immatériels que dans les limites de leur définition contractuelle ; qu’ils correspondent de ceux qui créent une perte financière tels que la perte de revenus ou le manque à gagner mais pas le préjudice de jouissance qui n’est donc pas garanti

— à titre subsidiaire sur les préjudices, qu’elle s’en remet sur le préjudice matériel mais s’oppose à la perte d’exploitation et au préjudice de jouissance

sur les recours entre constructeurs, qu’Ingerest, qui n’a commis aucun manquement dans la conception ni le suivi des travaux est fondée à être relevée intégralement par les entreprises et les MMA

— à titre infiniment subsidiaire, qu’il y a lieu d’appliquer les franchises contractuelles. de 4 000 euros RCD (à rembourser par Ingerest car non opposable aux tiers) comme RCP .

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DECISION :

sur les demandes principales :

Le débat devant la cour porte sur :

— le fondement de l’action indemnitaire de la société A-Mathé ;

la répartition de la responsabilité entre les trois intervenants à l’acte de construction ;

— la garantie des assurances ;

— le préjudice indemnisable ;

— et les demandes reconventionnelles en paiement des factures.

sur le fondement de l’action indemnitaire :

Les parties s’opposent sur le fondement de l’action indemnitaire dont certaines soutiennent qu’elle relève de la responsabilité civile décennale cependant que selon les autres elle s’inscrit dans le cadre de la mise en oeuvre de la responsabilité civile professionnelle.

La responsabilité décennale des constructeurs ne peut être engagée qu’à raison des vices cachés apparus postérieurement à la réception de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. (article 1792-1 du code civil)

Le caractère apparent ou caché d’un vice ou défaut de conformité doit s’apprécier au regard du maître d’ouvrage profane en matière de construction.

En l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats et des conclusions de l’expert que les désordres en cause n’ont fait l’objet d’aucune réserve à la réception en date du 15 avril 2015,

les réserves portant sur d’autres défauts. Il ne peut être soutenu que les défauts relatifs à l’altimétrie des siphons et aux défauts de pente étaient apparents aux yeux du maître d’ouvrage profane alors que le maître d’oeuvre n’a non plus émis aucune réserve à la réception, et que l’expert ne les a identifiés qu’à l’issue d’investigations.

Il est par ailleurs établi que ces désordres rendent la cuisine impropre à sa destination car même s’ils ne font pas obstacle à l’utilisation de la cuisine, ils la compliquent, et surtout ont vocation à s’aggraver, générant à moyen terme un risque accru de non respect des normes d’hygiène et de sécurité particulièrement importantes dans cette branche d’activité. C’est ainsi que l’expert a relevé un fil d’eau stagnant sous les appareils et dans les zones de passage nécessaires à l’exploitation de la cuisine, favorisant l’encrassement notamment dans les recoins et contribuant à la création de réservoirs de bactéries, désordres s’aggravant au fil des réunions par le décollement des joints du revêtement de sol assurant l’étanchéité.(pièce 28 de l’appelante).

En conséquence, les désordres relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs et engagent dès lors les trois intervenants dans l’opération de construction que sont la société Ingerest, la société Serveau et la société Renaulleau qui ont contribué ensemble à la réalisation de l’entier dommage.

sur la répartition de la responsabilité entre les trois intervenants à l’acte de construction :

Le tribunal a adopté la répartition proposée par l’expert dans les proportions suivantes :

—  50 % pour la société Ingerest, maître d’oeuvre, qui n’a pas respecté les termes de son contrat au niveau de la direction des travaux et de la rédaction des pièces écrites CCTP pour le lot revêtement de sol

—  30 % pour la société Cognac Peinture Revelleau, qui n’a pas respecté les règles de l’art au niveau de la préparation du support

— et 20 % pour la société Serveau, qui a posé des siphons beaucoup trop haut par rapport au revêtement fini ce qui ne permet pas l’écoulement des eaux de lavage.

Chaque intimée conteste, pour la minimiser, la part de responsabilité retenue à son encontre.

C’est ainsi que la société Ingerest soutient que les désordres résultent exclusivement d’un problème d’exécution imputable aux entreprises Serveau (qui a réalisé une mise en oeuvre trop haute des siphons) et Cognac Renelleau (par la réalisation d’un ré-agréage d’une épaisseur insuffisante pour permettre l’écoulement) ; qu’il s’agit de manquements aux règles de l’art qui doivent être maîtrisées par les constructeurs même en présence d’un maître d’oeuvre avec mission complète dans la mesure où cela ne les dispense pas d’exécuter les travaux correctement ; que de son côté elle n’a commis aucun manquement à sa mission de conception (cf les CCTP dispositions communes et des différents lots dont il appartenait aux entreprises de respecter les stipulations) ; qu’elle a par ailleurs mis en 'uvre tout moyen lui permettant d’accomplir sa mission de surveillance (cf CR chantiers ); que les entreprises ne lui ont pas signalé de difficultés ni de non conformité, s’agissant notamment de Cognac Peinture qui devait réceptionner les supports réalisés par la société Serveau et faire part de ses réserves écrites en cas de non conformité et ne lui a rien signalé ; qu’aucun manquement à sa mission d’assistance aux opérations de réception ne peut lui être reproché, étant tenue d’une simple obligation de moyens ; que dans la mesure où aucune réserve n’a été formalisée par les entreprises (qui affirmaient au contraire la parfaite exécution de leur ouvrage), elle ne disposait d’aucun moyen pour relever les désordres ; qu’une fois informée, a été parfaitement diligente pour proposer une solution de reprise ainsi qu’il ressort de son courrier du 24 juin

2015 comportant une proposition refusée par le maître d’ouvrage.

La société Serveau soutient quant à elle sa mise hors de cause en faisant valoir qu’elle n’a fait que se conformer aux prescriptions du CCTP ; que les désordres ont deux causes différentes : le dysfonctionnement des siphons et les défauts de mise en 'uvre du revêtement de sol ; que la responsabilité du maître d’oeuvre est prépondérante ; que celle de la société Renaulleau est aussi engagée, qui s’en est aperçue et a accepté le support alors qu’elle aurait dû se retirer et informer toutes les entreprises ; que les autres défauts (traitement des angles, joints, boursoufflures) sont de la seule responsabilité de la société Renaulleau.

Quant à la société Renaulleau, elle allègue que le maître d’oeuvre a, à tort, fait le choix de conserver le dallage existant ne présentant pas nécessairement les formes de pentes permettant l’évacuation des eaux de lavage et a prévu un ré-agréage (type CEGESOL CPR) inadapté pour atteindre cet objectif ; que le matériau prévu n’était pas adapté car il rendait impossible la réalisation des formes de pentes ; qu’il existe donc un manquement du maître d’oeuvre dans la direction des travaux et la rédaction des pièces écrites CCTP pour le lot revêtement de sols ; que l’expert lui a à tort imputé une part de responsabilité de 30 % alors que le caractère inadapté du ré-agréage mis en 'uvre résultait d’une erreur de conception et de préconisation du maître d’oeuvre qui lui a été signalée ; qu’elle n’est intervenue qu’en fin de chantier le 26 mars 2015 ; qu’elle a signalé au maître d’oeuvre que la société Serveau avait posé les siphons trop haut par rapport au sol mais qu’il a insisté pour qu’elle poursuive ; qu’aucun compte rendu de chantier n’a été établi suite à son intervention, le dernier étant du 23 mars 2015 ; que la société Ingerest ne saurait lui reprocher d’avoir réceptionné sans réserve le support alors que la réception des supports devait se faire contradictoirement entre le maître d’ouvrage, le maître d’oeuvre et l’entreprise selon le DTU, ce qui signe une nouvelle carence du maître d’oeuvre ; qu’en tout état de cause, elle ne pouvait rattraper le niveau en conservant le support existant ; que les désordres procèdent essentiellement d’un défaut de conception imputable au maître d’oeuvre dont la responsabilité exclusive est engagée; qu’il y a lieu de retenir une part de responsabilité de 80 % pour la société Ingerest et le reste pour la société Serveau, responsable de la pose de siphons trop hauts par rapport au dallage existant.

Il ressort des pièces et des débats, notamment du rapport d’expertise, que les désordres résultent de négligences fautives :

— de la société Ingerest, maître d’oeuvre, qui commis des manquements dans la conception même de l’ouvrage (en choisissant de conserver le dallage existant ne présentant pas nécessairement les formes de pentes permettant l’évacuation des eaux de lavage et en optant pour un ré-agréage inadapté pour atteindre cet objectif), dans la rédaction des pièces écrites (CCTP qui ne mentionnait aucune altimétrie des siphons, ne prévoyait pas de pourcentage de pentes ni ne précisait l’épaisseur de l’ouvrage pour le lot revêtement de sols dont le choix était au demeurant inadapté), dans la direction et la surveillance des travaux (en omettant notamment d’organiser avant l’intervention de la société Cognac Peinture Renaulleau une réunion de chantier afin de permettre à celle-ci de réceptionner les supports réalisés par la société Serveau et de faire part le cas échéant de ses réserves écrites en cas de non conformité) et dans l’assistance au maître d’ouvrage (absence de réserves lors de la réception des travaux, puis une proposition de travaux superficiels qui ne pouvaient remédier aux désordres)

— de la société Serveau, qui a réalisé une mise en oeuvre trop haute des siphons

— de la société Renaulleau, qui, tout en constatant le défaut du support, a accepté d’intervenir au prix d’une prestation non conforme aux règles de l’art.

Les arguments développés devant la cour étant les mêmes que ceux opposés à l’expert, en

l’absence d’arguments forts de nature à combattre son estimation, il y a lieu de valider la répartition retenue par l’expert, qui rend compte de la gravité des fautes commises par chacune des intimées, et de confirmer le jugement qui a considéré que la responsabilité de la société Ingerest était engagée pour 50 %, celle de la société Cognac Peinture Revelleau pour 30 %, et celle de la société Serveau pour 20 % .

sur la garantie des assureurs :

La garantie des MMA est acquise sans débat pour la société Cognac Renaulleau, dans les limites des stipulations contractuelles dont le détail sera précisé plus loin.

La garantie due à la société Ingerest fait en revanche débat dans la mesure où elle a souscrit deux assurances successives :

— la première auprès de la société Lloyds (police RC décennale et RC professionnelle et RC exploitation) qui a pris effet le 1er avril 2010 et a été résiliée le 31 mars 2015

— la seconde (RCP et RC décennale) auprès de la société QBE compter du 1er avril 2015.

Dès lors que les désordres sont de nature décennale, en application de l’article L.124-3 du code des assurances (le contrat d’assurance dommages ouvrage couvre les travaux ayant fait l’objet d’une ouverture de chantier pendant la période de validité) c’est à la société Lloyd’s, assureur RCD de la société Ingerest lors de l’ouverture du chantier en février 2015, qu’il revient de prendre en charge les préjudices matériels, sous les réserves et dans les conditions détaillées plus loin.

S’agissant des préjudices immatériels ayant vocation à être pris en charge dans le cadre de la RCP, en application de l’article L.124-5 du code des assurances, la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation. Dans le cas de la garantie déclenchée par la réclamation, elle ne couvre le sinistre dont le fait dommageable a été connu de l’assuré postérieurement à la date de résiliation ou d’expiration que si, au moment où l’assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n’a pas été re-souscrite ou l’a été sur la base du fait dommageable. Par ailleurs, l’assureur ne couvre pas les conséquences pécuniaires des sinistres s’il établit que l’assuré avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.

Faute de rapporter cette preuve, c’est à la société QBE, assureur RCP, auprès de qui la société Ingerest a souscrit dès le 1er avril 2015 un nouveau contrat sur la base de la réclamation, qu’il revient de prendre en charge les préjudices immatériels dans la mesure où c’est au cours de la période de validité de ce deuxième contrat que la société Ingerest a été informée, par l’assignation en référé expertise délivrée le 06 octobre 2015, de la réclamation de la société A Mathe.

Le jugement qui a débouté la société A Mathe de ses demandes à l’encontre de la société QBE Insurance, et qui a condamné la société A Mathe à payer à la société QBE Insurance une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sera donc infirmé.

sur le montant de l’indemnisation :

Le tribunal a alloué à la société A Mathe :

— une somme de 20 125,22 euros HT au titre du coût des travaux de reprise

— une somme de 6 577 euros HT correspondant aux frais d’installation d’une cuisine mobile

— une somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance.

Il a par ailleurs rejeté la demande de la société A-Mathé au titre de son préjudice d’exploitation.

Si les montants alloués au titre des travaux de reprise et des frais d’installation d’une cuisine mobile ne sont pas contestés, les parties en revanche s’opposent sur :

— l’indemnisation du préjudice de jouissance

— celle du préjudice d’exploitation.

Sur le préjudice de jouissance, les intimées sollicitent la réformation du jugement en faisant valoir que le risque sanitaire allégué ne s’est jamais produit et n’a même jamais été confirmé, et qu’il peut être remédié à la stagnation d’eau par l’utilisation de racloirs, de sorte que l’appelante ne démontre aucun désagrément sauf une gêne lors du nettoyage subie non par elle mais par ses employés.

L’appelante est cependant fondée à opposer que l’utilisation de racloirs, outre qu’elle est contraignante pour le personnel, est insuffisante pour empêcher tout risque sanitaire ainsi qu’il résulte du rapport d’expertise. Le fait que le risque allégué ne se soit jamais réalisé (ce qui est heureux pour les intimées qui se verraient dans un tel cas réclamer des sommes d’une tout autre importance) ne fait pas obstacle à la prise en compte des désagréments et inquiétudes rencontrés au quotidien par la société A-Mathé, dont l’expert a confirmé le principe et dont l’appelante justifie par des attestations produites en appel cependant que la réalité d’un tel préjudice, au vu des débats, relève du simple bon sens et justifie la confirmation du jugement et l’allocation d’une somme de 5 000 euros.

Sur le préjudice d’exploitation, c’est l’appelante qui sollicite la réformation du jugement qui a rejeté sa demande, demande qu’elle réitère devant la cour en invoquant le préjudice résultant de la perte d’exploitation pendant les 45 jours de fermeture de la cuisine pour la durée des travaux de reprise qui impliquent le démontage de tous les éléments composant la cuisine.

Les intimées en revanche soutiennent unanimement la confirmation du jugement et le rejet de la demande en alléguant que les travaux peuvent être réalisés en 15 jours et non en 45 ; que l’expert a émis des doutes sur la force probante des documents produits par l’appelante, non visés par le comptable ; qu’elle intègre toutes les activités y compris l’activité bar qui représente une part importante de son chiffre d’affaires ; que même si les travaux devaient entrainer la condamnation de la cuisine, cela ne ferait pas obstacle au maintien de l’activité bar ; qu’en outre et surtout, l’expert a proposé une option n° 3 (la pose d’une cuisine mobile) ne générant aucune cessation d’activité.

L’appelante oppose que l’option n° 3 de l’expert, consistant en la mise en place d’une cuisine mobile provisoire, ne permet pas d’éviter toute perte d’exploitation, alors qu’une telle cuisine ne permettrait que de servir des menus de cuisine rapide et de maintenir une activité de bar ; qu’en aucun cas elle n’est de nature à remplacer les activités de brasserie permettant de servir 70 couverts par jour pour un chiffre d’affaires de restauration de 1 810 euros TTC par jour ; qu’elle justifie son préjudice par la production des comptes annuels de 2014 à 2017 ; qu’en outre une cuisine provisoire ne permet pas de satisfaire aux normes d’hygiène et de sécurité ; qu’elle rapporte donc la preuve qu’elle ne pourra éviter la cessation complète de ses activités pendant la période des travaux, prévue en février et mars 2020.

C’est cependant à bon droit que les intimées font valoir que l’attestation d’entreprise produite devant la cour est tardive et contredite par le devis produit en cours d’expertise qui ne faisait pas état de cette impossibilité ; que la société A Mathe a bien continué à exploiter pendant les travaux litigieux ; qu’en outre ses chiffres ne sont pas validés par le comptable ; enfin, qu’elle demande une indemnisation qui représente son chiffre d’affaires global alors qu’elle pourrait au moins poursuivre l’activité brasserie qui représente la part la plus importante de son activité.

Il convient surtout de relever que l’indemnisation du préjudice d’exploitation a vocation à compenser la perte subie et à reconstituer le bénéfice escompté. Or en l’espèce les travaux, programmés pour le premier trimestre 2020, n’ont toujours pas été réalisés, de sorte que le préjudice reste hypothétique, et que l’appelante n’est pas en mesure de produire les chiffres nécessaires à l’évaluation de ce préjudice dont le principe même reste contestable en l’état de la proposition alternative formulée en son temps par l’expert sans opposition formelle de l’appelante.

Il convient dès lors de confirmer le jugement qui a débouté la société A Mathe de sa demande à ce titre.

Les sociétés Ingerest, Renaulleau et Serveau seront donc condamnées, à due concurrence de leur part de responsabilités respectives, au paiement des sommes suivantes :

—  5 000 euros au titre du préjudice de jouissance, sans garantie des assureurs compte tenu des clauses contractuelles ;

—  20 125,22 euros HT au titre du coût des travaux de reprise, in solidum, pour les sociétés Ingerest et Renaulleau, avec leurs assureurs respectifs la société Lloyds et les MMA sous réserve des franchises (non opposables à la société appelante s’agissant d’une garantie obligatoire ), pour un montant de 5.062, 61 euros pour la société Lloyds (et non de 7 562, 61 euros ainsi que retenu par le tribunal qui aux termes d’un calcul erroné a déduit la franchise de la somme totale au lieu de la quote part de l’assurée), et de 5 612,47 euros (30 % de 20 125,22 ' 1 417 euros de franchise) pour les MMA

— une somme de 6 577 euros HT correspondant aux frais d’installation d’une cuisine mobile, in solidum, pour les sociétés Ingerest et Renaulleau, avec leurs assureurs respectifs la société QBE et les MMA sous réserve des franchises, opposables aux tiers.

sur les demandes reconventionnelles en paiement des factures :

Les sociétés Ingerest et Renaulleau demandent l’infirmation du jugement qui les a déboutées de leur demande en paiement de leurs factures.

Elles sont fondées à faire valoir qu’elles ont réalisé les prestations prévues et que les défauts affectant lesdites prestations, pris en compte dans le cadre des demandes indemnitaires de la société A-Mathé, ne justifient pas le rejet pur et simple de leur demande en paiement, mais seulement une compensation le cas échéant.

Le jugement sur ce point sera donc infirmé, et la société A-Mathé condamnée à payer au titre des factures impayées :

— à la société Ingerest, la somme de 13 802 euros ;

— à la société Renaulleau, la somme de 5 067,12 euros TTC. sur les demandes accessoires :

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les sommes non comprises dans les dépens exposées par elle dans le cadre de l’appel. Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel. Les indemnités allouées en première instance à la société A Mathe seront confirmées.

Chaque partie succombant en ses demandes en appel, chacune conservera la charge de ses dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement par le tribunal de commerce d’Angoulême le 25 janvier 2018 (sauf à condamner la société Lloyd’s Syndicate Brit 2987 à garantir la société Ingerest à hauteur de 5.062, 61 euros et non de 7 562,61 euros outre intérêts au taux légal à compter du 06 février 2017)

sauf en ce qu’il a :

— débouté la société A Mathe de ses demandes à l’encontre de la société QBE Insurance

— débouté la société Ingerest de sa demande reconventionnelle

— débouté la société Renaulleau de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles

— condamné la société A-Mathé à payer à la société QBE Insurance Europe Limited la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau sur ces points

Condamne la société QBE Insurance in solidum avec la société Ingerest, dans les limites de la franchise contractuelle, à payer à la société A Mathe la part lui incombant sur les frais d’installation d’une cuisine mobile (6 577 euros HT)

Déboute la société QBE Insurance Europe Limited de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance

Condamne la société A-Mathé à payer à la société Ingerest la somme de 13 802 euros au titre des factures impayées

Condamne la société A-Mathé condamnée à payer à la société Renaulleau la somme de 5 067,12 euros TTC au titre des factures impayées

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Chelle, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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Cour d'appel de Bordeaux, 4ème chambre commerciale, 10 décembre 2019, n° 18/00782