Cour d'appel de Paris, 8 novembre 2012, n° 12/13430

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 8 nov. 2012, n° 12/13430
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/13430
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 11 juillet 2012, N° 12/54944

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2012

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/13430

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Juillet 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 12/54944

APPELANTS

Monsieur C X

agissant en qualité de Directeur de la publication de chaîne FRANCE 2, domicilié en cette qualité au siège de FRANCE TELEVISIONS

XXX

XXX

SA FRANCE TELEVISIONS

agissant poursuites et diligences de son Directeur Général y domicilié en cette qualité

XXX

XXX

Représentés par la AARPI Dominique OLIVIER – Sylvie KONG THONG (Me Dominique OLIVIER avocat au barreau de PARIS, toque : L0069)

Assistés de Me Thierry LEVY (avocat au barreau de Paris, toque : P507)

INTIMEE

SA CREDIT AGRICOLE

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD (avocat au barreau de PARIS, toque : C2477)

Assistée de Me Michel BEAUSSIER (avocat au barreau de Paris, toque : T002)

et de Me Georges KIEJMAN (avocat au barreau de Paris, toque : P0200)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 04 Octobre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Evelyne LOUYS, Présidente de chambre

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère

Mme Y Z, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme A B

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Evelyne LOUYS, président et par Mme A B, greffier.

Le vendredi 4 mai 2012 à 22h55, la chaîne de télévision France 2 a diffusé une émission animée par Elise Lucet dans le cadre d’une série intitulée «'Cash investigation'» qui se présente comme un magazine d’investigation sur les dessous des entreprises, l’émission en cause ayant trait au «'greenwashing'» à savoir la promotion des préoccupations écologiques de celles-ci.

Le sujet est ainsi présenté': «Pour nous vendre leurs produits, les industriels dégainent souvent l’argument «'nature'», mais la réalité est parfois beaucoup plus grise, Nous avons percé les secrets de quelques grands noms de l’alimentation, de la banque et de l’énergie. Comment les marques lavent plus vert que vert'' Voici la nouvelle investigation de Cash'».

Une partie de l’émission est consacrée au Crédit Agricole au travers d’une publicité, d’un reportage en Bretagne et de diverses interventions notamment de représentants d’associations et de Stanislas Pottier, directeur du développement durable au Crédit Agricole.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 mai 2012, le directeur général de Crédit Agricole SA a adressé au directeur de la publication de France 2 une demande d’exercice de droit de réponse, à laquelle il n’a pas été fait droit.

C’est, dans ce contexte, que par acte d’huissier en date du 8 juin 2012, la SA Crédit Agricole a assigné en référé M. C X en sa qualité de directeur de la publication de la chaîne France 2 et la société France Télévisions au visa de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et des dispositions du décret du 6 avril 1987.

Par ordonnance de référé du 12 juillet 2012, le président du tribunal de grande instance de Paris a':

— ordonné la diffusion sur France 2 du droit de réponse dont le texte figure en page 5 de l’assignation du 18 juin 2012 précédé de cette annonce': «'Par ordonnance du 12 juillet 2012, le président du tribunal de grande instance de Paris a ordonné la diffusion du droit de réponse suivant'» et dans ces conditions':

.par le déroulement à l’écran d’un texte écrit et sa lecture simultanée à l’antenne,

.au début de l’émission «'Cash investigation'» ou en cas d’arrêt de celle-ci, un vendredi à 22h30 dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 3 000 euros par semaine de retard passé ce délai,

— s’est réservé la liquidation de l’astreinte,

— a déclaré la société France Télévisions civilement responsable,

— a condamné in solidum M. C X en sa qualité de directeur de la publication de la chaîne France 2 et à la société France Télévisions à payer à la SA Crédit Agricole la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société France Télévisions et M. C X agissant en qualité de directeur de la publication de la chaîne France 2 ont relevé appel de cette décision.

Par acte d’huissier en date du 24 juillet 2012, ils ont assigné à jour fixe le Crédit Agricole aux fins de voir :

— infirmer l’ordonnance entreprise,

— débouter la société Crédit Agricole de l’ensemble de ses demandes,

— condamner au paiement d’une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions signifiées le 5 septembre 2012, auxquelles il convient de se reporter, la société Crédit Agricole demande à la cour':

— de confirmer l’ordonnance entreprise,

— de la réformer en ce qui concerne le montant de l’astreinte,

statuant à nouveau,

— condamner in solidum M. X, es qualites et la société France Télévisions à payer une astreinte de 20 000 euros par semaine de retard à l’expiration du délai de 8 jours à compter de la présente décision ainsi qu’à une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR ,

Considérant que selon l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982, toute personne physique ou morale dispose d’un droit de réponse dans les cas où des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation ont été diffusées dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle';

Que l’alinéa 2 de ce texte prévoit que le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu’il se propose de faire';

Considérant que pour s’opposer à la diffusion du droit de réponse, les appelants

font valoir que les propos incriminés ne constituent pas des imputations susceptibles d’être diffamatoires et qu’aucun passage visé dans l’assignation ne mentionne un «' comportement malhonnête et trompeur'» ; que le fait d’informer le public sur l’importance des investissements ou des aides financières effectuées ou accordées par une banque dans des activités polluantes ne constitue pas une imputation susceptible de porter atteinte à son honneur et que seuls les propos portant sur des faits précis pouvant faire l’objet d’une preuve sont de nature lorsqu’ils portent atteinte à l’honneur ou à la considération à permettre de caractériser une imputation diffamatoire ;

Mais considérant qu’il est notamment affirmé : «'le grand gagnant dans la catégorie greenwashing est le Crédit Agricole'» et «'Le Crédit Agricole est classé numéro 1 dans les banques les plus émettrices de CO2' et émissions à effet de serre » encore «' Pour chaque euro qu’on dépose au Crédit Agricole, çà permet le financement d’activités qui vont polluer pour un kg de CO2. Et donc si on prend tous les financements que fait le Crédit Agricole en une année, on arrive à 1.050 millions de tonnes de CO2 par an'» ainsi que «' aux quatre coins de la planète, le Crédit Agricole est impliqué dans plus d’une dizaine d’investissements considérés comme polluants par les principales associations écologiques'. Au Canada, la green banque finance Suncor, la toute première entreprise à s’être lancée dans l’exploitation de pétrole non conventionnel, les sables bitumineux. ' En Inde, cette fois, à Jaitapur, le Crédit Agricole fait partie d’un consortium de banques pour financer au moins deux nouveaux réacteurs nucléaires EPR. Le prêt devrait avoisiner les 4 milliards d’euros. Problème, l’un des réacteurs est situé sur une zone sismique'. Sur place, la population manifeste contre ce chantier, dèjà un mort et de dizaines de blessés. Dernier en date, le financement de deux méga-centrales à charbon en Afrique du Sud''» et «'installée au milieu de l’Arctique, cette plateforme est considérée par les écologistes comme l’une des plus dangereuses du monde'»' concernant le financement d’une installation au Groënland ;

Considérant que l’émission accrédite manifestement la thèse que le Crédit Agricole, qui fait croire qu’il est attaché au financement d’entreprises concourant au développement durable, dissimule, en réalité, des financements qui en font l’un des plus grands pollueurs de la planète’ce qui manifestement caractérise des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur et à sa réputation au sens de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 ; que M. X et la société France Télévisions ne peuvent valablement invoquer la nécessité d’informer le public et le fait que les propos incriminés ne portant pas sur des faits précis pouvant faire l’objet d’une preuve ou d’un débat contradictoire relève des juges du fond ;

Considérant que les appelants soutiennent encore que la réponse du Crédit Agricole porte atteinte aux droits d’Elise Lucet en ce qu’il lui est attribué des propos qu’elle n’a pas tenus’et en ce qu’il proteste contre des 'affirmations inexactes au soutien d’interprétations tendancieuses'';

Mais considérant que, comme le relève le premier juge, s’il est mentionné dans la réponse que «'la présentatrice de l’émission, ses confrères journalistes et divers intervenants ont affirmé que'» suivi de trois points reprenant pour partie des propos entre guillemets, aucun de ces propos n’a été attribué à Elise Lucet’ pas plus qu’individuellement à aucun des intervenants à l’émission’ ; que lorsque le Crédit Agricole «'tient à protester contre des affirmations inexactes au soutien d’interprétations tendancieuses'» ses propos sont à la mesure du message diffusé dans l’émission de sorte qu’il ne peut être retenu que la réponse du Crédit Agricole porte atteinte aux droits d’ Elise Lucet ;

Considérant enfin, sur le grief tiré d’un défaut de réponse pertinente motif pris que le dernier paragraphe de la réponse indique «'Tout esprit informé sait que le Crédit Agricole, banque mutualiste éprise de solidarité, a pour objectif le développement d’une économie la moins polluante possible et ce, au profit de communautés, de pays, de peuples, qui sont loin d’atteindre tous des niveaux de ressources élevés'», qu’il apparaît que, loin de constituer une opinion personnelle ou un moyen de faire sa propre publicité, il s’agit d’une mise au point circonstanciée directement liée avec les imputations de financement des projets industriels particulièrement polluants et dangereux dans le monde';

Considérant qu’il s’ensuit, dès lors que les règles de forme de la demande de droit de réponse ont été respectées, ce qui n’est pas contesté et qu’aucun des moyens développés par les appelants n’est pertinent, que c’est à bon droit que le premier juge a ordonné la diffusion sur France 2 du droit de réponse de la société Crédit Agricole dans les conditions indiquées';

Considérant que l’ordonnance déférée sera donc confirmée’sauf en ce qui concerne le montant de l’astreinte qu’il convient de fixer à 10 000 euros par semaine de retard';

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l’ordonnance entreprise’ sauf en ce qu’elle a fixé le montant de l’astreinte à 3000 euros par semaine de retard.

L’INFIRME de ce chef.

Statuant à nouveau,

FIXE le montant de l’astreinte à 10 000 euros par semaine de retard passé le délai de trois semaines à compter de la signification du présent arrêt.

CONDAMNE IN SOLIDUM M. C X en sa qualité de directeur de la publication de la chaîne France 2 et la société France Télévisions à payer à la SA Crédit Agricole la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE IN SOLIDUM M. C X en sa qualité de directeur de la publication de la chaîne France 2 et la société France Télévisions aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,

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Textes cités dans la décision

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