Cour d'appel de Paris, Pôle 2 chambre 7, 9 avril 2014, n° 12/16958

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 ch. 7, 9 avr. 2014, n° 12/16958
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 12/16958
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 22 juillet 2012, N° 10/11040
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 7

ARRET DU 09 AVRIL 2014

(n° 12 ,13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 12/16958

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juillet 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 10/11040

APPELANTS

Monsieur [E] [X]

[Adresse 2]

[Localité 1]

SYNDICAT CGT AIR FRANCE

Syndicat professionnel déclaré en Mairie de [Localité 6] en France,

n° d’enregistrement départemental SEINE ST DENIS 93 B 621; n° de registre municipal 093037B05-55 représenté par son Secrétaire Général Monsieur [Z] [I] domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 4]

représentés par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat postulant, barreau de PARIS, toque : L0034,

assistés de Me Jean- Paul LEVY, avocat plaidant, barreau de Paris, toque : W17.

INTIMES A TITRE PRINCIPAL ET APPELANTES À TITRE INCIDENT

Madame [S] [L], éditrice

[Adresse 1]

[Localité 2]

SA FLAMMARION

Pris en la personne de son président du conseil d’administration madame [S] [L]

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentées par Me Christophe BIGOT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0738

INTIMES

Monsieur [J] [P]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représenté par Me Basile ADER de l’AARPI ADER, JOLIBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : T11.

Monsieur [U] [C]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par la SCP FEYLER- GOBY -THOMAS en la personne de Me Emmanuelle GOBY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 186

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Janvier 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie PORTIER, présidente

François REYGROBELLET, conseiller

Sophie-Hélène CHÂTEAU, conseillère

qui en ont délibéré sur le rapport de Sophie PORTIER.

Greffier, lors des débats : Fatia HENNI

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. Le 26 mars 2014, le délibéré a été prorogé à la date du 09 avril 2014, date à laquelle il a été rendu.

— signé par Mme Sophie PORTIER, président et par Melle Fatia HENNI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise.

* * *

Vu le jugement rendu le 23 juillet 2012 par le tribunal de grande instance de Paris qui, saisi sur les assignations délivrées à la requête du syndicat CGT Air France et de [E] [X] , les 13,15 et 16 juillet 2010 à [S] [L], présidente de la société d’édition Flammarion, [J] [P], journaliste, [U] [C] , cadre d’Air France et la société Flammarion, en qualité de civilement responsable, aux fins qu’ils soient condamnés en raison de propos qu’ils estiment diffamatoires figurant dans un livre intitulé « La face cachée d’Air France » publié par la société Flammarion le 19 mai 2010, a :

— dit que [S] [L], en qualité d’éditeur, et [J] [P] en qualité d’auteur, avaient diffamé le syndicat CGT Air France à raison du deuxième passage qu’il poursuit figurant à la page 69 (« chasse à l’homme ») et qu’ils ne bénéficiaient pas de la bonne foi,

— dit que [S] [L], en qualité d’éditeur, et [J] [P] en qualité d’auteur avaient diffamé le syndicat CGT Air France (en fait, [E] [X] ) à raison du deuxième passage qu’il poursuit figurant à la page 245, et dit qu’ils ne bénéficiaient pas de la bonne foi,

— condamné in solidum [S] [L], [J] [P] et la société Flammarion, civilement responsable, à verser': 1000 € à titre de dommages-intérêts au syndicat CGT Air France en réparation de son préjudice, 1000 € à titre de dommages-intérêts à [E] [X] en réparation de son préjudice,

— rejeté la demande tendant à la publication d’un extrait du jugement,

— ordonné l’exécution provisoire,

— fait masse des dépens et en a mis la moitié à la charge in solidum du syndicat CGT Air France et de [E] [X] et l’autre moitié à la charge in solidum de [S] [L], [J] [P] et la société Flammarion,

— condamné le syndicat CGT Air France et [E] [X] in solidum à verser la somme de 2000 € à [U] [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum [S] [L], [J] [P] et la société Flammarion à verser 1000 € au syndicat CGT Air France et 1000 € à [E] [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les appels interjetés de ce jugement le 19 septembre 2012 par [E] [X] et par le syndicat CGT Air France qui, au terme de leurs dernières conclusions signifiées le 4 septembre 2013 en poursuit l’infirmation en ce qu’il a estimé que n’étaient pas diffamatoires les neuf autres passages poursuivis par le syndicat CGT Air France et deux des trois passages poursuivis par [E] [X], demandent qu’il soit constaté que [S] [L], [J] [P] pour l’ensemble des passages poursuivis, n’ont pas rapporté la preuve de la réalité des faits diffamatoires, que [U] [C] pour le passage qui lui est imputable n’a pas offert de rapporter ladite preuve, qu’ils ne peuvent bénéficier de la bonne foi, de condamner conjointement et solidairement [S] [L], [J] [P] et [U] [C] au paiement de la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts au profit de CGT Air France et 20 000 € au profit de [E] [X], d’ordonner l’insertion par extrait du jugement dans cinq publications au choix des requérants, de condamner conjointement et solidairement les intimés à payer à chacun des concluants la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de dire les éditions Flammarion civilement responsable et la condamner à garantir [S] [L], [J] [P] et [U] [C] à de toutes les condamnations civiles pouvant être prononcées contre eux, de les condamner en tous les dépens d’appel et de première instance';

Vu les conclusions signifiées le 17 avril 2013' par [S] [L] et la société Flammarion, intimées à titre principal, appelantes à titre incident, au terme desquelles il est demandé à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu le caractère diffamatoire de deux passages poursuivis et condamné solidairement Madame [L] et la société Flammarion à verser à chacun des demandeurs la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts, de dire que ces propos ne sont pas diffamatoires à l’égard de Monsieur [X] et du syndicats CGT Air France, à titre subsidiaire de dire que par offre de preuve valablement signifiée le 23 juillet 2010, la vérité des imputations diffamatoires a été prouvée, en tout état de cause de dire qu’ils bénéficient de l’excuse de bonne foi, à titre subsidiaire, sur l’appel principal formé par le syndicat CGT Air France et Monsieur [X], de dire que les propos poursuivis ne sont pas diffamatoires à leur égard, subsidiairement, que par offre de preuve valablement signifiée le 23 juillet 2010 la preuve de la vérité de l’intégralité des imputations diffamatoires a été rapportée, en tout état de cause de dire qu’ils doivent bénéficier de l’ excuse de bonne foi et, en conséquence, de débouter [E] [X] et le syndicat CGT Air France de l’ensemble de leurs demandes et de les condamner solidairement à verser à Madame [L] et à la société Flammarion la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel';

Vu les conclusions signifiées le 29 janvier 2013 par [J] [P], intimé à titre principal et appelant incident, aux terme desquelles il sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a retenu le caractère diffamatoire de deux passages poursuivis et l’a condamné à verser à chacun des demandeurs la somme de 1000 € à titre de dommages-intérêts, demande à la cour de statuer à nouveau et de dire que les propos poursuivis ne sont pas diffamatoires à l’égard de Monsieur [X] et du syndicat CGT Air France, à titre subsidiaire, de dire que par offre de preuves signifiée le 23 juillet 2010 Monsieur [P] a rapporté la preuve de la vérité des imputations diffamatoires, à titre infiniment subsidiaire de dire qu’il doit bénéficier de l’excuse de bonne foi, de dire, sur l’appel principal formé par le syndicat CGT Air France et Monsieur [X] que les propos poursuivis ne sont pas diffamatoires à leur égard, à titre subsidiaire que la preuve de la vérité a été rapportée, à titre infiniment subsidiaire qu’il doit bénéficier de l’excuse de bonne foi, en tout état de cause, de débouter Monsieur [X] et le syndicat CGT Air France de l’ensemble de leurs demandes et de les condamner solidairement à lui verser la somme de 8000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les frais et dépens de première instance et d’appel';

Vu les conclusions signifiées le 23 janvier 2013 par [U] [C], intimé, au terme desquelles il sollicite la confirmation du jugement en toutes les dispositions le concernant, ainsi que la condamnation solidaire de Monsieur [X] et du syndicat CGT Air France à lui verser la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 18 septembre 2013 ;

Ceci étant exposé,

Considérant que, comme le rappelle le tribunal, la procédure concerne un ouvrage intitulé « La face cachée d’Air France » qui se propose d’analyser « différents pans inconnus de la grande maison Air France » notamment les problèmes de sécurité de vols mais aussi le mode de financement et de gestion de son comité central d’entreprise ainsi que la « remise en question (') du deal social qui a permis à la compagnie de « tenir » ses syndicats et de faire passer des mutations profondes comme la privatisation» ;

Considération que la cour se référant pour l’essentiel au rappel chronologique des événements significatifs de la gouvernance d’Air France et de son comité central d’entreprise (ci-après CCE) au cours de la dernière décennie, tels qu’ils sont rapportés par les premiers juges, se limitera à rappeler que':

— le syndicat CGT France qui revendique plus de 4000 adhérents et représente environ 80 % du personnel au sol d’Air France a participé à la gestion du comité central d’entreprise de mars 1999 à mars 2007, les élus CGT remplaçant ceux de FO',

'

— en 2000 un rapport d’audit a été déposé par la société Secafi Alpha, mandaté par la nouvelle équipe dirigeante du CCE laquelle déposera plainte contre X pour abus de biens sociaux et malversations,

— [E] [X], élu de la CGT, a été membre du CCE 1999 à 2011 inclus'; il en a été le trésorier adjoint puis le secrétaire général adjoint, puis de mars 2003 à mars 2007 le secrétaire général en titre avant de n’en être qu’un simple élu,

— en mars 2007 la CGT perd les élections et est remplacée au CCE par une alliance de syndicats (CFDT, CGC et FO) [U] [C] de la CFDT étant élu secrétaire général du comité',

— à l’automne 2008 [A] [R] [W] laisse la direction de l’entreprise à « son fidèle lieutenant » [D] [V] [K],

— en janvier 2010 le rapport de l’audit Ina mandaté par l’ensemble des syndicats représentatifs d’Air France est rendu public'; une plainte contre X pour abus de confiance est déposée au tribunal de Grande instance de Bobigny';

— en mars de la même année le rapport d’expertise comptable [N] commandé par le syndicat FO est porté à la connaissance du CCE dont il décrit les difficultés financières';

Sur le caractère diffamatoire des propos poursuivis,

Considérant que l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne », le fait imputé étant entendu comme devant être suffisamment précis, détachable du débat d’opinion et distinct du jugement de valeur pour pouvoir, le cas échéant, faire aisément l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire';

Considérant qu’il n’est plus soutenu devant la cour que les parties seraient irrecevables à contester le caractère diffamatoire des propos reprochés pour avoir notifié une offre de preuve contraire dans les formes prévues par l’article 55 de la loi sur la presse';

Considérant que la cour restant saisie, par les appels principaux et incidents, de la totalité des propos visés par les assignations, ceux-ci seront examinés, comme l’a fait le tribunal, dans l’ordre présenté par les demandeurs et selon le regroupement qu 'ils ont proposé';

Passages poursuivis par le syndicat CGT Air France

Premier passage': page 14' ( prologue )

« L’implosion du comité central d’entreprise d’Air France (CCE) début 2010 est symptomatique d’une direction qui a laissé les mains libres à ses syndicats et a obtenu la paix sociale pour conduire librement les réformes entraînant la compagnie vers les sommets»

« sa face cachée (Air France), ce sont des statistiques de sécurité indigne de son standing, un modèle économique et social menacé, des pratiques de certains qui flirtent avec le nepotisme ».

Considérant que ce passage figure dans le prologue', qui, évoquant la décennie de croissance qu’a connue la compagnie nationale sous la direction de [A] [R] [W] ajoute que « ces années de croissance ont malgré tout un revers » et que « le patron a laissé dériver les coûts et s’est accommodé d’un deal social qui montre désormais ses limites »'; que comme l’a estimé le tribunal, le thème de « l’achat » de la paix sociale, qui est une thèse du livre de [J] [P], comme le thème du « népotisme » ne visent pas les syndicats en général, ni la CGT en particulier, mais vise la direction d’Air France sous l’égide de Monsieur [W] , les propos, de portée très générale, puisqu’il se situe dans l’introduction de l’ouvrage où sont présentés l’ensemble des dysfonctionnements d’Air France que l’auteur entend développer dans les chapitres suivants, ne pouvant, à ce stade, être compris comme reprochant au syndicat CGT, comme il le soutient, de s’être laissé acheter par des « pratiques honteuses » telles que l’abandon de son indépendance vis-à-vis du patronat ;

Deuxième passage poursuivi': page 69 (« chasse à l’homme ») (le scénario du décrochage)

« Cet état d’esprit se traduit par une haine irrationnelle du nouveau patron [D] ' [V] [K], dans certaines franges de la société, parmi les personnels au sol comme parmi les navigants. Depuis l’été 2009, une sorte de chasse à l’homme a même été lancée par plusieurs syndicats. Objectif': faire tomber le nouveau patron. Tous les moyens sont bons': dénonciations calomnieuses, tentatives de déstabilisation en contactant la presse pour le moindre non ' événement susceptible d’affaiblir le directeur général exécutif ».

Considérant que ce passage qui se situe dans un chapitre qui tend à décrire l’atmosphère tendue régnant au sein d’Air France au lendemain de la disparition du vol [Localité 5] [Localité 2] et la nostalgie éprouvée de la « décennie Spinetta » et «de cette époque où tout souriait à l’entreprise », met en cause « plusieurs syndicats » pour user de tous les moyens pour affaiblir ou parvenir à provoquer le départ du nouveau patron, [D] [V] [K]';

Considérant qu’en se limitant à évoquer les moyens d’action qu’ ont pu utiliser « plusieurs syndicats », pour affaiblir le « nouveau patron » , et en faisant état, parmi ces moyens, de la « dénonciation calomnieuse » pour qualifier, des dénonciations certes infondées, mais dont, à défaut de toute précision, l’ atteinte pouvant en résulter reste indéterminée, faites de surcroît non pas auprès d’autorités administrative ou judiciaires, ni auprès des supérieurs hiérarchiques de [Y] [K], comme le comprend le lecteur, mais auprès de salariés par voie de tracts ou de lecteurs par voie de presse,' l’auteur , n’apparaît pas, d’une part, stigmatiser nécessairement le syndicat CGT puisque seuls certains syndicats sont désignés et non pas «les syndicats » et, d’autre part, imputer à ces syndicats d’user de méthodes excédant les pratiques de la lutte syndicale dans une mesure telle qu’elles pourraient être qualifiées de contraires à l’honneur à la considération ; que le passage ne sera donc pas retenu comme diffamatoire contrairement à l’appréciation des premiers juges';

troisième passage poursuivi': page 148(chapitre 8 un management déficient)

« ce dispositif part du principe que si les pilotes ne sont pas anonymes, ils faut chercheront à dissimuler leurs erreurs. Mais dans la plupart des compagnies, l’anonymat est levé lorsque les circonstances l’exigent. Chez Air France, les demandes de levée de l’anonymat font l’objet d’une commission paritaire, avec présence des syndicats, qui aboutissent de façon rarissime. « Partout, le faite de lever l’anonymat améliore les résultats en matière de sécurité, explique le cadre d’une compagnie concurrente. Inutile de faire des audits, la sécurité commence par là': la possibilité de sanctionner les gens. Chez Easyjet, quelqu’un qui fait une approche non stabilisée est viré immédiatement. C’est pour cette raison que les Anglo-Saxons ont d’excellentes statistiques en matière de sécurité. Le managment social chez Air France a une part de responsabilité dans les problèmes de sécurité. »

Considérant que si la référence à la « présence des syndicats » lors des commissions paritaires, ne permet pas de considérer que le syndicat CGT n’est pas concerné, même s’il n’y siège effectivement pas, le lecteur’ ne sachant pas nécessairement quels sont les syndicats qui y sont représentés, les propos poursuivis ne peuvent néanmoins pas être interprétés comme désignant les syndicats pour être systématiquement opposés à la levée de l’anonymat et constituer en tant que tels « des obstacles à la sécurité », ainsi que le soutien le syndicat CGT, leur seule présence mentionnée par l’auteur à ces commissions étant à l’évidence insuffisante pour expliquer que les demandes d’immunité aboutissent rarement'; que la lecture du chapitre’ intitulé « un management déficient » et la dernière phrase du passage poursuivi démontrent au surplus que l’auteur a voulu dénoncer l’absence de sanction comme mode de management, et non pas les syndicats quels qu’ils soient, en précisant même, un peu plus haut, que cet état de fait était dénoncé par plusieurs organisations syndicales';

Quatrième passage': page 221 « chapitre Roissy plage »

« ce pourrait être un Club Med, mais bienvenue sur l’un des « villages détente » du comité central d’entreprise (CCE ) d’Air France ».

Considérant que le fait que le comité central d’entreprise dispose d’un village de vacances dont les prestations seraient, selon l’auteur, équivalentes à celles d’un « club med » n’est pas ainsi que l’ a estimé le tribunal contraire à l’honneur à la considération du syndicat CGT Air France à supposer même qu’il se soit visé par ce jugement de valeur';

Cinquième passage': page 224 (loi sur le financement du CCE)

« la loi est appliquée à la lettre. Chez Air France, c’est le contraire depuis la création du CCE »

'Considérant que comme l’expose le tribunal, cette phrase termine un paragraphe dans lequel l’auteur explique que le comité central d’entreprise d’Air France chapeaute 7 comités d’établissement (CE) et que le fonctionnement du CCE et des CE d’Air France est atypique en ce que la compagnie verse au CCE une subvention , laquelle représente plus de 3 % de la masse salariale, une partie de cette subvention étant ensuite redistribuée aux différents comités d’établissement pour assurer leur fonctionnement alors qu’en vertu de la loi, la compagnie devrait verser ses subventions aux comités d’établissement à charge pour eux d’en redistribuer une partie au CCE';

Considérant que contrairement à ce que soutient le syndicat CGT Air France, il ne lui est nullement imputé d’ être responsable d’une violation de la loi dans la mesure où il a participé à la gestion du comité central d’entreprise de Mars 1999 à mars 2007 alors que l’auteur précise que ce mode de fonctionnement a été mis en 'uvre depuis la création du CCE et n’évoque pas une violation de la loi mais se limite à mettre l’accent sur le caractère « atypique » du fonctionnement du CCE sans même insinuer que ce financement aurait pu susciter de quelconques malversations ou pratiques illicites';

Sixième série de passages': pages 224 à 226 (règlements de comptes)

Page 224': « ses dirigeants ' contraints de gérer la boutique comme on éteindrait un incendie ' se demandent s’ils parviendront à payer les colonies de vacances des enfants des salariés l’été suivant »

« Pis, ses élus se déchirent et saisissent n’importe quelle occasion pour jeter l’opprobre sur ceux qui sont censés être les coupables. Ce n’est pas une lutte politique ou syndicale qui se joue, mais bien un règlement de comptes sous-tendu par une haine viscérale entre les différents acteurs. Un audit des comptes est publié tandis que les dirigeants sont la cible d’un lynchage médiatique. Les plaintes sont déposées et la brigade financière est saisie de l’affaire. Mais une question majeure se pose': comment en est-on arrivé là'' »

Page 225': « en 1999,un audit est réalisé par l’entreprise Secafi Alfa au moment du changement de majorité à la tête du comité d’entreprise et la prise de pouvoir de la CGT à la place de Force Ouvrière (FO) et de son secrétaire général [O] [H]. »

Page 226': « une plainte est parallèlement déposée en février 2000 contre X par la nouvelle équipe pour malversation et abus de bien social sur la base des conclusions du rapport de Secafi Alfa. »

Considérant que qualifier les luttes qui opposent les différents syndicats, notamment à l’occasion des élections des représentants siégeant au comité central d’entreprise de « règlement de comptes » relève, ainsi que l’ a estimé le tribunal de l’appréciation personnelle de l’auteur et donc de la liberté d’opinion et ne peut être interprété comme imputant à la CGT de préférer régler ses comptes plutôt que de rechercher à satisfaire ses obligations vis-à-vis du personnel'; que le seul fait précis visant la CGT est d’avoir fait réaliser un audit lors de sa « prise de pouvoir » et d’avoir déposé une plainte contre X sur la base du rapport Secafi Alfa, démarches qui ne sont en rien en elles-mêmes contraires à l’honneur et la considération et dont l’auteur ne dit pas qu’elles auraient été injustifiées';

Septième série de passages': page 226,228,229 233 (dépenses somptueuses, accroissement des frais de fonctionnement, mauvaise gestion)

Page 226': « jusqu’ici, l’entreprise et l’institution avait trouvé un modus vivendi. Celui-ci permettait au CCE de faire partir chaque année des milliers d’enfants et de familles en vacances, ainsi qu’à 1000 salariés de bénéficier d’un train de vie de ministère': des salaires de patrons, galas, réceptions fastueuses. Quand les caisses étaient vides, la compagnie « mettait un peu du huile dans les rouages », selon l’expression consacrée. Un moyen pour la direction d’acheter le calme et de mener ces réformes sans trop de remue-ménage. « Pourquoi la privatisation de la compagnie est-elle passée comme une lettre à la poste'' Questionne le porte-parole d’un syndicat de pilotes. Et bien, tout simplement parce que les syndicats ont été arrosés et la paix sociale payée à prix d’or. » Si les entreprises sont tenues de reverser 1 % de leur masse salariale à leur comité d’entreprise, chez Air France, c’était 3 % avant l’arrivée de [A] [R] [W]'; 3,1 % ensuite ».

Considérant que ce passage, même rapproché d’un autre passage poursuivi figurant aux pages 259 et 260, évoquant une réunion au cours de laquelle [A] [R] [W] se serait engagé à «renflouer secrètement le CCE » n’impute au syndicat CGT ni une participation quelconque à un prétendu « pacte de corruption » ni des agissements contraires à l’honneur et à la considération, qui seraient la contrepartie des fonds, même abondants, versés par l’entreprise, les propos rapportés du porte-parole d’un syndicat de pilote, alors en conflit avec les autres représentants syndicaux, selon lesquels « la paix sociale » aurait été « achetée à prix d’or »' n’étant que trop imprécis pour être qualifiés de diffamatoires';

page 228': « en 2005, la situation s’envenime un peu plus. Un audit du cabinet [Q] relève la grande désorganisation du CCE d’Air France géré par la CGT. « Nous n’avons relevé au cours de nos examens aucun élément qui conduise à suspecter les dirigeants ou chefs de service du CCE d’irrégularités dans leur gestion susceptible de pénaliser les finances du CCE », note le rapport qui avertit néanmoins d’une « hausse continue des coûts de la part de subvention consommée », d’un « accroissement supérieur aux ressources des frais de fonctionnement centraux pris dans leur globalité » ou encore du « poids du patrimoine propre du CCE qui entraîne des contraintes financières(') pesant sur l’ exploitation des centres concernés »';

Considérant que même si la CGT est précisément visée dans ce passage, l’auteur du livre qui se limite à rapporter les constatations figurant dans le rapport d’audit et donc à faire état des difficultés financières en ressortant, n’ impute ni au syndicat ni aux dirigeants du CCE alors « géré par la CGT » des actes contraires à l’honneur et la considération puisqu’il est bien précisé qu’aucune irrégularité dans la gestion n’a été relevée ;

page 229': « en février 2007, la trésorière de l’époque alerte la direction du CCE quant à la situation dramatique de sa trésorerie ainsi que sur le budget de l’année qui se soldera par un déficit de 8,8 millions d’euros. On lui aurait alors répondu, du côté de la CGT': « tu es une machine à perdre les élections ». Quelques semaines plus tard, la CGT perd en effet celles-ci FO et la CGT qui s’était alliée avec elle, rompent leur accord et se rapproche de la CFDT Air France, dirigée par [U] [C] ».

Considérant que ce passage qui se limite à faire état d’une réponse qui aurait été donnée à « la trésorière de l’époque » du CCE en février 2007 , ne peut être interprété comme traduisant de la part de la CGT, la volonté de rien entreprendre pour redresser «la situation dramatique »de la trésorerie pour des motifs d’opportunité électorale, entreprise qui, en tout état de cause, aurait été pour le moins tardive, mais plutôt de ne pas dramatiser la situation à l’approche des élections, propos qui ne renferment aucune imputation contraire à l’honneur à la considération’ puisqu’il n’est pas suggéré qu’il ait été tenté de dissimuler la réalité de la situation ;

Page 229': « les navigants consentent une aide exceptionnelle de 3,2 millions pour « remettre les compteurs à zéro » et permettre au CCE de poursuivre ses activités après plusieurs années de gabegie et de gestion CGT »,

Page 233': « les élus du CE des navigants brocardent la mauvaise gestion du CCE, ses effectifs pléthoriques et une augmentation exponentielle de ces derniers. Entre 1995 et 2005, ils ont en effet progressé de 50 % pour atteindre à peu près 1000 salariés. Une inflation du train de vie du CCE est par ailleurs constatée alors que c’est précisément l’inverse qui aurait dû avoir lieu du faite de la baisse de la masse salariale durant cette période, et donc des subventions. « On constate que les frais de personnel du CCE ont augmenté de plus de 7 millions d’euros depuis les deux dernières années » écrit [M] [B], dans une publication interne à destination des navigants. Il affirme, dans cet article, que le CCE engloutit 99 % de ses ressources dans les « frais de personnel, c’est-à-dire le paiement des salaires d’un effectif pléthorique et le financement de son train de vie. En 2009, le CCF à disposer d’une subvention de 63 millions d’euros de la compagnie et a consacré 62,5 millions d’euros aux frais de personnel pour les 7 CE et le CCE 20,5 millions d’euros ont ainsi servi aux salariés du CCE et 42 millions aux salariés des sept C.E. « En engloutissant dans les frais de personnel 99 % des subventions destinées aux activités des salariés, il reste 1 % des subventions disponibles pour ces salariés » cela signifie que la quasi-totalité de la subvention annuelle d’Air France est engloutie dans la masse salariale des 7 CCE et du CCE. Les organisations ne financent donc les activités sociales et les vacances de nos salariés que grâce aux chiffres des ventes. »

Considérant que, comme l’a estimé le tribunal, l’auteur se fait l’écho dans ces passages des critiques émises par des représentants du CE des navigants, lequel est présenté comme ayant du consentir une aide exceptionnelle au CCE , sur la gestion selon eux dispendieuse de ce dernier, se traduisant pour l’essentiel par une augmentation massive des frais de personnel'; que ces critiques, outre qu’elles apparaissent concerner une période allant de 1995 jusqu’à l’année 2009 et viser notamment les deux dernières années, époque à laquelle la CGT ne gérait plus le CCE , dénoncent certes avec vigueur la partie civile pour n’avoir pas été capable, de même que ses prédécesseur et successeur, de limiter les dépenses salariales, ce qui ne relève pas d’un comportement contraire à l’honneur à la considération, l’honnêteté du gestionnaire n’étant nullement mise en cause, les termes « gabegie », « effectif pléthorique » ou « inflation du train de vie », couramment employés pour dénoncer une gestion déficiente, ne renfermant pas en eux-mêmes la dénonciation d’agissements précis frauduleux ;

Huitième passage poursuivi': page 259 et 260 (financement du CCE et la « promesse secrète »)

« Air France a flirté à plusieurs reprises avec la ligne rouge du délit d’entrave ainsi que celle de l’exercice illégal de la profession de banquier'' De même, [F] [G] dément le fait qu'« Air France se serait engagé de façon occulte, il y a quelques années, à assurer le financement de long terme des besoins du CCE » au motif qu’aucune démarche officielle des élus n’a été entreprise. Un argument qui, là encore n’en est pas un et ne prouve toujours rien. Rien d’illégal n’a été fait parce que ce n’était pas légal et rien d’officieux n’a été fait parce que cela n’était pas officiel.

L’argumentation est faible, surtout quand les langues commencent à se délier. [U] [C] , victime de l’implosion du système, passe à l’offensive. « Un jour, dans le bureau du doyen [T], [A] [R] [W] nous a dit, à [E] [X] et à moi-même,qu’ il s’engageait à nous verser en plus 3,5 millions d’euros par an, explique-t-il. Et nous a dit qu’il ne pouvait pas le confirmer par écrit mais qu’il s’y engageait.. » Ces versements « par-dessus bord » allaient permettre, selon lui, à la compagnie de renflouer discrètement son CCE sans réviser le taux légal de la masse salariale qu’elle reverse au CCE et au C.E. des navigants.

C’est une salariée de la compagnie dont le mari est d’ailleurs à la CFDT, qui est chargé de « maître de lui dans les rouages » et d’organiser ces versements. « En septembre 2003, nous avons commencé à négocier l’inversion des flux, se remémore un responsable syndical de CEE des navigants en écho aux confessions de [U] [C] . Début novembre, la CFDT s’est retirée de la table des négociations et est allée voir [W] . C’est à ce moment-là que la promesse secrète a dû être faite » cet engagement aurait été pris devant le patron du CCE,[X], et le vieil ami, [U] [C] qui n’est encore rien au CCE».

Considérant que le passage qui figure dans le chapitre intitulé « Le système [W]» ne peut être compris, contrairement à ce que soutient le syndicat CGT, comme le visant pour avoir bénéficié du délit d’entrave ou de celui de l’exercice illégal de la profession de banquier qu’aurait commis Air France et pour avoir été corrompu en acceptant les paiements occultes que [A] [R] [W] se serait engagé à verser dans le but d’acheter la paix sociale';

Considérant en effet , outre qu’il n’est pas dit qu’Air France aurait commis les délits d’entrave ou d’exercice illégal de la profession de banquier , l’auteur se limitant à les évoquer de façon interrogative sans que le lecteur ne soit conduit à envisager clairement l’éventuelle culpabilité en résultant pour le syndicat CGT Air France en tant que receleur, la relation de ces versements occultes destinés à « mettre de l’huile dans les rouages » ne tend pas plus à présenter le syndicat gestionnaire du CCE comme ayant consenti en contrepartie à l’employeur de quelconques avantages au mépris des intérêts des salariés, le « système [W] », sujet du chapitre en cause, étant décrit comme un système permettant certes de se prémunir contre des soubresauts sociaux, mais basé sur un accord tacite vis-à-vis des syndicats de la compagnie, et non pas comme ayant pu prospérer grâce à des syndicats ayant accepté de se vendre « au patronat »;

Neuvième passage poursuivi': page 230 (financement du CCE par le compte courant d’Air France)

« en sens inverse, une trop grande clémence pour acheter la paix sociale peut l’amener (il s’agit là de la compagnie Air France) à flirter avec la limite de la loi': l’ exercice illégal

de la profession de banquier est en effet puni. »

« Le CCE traîne depuis de nombreuses années un décalage de trésorerie était assuré jusque-là par la direction, c’est la direction qui servait de banquier, explique-t-il lors du CCE du 21 janvier 2010. La technique du compte courant, c’est un prêt à long terme ».

Considérant que le lecteur évoquant de nouveau la qualification pénale qui pourrait caractériser les facilités de trésorerie qui ont été consenties par la direction d’air France au CCE ne met pas plus en cause l’honneur et la considération du syndicat CGT Air France qui en a été l’un des gestionnaires, ce financement accordé par l’employeur étant présenté, dans le passage litigieux, même s’il est fait référence de façon imprécise à l’ « achat de la paix sociale » comme une opération de sauvetage consentie sans aucune contrepartie de la part des syndicats';

Dixième passage poursuivi': page 237 (contrôle par l’URSSAF et jeux d’écriture)

« ainsi, en 2007, le CCE est contrôlée par l’URSSAF et se voit redresser d’une somme de 1,2 millions d’euros pour avoir versé lors des exercices précédant une subvention à la mutuelle que la loi Fillon ne permet plus. Cette subvention prévue pour 2007 ne sera plus réglée mais quand même passée en provisions sur l’exercice, ce qui creuse le déficit d’autant. L’année suivante, cette provision est reprise et améliore d’autant le résultat de 2008. Des jeux d’écriture qui permettent de charger l’exercice 2007 et de diminuer le déficit de l’année suivante. D’autre part, des reprises de provisions sur les caisses de secours et l’amicale sportive d’Air France améliorent le résultat de l’exercice 2008. Au final, il ressort que, au lieu d’une amélioration de 5,7 millions d’euros entre 2007 2008, la situation a empiré de 2,3 millions d’un exercice à l’autre.

Dans un message adressé à l’ensemble de ses adhérents, le président d’un syndicat d’Air France s’émeut que personne ne se soit rendue compte de l’existence de ces jeux d’écriture et s’interroge sur la fiabilité des systèmes d’alerte du CCE. « Normalement les règles comptables ne permettent pas ces petites libertés. Ces erreurs d’imputation sont grossières et facilement détectables, pourtant personne ne les a relevées. Cette situation remet en question la comptabilité du CCE et surtout le contrôle auxquelles elle est soumise»

Considérant que comme l’a également estimé le tribunal il n’est imputé au syndicat CGT Air France aucun agissement contraire à l’honneur et la considération, le redressement opéré en 2007 , à la suite d’un contrôle de l’URSSAF, n’étant pas présenté comme relevant d’un manquement délibéré à une disposition légale nouvelle mais plutôt d’une erreur'; que les jeux d’écriture comptables passés en 2008 afin d’améliorer le résultat de l’exercice , ne concernent en rien le syndicat CGT Air France qui ne participait plus à la gestion du CCE';

Considérant que l’honnêteté et l 'honorabilité du syndicat CGT Air France n’apparaîssent en définitive mis en cause dans aucun des passages poursuivis, seule étant dénoncées ses piètres qualités de gestionnaire'; que le reproche récurrent adressé à l’entreprise d’avoir fait bénéficier le syndicat CGT Air France, comme les autres, d’avantages dans des conditions contestables pour « acheter la paix sociale » vise à critiquer l’entreprise et non à présenter les syndicats, même s’ils apparaissent comme les principaux bénéficiaires de ce deal, comme ayant accepté de se compromettre au mépris des intérêts des salariés ;

Passages poursuivis par [E] [X]

Premier passage poursuivi': page 236 (état des comptes)

« la nouvelle équipe de transition s’interroge par ailleurs sur la réalité des comptes certifiés par un commissaire aux comptes. [U] [C] se targue de sa bonne gestion de l’institution et même d’une amélioration de l’état dans lequel son prédécesseur, [E] [X] de la CGT, lui a laissé les comptes. »

Considérant que contrairement à ce que soutient [E] [X] il ne lui est pas imputé d’avoir laissé les comptes dans un état déplorable, puisque l’auteur ne fait que rapporter ce dont se prévaut, «la nouvelle équipe de transition », dirigée par [U] [C], à savoir une notable diminution du déficit entre l’exercice 2007 et l’exercice 2008, pour finalement s’interroger sur la réalité du compte de résultat et sur d’éventuelles manipulations comptables ayant permis de faire apparaître une amélioration au lieu d’un accroissement du déficit'; qu’aucun fait contraire à l’honneur et la considération n’est donc imputé à [E] [X], la critique émise sur la réalité des comptes visant [U] [C] auquel il est imputé d’avoir pu présenter des comptes ne reflétant pas la réalité de la situation';

Deuxième passage poursuivi': page 245 (forfait logement de 1800 € par mois)

« il est également relevé qu’un ancien secrétaire général du CCE et néanmoins toujours élu de l’institution, bénéficie d’un « forfait logement de 1800 € par mois ». Contrairement aux autres élus, il n’a donc pas communiqué le bail et le montant de son loyer. « Ce n’est vraiment pas grave, rétorque un membre du comité exécutif d’Air France. C’est rien à côté de ce que les traders et certains grands patrons se mettent dans les poches.» Vu sous cet angle, rien n’est grave en effet, mais ces pratiques mettent au jour une gabegie et des petits avantages qui ne sont plus acceptés dans une compagnie frappée par la crise économique ».

Considérant que le passage poursuivi figure dans le chapitre intitulé « Grand déballage» dans lequel l’auteur fait état des conclusions du rapport d’audit remis par l’Ina en janvier 2010, lequel « dresse le constat sans concession d’un CCE à la dérive »' et qui « vit au-dessus de ses moyens »'; que parmi les dépenses « à vocation personnelle »il est notamment relevé que le CCE prend en charge le logement sur [Localité 2] des élus qui habitent en province'; que c’est à ce stade que figure la phrase litigieuse';

Considérant que si [E] [X], bien que non nommé, est identifiable, au moins par son entourage, étant le seul élu du comité central d’entreprise pour la mandature 2007- 2011 et ancien secrétaire général du CCE, et si le lecteur comprend qu’il a bénéficié d’un avantage ayant attiré l’attention de l’auteur du rapport, force est de constater que le caractère indu n’en apparaît pas clairement à la lecture du passage litigieux’ puisqu’il est précisé dans les lignes précédentes que le CCE prend en charge le logement sur [Localité 2] des élus qui habitent en province’ et qu’il est constant que [E] [X] , dont le lieu de résidence n’est pas précisé, est toujours élu de l’institution'; qu’à défaut de pouvoir comprendre, au vu des éléments rapportés, ce qui serait éventuellement abusif dans l’avantage consenti, soit le caractère forfaitaire du loyer qui est versé , sans qu 'il soit nécessaire de justifier d’un bail, soit le versement même d’un loyer, et étant observé que l 'accent n’ est nullement mis sur la responsabilité de l’éventuel bénéficiaire de ce« petit avantage », qui n’est pas même nommé, le passage litigieux ne peut être considéré comme imputant à [E] [X] un fait précis contraire à l’honneur à la considération ; que le jugement sera donc infirmé au titre de ce passage ;

Troisième passage poursuivi': page 259 et 260 (« la promesse secrète »)

'L’argumentation est faible, surtout quand les langues commencent à se délier. [U] [C], victime de l’implosion du système, passe à l’offensive. « Un jour dans le bureau du doyen [T], [A] [R] [W] nous a dit, à [E] [X] et à moi-même, qui s’engageait à verser en plus 3,5 millions d’euros par an, explique-t-il. Il nous a dit qu’il ne pouvait pas le confirmer par écrit mais qu 'il s’y engageait. » Ces versements « par-dessus bord » allaient permettre selon lui à la compagnie de renflouer discrètement son CCE sans réviser le taux légal de la masse salariale qu’elle reverse au CCE et au CE des navigants. C’est une salariée de la compagnie dont le mari est d’ailleurs à la CFDT qui est chargée de mettre de l 'huile dans les rouages et d’organiser ces versements. « En septembre 2003, nous avons commencé à négocier l’inversion des flux, se remémore un responsable syndical de CE des navigants en écho aux confessions de [U] [C]. Début novembre, la CFDT s’est retirée de la table des négociations et est allé voir [W]. C’est à ce moment-là que la promesse secrète a dû être faite » cet engagement aurait été pris devant le patron du CCE,[X], et le vieil ami, [U] [C] qui n’est encore rien au CCE..'

Considérant qu’il n’est pas plus imputé à [E] [X] qu’au syndicat CGT Air France, dans ce passage, d’avoir accepté une promesse de corruption au titre d’un engagement secret ou d’avoir sacrifié les intérêts des salariés en contrepartie des versement dont [A] [R] [W] a fait la promesse, étant observé que le rôle tenu par [E] [X] dans cet arrangement reste indéterminé';

Considérant qu’aucun des passages poursuivis ne contenant d’imputation diffamatoire, le syndicat CGT Air France et [E] [X] seront déboutés de leurs demandes, le jugement étant partiellement infirmé en ce sens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement et mis à la disposition au greffe,

Infirme partiellement le jugement en ce qu’il a dit deux des passages poursuivis diffamatoires à l’égard de du syndicat CGT Air France et de [E] [X], et condamné in solidum [S] [L], [J] [P] et la société Flammarion à leur verser des dommages-intérêts,

Dit qu’aucun des passages poursuivis n’est diffamatoire ni à l’égard du syndicat CGT Air France ni de [E] [X],

Déboute en conséquence le syndicat CGT Air France et [E] [X] de toute demande,

Condamne in solidum le syndicat CGT Air France et Jose Rocamora à verser la somme de 3000 € à [S] [L] et la société Flammarion, 3000 € à [J] [P], 3000 € à [U] [C] , sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance qui pourront être recouvrés dans les conditions fixées à l’article 699 du code de procédure civile.

LE PRESIDENT LE GREFFIER

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Cour d'appel de Paris, Pôle 2 chambre 7, 9 avril 2014, n° 12/16958