Cour d'appel de Dijon, Chambre sociale, 6 janvier 2022, n° 19/00619

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Dijon, ch. soc., 6 janv. 2022, n° 19/00619
Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro(s) : 19/00619
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Chalon-sur-Saône, 23 juillet 2019, N° 18/00037
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

DLP/CH

F X


C/

S.C.P. BTSG

UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA – AGS CHALON SUR SAONE

S.A.S. LE TOUR DU MONDE EN ÉPICES


Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 06 JANVIER 2022

MINUTE N°

N° RG 19/00619 – N° Portalis DBVF-V-B7D-FKMB


Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON-SUR-SAÔNE, section COMMERCE, décision attaquée en date du 24 Juillet 2019, enregistrée sous le n° 18/00037

APPELANTE :

F X

[…]

[…]

représentée par Me Cédric MENDEL de la SCP MENDEL – VOGUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉES :

S.C.P. BTSG²,

[…]

[…]

représentée par Me Dominique BRON, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA – AGS CHALON SUR SAONE

[…]

[…]

71100 CHALON-SUR-SAONE

représentée par Me Florence GAUDILLIERE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Charlotte MASSARD, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

S.A.S. LE TOUR DU MONDE EN ÉPICES

[…]

71460 SAINT-MARTIN-DU-TARTRE

représentée par Me Dominique BRON, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2021 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :


L M, Président de chambre,


Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,


Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : J K,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par L M, Président de chambre, et par J K, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme X a été engagée par la SAS Le Tour du monde en épices par contrat à durée déterminée, à compter du 1er septembre 2015, en qualité d’employée polyvalente.


Le 1er février 2016, elle a conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec la même société et pour le même emploi.


Le 8 avril 2017, elle a été licenciée pour faute grave.


Par requête du 13 février 2018, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir :
- dire et juger que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse,


- dire et juger que son licenciement était intervenu dans des conditions vexatoires,


- condamner la SAS Le Tour du monde en épices à lui payer les sommes suivantes :

* 7 500 euros nets de CSG-CRDS au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 598,49 euros au titre de l’indemnité de préavis et 159,84 euros de congés payés afférents,

* 1 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens,


- dire et juger que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisaient intérêts à compter de la notification par le conseil de prud’hommes à l’employeur des demandes du salarié et en préciser la date,


- remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées,


- fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à hauteur de 1 598,49 euros de façon à permettre l’exécution provisoire de droit.


Par jugement du 24 juillet 2019, le conseil de prud’hommes :


- requalifie le licenciement pour faute grave de Mme X en licenciement pour cause réelle et sérieuse,


- dit que le licenciement de Mme X n’est pas intervenu dans des conditions vexatoires,


- fixe la moyenne des 3 derniers mois de salaires à 1 480,30 euros,


- condamne la SAS Le Tour du monde en épices à verser à Mme X les sommes suivantes :

* 1 480,30 euros au titre de l’indemnité de préavis,

* 148,03 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

* 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamne la SAS Le Tour du monde en épices à remettre à Mme X les documents légaux rectifiés conformes aux dispositions du jugement,


- rappelle que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts à compter de la réception de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et d’orientation ou à la date de la notification des demandes à l’employeur,


- rappelle qu’en application des dispositions de l’article R. 1454-28 du code du travail, la décision est de droit exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaires pour les sommes visées à l’article R. 1454-14 du code du travail,


- déboute Mme X de ses autres demandes,


- déboute la SAS Le Tour du monde en épices de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamne la SAS Le Tour du monde en épices aux dépens.


Par déclaration enregistrée le 23 août 2019, Mme X a relevé appel de cette décision.


Dans le dernier état de ses conclusions notifiées par voie électronique le 30 mars 2021, elle demande à la cour de :


- dire son appel recevable et bien fondé,


En conséquence,


- infirmer le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône en date du 24 juillet 2019, sauf en ce qu’il a condamné la SAS Le Tour du monde en épices à lui verser la somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


Pour le surplus,


- dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,


En conséquence,


- fixer sa créance au passif de la SAS Le Tour du monde en épices aux sommes suivantes :

* 7 500 euros nets de CSG-CRDS de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 612,41 euros bruts au titre du préavis, outre 161,24 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 200 euros de dommages et intérêts au titre de la procédure vexatoire,

* 1 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamner la SAS Le Tour du monde en épices à lui remettre les documents légaux rectifiés conformes aux condamnations prononcées, à savoir attestation Pôle emploi et fiche de paie,


A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour ferait droit à l’argumentation des AGS CGEA concernant leur mise hors de cause,


- condamner la SAS Le Tour du monde en épices à lui verser les sommes suivantes :

* 7 500 euros nets de CSG-CRDS de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 612,41 euros bruts au titre du préavis, outre 161,24 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 200 euros de dommages et intérêts au titre de la procédure vexatoire,

* 1 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


- condamner la SAS Le Tour du monde en épices aux entiers dépens de première instance et d’appel.


Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 30 avril 2021, la société Le Tour du monde en épices et la SCP Q-N-O-P (BTSG), ès qualités de mandataire judiciaire de la société Le Tour du monde en épices, demandent à la cour de :


A titre principal,


- infirmer le jugement du 24 juillet 2019,


Statuant à nouveau,


- dire et juger que le licenciement de Mme X repose sur une faute grave,


En conséquence,


- débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes dirigées contre la société Le Tour du monde en épices et la SCP Q-N O-R, en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS Le Tour du monde en épices,


- condamner Mme X à payer 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés devant le conseil de prud’hommes, outre les dépens de première instance,


Y ajoutant,


- condamner Mme X à payer à la SCP Q-N O-R, ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Le Tour du monde en épices, ainsi qu’à cette dernière, 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés devant la cour d’appel, outre les dépens de l’instance d’appel,


A titre subsidiaire,


- confirmer le jugement du 24 juillet 2019,


Y ajoutant,


- condamner Mme X à payer à la SCP Q-N O-R ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Le Tour du monde en épices, ainsi qu’à cette dernière, 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés devant la cour d’appel, outre les entiers dépens de l’instance d’appel,


A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait le licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- statuer à nouveau sur le montant des dommages et intérêts et limiter à 1 mois de salaire, soit 1 480,30 euros nets, le montant des dommages et intérêts octroyés à Mme X,


- confirmer le jugement dont appel pour le surplus,


Y ajoutant,


- condamner Mme X à payer à la SCP Q-N O-R ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS Le Tour du monde en épices, ainsi qu’à cette dernière, 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés devant la cour d’appel, outre les entiers dépens de l’instance d’appel.
Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 12 mars 2021, l’Unedic AGS CGEA de Chalon-sur-Saône (l’AGS) demande à la cour de :


- infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône en date du 24 juillet 2019 en ce qu’il a requalifié le licenciement de Mme X en licenciement pour cause réelle et sérieuse et lui a alloué une indemnité de préavis et congés payés afférents, ainsi qu’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- le confirmer au surplus,


A titre principal, sur la mise hors de cause de l’AGS,

Au visa de l’article L. 3253-6 du code du travail,


- constater qu’un plan de redressement a été adopté,


- constater que la SAS Le Tour du monde en épices ne se trouve plus en procédure de redressement judiciaire,


- constater que la SAS Le Tour du Monde en épices n’a pas fait l’objet d’une liquidation judiciaire,


En conséquence,


- dire et juger que la procédure de redressement judiciaire de la SAS Le Tour du monde en épices a pris fin avec l’adoption du plan de redressement,


- mettre hors de cause la garantie de l’AGS, aucune procédure collective n’étant en cours,


A titre subsidiaire, sur le principe de subsidiarité,

Au visa de l’article L. 3253-20 du code du travail,


- constater que la SAS Le Tour du monde en épices a été placée en redressement judiciaire le 5 décembre 2019,


- constater qu’aucune liquidation judiciaire n’a été prononcée,


En conséquence,


- dire et juger qu’elle ne fera l’avance des éventuelles sommes accordées au demandeur, qu’en l’absence de fonds disponibles entre les mains du mandataire judiciaire,


A titre très subsidiaire, sur les demandes de Mme X,

Au visa de l’article L. 625-3 du code du commerce,

Au visa des articles L. 1231-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1235-1 et suivants, L. 3253-6 et suivants du code du travail,


- constater que la faute grave de Mme X est caractérisée,


- constater que Mme X a été entièrement remplie de ses droits,


- constater la carence du salarié dans l’administration de la preuve,
En conséquence,


- débouter Mme X de l’ensemble de ses demandes,


- minorer notoirement le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


- constater que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié au plafond applicable,


- dire et juger qu’en aucun cas elle ne saurait intervenir en garantie de sommes sollicitées au titre d’astreintes et d’article 700 du code de procédure civile,


- constater en tout état de cause que la garantie AGS ne peut aller au-delà des limites prévues par les articles L. 3253-8 et suivants du code du travail,


En conséquence,


- dire et juger que le montant maximal avancé par elle ne saurait être supérieur au montant du plafond applicable, toutes créances avancées pour le compte du salarié,


A titre infiniment très subsidiaire et en tout état de cause,


- donner acte à l’AGS de ce qu’elle ne prendrait éventuelle en charge :

* que les salaires et accessoires, dans le cadre des dispositions des articles L.625-3 et suivants du code de commerce, uniquement dans la limite des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail

* que les créances directement nées de l’exécution du contrat de travail et ne prendrait donc en charge, notamment, ni les dommages et intérêts pour résistance injustifiée ou pour frais irrépétibles, ni les astreintes, ni les sommes attribuées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,


- dire et juger qu’elle ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-17 et L. 3253-19 du code du travail,


- dire et juger à ce titre que son obligation de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.


En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA MISE HORS DE CAUSE DE L’AGS


Attendu que l’AGS sollicite sa mise hors de cause ou, à titre subsidiaire, l’application du principe de subsidiarité de sa garantie ;


Attendu que les sommes dues par l’employeur, en exécution du contrat de travail, antérieurement au jugement de redressement judiciaire, restent soumises, même après adoption d’un plan de redressement par voie de continuation, au régime de la procédure collective en application de l’article
L. 3253-8 du code du travail ;

qu’au cas présent, la rupture du contrat de travail de Mme X remontant au 8 avril 2017, alors que la mise en redressement judiciaire de la société le Tour du monde en épices date du 5 décembre 2019 et l’adoption du plan de continuation du 4 mars 2021, l’AGS sera tenue à garantir, dans les termes et plafonds prévus aux articles L. 3253-1 et suivants du code du travail, faute de fonds suffisants, les créances à caractère salarial fixées ou à fixer au passif de la procédure collective de la société intimée ;

que dès lors, la demande de mise hors de cause de l’AGS doit être rejetée, sa garantie étant uniquement suspendue pendant l’exécution du plan ;

SUR LE BIEN-FONDÉ DU LICENCIEMENT


Attendu qu’il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ;

que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ;

que l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;


Attendu, en l’espèce, que Mme X a été licenciée pour faute grave aux termes d’une lettre, qui fixe les limites du litige, ainsi libellée :

« Nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave. Cette décision a été prise pour les raisons suivantes :

- agression verbale lors d’un entretien informel dans les locaux de l’entreprise le 27 mars 2017 envers M. Y G, notamment une expression venant de vous : « regarde moi dans les yeux et jure que tu n’as pas parlé dans mon dos » accompagné d’une gestuelle agressive démontrant un certain mépris et un manque de considération de M. Y en présence d’une autre salariée Mme Z et moi-même,

- la propagation d’idées fausses et graves concernant la sécurité et la mise en danger de l’intégrité physique du personnel, dû à une négligence de M. G Y en charge de l’entretien des locaux, en l’occurrence entretien de la chaudière. Problème qui a été résolu dans les 2 à 3 jours suivant le problème signalé à celui-ci aux alentours de mi-février 2017,

- insubordination envers M. Y, remettant en cause sa bonne foi et faisant planer de nouveau un doute quant à la sécurité des salariés.

Vos propos et vos agissements de ces dernières semaines remettent en cause la confiance de l’équipe toute entière envers la société et les compétences et qualités morales de M. G Y. Ces faits ne nous permettant pas de vous garder au sein de l’entreprise et nous contraignent à procéder à votre licenciement immédiat à réception de cette lettre, soit le mardi 11 avril 2017 » ;

que Mme X conteste l’ensemble de ces griefs ; qu’elle demande, dans le corps de ses écritures, que le pièce adverse n°4 soit retirée des débats mais ne reprend pas cette prétention dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n’en est pas saisie ;

que l’employeur et l’AGS prétendent, pour leur part, que la faute grave est caractérisée ;
Attendu qu’il est constant que les faits du 27 mars 2017, au cours desquels l’appelante aurait agressé verbalement son supérieur hiérarchique, M. Y, et aurait fait preuve d’insubordination à l’égard de ce dernier, se sont déroulés en présence de deux témoins, Mme Z-I, ancienne salariée de l’entreprise (rupture conventionnelle), et Mme Y, gérante et épouse de la prétendue victime ;

que l’attestation de M. Y qui vient confirmer les faits allégués par l’employeur ne saurait suffire à les établir comme manquant d’objectivité et d’impartialité ; qu’il en va de même de celle de l’épouse de ce dernier, également gérante de la société et, par suite, employeur de Mme X ; que les autres témoignages produits par l’employeur se contentent quant à eux d’attester des qualités humaines des époux Y ; que, de même, les témoignages de Mmes A, B et Bazin sur l’absence d’incident, au sein de l’entreprise, avant les faits litigieux sont sans emport sur la solution du litige ; que le seul témoignage utile et crédible est donc celui de Mme Z-I qui déclare :

« Nous avons pris nos postes à 13 heures comme d’habitude. Monsieur et Madame Y sont arrivés aux alentours de 13h30. Monsieur Y nous a interrompu dans notre travail déclarant qu’il en avait assez que nous parlions dans son dos. Il a ensuite interpellé Madame X sur différents points survenus dans les 4 derniers mois. En outre, en l’accusant d’avoir voulu informer ses collègues de travail concernant le refoulement de la chaudière dans le Bâtiment, lui soutenant qu’elle n’avait pas à faire peur à ses collègues au sujet de leur sécurité. Sidérée par cette accusation, Madame X s’est défendue en expliquant qu’il était naturel de parler de ce genre de choses entre collègues. Se sentant incomprise, Madame X s’est mise à pleurer. Le ton de la discussion est alors monté, Madame X a rappelé une discussion qu’avait eu son conjoint, Monsieur H E, avec Monsieur Y au sujet de l’installation de la chaudière, à savoir que Monsieur E a été salarié pendant 4 ans et demi de l’entreprise EUDO dont l’activité, la vente et l’installation de poêles ainsi que le ramassage, débistrage de cheminées. Monsieur Y a répondu en dénigrant Monsieur E et en affirmant que ce dernier n’y connaissait rien. Madame X s’est sentie attaquée dans sa vie privée blessée par les propos rabaissant son conjoint. Madame Y est intervenue à son tour très agitée en évoquant des faits en relation avec la vie privée de Madame X. Monsieur Y est ensuite parti en claquant la porte du laboratoire. Une fois cet échange terminé, Monsieur et Madame Y ont quitté les locaux. Madame X et moi-même sous le choc de cette discussion houleuse avons dû reprendre notre travail complètement déstabilisées et en larmes » ;

qu’or, il ne ressort pas de cette attestation que Mme X a eu une attitude agressive à l’égard de M. Y, ni qu’elle a fait preuve d’insubordination ou a propagé des « idées fausses et graves » concernant la sécurité du personnel du fait de la négligence de M. Y ; que seul le témoignage de ce dernier vient contrer ces affirmations, ce qui ne permet pas d’établir la réalité des faits retenus par l’employeur au soutien du licenciement de sa salariée ;


Attendu au vu de ces éléments, pris dans leur ensemble, que les faits rapportés dans la lettre de licenciement ne sont pas établis et que le licenciement de Mme X doit, par réformation du jugement déféré, être déclaré sans cause réelle et sérieuse ;

SUR L’INDEMNISATION AU TITRE DU LICENCIEMENT ABUSIF


Attendu qu’en l’absence de tout autre élément probant, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu’il a alloué à Mme X la somme de 1 480,30 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 148,03 euros de congés payés afférents ;

que compte tenu de l’effectif de l’entreprise (moins de 11 salariés), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération brute versée mensuellement à Mme X (1 480,30 euros), de son âge au moment du licenciement (36 ans), de son ancienneté (19 mois) et en l’absence de tout autre justificatif du préjudice subi, il y a lieu de lui allouer, en application de l’article L. 1235-5 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, la somme réclamée de 7 500 euros au titre du préjudice subi ;


Attendu qu’il résulte des articles L. 622-22 et L. 625-3 du code de commerce que les sommes dues par l’employeur en raison de l’exécution de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l’adoption d’un plan de redressement qu’il soit par scission ou par continuation au régime de la procédure collective, de sorte que la juridiction prud’homale doit alors se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l’état des créances déposé au greffe du tribunal sans pouvoir condamner le débiteur à payer celles-ci ;

que tel est le cas des créances de Mme X qui sont antérieures au jugement de redressement judiciaire ; qu’elles seront donc fixées au passif de la société employeur ;

S U R L ' I N D E M N I S A T I O N A U T I T R E D U C A R A C T È R E V E X A T O I R E D E L A PROCÉDURE DE LICENCIEMENT


Attendu que Mme X ne justifie d’aucun préjudice distinct de celui causé par son licenciement ; que sa demande indemnitaire pour procédure vexatoire sera donc, par confirmation de la décision critiquée, rejetée ;

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES


Attendu que l’employeur sera tenu de remettre à l’appelante les documents légaux rectifiés, sollicités par cette dernière (attestation Pôle emploi, fiche de paie), conformément aux dispositions du présent arrêt ;


Attendu qu’il n’y a pas lieu de rappeler les limites de la garantie de l’AGS qui sont déterminées par la loi et notamment les L. 3253-8 à L. 3253-13, L. 3253-17, R. 3253-5 et L. 3253-19 à L. 3253-23 du code du travail ;


Attendu que la décision attaquée sera confirmée en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

que la société Le Tour du monde en épices et son mandataire judiciaire, qui succombent pour l’essentiel, doivent prendre en charge, in solidum, les entiers dépens d’appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,


Rejette la demande de mise hors de cause de l’Unedic AGS CGEA de Chalon-sur-Saône,


Infirme le jugement entrepris, sauf en ce que ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire de Mme X pour procédure vexatoire,


Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,


Dit que le licenciement de Mme X est sans cause réelle et sérieuse,


Fixe les créances de Mme X au passif de la société Le Tour du monde en épices comme suit :


- 1 480,30 euros au titre de l’indemnité de préavis,
- 148,03 euros au titre des congés payés afférents,


- 7 500 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


Condamne la société Le Tour du monde en épices et la SCP Q-N-O-P à remettre à Mme X les documents légaux rectifiés (attestation Pôle emploi, fiche de paie) conformément aux dispositions du présent arrêt,


Dit n’y avoir lieu de rappeler les limites de la garantie de l’AGS qui sont déterminées par la loi et notamment les L. 3253-8 à L. 3253-13, L. 3253-17, R. 3253-5 et L. 3253-19 à L. 3253-23 du code du travail,


Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum la société Le Tour du monde en épices et la SCP Q-N-O-P, ès qualité, à payer à Mme X la somme de 1 500 euros pour les frais d’avocat engagés tant en première instance qu’en cause d’appel ; rejette leur demande à ce titre,


C o n d a m n e i n s o l i d u m l a s o c i é t é L e T o u r d u m o n d e e n é p i c e s e t l a S C P Q-N-O-P, ès qualité, aux dépens de première instance et d’appel.


Le greffier Le président


J K L M
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