Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 14 octobre 2014, n° 2013/05857

  • Sur le fondement du droit des dessins et modèles·
  • Reproduction des caractéristiques protégeables·
  • Fait distinct des actes de contrefaçon·
  • Bénéfices tirés des actes incriminés·
  • Validité de la saisie-contrefaçon·
  • Saisies-contrefaçon simultanées·
  • Cessation des actes incriminés·
  • Impression visuelle d'ensemble·
  • Reproduction de la combinaison·
  • À l'encontre du fournisseur

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le modèle communautaire de veste de boulanger opposé présente un caractère de nouveauté, aucune des vestes antérieurement divulguées n’étant identique ou quasi-identique. Par son agencement particulier, le modèle produit sur l’utilisateur averti, une impression globale distincte de celle produite par les vestes déjà divulguées et lui confère un caractère individuel. La liberté laissée au créateur dans la réalisation du modèle est nécessairement restreinte en la cause, dès lors qu’il concerne une veste à usage professionnel (veste de boulanger) et est ainsi soumis à certains impératifs fonctionnels. Toutefois, si certains des éléments qui le composent sont effectivement connus dans le secteur de la veste de métier de bouche, d’autres (combinaison de lignes symétriques, patte de fermeture verticale, effet couture des emmanchures¿) lui confèrent, en revanche, un aspect d’ensemble plus épuré et moderne que les modèles du même genre. Si l’utilisateur averti – en l’espèce, le boulanger – sera nécessairement plus attentif au caractère pratique d’une veste à usage professionnel au regard des exigences de son métier, il ne peut ignorer la très grande diversité de présentation existant pour ce type de vêtement et il percevra dès lors immédiatement la physionomie propre du modèle en cause, même s’il n’est pas un professionnel de l’habillement ou de la mode.

Chercher les extraits similaires

Sur la décision

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 5 – Chambre 1 ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2014 (n°14/195, 10 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 13/05857 Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Février 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 11/09892

APPELANTE SA MOLINEL à Conseil d’Administration au capital de 1.428 510 € immatriculée au RCS de Lille sous le N°337 814 024. Prise en la personne de ses représentants légaux […] Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 Assistée de Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044 et de Me Nicole B du cabinet BRM Avocats, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES SA MOULINS SOUFFLET Prise en la personne de ses représentants légaux […] 91100 CORBEIL ESSONNES

Représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148 Assistée de Me Olivier R, avocat au barreau de PARIS, toque : B0307

SAS CAWE FTB GROUP Prise en la personne de ses représentants légaux […] 67100 STRASBOURG Représentée par Me Virginie KLEIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : E 1211 Assistée de Me Laurence D du cabinet FIDAL, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 02 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre Madame Anne- Marie GABER, Conseillère Mme Nathalie AUROY, Conseillère qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Madame Karine ABELKALON

ARRÊT : • Contradictoire

• par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. • signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président et par Madame Karine ABELKALON, greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement contradictoire du 8 février 2013 rendu par le tribunal de grande instance de Paris, Vu l’appel interjeté le 22 mars 2013 par la société MOLINEL, Vu les dernières conclusions du 24 mars 2014 (conclusions récapitulatives n°2) de la société appelante,

Vu les dernières conclusions (conclusions récapitulatives n°3) du 29 avril 2014 de la société MOULINS SOUFFLET, intimée et incidemment appelante,

Vu les dernières conclusions (conclusions n°2) du 10 mars 2014 de la société CAWE FTB GROUP (ci-après dite CAWE), intimée et incidemment appelante,

Vu l’ordonnance de clôture du 6 mai 2014,

Vu la note d’audience du 10 juin 2014 et les courriers ensuite adressés à la cour par les conseils des parties sur la question soulevée du dépôt après clôture du timbre fiscal,

SUR CE, LA COUR, Considérant qu’il est établi, et non discuté, que le conseil de l’appelante a réglé le timbre fiscal par lui dû le 30 mai 2014 après le prononcé de la clôture de l’instruction de l’affaire du 6 mai 2014 ; que cette régularisation est intervenue avant que la cour ne soulève d’office, le 10 juin 2014, la question de l’irrecevabilité de la déclaration d’appel et demande aux parties de présenter leurs observations sur ce point à l’audience du 2 septembre 2014, date à laquelle l’incident, après débat contradictoire, a été joint au fond ;

Considérant que la contribution pour l’aide juridique est certes exigible, de la partie qui forme appel, dès l’introduction de l’instance et son non paiement est sanctionné par une irrecevabilité de la demande ;

Mais considérant que l’appelant qui justifie, comme en la cause, du paiement de cette contribution avant toute décision statuant sur la recevabilité de la demande régularise la procédure ; qu’il ne saurait, en conséquence, y avoir lieu à irrecevabilité de l’appel de la société MOLINEL ;

Considérant qu’il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties ;

Qu’il sera simplement rappelé que la société MOLINEL est titulaire d’un modèle communautaire de vestes n°000091467-0011, enregistré le 16 octobre 2013, régulièrement renouvelé et expirant le 16 octobre 2018, ainsi représenté

Qu’ayant découvert en janvier 2011 lors d’un salon dédié aux métiers de bouche que la société MOULINS SOUFFLET présentait sur son stand 'BAGUEPI’ et dans son catalogue un modèle de veste de boulanger, fabriqué par la société CAWE, constituant, selon elle, la reproduction de son modèle, elle a fait procéder le 1er juin 2011, après autorisation par ordonnances présidentielles du 18 avril 2011, à des saisies-contrefaçon au siège social de chacune des sociétés incriminées, ainsi que dans un établissement de la société CAWE ;

Que, dans ces circonstances, elle a fait assigner ces deux sociétés le 29 juin 2011 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de modèle et concurrence déloyale ;

Considérant que, selon jugement dont appel, les premiers juges ont : • rejeté les demandes de nullité des procès verbaux de saisie-contrefaçon, • annulé le modèle et rejeté les demandes en contrefaçon, en concurrence déloyale et parasitisme économique, relevant que la demande de garantie formée par la société MOULINS SOUFFLET à l’encontre de la société CAWE devenait sans objet, • condamné la société MOLINEL aux dépens et à payer à chacune des sociétés défenderesses 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Sur les saisies contrefaçon

Considérant que la société MOULINS SOUFFLET réitère trois moyens de nullité des saisies contrefaçon :opérations ordonnées sans être encadrées dans un délai, délai non défini entre la signification de la requête et le début des opérations dans les locaux de la société CAWE, et dépassement de la mission de l’huissier de justice au siège social de la société MOLINEL, qui ont été rejetés en première instance, et, y ajoutant, soutient que la nullité des opérations de saisie contrefaçon réalisées au siège de la société CAWE serait encourue pour défaut de présentation de la minute de l’ordonnance autorisant la saisie ;

Considérant que 3 ordonnances sur requêtes autorisant une saisie ont été rendues le 18 avril 2011, deux (n° 11/1497 et 11/1496) visant le siège et tous locaux de la société CAWE, et la troisième (n° 11/1495) le siège et tous locaux de la société MOULINS SOUFFLET ; Que le 1er juin 2011 : • 'DE 10H55 A 12 H’ Maître B, huissier de justice, porteur de l’ordonnance sur requête (n° 11/1496) signifiée à 10h45 a dressé un procès verbal de carence de constat dans un établissement de la société CAWE, • 'A 10 heures 30" Maître B, huissier de justice, s’est transporté au siège de la société CAWE et, après signification de l’ordonnance sur requête n°11/1497 à 10 heures 40, a procédé aux opérations de saisie contrefaçon,

• à ' 10 heures 55" Maître S, huissier de justice, agissant en vertu d’une ordonnance sur requête du 18 avril 2014 signifiée à 10 heures 40, a procédé aux opérations de saisie contrefaçon au siège de la société MOULINS SOUFFLET ;

Considérant que Maître B et S indiquaient chacun être porteur de l’original de la requête, étant relevé qu’il n’en précisent pas le numéro mais que le tampon de Maître B est apposé sur la copie de la requête 11/1496, et que l’unique autorisation de saisie (pratiquée par Maître S) concernant la société MOULINS SOUFFLET porte le n° 11/1495 ;

Que si le procès verbal établi par Maître B ne mentionne pas expressément qu’il est porteur de l’original de l’ordonnance sur requête, aucun autre élément ne permet de supposer qu’il aurait pu ne pas être porteur de la minute, ce qu’au demeurant la société CAWE saisie, qui est en cause, n’a jamais prétendu ; qu’au contraire Maître B indique clairement agir au siège de la société CAWE en vertu de l’ordonnance 11/1497 et en avoir préalablement communiqué une copie, étant observé qu’il pouvait matériellement disposer de l’original de cette ordonnance puisque l’autre huissier de justice intervenant dans d’autres locaux de la société CAWE, disposait, ainsi que précédemment relevé d’un autre original (n°11/1496) ;

Qu’il en résulte que ce motif de nullité ne saurait prospérer ;

Considérant qu’il n’est, par ailleurs, invoqué aucun texte qui prévoirait que les saisies doivent être effectuées dans un délai déterminé par rapport aux ordonnances qui les autorisent, lesquelles n’ont en l’espèce prévu aucun délai ;

Qu’il n’est pas plus démontré que le délai, d’un peu plus d’un mois qui s’est effectivement écoulé entre les autorisations de saisie du 18 avril 2014 et les saisies du 1er juin 2014, pourrait ne pas être raisonnable en la cause ;

Qu’en conséquence ce second moyen de nullité ne peut qu’être rejeté ;

Considérant qu’il ressort, en outre, suffisamment des mentions du procès verbal de Maître B que celui-ci a débuté ses opérations à 10H55 ; que les premiers juges ont exactement retenu qu’ayant signifié la requête et l’ordonnance à 10h45, ce délai de dix minutes était raisonnable pour permettre à la société CAWE de prendre connaissance des motifs de la mesure ordonnée et de son étendue d’autant qu’un seul modèle était en cause, étant ajouté que l’intéressée n’a formulé aucun grief de ce chef ; que le jugement ne peut qu’être confirmé en ce qu’il a écarté cette demande de nullité ;

Considérant, enfin, que, c’est par des motifs pertinents que la cour approuve que les premiers juges, après avoir rappelé les termes de l’autorisation donnée à l’huissier et les opérations réalisées par Maître B, ont en se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause et à une juste application des règles de droit s’y rapportant écarté le grief de dépassement du cadre de la mission donnée à cet huissier pour avoir simplement reproduit les références de l’unique type de veste de cuisinier se trouvant dans les locaux de stockage en précisant que ce modèle ne correspondait pas au modèle litigieux et pour avoir, alors que le dépôt invoqué porte sur un modèle à manche courtes, annexé au procès verbal des documents afférents à un modèle à

manches longues, dont les premiers juges ont justement estimé, au vu des éléments en cause qu’il relevait de l’autorisation donnée à l’huissier de justice de rechercher des produits similaires ; qu’il convient, en conséquence, en l’absence d’élément nouveau soumis à l’appréciation de la cour de confirmer également la décision déférée en ce qu’elle a rejeté ce moyen de nullité ;

Considérant, en définitive, qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de nullité des procès verbaux de saisies contrefaçon ;

Sur le modèle opposé

Considérant que les intimés réitèrent devant la cour les moyens de nullité du modèle opposé pour défaut de nouveauté et de caractère individuel dont les premiers juges ont connu ;

Considérant que ces derniers ont répondu sur le défaut de nouveauté par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, retenant justement que l’examen des modèles antérieurs révélait l’existence de différences avec le modèle opposé qui ne sauraient être tenues pour insignifiantes ; qu’ils sera relevé que ces différences ne se limitent nullement à un nombre de boutons ou une emmanchure ; que la cour ne peut que constater qu’aucune des vestes antérieurement divulguées telles qu’invoquées par les intimés, et que l’appelante a reproduit dans ses écritures (p 19 à 39), n’est identique ou quasi identique à la veste opposée par cette dernière et ne s’avère ainsi destructrice de nouveauté de son modèle ; que le jugement entrepris ne peut qu’être confirmé sur ce point ;

Considérant que les premiers juges ont, par contre, estimé que le modèle invoqué ne présentait pas un caractère individuel, retenant en particulier que trois modèles antérieurs (reproduits en page 12 du jugement) présentaient de fortes ressemblances tenant <<notamment au col officier, aux manches courtes ou pouvant être portées courtes[…] au plastron avec fermeture décentrée à droit verticale ou quasi vertical, au contraste de couleur, à la présence d’une poche poitrine>> et que le différence <<comme la présence d’un passepoil au dessus de la poche ou le contraste de couleur marqué par les empiècements situés sur les flancs et sous les manches ou le nombre de boutons apparents ou cachés>> s’effaceraient même pour l’utilisateur averti ;

Mais considérant que le caractère individuel doit s’apprécier en fonction d’une impression globale suscitée chez cet utilisateur averti et de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du modèle, nécessairement restreinte en la cause dès lors qu’il n’est pas discuté que le modèle concerne une veste à usage professionnel (vestes de boulanger ou de cuisinier) et est ainsi soumis à certains impératifs fonctionnels ;

Qu’il ressort de l’examen auquel la Cour s’est livrée que si certains des éléments qui composent le modèle tel que déposé sont effectivement connus dans le secteur de la veste de métier de bouche, en revanche la combinaison de lignes très symétriques, dont une ligne horizontale, rappelant celle figurée au dos du vêtement à la même hauteur, mettant en valeur la poche poitrine avec rabat apposée en dessous, avec un effet couture des emmanchures, d’une patte de fermeture verticale à peine décentrée et d’un contraste des empiècements de côté rappelant celui du dessous des manches

inexistant dans l’art antérieur invoqué, confèrent à ce modèle, un aspect d’ensemble plus épuré et moderne que les modèles du même genre ;

Que si l’utilisateur averti, dont les parties s’accordent à admettre qu’il s’agit d’un boulanger, sera nécessairement plus attentif au caractère pratique d’une veste à usage professionnel au regard des exigences de son métier, il ne peut ignorer la très grande diversité de présentation existant pour ce type de vêtement, nonobstant les contraintes auquel il doit répondre, et il percevra dès lors immédiatement la physionomie propre du modèle en cause, même s’il n’est pas un professionnel de l’habillement ou de la mode, du fait de sa présentation globale qui diffère suffisamment d’autres vestes antérieures à manches courtes avec petit col susceptible de le protéger tout en s’adaptant aux impératifs de sa profession ; Considérant qu’en fait l’impression globale que le modèle opposé produit sur l’utilisateur averti par l’agencement particulier du modèle, qui le distingue de celle produite sur lui par les vestes déjà divulguées, confère à ce modèle de vestes un caractère individuel ; que, par voie de conséquence, la protection de ce modèle communautaire doit être admise et la décision dont appel sera infirmée en ce qu’elle l’a annulé comme ne remplissant pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 du règlement CE n°6/2002 du 12 décembre 2001 ;

Sur la contrefaçon

Considérant qu’il s’infère de la comparaison à laquelle la Cour a procédé du modèle en cause et de la veste saisie commercialisée par les intimées, que cette veste fabriquée par la société CAWE et utilisée par la société MOULINS SOUFFLET à destination des artisans boulangers 'BAGUEPI’ donne globalement à voir pour l’utilisateur averti, à l’instar du modèle tel que déposé la combinaison de lignes très symétriques avec la même mise en valeur de la poche poitrine sous une couture (ou passepoil) horizontale située à la même hauteur que celle du dos, d’une patte de fermeture verticale à peine décentrée, avec un effet couture des emmanchures, un contraste des empiècements de côté rappelant celui du dessous des manches ; qu’il constitue ainsi une reprise, dans la même combinaison, des éléments qui confèrent au modèle invoqué son caractère nouveau et individuel, et produit, au côté de ce modèle, une telle impression de ressemblance que la société appelante est fondée à conclure à une reproduction à tout le moins quasi servile ;

Que visuellement la veste litigieuse est en effet trop proche du modèle déposé pour que l’utilisateur averti attache de l’importance à des différences de détail telles une fine double ligne de coutures qui ne fait que souligner le caractère géométrique du modèle, étant observé que l’apposition de logo ou marque de minotier ou de produits de boulangerie n’évoqueront pour le professionnel du secteur que la qualité des personnes portant le vêtement et ne sera pas de nature à exclure l’impression globale de grande proximité avec le modèle communautaire opposé ;

Considérant qu’il s’infère de ces observations que la contrefaçon de modèle est caractérisée à la charge des sociétés MOULINS SOUFFLET et CAWE ;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que le fait que la société MOULINS SOUFFLET, à la différence de la société CAWE, n’exerce pas à titre principal d’activité de vente de vestes de boulanger ne saurait exclure l’existence d’agissements déloyaux générateurs de préjudice ;

Considérant qu’au titre de la concurrence déloyale ou parasitaire, il est tout d’abord reproché aux intimées, comme en première instance, une 'copie servile du modèle MOLINEL, conjuguée à trois autres actes fautifs’ savoir 'l’utilisation de coloris et de matières similaires disposés de la même manière', la reproduction d’une 'même gamme de vêtements’ et des 'économies en matière de conception et de réalisation publicitaire ' ;

Mais considérant que la reproduction du modèle ne saurait constituer un fait distinct de la contrefaçon, admise en la cause ; que le risque d’association ne saurait relever du choix de matières similaires (50% coton 50% polyester), lesquelles sont banales notamment dans le secteur de l’habillement professionnel ; que la reprise de mêmes coloris (blanc/beige) ne saurait être prise en compte que dans le cadre de l’évaluation du préjudice résultant de la contrefaçon, étant observé que les vestes litigieuses demeurent identifiables dès lors qu’il n’est pas discuté qu’elles sont 'logotypées’ et ne s’adressent qu’aux partenaires 'BAGUEPI’ ;

Que le simple fait que la veste incriminée soit déclinée en manches courtes et en manches longues ne saurait pas plus caractériser un effet de gamme, ne s’agissant que d’une variante, usuelle, d’un modèle à manches courtes ; que cette circonstance de fait relève également de l’appréciation du préjudice résultant de la contrefaçon dès lors que la veste à manches longues reprend les caractéristiques du modèle protégé ;

Qu’enfin, des actes de contrefaçon génèrent nécessairement pour les contrefacteurs des économies, lesquelles relèvent de l’appréciation du préjudice subi de ce chef ;

Considérant qu’il en résulte qu’aucun acte distinct des actes de contrefaçon ne s’avère réellement caractérisé en l’espèce, et les premiers juges ont exactement relevé qu’il ne saurait être imputé à faute le fait que par mail du 16 février 2011 (annexé au procès verbal de Maître S) la société CAWE 'rassure’ la société MOULINS SOUFFLET quant à l’absence de dépôt de la veste litigieuse, s’agissant d’une demande de vérification ou de recherche de sécurité juridique ; qu’il sera ajouté que le simple fait que la société MOULINS SOUFFLET ait pu avoir des doutes sur le caractère licite du produit fourni par la société CAWE au regard de modèles déposés, ou que les intimées n’aient pu ignorer l’existence de la veste de la société MOLINEL compte tenu de sa reproduction, laquelle ne saurait être fortuite, ne saurait suffire à établir qu’en sus de la contrefaçon, leur responsabilité serait engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ;

Considérant, en conséquence, qu’il n’y a pas lieu de retenir en la cause d’acte de concurrence déloyale ou parasitaire, et la décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté la société MOLINEL de ses demandes de ce chef ;

Sur les mesures réparatrices

Considérant que la société appelante évalue son préjudice au titre de la contrefaçon à 73.703,26 euros, soit 23.703,26 euros qui correspondraient aux bénéfices illicites

réalisés par les intimées, et 50.000 euros pour son préjudice moral, et sollicite des mesures d’interdiction sous astreinte, de confiscation et destruction ainsi que de publication ;

Que la société MOULINS SOUFFLET fait valoir qu’elle a cessé toute commercialisation de la veste litigieuse dès le 1er juin 2011, puis passé commande de 845 vestes en 2012 à la société MOLINEL qui ne vendait lors des faits qu’environ 325 vestes par an ;

Que la société CAWE soutient que les estimations de l’appelante ne seraient pas justifiées ni proportionnées dès lors que l’indemnisation ne saurait excéder le préjudice réellement subi et constituer une peine privée ;

Considérant que les opérations de saisie-contrefaçon ont permis d’établir que la société MOULINS SOUFFLET a commandé à son fournisseur, la société CAWE, 1.273 modèles de vestes contrefaisants, en a retourné 350 et vendu 923, étant observé qu’il n’est pas établi que la société CAWE ait procédé à d’autres ventes ; que même si la société MOULINS SOUFFLET, qui estime que sa marge brute unitaire ne saurait excéder 15,95 euros HT, a fait retour de 350 vestes à la société CAWE ensuite des opérations de saisie contrefaçon, les intimées ont toutes deux par leur action porté atteinte aux droits de modèle de la société MOLINEL en offrant, mettant sur le marché ou détenant aux fins de vente les 1.273 vestes en cause et doivent, en conséquence, être tenues in solidum à la réparation de l’entier préjudice subi par cette société ;

Considérant que l’offre en vente des vestes contrefaisantes, par surcroît, le caractère quasi servile des copies réalisées, est incontestablement de nature à banaliser le modèle de la société MOLINEL, même si le marché de ce type de veste, à usage professionnel, est par nature limité et si les faits ont cessé avant l’introduction de l’instance, et à permettre aux sociétés intimées de profiter indûment des frais inhérents à sa création ;

Considérant qu’il ressort suffisamment des éléments produits aux débats qu’à l’époque des faits reprochés la société MOLINEL vendait le modèle de veste pour un prix unitaire moyen de 18,46 euros, sa marge brute s’établissant à 50,5%, tandis que la société CAWE vendait les vestes contrefaisantes au prix unitaire de 15,95 euros HT et que la société MOULINS SOUFFLET les revendait 25 euros HT ;

Qu’il ne saurait, par contre, être admis que la société MOLINEL aurait nécessairement pu vendre le même nombre de vestes que les intimées, nonobstant ses actions de promotion, alors que d’autres acteurs sont présents sur le marché de vestes à usage professionnel et qu’en l’espèce les ventes litigieuses étaient réalisées dans le cadre d’un partenariat (boulangers partenaires BAGUEPI avec un fournisseur de farine MOULINS SOUFFLET), étant observé que ce n’est qu’à raison du contentieux que l’appelante a ensuite bénéficié d’une commande de la société MOULINS SOUFFLET ;

Considérant, en définitive, que la cour estime disposer d’éléments suffisants d’appréciation des conséquences économiques négatives subies par la société appelante, des bénéfices réalisés par chacune des intimées, et du préjudice moral

causé au titulaire des droits de modèle du fait des atteintes retenues, pour fixer à la somme de 25.000 euros les dommages et intérêts dus in solidum par les intimées au titre de la contrefaçon ;

Considérant que s’il convient d’ordonner une mesure d’interdiction dans les conditions prévues au présent dispositif pour prévenir tout éventuel renouvellement des actes illicites, des mesures de confiscation, de destruction ou de publication ne s’imposent pas en la cause alors qu’il n’est pas contesté que les faits incriminés ont cessé ;

Sur la garantie

Considérant que la société MOULINS SOUFFLET soutient qu’en sa qualité de vendeur et, en tout état de cause, sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle la société CAWE doit la garantir des condamnations mises à sa charge ; qu’elle demande de constater la nullité des ventes de vestes litigieuses (du fait de leur caractère contrefaisant) et le remboursement de ce chef de 20.319,75 euros HT ;

Que la société CAWE dénie toute garantie, ou obligation de remboursement, faisant valoir qu’elle aurait fabriqué les vestes incriminées en exécution d’une commande de la société MOULINS SOUFFLET sur la base de l’échantillon fourni par cette dernière ;

Mais considérant que la société CAWE spécialisée en matière de vêtement professionnel ne pouvait ignorer l’existence d’un modèle de veste professionnel d’un concurrent, quand bien même son client lui aurait-il fourni le modèle à réaliser ; que, de même, la société MOULINS SOUFFLET, qui déclare approvisionner 'dans la France entière’ les boulangeries-pâtisseries en farine, ne pouvaient ignorer l’existence du modèle de vestes de boulanger de la société MOLINEL, d’autant qu’accessoirement elle vend des vêtements dans le cadre d’un partenariat avec des artisans boulangers (Baguépi) qu’elle présente dans son 'catalogue des partenaires’ ;

Qu’il en résulte que dans leurs rapports entre elles chacune des intimées doit être tenue pour responsable à part égale des atteintes aux droits de modèle retenues, et la société CAWE devra supporter par moitié le montant des condamnations mises à la charge de la société MOULINS SOUFFLET, laquelle sera déboutée de sa demande de remboursement ;

Sur les frais

Considérant qu’aux termes de son dispositif l’appelante demande le remboursement des frais des 3 saisies contrefaçon du 1er juin 2011 et d’un constat du 14 mai 2012 ;

Considérant que ces frais seront pris en compte dans l’appréciation de sa demande au titre de ses frais irrépétibles de procédure ; Que l’équité commande de lui allouer à ce titre la somme de 5.000 euros et de rejeter les demandes des intimées de ce chef ;

PAR CES MOTIFS,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a considéré le modèle opposé comme nouveau, et rejeté les demandes de nullité des procès verbaux de saisie-contrefaçon ainsi que les demandes en concurrence déloyale et parasitisme économique

Statuant à nouveau dans cette limite, et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à irrecevabilité de l’appel de la société MOLINEL, ni à nullité de son modèle communautaire n°91467-001;

Dit que les sociétés MOULINS SOUFFLET et CAWE FTB GROUP ont commis à l’encontre de cette société des actes de contrefaçon de ses droits de dessins et modèles ;

En conséquence,

Les condamne in solidum à payer à la société MOLINEL la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon ;

Leur fait interdiction de commercialiser, de quelque façon que ce soit, tous modèles de vestes contrefaisants le modèle communautaire précité, et ce, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt ;

Condamne in solidum les sociétés MOULINS SOUFFLET et CAWE FTB GROUP

à verser à la société MOLINEL la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société CAWE FTB GROUP à supporter, à hauteur de 50% dans leurs rapports entre elles, toutes les condamnations mises à la charge de la société MOULINS SOUFFLET ;

Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;

Condamne in solidum les sociétés MOULINS SOUFFLET et CAWE FTB GROUP aux dépens de première instance et d’appel qui, pour ces derniers, pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5, 14 octobre 2014, n° 2013/05857