Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 22 janvier 2019, n° 16/01077

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Chronologie de l’affaire

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Christophe Albiges · Gazette du Palais · 17 décembre 2019
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Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, 2° ch., 22 janv. 2019, n° 16/01077
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 16/01077
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grasse, 10 avril 2013, N° 10/06091
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2° chambre

ARRET DU 22 JANVIER 2019

Numéro d’inscription: N° RG 16/01077 – N° Portalis DBVK-V-B7A-MPOI

Décisions déférées à la Cour :

Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de GRASSE, décision attaquée en date du 11 Avril 2013, enregistrée sous le n° 10/06091

Arrêt Au fond, origine Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE, décision attaquée en date du 15 Mai 2014, enregistrée sous le n° 13/10472

Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS, décision attaquée en date du 08 Décembre 2015, enregistrée sous le n° arrêt 1053

DEMANDEUR A LA SAISINE:

Monsieur B X

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Marie-Pierre VEDEL SALLES, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant

Assistée de Me CALVET, loco Me GRIEUMARD, avocat au barreau de Toulouse, avocat plaidant

[…]

Monsieur F-G Y

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Marianne GIAUFFRET, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant et plaidant

SELARL PHARMACIE DU BEAL

[…]

[…]

Représenté par Me Grégory CRETIN de la SCP COULOMBIE, GRAS, CRETIN, BECQUEVORT, ROSIER, SOLAND, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant

Assisté de Me COHEN, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

SELARL GAUTHIER SOHM

[…]

Delta

[…]

Représenté par Me Grégory CRETIN de la SCP COULOMBIE, GRAS, CRETIN, BECQUEVORT, ROSIER, SOLAND, avocat au barreau de Montpellier, avocat postulant

Assisté de Me COHEN, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 20 NOVEMBRE 2018

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 DECEMBRE 2018, en audience publique, Monsieur F-I J ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur F-I J, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Magistrat honoraire chargé de missions juridictionnelles

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame D E

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Monsieur F-I J, Président de chambre, et par Madame D E, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :

B X et F-G Y, tous deux pharmaciens, ont constitué, le 21 décembre 2006, une société d’exercice libéral à responsabilité limitée dénommée « pharmacie du Béal », dont l’objet est la propriété et l’exploitation d’une officine de pharmacie située 13, […] à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) ; selon les statuts mis à jour le 28 février 2007, le capital social est de 320 000 € divisé en 100 parts sociales de 3200 € chacune, M. X détenant 50 parts numérotées 1 à 50 et M. Y 50 parts numérotées 51 à 100.

Par lettre recommandée du 16 avril 2009, M. X a informé son associé de son intention de céder les parts qu’il détenait au sein de la société pharmacie du Béal et de cesser toute activité professionnelle au plus tard le 15 octobre 2009 conformément aux statuts.

Par acte sous-seing privé du 9 mai 2009, M. X a promis de céder ses parts sociales à M. Y au prix de 198 581,50 €, soit 3971,63 € la part, ce dernier se portant fort envers le promettant du remboursement par la société de sa créance en compte-courant, dont le montant devait être arrêté au jour de la conclusion de l’acte définitif ; cette promesse a été notamment consentie sous la condition suspensive de l’octroi au bénéficiaire de la promesse d’un ou plusieurs prêts bancaires d’un montant global minimum de

850 000 € au taux de 4% ; elle a été prorogée, le 24 juillet 2009, jusqu’au 30 septembre 2009, mais n’a pu finalement être réalisée, aucune banque n’ayant accepté de financer l’opération.

À compter du 3 juin 2009, M. X a cessé toute activité au sein de l’officine de pharmacie.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 8 avril 2010, la société pharmacie du Beal représentée par M. Y, son gérant, a notifié à M. X qu’en application de l’article 15 des statuts, elle prenait acte de la perte de ses droits d’associé et qu’elle procédait au rachat de ses parts au prix d’un euro symbolique.

Une assemblée générale de la société s’est tenue le 28 juin 2010 aux fins notamment d’approbation des comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2009 et d’affectation du résultat de l’exercice, résolutions qui ont été adoptées sans que M. Z ait été autorisé à prendre part au vote, tenant la perte de ses droits d’associé à compter de la cessation de son activité en application des articles 8 et 15 des statuts.

Par courrier du 16 mars 2011 adressé aux deux associés de la société pharmacie du Béal, le président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens, que M. X avait saisi, rappelant les dispositions de l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 (relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé), selon lequel plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenu par des professionnels en exercice au sein de la société et qu’à défaut, la société dispose d’un délai d’un an pour se mettre en conformité avec les dispositions de la loi sous peine de dissolution, a mis

ces derniers en demeure de régulariser la situation consécutive à la démission de ses fonctions

de gérant et d’associé exploitant de M. X à effet du 15 octobre 2009.

La société pharmacie du Béal a entre-temps, par exploit du 16 septembre 2010, fait assigner M. X devant le président du tribunal de grande instance de Grasse statuant en la forme des référés en vue de l’évaluation des droits sociaux de l’intéressé sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil ; M. Y est intervenu à l’instance et par une ordonnance du 27 octobre 2010 une expertise a été prescrite aux fins d’évaluation des 50 parts sociales détenues par M. X.

Finalement désigné en qualité d’expert, M. A, expert-comptable, a établi, le 25 octobre 2012, un rapport de ses opérations aux termes desquelles il évalue les 50 parts sociales détenues par M. X dans la société pharmacie du Béal à la somme de 117 100 € ; ce dernier n’a pas donné suite à la proposition de règlement amiable du montant ainsi retenu par l’expert et par acte d’huissier de justice du 10 mai 2013, la société pharmacie du Béal a notifié à M. X une offre réelle de paiement de ladite somme de 117 100 €, laquelle a été finalement consignée à la caisse des dépôts et consignations.

Parallèlement, M. X a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse afin qu’il soit fait injonction à M. Y, en sa qualité de pharmacien exploitant, de racheter 1 % de ses parts, dont le montant sera fixé à dire d’expert ; cette demande a été rejetée par une ordonnance du 29 juin 2011.

Le 15 juin 2011, M. X a été radié du tableau de l’ordre des pharmaciens titulaires.

Par exploit du 18 octobre 2010, M. Z a fait assigner la société pharmacie du Béal et M. Y devant le tribunal de grande instance de Grasse en vue d’obtenir l’annulation avec toutes conséquences de droit de l’article 15, alinéa 3, des statuts de la société, l’annulation des délibérations de l’assemblée générale du 28 juin 2010 et de toutes les autres délibérations et assemblées qui ont suivi, la nomination d’un administrateur ad hoc ayant notamment pour mission de convoquer les associés aux fins de mise en conformité des statuts, du rachat de 1 % des parts de M. X, de distribution des bénéfices depuis l’exercice 2009, de remboursement du compte courant d’associé de M. X et du paiement des congés payés de celui-ci, ainsi que l’allocation de dommages et intérêts compensatoires de la spoliation de ses droits d’associé.

Le tribunal, par jugement du 11 avril 2013, a débouté M. X de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné à payer à la société pharmacie du Béal et M. Y la somme de 2000 €, chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 15 mai 2014, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a infirmé ce jugement et, statuant à nouveau, a notamment :

— dit que M. X a la faculté de demeurer associé jusqu’au 15 octobre 2019,

— dit que M. X n’a d’autre obligation que de céder partie de ses parts afin de rétablir une répartition du capital et des droits de vote conforme aux prescriptions légales et réglementaires,

— dit que le rachat de tout ou partie des parts de M. X devra se faire sur la base de l’évaluation de l’expert dans son rapport d’expertise du 25 octobre 2012,

— déclaré nulles et de nul effet les délibérations de l’assemblée générale ordinaire du 28 juin 2010,

— débouté M. X de ses autres demandes,

— condamné la Selarl pharmacie de Béal à payer à M. X la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Cet arrêt a été cassé en toutes ses dispositions par un arrêt rendu le 8 décembre 2015 par la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique) aux motifs suivants :

Sur le moyen unique du pourvoi n° T 14-22.244 :

Vu l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales et l’article 1844-10 du code civil ;

Attendu que pour dire que M. X avait la faculté de demeurer associé jusqu’au 15 octobre 2019 et qu’il n’avait d’autre obligation que de céder partie de ses parts afin de rétablir une répartition du capital et des droits de vote conforme aux prescriptions légales et réglementaires, l’arrêt retient que la clause prévue par l’article 15 des statuts de la société est illicite, en tant qu’elle entraîne la perte automatique des droits attachés à la qualité d’associé, cependant que ni la loi ni les statuts type n’ont prévu une telle sanction ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les statuts d’une société d’exercice libéral de pharmacien d’officine peuvent déroger aux dispositions légales non impératives et notamment prévoir que l’associé qui cesse toute activité professionnelle peut rester associé pendant dix ans en qualité d’ancien associé, mais que, si cette situation a pour effet de réduire la part de capital des associés professionnels en exercice à une fraction inférieure à la moitié de ce capital, il perd, dès la survenance de cet événement, l’exercice des droits attachés aux parts qu’il détient et ses parts sont rachetées à la diligence de la gérance, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du pourvoi n° A 14-19.261, pris en sa première branche :

Vu l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales et les articles 1844-1 et 1869 du code civil ;

Attendu qu’il résulte de la combinaison de ces textes que la perte, en application d’une clause statutaire, de l’exercice des droits attachés aux parts détenues par un associé au sein d’une société d’exercice libéral de pharmacien d’officine, dès la cessation de ses fonctions professionnelles au sein de la société, n’emporte pas, jusqu’au remboursement des droits sociaux, la perte de la rétribution des apports en capital ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X en désignation d’un administrateur ad hoc ayant pour mission notamment de procéder à la distribution des bénéfices réalisés par la société en 2009, l’arrêt retient que la loi du 31 décembre 1990 tend uniquement à réserver la majorité du capital et des droits de vote aux pharmaciens exerçant effectivement au sein de la société et que l’associé qui cesse son activité n’a pas vocation à percevoir les bénéfices réalisés grâce à l’industrie de l’associé exerçant au sein de l’officine ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Entre-temps, par jugement du 14 avril 2015, le tribunal de grande instance de Grasse a ouvert la procédure de sauvegarde de la société pharmacie du Béal et désigné la Selarl Gauthier Sohm en qualité de mandataire judiciaire.

Désignée comme juridiction de renvoi, cette cour a été saisie par M. X suivant déclaration reçue le 9 février 2016 au greffe.

En l’état de ses conclusions déposées le 16 mars 2017 via le RPVA, il demande à la cour, au visa des articles 1844-1 du code civil, de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et du décret du 28 août 1992, des articles 8, 11, 19 et 20 des statuts et de l’article R. 5125-20 du code de la santé publique, de :

— débouter la société pharmacie du Béal, la société Gauthier Sohm et M. Y de l’ensemble de leurs prétentions,

— réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 avril 2013 par le tribunal de grande instance de Grasse et statuant à nouveau,

— dire et juger que l’alinéa 3 de l’article 15 des statuts de la Selarl pharmacie du Béal en date du 21 décembre 2006, déroge aux dispositions de l’article 1844-1 du code civil, à l’article 1844, alinéa 1, du même code, à la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990, au décret du 28 août 1992, aux dispositions du code de la santé publique sur les sociétés d’exercice libérales, ainsi qu’aux statuts édités par l’ordre des pharmaciens,

— dire et juger que cet alinéa 3 de l’article 15 desdits statuts soit réputé non écrit, avec toutes conséquences de droit,

— déclarer et juger nulles et de nul effet les délibérations de l’assemblée générale ordinaire du 28 juin 2010 de la société pharmacie du Béal et de toutes les autres délibérations et assemblées qui ont suivi depuis cette date,

— désigner un expert-comptable chargé de vérifier la licéité des comptes de la société pharmacie du Béal depuis sa cessation d’activité,

— nommer un administrateur ad hoc aux frais de la société pharmacie du Béal avec mission de convoquer les associés pour l’ordre du jour suivant :

' mise en conformité avec l’article 8 des statuts,

' rachat de 1 % des parts sociales de M. X,

' distribution des bénéfices réalisés par la société pharmacie du Béal depuis l’exercice 2009,

' remboursement du compte courant d’associé de M. X,

' paiement des congés payés de M. X,

— condamner in solidum la société pharmacie du Béal et M. Y à lui verser la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour la spoliation de ses droits d’associé,

— condamner les mêmes, in solidum, à lui verser la somme de 9000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir pour l’essentiel que :

— l’alinéa 3 de l’article 15 des statuts de la société pharmacie du Béal, qui prévoit la perte de l’exercice des droits attachés aux parts sociales détenues au sein de la société en cas de cessation d’activité lorsque celle-ci a pour effet de réduire la quotité du capital des associés professionnels exerçant à une fraction inférieure au minimum légal rappelé à l’article 8, est nul au regard des dispositions d’ordre public des articles 1844-1 et 1844, alinéa 1, du code civil, puisque tant que ses droits sociaux ne lui ont pas été payés, il reste associé, investi des prérogatives attachées à ses parts sociales

— cette clause stipule ainsi une exclusion de fait automatique, alors qu’il ne se trouve pas dans l’un des trois cas d’exclusion prévus à l’article 15, alinéa 9, des statuts,

— elle se trouve également en contradiction avec l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990, rappelé dans les statuts-type proposés par l’ordre, selon lequel l’associé cessant toute activité professionnelle sans être frappé d’une interdiction d’exercice peut rester associé pendant 10 ans en qualité d’ancien associé avec pour seule limite, si les parts de l’associé en exercice deviennent inférieures à la moitié du capital, d’être contraint de vendre un nombre de parts permettant de rétablir une répartition du capital et des droits de vote conforme aux prescriptions légales et réglementaires,

— le premier juge ne pouvait considérer que l’alinéa 3 de l’article 15 des statuts avait été accepté par lui et constituait dès lors la convention des parties, alors qu’il s’agit d’une clause illicite,

— depuis l’assemblée générale du 28 juin 2010 au cours de laquelle il n’a pu participer au vote, ses droits d’associés sont bafoués et le gérant de la société a omis de mettre en 'uvre l’article 15, alinéa 4 des statuts, sur le rachat de ses parts sociales, provoquant une situation de blocage, qui a eu pour effet de rendre caduque la promesse de cession des parts sociales du 9 mai 2009,

— en proposant de racheter ses parts pour la somme d’un euro symbolique, M. Y a adopté une attitude offensante, créant ainsi une situation conflictuelle, alors que l’article 15 des statuts prévoit, pour l’évaluation des droits sociaux, le recours à la procédure de l’article 1843-4 du code civil,

— l’évaluation des parts sociales faite par l’expert désigné aux termes de l’ordonnance de référé du 27 octobre 2010 est affectée d’erreurs grossières, récapitulées dans un dire joint au rapport d’expertise,

— la désignation d’un expert-comptable est justifiée en raison notamment des irrégularités affectant les comptes sociaux, lesquels n’ont pas été approuvés, de la dépréciation du fonds de commerce, d’un encours bancaire de 142 500 € contracté en contravention du règlement intérieur et des statuts, des versements à hauteur d’un million d’euros sur le compte courant d’associé de M. Y sans justificatif, ni

traçabilité bancaire, et de la consignation de la valeur de ses parts sociales sans écriture comptable,

— les entraves au bon fonctionnement de la société nécessitent également la désignation d’un administrateur ad hoc.

La société pharmacie du Béal et la société JSA, anciennement Gauthier Sohm, prise en sa qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de celle-ci, sollicite de voir, aux termes de conclusions déposées par le RPVA le 29 juin 2017 :

Vu les articles 1134, 1257, 1382, 1843-4 et 1844-10 du code civil,

Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990,

Vu les articles R. 5125-14 à R. 5125-24 du code de la santé publique,

Vu les articles L. 232-10 et suivants du code de commerce,

Vu les articles L. 622-22 et suivants et R. 622-20 du code de commerce,

Vu les articles 32-1 et 122 du code de procédure civile,

(…)

— confirmer intégralement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse en date du 11 avril 2013 en ce qu’il a débouté purement et simplement M. X de l’intégralité de ses prétentions, fins et conclusions,

— déclarer M. X forclos pour ne pas avoir déclaré sa prétendue créance indemnitaire au passif de la procédure de sauvegarde,

— déclarer ladite créance indemnitaire inopposable à la société pharmacie du Béal pendant toute la durée d’exécution du plan,

— dire et juger que tant que le plan est exécuté, M. X ne recouvre pas son droit de poursuite individuelle,

— déclarer irrecevable M. X en sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société pharmacie du Béal à lui payer la

somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de qualité à agir,

— ce faisant, rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires,

— déclarer recevables et bien fondées les présentes conclusions,

— faire droit aux demandes de la société pharmacie du Béal et en conséquence,

— homologuer purement et simplement le rapport d’expert déposé le 25 octobre 2012 fixant la valeur de rachat des parts de M. X à la somme de 117 100 €,

— constater le refus par M. X de l’offre réelle formulée par la société pharmacie du Béal et en conséquence,

— constater que ladite somme a été régulièrement consignée,

— dire et juger que cette consignation libère définitivement la société pharmacie du Béal envers M. X du chef du paiement du prix de rachat de ses parts,

— dire et juger que le rachat des parts de M. X est définitivement réalisé à effet du 8 avril 2010,

— constater le caractère abusif de la procédure intentée par M. X et en conséquence,

— condamner M. X à payer à la société pharmacie du Béal la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts,

— condamner M. X à payer à la société pharmacie du Béal la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

De son côté, M. Y, dont les conclusions ont été déposées le 6 juillet 2017 par le RPVA, demande à la cour, au visa de l’article L. 622-24 du code de commerce, de :

— dire et juger inopposables à la procédure collective et, par voie de conséquence aujourd’hui irrecevables, les demandes formulées au titre du paiement du prix des parts sociales, des congés payés, de la distribution des bénéfices réalisés par la société pharmacie du Béal, et de la somme de 100 000 € de dommages et intérêts, à défaut de déclaration de créance par M. X à la procédure de sauvegarde ouverte par le tribunal de grande instance de Grasse,

— dire et juger irrecevables les demandes formées au titre du remboursement du compte courant d’associé, en l’état du plan de sauvegarde homologué par le tribunal de grande instance de Grasse,

— dire et juger également irrecevables, pour défaut d’intérêt à agir du fait de l’absence de déclaration de créance, les prétentions visant à obtenir la nullité de l’article 15 des statuts, la nullité des délibérations de l’assemblée générale ordinaire du 28 juin 2010 et des assemblées subséquentes, la désignation d’un expert-comptable chargé de vérifier la licéité des comptes et la nomination d’un administrateur ad hoc avec missions diverses,

— rejeter la demande d’expertise, au regard des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, dont les conditions ne sont pas réunies,

— en tout état de cause,

— débouter M. X de ses prétentions,

— le condamner à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour abus d’ester en justice,

— le condamner à payer la somme de 8000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

M. X a déposé, les 16, 19 et 20 novembre 2018 de nouvelles conclusions comportant 20 pièces nouvelles (n° 20 à 40), aux termes desquelles il sollicite de voir :

— dire et juger que l’alinéa 3 de l’article 15 des statuts de la Selarl pharmacie du Béal en date du 21 décembre 2006 déroge aux dispositions de l’article 1844-1 du code civil, à l’article 1844, alinéa 1, du même code, qui sont des dispositions impératives, à la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, au décret du 28 août 1992, aux dispositions du code de la santé publique sur les sociétés d’exercice libérales, ainsi qu’aux statuts édités par l’ordre des pharmaciens,

— dire et juger que cet alinéa 3 de l’article 15 desdits statuts soit réputé non écrit, avec toutes conséquences de droit,

— dire et juger que l’évaluation de l’expert sur la valeur de ses parts dans la société pharmacie du Béal, en date du 24 octobre 2012, est affectée par le caractère non écrit de cette clause,

— déclarer et juger nulles et de nul effet les délibérations de l’assemblée générale ordinaire du 28 juin 2010 de la société pharmacie du Béal et toutes les autres délibérations et assemblées qui ont suivi depuis cette date,

— dire et juger que la nullité entraîne une remise en état statu quo ante qui nécessite la nomination d’un tiers chargé d’en assurer l’effectivité,

— nommer un administrateur provisoire aux frais de la société pharmacie du Béal avec mission de :

' assurer la gestion de l’entreprise au lieu et place du gérant,

' opérer la remise en état statu quo ante résultant du prononcé de la nullité des délibérations des assemblées générales et à ce titre,

' procéder à la reddition des comptes,

' procéder et obtenir les restitutions de la part de M. Y,

' faire procéder aux révisions des comptes sociaux qui résultent de la nullité, par tout expert-comptable de son choix,

' convoquer l’assemblée générale pour statuer à nouveau sur les délibérations annulées et notamment pour procéder à l’approbation des comptes sociaux après révision depuis l’exercice de 2009,

' convoquer les associés pour statuer sur la distribution des dividendes au profit des associés depuis 2009,

' faire rapport de sa mission à la cour d’appel de céans,

— condamner M. Y, au titre du non-respect par celui-ci des articles 1844-1 et 1844, alinéa 1 :

' au paiement de la somme de 142 880 € au titre des sommes qu’il aurait dû percevoir s’il avait réinvesti son capital et son compte courant, soit 760 000 €

' au paiement de la somme de 21 056 € au titre des sommes qu’il aurait dû percevoir s’il avait réinvesti les sommes perçues au titre du paiement des dividendes majorés de la rémunération perçue par M. Y

— prendre acte du fait qu’il se réserve le droit de faire valoir son droit de retrait de la société,

— dire et juger que M. Y, en sa qualité de gérant de la société pharmacie du Béal, par les décisions qu’il a prises a :

' causé une dépréciation du fonds de commerce de la société pharmacie du Béal,

' réalisé une opération de coup d’accordéon en violation de ses droits,

— ordonner une expertise de gestion concernant ces opérations,

— dès lors, désigner tel expert qu’il plaira avec pour mission de :

' se faire remettre par M. Y tous les éléments comptables en lien avec la dépréciation du fonds de commerce de la société pharmacie du Béal et avec le coup d’accordéon,

' présenter un rapport sur les opérations de dépréciation du fonds de commerce de la société pharmacie du Béal et du coup d’accordéon,

' dire et juger que l’expert pourra, dans le cadre de sa mission, solliciter de M. Y et de la société toutes explications et se faire remettre tous documents relatifs auxdites opérations,

' dire que le ou les experts pourront se faire assister par toute personne de leur choix,

' fixer le délai de remise de ce rapport ainsi que la rémunération des experts désignés, laquelle sera la charge de la société,

— dire que les frais d’expertise seront à la charge de la société pharmacie du Béal

À titre subsidiaire,

— dire et juger que les délibérations :

' de l’assemblée générale du 28 juin 2010

' relatives au vote de la rémunération de M. Y en date du 27 juin 2011 et 27 juin 2014 et les actes suivants qui en sont la conséquence,

' de l’assemblée générale du 27 juin 2014 approuvant la perte de 255 930 € résultant d’une provision pour dépréciation du fonds de commerce,

' à titre extraordinaire de l’assemblée générale du 27 juin 2014 relative à l’opération de coup d’accordéon,

Sont constitutives d’un abus de majorité en ce qu’elles sont contraires à l’intérêt social et prises dans le but de lui nuire,

— dire nulles et de nul effet lesdites délibérations des assemblées générales précitées,

— en conséquence, nommer un administrateur provisoire aux frais de la société pharmacie du Béal avec mission de :

' assurer la gestion de l’entreprise aux lieu et place du gérant,

' opérer la remise en état statu quo ante résultant du prononcé de la nullité des délibérations des assemblées générales et à ce titre,

' procéder à la reddition des comptes,

' procéder et obtenir les restitutions de la part de M. Y,

' faire procéder aux révisions des comptes sociaux qui résultent de la nullité, par tout expert-comptable de son choix,

' convoquer l’assemblée générale pour statuer à nouveau sur les délibérations annulées et notamment pour procéder à l’approbation des comptes sociaux après révision depuis l’exercice de 2009,

' convoquer les associés pour statuer sur la distribution des dividendes au profit des associés depuis 2009,

' faire rapport de sa mission à la cour d’appel de céans,

— dire et juger que M. Y, en sa qualité de gérant de la société pharmacie du Béal, par les décisions qu’il a prises, a :

' causé une dépréciation du fonds de commerce de la société pharmacie du Béal,

' réalisé une opération de coup d’accordéon en violation de ses droits,

— ordonné une expertise de gestion concernant ces opérations,

— dès lors, désigner tel expert qu’il plaira avec pour mission de :

' se faire remettre par M. Y tous les éléments comptables en lien avec la dépréciation du fonds de commerce de la société pharmacie du Béal et avec le coup d’accordéon,

' présenté un rapport sur les opérations de dépréciation du fonds de commerce de la société pharmacie du Béal et du coup d’accordéon,

' dit et jugé que l’expert pourra, dans le cadre de sa mission, solliciter de M. Y et de la société toutes explications et se faire remettre tous documents relatifs auxdites opérations,

' dit que le ou les experts pourront se faire assister par toute personne de leur choix,

' fixé le délai de remise de ce rapport ainsi que la rémunération des experts désignés, laquelle sera à la charge de la société,

— condamner M. Y, en tant qu’associé majoritaire, à lui verser :

' la somme de 313 382 € à titre de dommages et intérêts au titre de la fixation par l’intéressé de sa rémunération à une somme de plus de 3000 € et la perception de 15 % des bénéfices sur les exercices 2010 et 2012,

' la somme de 301 500 € à titre de dommages et intérêts au titre de la dépréciation du fonds de commerce,

' la somme de 490 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de l’absence de mise en distribution des dividendes,

En tout état de cause,

— condamner M. Y et la société pharmacie du Béal, in solidum, à lui verser la somme de 9000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société pharmacie du Béal et la société JSA, d’une part, M. Y, d’autre part, ont sollicité le rejet de ces conclusions et pièces déposées les 16, 19 et 20 novembre 2018.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 20 novembre 2018.

MOTIFS de la DECISION :

1- le rejet des conclusions et pièces déposées par M. X les 16, 19 et 20 novembre 2018 :

Le fait pour M. X d’avoir déposé, les 16, 19 et 20 novembre 2018, deux jours ouvrables avant le prononcé de l’ordonnance de clôture, la veille et le jour même du prononcé de cette ordonnance, de nouvelle conclusions de 84 pages contre 44 précédemment, comportant des prétentions nouvelles et 20 pièces nouvelles (n° 20 à 40), mettant ainsi tant la société pharmacie du Béal que M. Y dans l’impossibilité d’en prendre connaissance et, éventuellement, d’y répondre avant la clôture de l’instruction, caractérise une violation du principe du contradictoire et du droit au procès équitable, énoncés aux articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; il y a donc lieu de déclarer irrecevables les conclusions déposées les 16, 19 et 20 novembre 2018, ainsi que les pièces n° 20 à 40.

Il n’est justifié d’aucune cause grave au sens de l’article 784 du code de procédure civile, applicable par renvoi de l’article 907, de nature à justifier la révocation de l’ordonnance de clôture ; il y a donc lieu de déclarer irrecevables les conclusions déposées le 23 novembre 2018 par M. Y et le 6 décembre 2018 par la société pharmacie du Béal, après clôture de l’instruction, sauf en ce qu’elles tendent au rejet des conclusions et pièces déposées tardivement par M. X.

2-la licéité de l’alinéa 3 de l’article 15 des statuts de la société pharmacie du Béal :

L’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 (relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé) dispose que plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue, directement ou par l’intermédiaire de la société mentionnée au 4° ci-dessous, par des professionnels en exercice au sein de la société, que sous réserve de l’application des dispositions de l’article 6, le complément peut être détenu

notamment, pendant un délai de dix ans, par des personnes physiques qui, ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé cette ou ces professions au sein de la société, et que dans l’hypothèse où l’une des conditions visées au présent article viendrait à ne plus être remplie, la société dispose d’un délai d’un an pour se mettre en conformité avec les dispositions de la présente loi, à défaut de quoi, tout intéressé peut demander en justice la dissolution de la société.

Les alinéas 2, 3 et 4 de l’article 15 des statuts de la société pharmacie du Béal, mis à jour le 28 février 2007, sont ainsi rédigés :

(…) « L’associé professionnel exerçant qui cesse toute activité professionnelle, sans être frappé d’une interdiction d’exercer sa profession, à la faculté de demeurer associé, avec la qualité d’ancien associé pendant une durée de dix années à compter de la date où la cessation de son activité est effective.

Toutefois, si sa cessation d’activité a pour effet de réduire la quotité de capital des associés professionnels exerçant à une fraction inférieure au minimum légal rappelé à l’article 8, il perd, dès la survenance de l’événement, l’exercice des droits attachés aux parts qu’il détient.

Ses parts sont alors rachetées à la diligence de la gérance » (…).

L’article 8 des statuts, auquel renvoie l’article 15, n’est que le rappel des dispositions de l’article 5, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1990 ; il énonce en particulier que plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue directement par des pharmaciens d’officine titulaires du diplôme de pharmacien et exerçant au sein de la société.

Ainsi, les stipulations de l’article 15 des statuts instituent une cession forcée des parts sociales de l’associé, décidant de cesser son activité professionnelle, dans l’hypothèse où cette cessation d’activité a pour effet de réduire la quotité du capital des associés professionnels en exercice à une fraction inférieure au minimum légal, tel que fixé à l’article 5, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1990 ; elles prévoient surtout que l’associé perd, dès sa cessation d’activité, l’exercice des droits attachés aux parts qu’il détient, cette perte des droits d’associé intervenant ainsi avant même le rachat de ses parts.

M. X soutient, en premier lieu, que cette clause statutaire est illicite en ce qu’elle est contraire à l’article 1844 du code civil selon lequel les statuts ne peuvent déroger aux dispositions du premier alinéa de ce texte, qui énonce que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ; pour autant, dès lors que la cessation de l’activité professionnelle de l’associé entraîne une irrégularité dans la composition du capital social de la société d’exercice libéral au regard des dispositions impératives de l’article 5, alinéa 1, de la loi du 31 décembre 1990, que rappelle aujourd’hui l’article R. 5125-18-1 du code de la santé publique, interdisant alors à l’associé ayant cessé son activité de rester associé au sein de la société pendant un délai de dix ans, les statuts, qui constituent le contrat librement accepté par les parties, pouvaient prévoir qu’en ce cas, l’associé, décidant de cesser son activité, perd à la date de cet évènement sa qualité d’associé incluant le droit de participer aux décisions collectives et de voter ; en l’occurrence, M. X a effectivement cessé son activité professionnelle au sein de la société pharmacie du Béal à la date du 3 juin 2009, ce qui n’est pas contesté, et son départ a eu pour effet que M. Y, devenu le seul pharmacien en exercice, n’était pas lui-même détenteur de plus de la moitié du capital social et des droits de vote ; c’est donc bien la date du 3 juin 2009 que M. X a perdu sa qualité d’associé, par

l’effet de la clause de retrait forcée contenue à l’article 15, alinéa 3, des statuts.

L’application de cette clause de retrait forcé en cas de cessation d’activité d’un associé ayant pour effet de réduire la quotité du capital des associés professionnels en exercice à une fraction inférieure au minimum légal, ne relève pas de la procédure d’exclusion également prévue à l’article 15 des statuts, reprise à l’article R. 5125-21 du code de la santé publique, lorsqu’un associé est frappé d’une mesure disciplinaire entraînant une interdiction d’exercice égale ou supérieure à trois mois, lorsqu’il contrevient aux règles de fonctionnement de la société et viole les statuts ou lorsqu’il fait obstacle par son action à l’adoption des décisions collectives et paralyse ainsi la gestion de la société conformément à son objet, constituant les trois cas d’exclusion prévus à l’alinéa 9 de cet article.

S’agissant de l’article 1844-1 du code civil, également invoqué par M. X, l’alinéa 2 de ce texte répute non écrite la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes ou celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes ; cependant, la clause de retrait forcé prévue à l’article 15, alinéa 3, des statuts, si elle a pour effet de faire perdre à l’associé cessant son activité professionnelle sa qualité d’associé à la date de cet évènement, ne lui fait pas perdre, aussi longtemps que ses droits sociaux ne lui sont pas remboursés, son droit à la rétribution de ses apports en capital et donc, sa quote-part dans les bénéfices à distribuer, la perte de la qualité d’associé étant alors dissociée du remboursement des droits sociaux ; ainsi, M. X, qui a perdu la qualité d’associé de la société pharmacie du Béal à compter du 3 juin 2009, du fait de la cessation de son activité professionnelle, incluant le droit de participer aux assemblées générales et d’y voter, a néanmoins conservé le droit à la rétribution de ses apports en capital jusqu’au remboursement des 50 parts sociales détenues par lui, sachant qu’en vertu de l’article 15 des statuts, la société est tenue de lui racheter la totalité de ses parts à l’initiative de la gérance et non pas seulement une partie d’entre elles afin de permettre à l’associé restant de détenir plus de la moitié du capital social.

3-l’annulation de l’assemblée générale du 28 juin 2010 et des assemblées subséquentes :

Monsieur X ne saurait obtenir l’annulation de l’assemblée générale du 28 juin 2010 au motif qu’il n’a pas été autorisé à participer au vote des résolutions soumises à l’assemblée générale, notamment celle visant à affecter en réserve le bénéfice de l’exercice clos au 31 décembre 2009 (109 845 €), alors qu’à cette date il n’avait plus la qualité d’associé et donc, le droit de voter à l’assemblée générale comme l’a justement retenu le premier juge ; le fait qu’il ait été convoqué à l’assemblée générale du 28 juin 2010, comme à celle du 27 juin 2011 au cours de laquelle a été décidé l’affectation en réserve du bénéfice de l’exercice clos le 31 décembre 2010 (121 263 €) ne peut être regardé comme de nature à établir que la société le considérait toujours comme associé, puisque par courrier recommandé du 8 avril 2010, M. Y, en tant que gérant de la société pharmacie du Béal, lui avait clairement signifié qu’en application de l’article 15 des statuts, il avait perdu ses droits d’associé en raison de sa cessation d’activité ; il n’y a donc pas lieu à annulation de l’assemblée générale du 28 juin 2010 et des assemblées subséquentes, tenant le défaut d’intérêt manifeste de M. X à élever une telle prétention.

4-le rachat des 50 parts sociales de M. X :

Pour la détermination du prix de cession des titres ou de leur valeur de rachat, l’article 15 des statuts renvoie à la procédure de l’article 1843-4 du code civil sans autre précision quant aux modalités d’évaluation du prix de cession des parts sociales ou de leur valeur de rachat ; c’est ainsi que par une ordonnance rendue le 27 octobre 2010 en la forme des référés, le président du tribunal de grande instance de Grasse, que la société pharmacie du Béal avait saisi, a, en application de ce texte et des dispositions statutaires, désigné un expert en vue de l’évaluation des droits sociaux de M. X au jour de la notification du rachat de ses droits sociaux ; dans son rapport d’expertise établi le 25 octobre 2012, M. A, expert-comptable, a retenu, sous réserve de l’appréciation du magistrat s’agissant d’un point de droit (sic), la date du 8 avril 2010 pour l’évaluation des parts sociales de la société pharmacie du Béal et a donc retenu, par référence aux bilans et aux comptes de résultat des exercices 2007, 2008 et 2009 corrigés et à un bilan et un compte de résultat arrêtés à la date du 31 mars 2010, en fonction de méthodes d’évaluation explicitées au point 4/de son rapport, une évaluation de la société ressortant à 234 200 €, correspondant à un capital social constitué de 100 parts d’une valeur unitaire de 2342 €, ce dont il a déduit que les 50 parts sociales de M. X pouvaient être évaluées à la somme de 117 100 €.

Pour autant, l’attention de l’expert avait été attirée dans un dire, lui ayant été adressé le 5 octobre 2012 par le conseil de M. X, sur la nécessité de déterminer la valeur des droits sociaux à la date la plus proche de celle de leur remboursement eu égard à la jurisprudence de la Cour de cassation et ayant été désigné en application de l’article 1843-4 du code civil, il avait toute latitude pour déterminer la valeur des parts selon les critères qu’il jugeait les plus opportuns ; le rapport de M. A, qui a ainsi méconnu l’étendue de ses pouvoirs, se trouve entaché dès lors d’une erreur grossière consistant à avoir procédé à l’évaluation des 50 parts sociales de M. X à la date du 5 avril 2010, éloignée du remboursement desdites parts, quand bien même la mission, qui lui avait été confiée aux termes de l’ordonnance du 27 octobre 2010, lui demandait de déterminer la valeur des droits sociaux au jour de la notification de leur rachat par la société pharmacie du Béal.

Il s’ensuit que la société pharmacie du Béal n’est pas fondée à solliciter l’homologation (sic) du rapport d’expertise de M. A fixant la valeur de rachat des parts de M. X à la somme de 117 100 € et à faire juger que l’offre de paiement d’une telle somme signifiée par acte d’huissier de justice du 10 mai 2013 suivie de sa consignation à la caisse des dépôts et consignations vaut offre réelle au sens des articles 1257 et 1258 (anciens) du code civil, ayant un effet libératoire.

5-la désignation d’un expert-comptable et la désignation d’un administrateur ad hoc :

M. X, qui sollicite la désignation d’un expert-comptable aux fins de vérifier la licéité des comptes sociaux depuis sa cessation d’activité, se borne à faire état d’allégations ne reposant sur aucun motif sérieux et/ou suffisamment étayé pour justifier l’instauration d’une mesure d’expertise sur le fondement, non de l’article 145, mais de l’article 146 du code de procédure civile; tout d’abord, il ne peut prétendre que les résolutions des diverses assemblées générales ont été prises en infraction de son droit de vote, alors qu’il n’a plus la qualité d’associé depuis le 3 juin 2009, ni que les comptes sociaux n’ont pas été approuvés régulièrement ; il n’est pas établi, non plus, que M. Y a omis de répondre à ses diverses interrogations, alors qu’il est produit aux débats un courrier recommandé de celui-ci en date du 6 octobre 2014, faisant suite à l’assemblée générale du 27 juin 2014, lui proposant de venir consulter au siège de la société les pièces comptables, dont les justificatifs de ses apports en comptes courant d’associé, et sollicitant plus de précisions quant à sa demande de justification de l’encours de 142 500 € par rapport aux postes du bilan.

Il convient d’ajouter que lors de l’assemblée générale du 27 juin 2014, alors que M. X avait été réintégré dans ses droits d’associé à la suite de l’arrêt rendu le 15 mai 2014 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, celui-ci s’est opposé aux résolutions proposées consistant en une augmentation de capital par apport en numéraire ou compensation avec des créances certaines, suivie d’une réduction de capital social aux fins d’amortissement des pertes, qu’un rapport spécial d’alerte a alors été établi, le 6 novembre 2014, par le commissaire aux comptes, estimant que l’opposition de M. X à l’opération d’augmentation du capital de la société par compensation de compte courant, ainsi que son refus d’autoriser une restructuration financière de la dette, non seulement fait obstacle à la mise en conformité de la société au regard de l’article 13 des statuts (selon lequel le montant du compte courant d’un associé exerçant sa profession au sein de la société ne peut excéder deux fois celui de sa participation au capital), mais de surcroît empêchera la société de dégager les marges de man’uvres financières qui auraient permis à court terme de mettre en place les diverses mesures de redynamisation de l’officine et de faire face à ses engagements financiers, et qu’à l’occasion d’une nouvelle assemblée générale, qui s’est tenue le 9 décembre 2014, M. X s’est opposé au vote de la résolution visant à amortir la perte figurant au bilan de l’exercice clos le 31 décembre 2013 en réduisant le capital social de 320 000 € à 60 000 €, notamment par réduction de la valeur nominale des parts.

Enfin, concernant la désignation d’un administrateur ad hoc, qui aurait pour mission de convoquer une assemblée générale ayant pour ordre du jour la mise en conformité avec l’article 8 des statuts, le rachat de 1 % des parts sociales de M. X, la distribution des bénéfices depuis l’exercice 2009, le remboursement du compte courant d’associé de M. X et le paiement de ces congés payés, le premier juge a justement retenu que l’intéressé, ayant perdu la qualité d’associé, n’était pas recevable à solliciter une telle désignation ; en outre, il a été indiqué plus haut que la clause de retrait forcé contenu à l’article 15, alinéa 3, des statuts était licite, qu’il ne pouvait être imposé à la société le rachat de seulement 1 % des parts sociales de M. X et que les décisions des assemblées générales, notamment celles des 28 juin 2010 et 27 juin 2011, d’affecter les bénéfices en réserve avaient été régulièrement adoptées ; enfin, la créance de M. X au titre de son compte courant d’associé, admise à titre chirographaire pour la somme de 543 837,48 € dans le cadre de la procédure de sauvegarde de la société pharmacie du Béal, lui sera réglée en exécution du plan arrêté par jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 9 mai 2016.

6- la demande de M. X en paiement de la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour la spoliation de ses droits d’associé :

C’est en vertu d’une clause statutaire licite que M. X a perdu la qualité d’associé au sein de la société pharmacie du Béal du fait de la cessation de son activité professionnelle à compter du 3 juin 2009 ; l’intéressé ne peut dès lors soutenir que ses droits ont été spoliés, alors qu’il conserve celui d’être rétribué de ses apports en capital ; au surplus, la créance indemnitaire, qu’il invoque, n’a pas été déclarée par lui à la procédure de sauvegarde de la société, en sorte qu’elle lui est inopposable en vertu de l’article L. 622-24 du code de commerce ; la demande présentée de ce chef ne peut dès lors qu’être rejeté en l’état.

7- les demandes de la société pharmacie du Béal et de M. Y en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive :

L’exercice d’une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus qu’en cas d’intention malicieuse ou de mauvaise foi de la part de son auteur ; or, en l’espèce, il

n’est pas établi en quoi l’action engagée par M. X procède d’un abus de droit caractérisé de sa part de nature à justifier que soit alloué à la société pharmacie du Béal et à M. Y des dommages et intérêts de ce chef, alors que la question de la licéité de la clause de retrait forcé n’était pas évidente dans le droit des sociétés d’exercice libéral du secteur de la santé ; il y a donc lieu de débouter les intéressés de leurs demandes indemnitaires.

8- les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, M. X doit être condamné aux dépens d’appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu’à payer à la société pharmacie du Béal et à M. Y la somme de 5000 €, chacun, au titre des frais non taxables que ceux-ci ont dus exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare irrecevables les conclusions déposées par M. X les 16, 19 et 20 novembre 2018, ainsi que les pièces n° 20 à 40,

Déclare également irrecevables les conclusions déposées le 23 novembre 2018 par M. Y et le 6 décembre 2018 par la société pharmacie du Béal, après clôture de l’instruction, sauf en ce qu’elles tendent au rejet des conclusions et pièces déposées tardivement par M. X,

Au fond, confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 11 avril 2013,

Y ajoutant,

Rejette les demandes de la société pharmacie du Béal tendant à solliciter l’homologation (sic) du rapport d’expertise de M. A du 25 octobre 2012 fixant la valeur de rachat des parts de M. X à la somme de 117 100 € et à faire juger que l’offre de paiement d’une telle somme signifiée par acte d’huissier de justice du 10 mai 2013 suivie de sa consignation à la caisse des dépôts et consignations vaut offre réelle au sens des articles 1257 et 1258 (anciens) du code civil, ayant un effet libératoire,

Rejette les autres demandes de M. X, notamment aux fins de désignation d’un expert-comptable et de paiement de la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts,

Déboute la société pharmacie du Béal et M. Y de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne M. X aux dépens d’appel, y compris ceux afférents à la décision cassée, ainsi qu’à payer à la société pharmacie du Béal et à M. Y la somme de 5000 €, chacun, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code,

Le greffier, Le président,

JLP

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Cour d'appel de Montpellier, 2° chambre, 22 janvier 2019, n° 16/01077