Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 9 septembre 2020, n° 19/16971

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Chronologie de l’affaire

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Patrick Michaud · Études fiscales internationales · 15 février 2023

Pour recevoir la lettre EFI, inscrivez-vous en haut à droite Les lettres fiscales d'EFI Pour lire les tribunes antérieures cliquer patrickmichaud@orange.fr Dans le cadre de la visite domiciliaire fiscale de LVMH concernant l activité en France de la filiale belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA , la cour de cassation a rendu un arrêt de principe sur la nature des présomptions nécessaires au juge des libertés pour rendre une ordonnance de visite prévue par l article L16 B du LPF Cette décision de principe va-t-elle simplifier les visites domiciliaires civiles fiscales permettant de rechercher …

 

Patrick Michaud · Études fiscales internationales · 29 août 2021

Pour recevoir la lettre EFI inscrivez vous en haut à droite Pour lire les tribunes antérieures cliquer patrickmichaud@orange.fr MISE A JOUR DECEMBRE 2021 COUR DE CASSATION UNE ORDONNANCE DE RADIATION ???? Ordonnance n° 90470 du 6 mai 2021 (Visite et saisie domiciliaires) Ordonnance 90470 du 6 mai 2021 Visite et saisie domiciliaires.pdf X X X X le juge des libertés et de la détention du TGI de Paris, par ordonnance du 10 septembre 2019 avait autorisé les visites dans différents locaux occupés par des sociétés du groupe LVMH La société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA est …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 15, 9 sept. 2020, n° 19/16971
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/16971
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 9 septembre 2019
Dispositif : Annule la décision déférée

Texte intégral

Grosses délivrées aux parties le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 15

ORDONNANCE DU 09 SEPTEMBRE 2020

(n° 40, 33 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 19/16971(appel) auquel sont joints les RG 19/16974(recours),19/16975(recours),19/16978(recours),19/16980(recours), 19/16981(recours) et 19/16982(recours) – N° Portalis 35L7-V-B7D-CATGQ

Décisions déférées : Ordonnance rendue le 10 Septembre 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Procès-verbaux de visite en date du 11 et 12 septembre 2019 dans les locaux sis […], […],

24 et/ou 24-32, rue M N 75008 PARIS pris en exécution de l’ordonnance rendue le le 10 Septembre 2019 par le Juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de PARIS

Nature de la décision : Contradictoire

Nous, AW AX-AY, Conseillère à la Cour d’appel de PARIS, déléguée par le Premier Président de ladite Cour pour exercer les attributions résultant de l’article L16B du Livre des procédures fiscales, modifié par l’article 164 de la loi n°2008-776 du 04 août 2008 ;

assistée de AD AE, greffier lors des débats et de la mise à disposition ;

Après avoir appelé à l’audience publique du 03 juin 2020 :

LA SOCIETE LVMH FINANCE BELGIQUE S.A. société de droit belge

Élisant domicile au cabinet AF AG AH

[…]

[…]

Représentée par Me Benjamin AH de la SCP AF – AG – AH, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

assistée de Me Delphine MICHOT de la SCP CLEARY – GOTTHEB – SLEEN – HAMILTON, avocat au barreau de PARIS, toque : J 21

assistée de Me Jérôme TUROT et Me Bayard TUROT de de la SELAS CABINET TUROT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0382,

APPELANTE ET REQUERANTE

et

LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES – DNEF

[…]

[…]

Représenté par Me M DI FRANCESCO de la SELARL URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0137

INTIMÉ ET DEFENDEUR AUX RECOURS

Et après avoir entendu publiquement, à notre audience du 03 juin 2020, l’avocat de la requérante, et l’avocat de l’intimé ;

Les débats ayant été clôturés avec l’indication que l’affaire était mise en délibéré au 09 Septembre 2020 pour mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Avons rendu l’ordonnance ci-après :

Le 10 septembre 2019 le juge des libertés et de la détention (ci-après JLD) du tribunal de grande instance (ci-après TGI) de PARIS a rendu, en application de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales (ci-après LPF), une ordonnance à l’encontre de :

la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA dont le siège social est sis […] , représentée par son administrateur
-délégué, AQ-AR Y, et qui a pour objet tant en Belgique qu’à l’étranger, toutes opérations financières, mobilières et immobilières à l’exclusion de celles faisant l’objet de dispositions légales qui en règlementent l’accès ou l’exercice.

1.

L’ordonnance du JLD autorisait des opérations de visite et saisie dans les lieux suivants :

— locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par la société européenne LVMH ' LOUIS VUITTON K L et/ou la société par actions s i m p l i f i é e M O Ë T H E N N E S S Y e t / o u l a S A L V G R O U P e t / o u l a S A F L A V I U S INVESTISSEMENTS et/ou la SAS SOCIETE MONTAIGNE M N et/ou la SNC SOCIETE DES MAGASINS LOUIS VUITTON ' France et/ou la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE et/ou toute entité du groupe LVMH LOUIS VUITTON K L ;

-locaux et dépendances sis […], susceptibles d’être occupés par la société par actions simplifiée K L et/ou la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE et/ou toute entité du groupe LVMH LOUIS VUITTON K L ;

— locaux et dépendances sis 24 et/ou 24-32, rue M N 75008 PARIS, susceptibles d’être occupés par la société par actions simplifiée K L et/ou le GIE LVMH SERVICES et/ou la SAS SOFIDIV et/ou la SA LVMH FINANCE et/ou la SAS K L INTERNATIONAL et/ou la SAS P&C INTERNATIONAL et/ou la SAS UFIPAR et/ou la SAS DELPHINE SAS et/ou la SAS EUTROPE et/ou la SA LBD HOLDING et/ou la SA K L INVESTISSEMENTS et/ou la SAS LVMH FASHION GROUP SERVICES et/ou la SAS PRIMAE et/ou la SARL MHCS MANAGEMENT et/ou la SARL L

MANAGEMENT et/ou la SARL K L MANAGEMENT et/ou la SAS ALDERANDE et/ou la SAS LVMH HOTEL MANAGEMENT et/ou la SAS PROBINVEST et/ou la SAS LVMH FINANCE ET PARTICIPATIONS (anciennement dénommée SAS LVMH ' METIERS D’ART) et/ou la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION HOTELIERE DE ST TROPEZ et/ou la SAS UFINVEST et/ou la SAS EUPALINOS 1850 et/ou la SAS TOILTECH HOLDING et/ou la SAS DELTA et/ou la SAS ICTINOS 1850 et/ou la SAS SAMOS 1850 et/ou la SOCIETE D’EXPLOITATION HOTELIERE DE LA SAMARITAINE et/ou la SA SOFPAR 116 et/ou la SAS LVMH FASHION GROUP SUPPORT et/ou la SAS LC INVESTISSEMENTS et/ou la SAS LVMH INVESTISSEMENTS et/ou la SAS EMILIO PUCCI FRANCE et/ou la SAS LVMH CLIENT SERVICES et/ou la SAS THELIOS FRANCE et/ou la SAS SOFPAR 128 et/ou la SAS SOFPAR 127 et/ou la SAS SOFPAR 126 et/ou la SAS SOFPAR 124 et/ou la SAS M O et/ou la SAS LVMH FASHION GROUP SERVICES et/ou la SAS LVMH FASHION GROUP SUPPORT et/ou la SAS 24 SEVRES et/ou la SCA CHA LING et/ou SA FRESH et/ou la SASU 33 et/ou la société RIMOWA GROUP SERVICES et/ou la société RIMOWA INTERNATIONAL et/ou la société THELIOS FRANCE et/ou la société SOFPAR125 et/ou la société SOFPAR 134 et/ou la société SOFPAR 130 et/ou la société SOFPAR 132 et/ou la société SOFPAR 129 et/ou la société SOFPAR 133 et/ou la société SOFPAR 131 et/ou la société SOFPAR 142 et/ou la société SOFPAR 141 et/ou la société SOFPAR 140 et/ou la société 139 et/ou la société SOFPAR 138 et/ou la société SOFPAR 137 et/ou la société SOFPAR 136 et/ou la société SOFPAR 135 et/ou la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE et/ou toute entité du groupe LVMH LOUIS VUITTON K L.

L’autorisation de visite et saisie des lieux susmentionnés était délivrée aux motifs que la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA exercerait ou aurait exercé sur le territoire national une activité de gestion de trésorerie intra-groupe, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et omettraient de passer ainsi les écritures comptables correspondantes.

Et ainsi serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 286 pour la TVA).

L’ordonnance était accompagnée de 61 pièces annexées à la requête.

Il ressortait de la requête de la DNEF que la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA serait détenue indirectement par la société de droit français LVMH K L LOUIS VUITTON SE et disposerait donc en FRANCE de sa détention capitalistique.

Il serait également établi que lors de sa création ( statuts constitutifs de 2008) l’objet social de la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE correspondait essentiellement à une activité de holding et d’acquisition immobilière et/ou mobilière et qu’à partir d’avril 2009, elle aurait eu pour objet social de développer une activité opérationnelle financière au profit de sociétés du groupe LVMH, consistant notamment en l’émission de billets de trésorerie, la gestion de portefeuille ou de capitaux, le financement intragroupe, la centralisation de trésorerie et la gestion de risques de change et de fluctuation des taux d’intérêt.

Ainsi, à la suite de la modification de son objet social, la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE développerait une activité de gestion de trésorerie pour le compte exclusif du Groupe LVMH.

Il ressortirait d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31

décembre 2009) dont la société de droit français LVMH K L LOUIS VUITTON a fait l’objet de la part de la brigade de vérification de la Direction des vérifications nationales et internationales, ainsi que des réponses de cette dernière au service vérificateur que jusqu’en octobre 2009, LVMH aurait centralisé la trésorerie et les besoins de financement de ses filiales et aurait assuré la gestion du risque de taux sur la dette financière ainsi que les couvertures de change. Elle reconnaîtrait que selon la réglementation monétaire et financière en vigueur, ces conventions nécessiteraient toutefois que l’une des sociétés ait un pouvoir de contrôle effectif sur l’ensemble des sociétés parties à cette centralisation de trésorerie.

Il pourrait donc être présumé que la société mère LVMH disposerait de ce pouvoir sur l’ensemble de ses filiales dont sa filiale financière belge.

Il était indiqué que la société LVMH considérait que le transfert de son activité de Centrale de trésorerie du Groupe éponyme vers sa filiale de droit belge, LVMH FINANCE BELGIQUE serait une simple opération de réorganisation de fonctions administratives internes alors que le service vérificateur soutenait que cette activité serait un pôle générateur de profits pour le groupe LVMH nécessitant des expertises et des qualifications à la hauteur des enjeux financiers considérables pour un Groupe de cette dimension.

Dans le cadre des opérations de contrôle fiscal susvisées, la société LVMH était représentée par M. D X, lequel occuperait les fonctions de Directeur Fiscal du Groupe français mais également celles d’administrateur de la société belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA.

En outre, une demande d’assistance internationale réalisée auprès des autorités belges laisserait apparaître que le groupe LVMH envisagerait la délocalisation d’une activité de gestion de trésorerie intra-groupe, précédemment réalisée sur le territoire national, vers une filiale créée à cet effet, implantée en BELGIQUE pour une meilleure compétitivité et une gestion optimisée.

Il était précisé que ladite filiale, la société LVMH FINANCE BELGIQUE SA, serait en charge des opérations de trésorerie intra-groupe, à l’exclusion des opérations de financements externes à long terme.

Il ressortirait des accords fiscaux conclus par LVMH FINANCE BELGIQUE SA (LFB) avec les autorités belges que LVMH et/ou ses filiales françaises continueraient à gérer, pour son compte, les activités de couverture de change et de taux du Groupe ; que la gestion de la trésorerie nette issue du système de cash-pooling nécessiterait à la fois, des opérations en devises sur le marché des changes qui resteraient de la compétence des équipes parisiennes de LVMH, mais également la prise de décisions qui seraient du ressort de LFB ; que la gestion des comptes-courants serait impactée par la couverture des risques de change ; que LVMH FINANCE BELGIQUE SA deviendrait officiellement, en lieu et place de LVMH SA, l’intermédiaire des banques pour des raisons comptables et non pour des raisons de compétences techniques.

Ainsi, la société belge LVMH FINANCE GROUPE SA ne disposerait pas, en BELGIQUE, des ressources et compétences nécessaires à la gestion du risque de taux et de change, laquelle continuerait d’être assurée, pour le compte exclusif de la société belge, par les équipes parisiennes de la salle des marchés de LVMH, seule interlocutrice opérationnelle tant auprès des banques que des filiales du groupe.

Il s’avérerait également que la gestion du financement intra-groupe à long et moyen terme de l’ensemble des filiales du groupe LVMH serait une opération susceptible de nécessiter une expertise financière particulière ; que la société belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA reprendrait le système de cash-pooling préexistant au sein de LVMH, lequel concernerait l’ensemble de ses filiales dans le monde ; qu’elle disposerait, en FRANCE, de nombreux comptes bancaires.

Dès lors, le système de cash-pooling pris en charge par la société LVMH FINANCE BELGIQUE SA concernerait 400 comptes appartenant à 120 filiales de LVMH, dont les équilibrages quotidiens seraient tous gérés par les banques. La moitié de ces établissements ne se trouverait pas en BELGIQUE.

De surcroît, pour un fonctionnement bancaire optimal, LVMH aurait décidé que la société LVMH FINANCE BELGIQUE conserverait les mêmes prestataires bancaires après le transfert de la gestion du cash-pooling.

Par conséquent, il pourrait être présumé que les principaux interlocuteurs bancaires du Groupe LVMH ne se trouveraient pas en BELGIQUE, la moitié des banques du groupe n’y étant pas représentée.

Il apparaîtrait que la gestion du cash-pooling, tant automatisé que manuel, des 120 filiales de LVMH titulaires dans leur ensemble d’environ 400 comptes bancaires, impliquerait la réalisation par LVMH FINANCE BELGIQUE d’opérations bancaires et comptables qui seraient susceptibles de nécessiter de ressources administratives importantes, et que LVMH FINANCE BELGIQUE émettra des billets de trésorerie à son nom avec la garantie de LVMH SA, ce qui lui permettra de bénéficier de la même notation que celle attribuée par Standard & Poor’s à LVMH SA, et pourra recourir à d’autres transactions financières liées ou non aux instruments financiers dérivés.

Selon le groupe LVMH, les activités de financement et de trésorerie de LVMH FINANCE BELGIQUE nécessiteraient l’intervention d’un personnel particulièrement qualifié, compte tenu du « domaine complexe à fort enjeu ».

Cependant, la présentation détaillée de la nature des fonctions exercées par ledit personnel ne ferait pas apparaître de telles qualifications dans la mesure où il serait indiqué que l’équipe salariale sera composée, hormis le Trésorier, d’un personnel ayant un profil administratif et comptable de post-marché (back office), à l’instar de l’Adjoint au Trésorier.

Il était précisé que LVMH FINANCE BELGIQUE, compte tenu de sa position centrale dans la gestion financière de l’ensemble des filiales de LVMH, tiendrait une comptabilité générée à partir d’un système informatique comptable spécifique appartenant à LVMH, développé par le personnel parisien de cette dernière, et que le responsable du Reporting de LVMH FINANCE BELGIQUE réaliserait des activités purement comptables et administratives, et aucunement de gestion financière.

Dans les accords fiscaux susvisés, le Groupe LVMH indique que, en dépit de l’absence de moyens techniques propres, lesquels seraient situés à PARIS, LVMH FINANCE BELGIQUE disposerait, sur le territoire belge, des moyens humains nécessaires à la gestion quotidienne de son activité financière, et que les garanties financières fournies par LVMH au bénéfice de sa filiale belge LVMH FINANCE BELGIQUE seraient considérées comme des fonctions politiques et économiques majeures pour le Groupe, lesquelles seraient présumées être déployées depuis son siège social à PARIS.

Selon les propres affirmations de LVMH, la majeure partie des fonctions intra-groupes, liées à l’activité de gestion de trésorerie, officiellement dévolue à LVMH FINANCE BELGIQUE, seraient entièrement gérées par des entités françaises du Groupe.

Dans la seconde partie de l’accord conclu, l’administration fiscale belge décline les conditions précises permettant de considérer LVMH FINANCE BELGIQUE comme société résidente de BELGIQUE, en relevant notamment que les décisions relatives à la gestion journalière des activités de financement et de trésorerie doivent être prises en BELGIQUE et que celle-ci devra disposer également de ses propres moyens humains nécessaires à la réalisation de son activité.

Dans sa décision, l’administration belge indique que les opérations de gestion de risque de change sont des services spécialisés, entièrement délégués par LVMH FINANCE BELGIQUE à LVMH, tant dans la gestion opérationnelle que décisionnelle, et localisés en FRANCE.

Aux termes de l’accord fiscal en date du 21 octobre 2014 délivré au bénéfice de la société belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA, celle-ci se qualifie de « banque du groupe LVMH » et la gestion des risques de change liés à l’activité de LVMH FINANCE BELGIQUE résulte être assurée par plusieurs équipes dédiées au sein de LVMH en FRANCE.

Dans le dernier accord daté du 9 juin 2015, LVMH FINANCE BELGIQUE se présente comme décisionnaire de l’émission et du montant des Billets de Trésorerie ainsi que de leur gestion purement administrative (back office) et comptable. Quant à la gestion opérationnelle, compte tenu de l’absence officiellement déclarée, de compétences d’expertise financière de son personnel dans ce secteur, celle-ci confie ces fonctions financières primordiales à une équipe du « Front Office » parisien du Groupe LVMH, laquelle assume donc et/ou assumera l’ensemble des prérogatives nécessaires à l’exécution de l’émission des Billets de Trésorerie auprès des Dealers du programme, ainsi que le contact avec ces derniers afin de négocier les conditions d’émission et les éventuels SWAPS y attachés.

Dans ce même accord, l’administration belge prend acte à la fois de l’absence de ressources de LVMH FINANCE BELGIQUE en BELGIQUE nécessaires à la gestion opérationnelle de divers instruments financiers sophistiqués tels que les billets de Trésorerie, les SWAPS, et de la présence en FRANCE des moyens matériels et humains utiles à cette gestion.

Il ressortirait de la vérification de comptabilité dont la société SNC K L a fait l’objet que, selon sa documentation de prix de transfert 2016, hormis la seule activité de risque de change, le personnel qualifié de la société LVMH FINANCE BELGIQUE gérerait, seul, l’ensemble des fonctions du cash-pooling du groupe LVMH et qu’un personnel important au sein de la SNC K L serait dédié majoritairement ou en totalité à la gestion du risque de change dévolue normalement à la société LVMH FINANCE BELGIQUE.

Par ailleurs, les contrats de la société belge LVMH FINANCE BELGIQUE, signés avec une société française du Groupe LVMH, seraient tous régis par le droit français et relèveraient de la juridiction d’un tribunal français. Il en irait de même concernant les accords de financement consentis par ladite société à une entité luxembourgeoise du Groupe LVMH, la LVMH EU.

D’autres investigations laisseraient apparaître qu’à l’instar de LVMH FINANCE BELGIQUE, la société européenne SE LVMH K L LOUIS VUITTON ne ferait pas mention de la décision 2010.303 dans laquelle le processus et le programme d’émission des billets de trésorerie sont décrits.

Il s’avérerait que le Groupe LVMH n’aurait pas communiqué la totalité des accords et/ou avenants conclus avec les autorités fiscales belges.

D’après la documentation de prix de transfert 2016 susmentionnée, LVMH SE, dans le cadre des garanties accordées à ses filiales, interviendrait également dans le processus de gestion de leurs financements, normalement dévolue uniquement à LVMH FINANCE BELGIQUE, à savoir la pertinence du besoin, voire parfois son bien-fondé, sa durée, son montant, les modalités de mise en 'uvre de la garantie ainsi que la négociation avec le tiers des termes de la garantie.

Selon les services fiscaux, M. E C serait un cadre dirigeant de la SNC K L occupant le poste de Directeur des Financements et de la Trésorerie chez LVMH qui, en raison de ses fonctions et prérogatives, pourrait être présumé disposer d’excellentes compétences professionnelle en matière financière.

Il résulterait de la propre documentation du Groupe LVMH que la Direction des Financements et de la Trésorerie serait en charge de la stratégie, du contrôle et de la gestion opérationnelle de l’activité financière intra-groupe (financement, gestion des liquidités et de couverture de change et de taux).

Ainsi, cette Direction, de même que ses différents services (notamment la Trésorerie Internationale et le département des Marchés) seraient présentés par LVMH comme les organes ayant pour mission de gérer et contrôler les diverses activités financières et bancaires intra-groupes, lesquelles s’inscriraient parfaitement dans l’activité officiellement prise en charge par la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE.

Il apparaîtrait également que l’activité de « Gestion du Risque de Change », sous-traitée contractuellement au groupe LVMH en FRANCE, serait une activité financière essentielle puisqu’elle occuperait, avec plus d’une quinzaine d’autres salariés de la Direction des Financements et de la Trésorerie, la majeure partie du temps de travail de M. E C, responsable de la Direction financière stratégique du groupe LVMH.

Il était indiqué que M. E C, M. D X et Mme F G seraient chacun responsable de Service au sein de la Direction Financière Groupe LVMH (respectivement, Service « Financement/trésorerie », Service « Fiscalité », Service « Contrôle Change et Taux ») et seraient tous salariés de la SNC K L.

Il était précisé que M. E C et Mme F G consacreraient respectivement 55% et 50% de leur temps pour le compte de l’activité de la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE et que M. D X serait l’administrateur de cette dernière.

Par conséquent, LVMH FINANCE BELGIQUE utiliserait, en FRANCE, les compétences professionnelles d’un personnel particulièrement qualifié, salarié de la SNC K L et appartenant pour partie à la Direction Financière Groupe LVMH.

Dès lors, LVMH FINANCE BELGIQUE disposerait en FRANCE de moyens matériels et humains nécessaires à la réalisation de son activité de gestion de trésorerie du Groupe LVMH.

Dans la plaquette de présentation de ses activités, fournie dans le cadre du contrôle de comptabilité dont elle a fait l’objet, la SNC K L affirmerait réaliser un certain nombre de prestations financières (financement, trésorerie, contrôle change et taux) pour le Groupe LVMH, alors même que celles-ci sont officiellement dévolues à la société belge LVMH FINANCE BELGIQUE.

Il ressortirait d’autres documents que LVMH FINANCE BELGIQUE, en charge de la « banque du Groupe LVMH », disposerait d’un personnel non seulement restreint, mais surtout constitué d'« employés » ayant un profil majoritairement administratif.

Il découlerait de cette absence de compétence technique des salariés en matière financière une présomption d’incompatibilité avec une gestion professionnelle spécialisée de trésorerie intra-groupe d’un grand groupe international nécessitant l’utilisation de nombreux outils et instruments financiers complexes ainsi que la prise de décisions financières importantes.

En outre, un cadre français du Groupe LVMH, M. H Z, ayant un profil de gestionnaire administratif, aurait intégré les effectifs de LVMH FINANCE BELGIQUE afin d’occuper le poste d’adjoint du Trésorier de la société belge.

En définitive, l’équipe belge de la société LVMH FINANCE BELGIQUE semblerait développer essentiellement des fonctions administratives et comptables, correspondant à une simple activité de « back office ».

Par ailleurs, la multiplicité des fonctions des différents administrateurs de la SA LVMH FINANCE BELGIQUE (M. AI AJ, M. D X, Mme AQ-AR Y, M. I J et M. AS AT AU) dans d’autres sociétés belges et/ou luxembourgeoises et/ou néerlandaises laisse présumer que ces derniers n’ont pas ou n’ont pas eu un rôle actif dans la gérance de la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE.

Il est précisé que le seul administrateur de ladite société ne cumulant pas d’autres mandats, M. X, serait un cadre dirigeant opérationnel travaillant sein de la Direction Financière du Groupe LVMH, sise à PARIS.

Ainsi, il pourrait être présumé que les décisions stratégiques relatives à l’activité de la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE seraient prises en FRANCE au sein du groupe LVMH.

Dès lors, selon le juge des libertés et de la détention, il résulte de tout ce qui précède que ladite société serait susceptible de réaliser, à partir du territoire national, une activité de gestion de trésorerie intra-groupe, grâce aux moyens matériels et humains mis à sa disposition par des sociétés françaises du Groupe LVMH, au sein duquel se situerait sa direction effective.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande instance de Paris, par ordonnance du 10 septembre 2019 a autorisé les visites dans les locaux précités :

— […],

— […],

—  24 et/ou 24-32, rue M N 75008 PARIS.

Les opérations de visite et saisies se sont déroulées du 11 au 12 septembre 2019 au '[…]' et ont fait l’objet de trois procès verbaux différents , il ressort des procès-verbaux que les deux adresses '[…]' et '24-32 rue M N’ constituent un seul et même immeuble .

Les opérations de visite et saisies se sont déroulées du 11 au 12 septembre 2019 au '[…]' et ont fait l’objet de trois procès verbaux différents .

Le 26 septembre 2019, la société LVMH FINANCE BELGIQUE SA, a interjeté appel contre l’ordonnance du JLD ( RG 19/16971), elle a formé 6 recours contre les procès -verbaux précités correspondant au déroulement des visites domiciliaires ( RG 19/ 16980, 19/ 16981, 19/16982, 19/16974, 19/16975, […].

L’affaire a été audiencée pour être plaidée le 3 juin 2020 et mise en délibéré pour être rendue le 9 septembre 2020.

* * *

SUR l’APPEL

Par conclusions déposées au greffe de la Cour d’appel de PARIS le 9 janvier 2020, et par conclusions récapitulatives déposées le 20 mai 2020, soutenues à l’audience du 3 juin 2020, la société appelante fait valoir :

A titre liminaire, sur la jonction des procédures

Il est demandé la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 19/16705 et 19/16971, ces appels visant la même ordonnance et présentant les mêmes moyens.

A titre principal, sur l’irrégularité de l’ordonnance

I ' L’absence de caractérisation des conditions posées par l’article L. 16 B du LPF

A ' Sur l’absence de présomption de fraude

Il est rappelé que le JLD saisi d’une requête sur le fondement de l’article L16B du LPF doit procéder à une analyse concrète des éléments qui lui sont soumis et d’apprécier le bien-fondé des présomptions et demandes.

Il est rappelé que la présence d’une centrale de trésorerie au sein d’un groupe est classique et parfaitement licite. Aux termes du BOFIP ( bulletin officiel des finances publiques ), l’activité de centrale de trésorerie consiste à centraliser les flux de trésorerie d’un groupe de sociétés en recevant les flux de trésorerie de la part des sociétés du groupe liées à elle par un accord conventionnel et à répondre aux besoins de trésorerie de ces mêmes sociétés et il est usuel que la centrale de trésorerie soit une société du groupe. La seule existence au sein du groupe LVMH d’une centrale de trésorerie en Belgique n’est en aucun cas constitutive d’une fraude et ne saurait être de nature à fonder une demande d’autorisation au titre de l’article L16B du LPF. Pour contourner cette difficulté, l’administration a imaginé de contester la réalité de LFB en Belgique , ce qui constitue le fondement exclusif de sa demande. Or les arguments développés par le JLD sont mal fondés.

Il est d’abord soutenu que l’ordonnance se contente de procéder à une description parcellaire de certaines opérations techniques de trésorerie ou de financement parmi lesquels la gestion du risque du taux de change, l’utilisation de systèmes informatiques de comptabilité , l’émission de billets de trésorerie ou de contrats de swap, tout entretenant la confusion entre les activités de financement du groupe LVMH qui relèvent naturellement de la direction financière du groupe et les activités de centrale de trésorerie exercée par LFB.

Cependant, LFB a une activité de centralisation de flux, et il ne relève pas de sa compétence d’arrêter les orientations stratégiques du groupe LVMH en matière de financement externe à long terme ou de se substituer à la société tête de groupe ( LVMH SE) pour consentir à des tiers la garantie du groupe.

De manière générale les éléments factuels parcellaires qui figurent dans l’ordonnance sont insuffisants pour justifier les conclusions générales mises en exergue par des caractères gras qui en sont tirées.

Par ailleurs, il ressort de l’ordonnance que LVMH FINANCE BELGIQUE (ci-après LFB) est une société de plein exercice, qui dispose depuis 2009 d’une équipe de 6 à 7 personnes à temps plein ( 5 à 6 salariés selon les périodes et madame AQ-AR Y qui est administratrice déléguée), signe des contrats avec les sociétés du groupe et avec des établissements bancaires et a des contacts suivis avec l’administration fiscale belge et avec l’administration française.

Enfin, les administrations fiscales française et belge avaient parfaitement connaissance de la mise en place de LFB en tant que centrale de trésorerie du groupe LVMH et des modalités de son fonctionnement . Il résulte en particulier de la requête que dès 2011, dans le cadre d’une procédure de vérification de comptabilité de LVMH SE, l’administration a examiné en détail la question du transfert de l’activité de centralisation du groupe LVMH, assurée jusqu’en octobre 2009 par LVMH SE à la société LFB. Par la suite , dans le cadre de vérifications de comptabilité de différentes sociétés du groupe LVMH, l’administration a posé de nombreuses questions sur l’activité de LFB et obtenu de multiples éléments d’information, qui ne l’ont jamais conduit à contester la réalité de l’activité de LFB.

La conclusion de l’ordonnance qu’il existerait une présomption de fraude est donc manifestement mal fondée. Les écritures de l’Administration n’apportent aucune réponse sur ce point.

B ' Sur l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L. 16 B

L’ordonnance affirme qu’il peut -être présumé que LFB 'exerce sur le territoire national une activité professionnelle de gestion de trésorerie intra-groupe, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omet de passer les écritures comptables y afférentes'. On comprend donc que parmi les cas limitativement énumérés par l’article L16B du LPF, l’ordonnance est fondée sur la présomption que LFB serait présumée s’être soustraite au paiement de l’impôt 'en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures (….) Dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts'.

En premier lieu, cette conclusion est tirée par l’ordonnance sur le fondement de deux éléments : LFB n’est pas immatriculée au RCS français et elle n 'est pas répertoriée dans la base nationale de la DGFIP. Or cela ne justifie en rien la présomption selon laquelle LFB aurait omis de passer des écritures dans des documents comptables dont la tenue est exigée par le code général des impôts.

Deuxièmement, LFB tient une comptabilité complète en BELGIQUE, qui comprend notamment les opérations dont l’administration prétend qu’elles seraient réalisées en FRANCE.

Ainsi LFB n’a donc pas sciemment omis de tenir les documents comptables requis par le droit belge auquel elle est seule soumise en matière d’établissement de ses comptes annuels. Il s’agit d’une constatation matérielle relevant de la compétence du JLD que celui-ci aurait dû effectuer.

Le défaut de prise en consideration de la comptabilité belge de LFB par les autorités françaises constituerait une discrimination liée à la nationalité de cette société radicalement contraire aux principes de liberté d’établissement et de non discrimination fondée sur la nationalité au sein de l’Union Européenne. La CJCE a jugé en 1997, que l’obligation de tenir une comptabilité dans le pays de situation de l’établissement stable constituait une contrainte discriminatoire au regard des articles 52 et 58 du Traite CE en vigueur a l’époque, devenus l’article 49 du TFUE ( CJCE 15 mai 1997 affaire C-250/95).

L’Administration soutient dans ses écritures que l’appelante ne saurait se fonder sur l’article 49 du TFUE pour écarter l’application de l’article L. 16 B du LPF au motif que l’application d’une convention fiscale relève de la compétence du juge de l’impôt et que la discussion de l’existence d’un établissement stable en France relève du contentieux de l’impôt. Cet argument est inopérant : il n’est evidemment question ici ni de l’une ni de l’autre mais simplement du respect des libertes fondamentales au sein de l’Union européenne.

L’app1ication du droit de l’Union européenne n’est aucunement une compétence réservée dujuge de l’impôt, autrement dit du juge administratif s’agissant des impôts vises par l’art.

L.16B.

En l’occurrence, la Cour a jugé qu’il suffisait pour les sociétés établies dans l’Union Européenne de tenir une comptabilité dans l’Etat de leur siège et qu’un autre Etat membre ne pouvait les astreindre à la tenue d’une comptabilité dans cet Etat, quand bien même elles y exerceraient une activité.

LFB, en tant que société belge, a donc pour seule obligation de tenir une comptabilité belge, que les autorites françaises sont bien évidemment en droit d’obtenir. De fait, les comptes sociaux des sociétés belges ' et notamment de LFB ' sont disponibles en ligne. Par ailleurs, à l’intérieur de l’UE, par l’effet des conventions bilatérales d’assistance administrative (amplement mises en oeuvre s’agissant du groupe LVMH ) et de la Directive 2011/16/UE du Conseil relative à la coopération

dans le domaine fiscal entre Etats membres, l’administration française peut parfaitement avoir accès, par l’intermédiaire de ses homologues des pays concernés, aux informations comptables détaillées des sociétés sujettes à ses investigations.

Ainsi, s’il est légitime que l’administration française puisse s’assurer qu’une société européenne, qui intervient en France, tient effectivement une comptabilité régulière, elle a la possibilité d’obtenir cette information de l’Etat du siège et le défaut de tenue d’une

comptabilité sur le territoire français n’est pas assimilable à une absence générale de comptabilité.

L’absence de dépôt de déclarations fiscales en France ne saurait à elle seule constituer une présomption d’absence de comptabilité justifiant la mise en oeuvre de l’article L. 16 B du LPF. Une telle allégation est dénuée de fondement dans le cas d’une société telle que LFB, ressortissante d’un autre Etat membre, qui établit, dans celui ci, une comptabilité régulière sous sa législation.

L’Administration soutient que la liste des infractions présumées visées par l’article L. 16 B du LPF ne serait pas limitative. Cependant, elle l’est nécessairement au regard des exigences posées par le Conseil Constitutionnel dans les décisions qu’il a rendues à propos de la conformité du dispositif prévu par ce texte à la Constitution. Ainsi, dans sa decision n°83 164 DC du 29 décembre 1983, le Conseil Constitutionnel a jugé que l’article 89 de la loi de finances pour 1984 prévoyant la possibilité pour l’administration des impôts de réaliser des visites domiciliaires sur autorisation judiciaire n’était pas conforme à la Constitution .Une nouvelle version de ce texte prévoyant cette fois de façon précise les infractions visées a été incluse dans la loi de finances pour 1985 et soumise à nouveau au

Conseil Constitutionnel. Dans une decision n° 84 184 DC du 29 décembre 1984, ce dernier

valide le texte qui est devenu l’article L. 16 B en relevant que celui ci << détermine de façon satisfaisante le domaine ouvert aux investigations par une définition précise des infractions >>.

Autrement dit, le dispositif prévu par l’article L.16 B n’est conforme à la Constitution que dans la mesure ou il vise de manière précise les infractions pouvant justifier le recours à ce dispositif. Il n’est donc pas possible de considérer, comme le faitl’administration, qu’elle peut avoir recours à l’art L. 16 B pour des agissements qui nesont pas visés par ce texte.

On constate d’ailleurs que la requête et l’ordonnance ont pris soin de mettre en avant le manquement aux obligations comptables, qui est une infraction visée par l’article L 16 B , mais dont on a vu qu’elle ne pouvait être constituée s’agissant d’une société belge tenant une comptabilité régulière en Belgique.

Ainsi, l’allégation d’une présomption d’absence de comptabilité justifiant la mise en 'uvre de l’article L. 16 B du LPF est dénuée de fondement.

II ' La violation du principe de proportionnalité

Conformément à l’article 8 de la CESDH ainsi qu’à la jurisprudence de la CEDH en la matière, il ne peut être porté atteinte au respect de la vie privée et du domicile qu’à la seule condition que cette atteinte soit justifiée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce, la visite autorisée ' à laquelle ont pris part 66 agents de l’administration – n’était ni nécessaire ni proportionnée.

En effet, il résulte de la requête que l’administration avait connaissance depuis près de dix ans du transfert de l’activité de centralisation de trésorerie du groupe LVMH vers LFB, la société LVMH SE ayant fait l’objet à partir de février 2011 d’une procédure de vérification de comptabilité portant sur la

période de 1er décembre 2008 au 31 décembre 2009.

A cette occasion, l’administration a relevé que le choix de l’implantation de LFB en BELGIQUE était motivé par un but « essentiellement » (mais pas exclusivement) fiscal et n’a, à aucun moment, remis en cause la réalité du transfert et de l’activité exercée par LFB.

Il est indiqué que la société LVMH SE a fait l’objet de deux autres vérifications de comptabilité, l’une portant sur les exercices 2012 et 2013, qui s’est déroulée sur la période mai 2015 ' février 2016 et l’autre sur les exercices 2014 à 2016, qui s’est déroulée sur la période février 2017 ' juin 2019.

Par ailleurs, l’administration a posé des questions concernant LFB dans le cadre de nombreuses autres vérifications de comptabilité relatives à d’autres entités du groupe LVMH

Aucun de ces contrôles n’a débouché sur une proposition de rectification en lien avec LFB.

Or, la requête ne fait état d’aucun élément nouveau laissant soupçonner une quelconque dissimulation s’agissant de la réalité de l’activité de LFB.

Il est argué que rien ne vient donc justifier que l’administration ait soudainement considéré, en 2019, qu’il existait des présomptions de fraude selon lesquelles LFB exercerait en FRANCE une activité de gestion de trésorerie intra-groupe et qu’il était nécessaire de réaliser une visite domiciliaire.

Il est donc demandé l’annulation de l’ordonnance pour violation de l’article 8 de la CESDH.

III ' La violation de l’obligation de loyauté de l’administration

Selon une jurisprudence constante, l’administration doit respecter une obligation de loyauté dans le cadre de ses investigations.

En l’espèce, la DGFP a manqué à son obligation de loyauté dans la mesure où la requête contient de nombreux éléments inexacts et passe sous silence des informations essentielles pour l’appréciation du bien-fondé de la demande d’autorisation par le JLD.

Il est cité, à titre d’exemple, l’affirmation selon laquelle LVMH SE n’aurait « introduit aucun recours contentieux » contre la proposition de rectification présentée suite à la vérification de comptabilité en 2011 ; l’affirmation selon laquelle l’administration aurait obtenu tardivement et incidemment les rulings de l’administration fiscale belge dans le cadre d’une procédure d’assistance administrative à UFIBAR datant de 2018…

A ce titre, il est demandé l’annulation de l’ordonnance.

IV ' L’exigence de licéité des pièces et le contrôle de cette licéité par le Premier président

A ' Sur l’exigence de licéité des pièces

1 ' Jurisprudence judiciaire

Il est rappelé qu’en matière de perquisitions fiscales, la Cour de cassation juge de manière constante que lorsque l’ordonnance ayant autorisé une visite domiciliaire a été annulée, les opérations d’exécution et l’ordonnance rendue sur la requête les critiquant se trouvent annulées par voie de conséquence.

2 ' Jurisprudence du Conseil constitutionnel

Il ressort clairement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu’une autorisation de procéder à des opérations de visite et saisie ne doit jamais être obtenue sur le fondement d’informations illégales.

Il est argué que lorsque l’administration communique, à l’appui d’une requête soumise au JLD, des informations qu’elle détient régulièrement mais qui sont couvertes par le secret fiscal, elle utilise ces pièces de manière illégale, puisque la loi lui interdit de divulguer à des tiers (en l’espèce, au juge et à l’ensemble des parties qui ont un droit d’accès au dossier) des pièces couvertes par le secret.

Dès lors, si le juge prend en compte ces pièces dans son ordonnance, il faut considérer que les opérations de visite et de saisie ont été autorisées sur le fondement de pièces d’origine illégale, et donc en violation du principe constitutionnel de respect de la vie privée et de l’inviolabilité du domicile.

B ' Sur le contrôle au fond de la licéité des pièces effectué par le Premier président de la Cour d’appel

Selon la Haute juridiction, le juge saisi d’une requête aux fins d’autorisation d’une visite domiciliaire est tenu de vérifier que l’administration détient de manière licite les documents qu’elle produit et de mentionner dans son ordonnance l’origine apparente des pièces sur lesquelles il se fonde de manière à en permettre le contrôle.

En outre, le juge d’appel statue en plein contentieux et apprécie au fond la licéité (et non la seule apparence de licéité) de l’origine des documents en cause.

V ' L’origine illicite des pièces produites en violation du secret fiscal

A ' Sur l’obligation du respect du secret professionnel par l’administration

Il est rappelé le texte de l’article 103 du LPF.

Il découle des articles 113 et suivants du LPF que le juge saisi d’un litige tendant à obtenir une condamnation pécuniaire peut demander la communication de pièces couvertes par le secret.

Il est précisé qu’aucune disposition légale ne permet à l’administration de communiquer spontanément des pièces couvertes par le secret professionnel, et qu’aucune dérogation n’est possible en dehors d’un litige tendant à une condamnation pécuniaire.

Selon la jurisprudence du Conseil d’État, le caractère contradictoire de la procédure et le secret professionnel doivent se concilier de la façon suivante : soit la personne dans l’intérêt de laquelle le secret a été édicté n’est pas partie à l’instance ou refuse la levée du secret et, dans cette hypothèse, le juge ne peut prendre connaissance d’aucun document ; soit la personne qui bénéficie du secret accepte la levée de celui-ci et la procédure se déroule alors dans le respect du contradictoire.

B ' L’administration a violé ces principes en produisant à l’appui de sa requête de nombreuses pièces couvertes par le secret fiscal

En l’espèce, la DGFP a fondé sa requête sur un grand nombre de pièces qui soit ont été obtenues dans le cadre de la vérification de sociétés tierces (pièces n° 4-1 à 4-6, 9, 9-1 bis et 11), soit sont issues des dossiers fiscaux de personnes morales et de personnes physiques tierces et non partie à la procédure (pièces n° 38, 40, 41, 42, 43, 44, 12, 21, 24, 25, 26, 27, 28, 30, 32).

Il est argué que la circonstance que les victimes de ces violations du secret fiscal soient pour certaines des salariés du LVMH ne retire pas à ces violations leur caractère délictueux car le simple fait qu’une personne ait un lien professionnel avec l’auteur présumé d’une infraction fiscale ne

constitue pas un cas légalement reconnu de dérogation au secret fiscal.

En outre, ces violations du secret fiscal se sont étendues à des personnes sans aucun lien professionnel avec le groupe, tels que les conjoints des salariés du groupe LVMH.

Il est soutenu que l’accord des personnes dans l’intérêt desquelles le secret était édicté n’a nullement été sollicité quant à l’utilisation de ces informations couvertes par le secret, qui sont au demeurant sans lien avec la fraude recherchée.

Dans ces conditions, le JLD a rendu son ordonnance en s’appuyant sur des pièces d’origine illicite, puisque produites par l’administration en violation du secret professionnel auquel elle était soumise.

C ' La violation du secret professionnel entraîne l’irrégularité de la procédure

Il est fait valoir que l’article L. 10-0 AA interdit à l’administration, dans le cadre d’une procédure visée à l’article L. 16 B du LPF, d’utiliser des pièces d’origine illicite, de telles pièces devant être écartées.

Ainsi, l’ordonnance fondée sur des pièces illicites encourt l’annulation de ce chef.

VI ' L’origine illicite des pièces produites en violation des règles garantissant la protection des données

A ' Les traitements de données sur lesquels se fonde l’ordonnance du JLD doivent respecter les règles applicables en matière de protection des données

1 ' Sur les cadres juridiques applicables aux traitements mis en 'uvre par les autorités fiscales

Aux termes de l’article 1er de la loi n° 78-1è du 6 janvier 1978, les obligations incombant aux personnes traitant des données à caractère personnel s’exercent dans le cadre du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (ci-après RGPD), de la directive (UE) 2016/680 du 27 avril 2016 et des dispositions de ladite loi.

Ainsi, en premier lieu, tant le règlement (article 5) que la directive (article 4) que la loi déterminent des principes généraux communs relatifs aux traitements des données à caractère personnel. Il est cité le texte de l’article 4 de la loi susmentionnée.

En deuxième lieu, le règlement et la directive disposent que la responsabilité du respect de ces principes incombe aux responsables de traitement, qui doivent être en mesure de démontrer le respect de ces principes.

En troisième lieu, des obligations de transparence et d’information s’imposent aux autorités lorsqu’elles traitent des données relevant du règlement, de la directive ou de la loi. A défaut, les données personnelles qui en sont issues, et les pièces produites qui les contiennent, doivent être considérées comme illicites.

2 ' Sur les différents traitements de données à caractère personnel sur lesquelles se fonde l’ordonnance

Les traitements généraux de la DGFP

Il est argué que les trois traitements généraux créés par la DGFP (A, SIR et FICOBA), dont certaines pièces du dossier sont issues, ne respectent pas les règles posées par les textes susvisés dans leur version en vigueur depuis le 25 mai 2018 et le 1er juin 2019.

Les traitements sui generis de la DNEF pour les besoins spécifiques de l’enquête et de la préparation de la requête

Il est soutenu que la requête et les pièces communiquées sur lesquelles se fonde l’ordonnance résultent elles-mêmes de traitements sui generis mis en 'uvre par la DNEF pour les besoins spécifiques de son enquête à l’encontre des appelantes. Ces traitements portent sur des données issues de traitements généraux précités créés (pièces n° 12, 21, 26, 27 et 32) et des données issues de recherches sur des bases de données ou des sources d’accès public, tels que des moteurs de recherche, des réseaux sociaux professionnels ou d’autres bases de données (pièces n° 1, 2, 3, 7, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 20, 22, 23, 29, 31, 33, 39, […], […], 45, 46, 47, 48 et 49).

B ' Une durée de conservation excessive des données personnelles par l’administration fiscale

1 ' Des durées de conservation des données limitées par les textes réglementaires applicables à l’administration fiscale

Il est indiqué que l’article 4 de l’arrêté du 5 avril 2002 prévoit que les données relatives au « dossier fiscal des particuliers » (A) soient archivées « au début de la 4e année suivant l’année d’imposition », et l’article 3 de l’arrêté du 14 juin 1982 relatif au système FICOBA, dans sa version en vigueur lors de la fermeture des comptes, prévoyait une durée de conservation de trois ans après la clôture du compte des personnes physiques.

2 ' Une règle strictement interprétée par la jurisprudence

Il est cité de nombreuses jurisprudences nationales et européennes dont il découle la nécessité d’un contrôle de proportionnalité qui assure la conciliation entre, d’une part, la sauvegarde de l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, les autres droits et libertés constitutionnellement protégés.

3 ' Des données fiscales produites en violation des règles limitant la durée de conservation des données personnelles prévues par les textes

Au cas présent, l’administration a mobilisé des données personnelles issues de différents traitements (en particulier, A, SIR et FICOBA) qui ont été conservées au-delà des durées prévues par les textes créateurs desdits traitements.

Ainsi, par exemple, les données personnelles provenant du traitement A et concernant Mme Y datent de plus de 16 ans ; les données issues du traitement A relatives à M. Z datent de plus de 10 ans, etc.

C ' La DNEF a mis en outre en 'uvre des traitements sui generis sans bénéficier de la base juridique requise

En l’espèce, aucune base juridique suffisamment précise ou proportionnée ne permettait à la DNEF de mettre en 'uvre des traitements sui generis d’une telle ampleur.

Il est argué que la volumétrie et la diversité des données personnelles collectées au cas particulier révèlent que la DNEF a procédé à un traitement de masse, collectant des données personnelles publiquement accessibles, sans en posséder le fondement légal. Le traitement ainsi effectué est donc illicite et il en est par conséquent de même des pièces produites par l’administration.

D ' La DNEF a mis en 'uvre des traitements sui generis sans conduire l’analyse d’impact (« AIPD ») requise

Il est soutenu que pour les traitement les plus sensibles ou risqués pour les droits et libertés des personnes, le responsable du traitement doit mener préalablement une AIPD.

Afin de déterminer si une AIPD est nécessaire, neuf critères ont été distingués. Dès lors que deux critères sont présents, le traitement en question doit faire l’objet d’une telle étude. Parmi ces neuf critères figurent : la collecté des données à grande échelle ; le croisement des données ; la surveillance systématique.

Au cas particulier, le traitement sui generis mis en 'uvre par la DNEF satisfait ces trois critères puisque l’éventail des données mobilisées est particulièrement large, la combinaison des données excède indéniablement « les attentes raisonnables des personnes », et le volume et la diversité des données collectées révèlent l’existence d’une surveillance systématique du Groupe et de ses salariés du 30 janvier 2018 au 4 septembre 2019.

Or, l’administration n’ayant produit aucun document en ce sens, il est probable que la DNEF n’a pas réalisé d’AIPD préalablement à la collecte des données ayant servi à la rédaction de l’ordonnance.

Conformément à la jurisprudence, ce défaut de réalisation des formalités préalables prévues par la loi entraîne l’illicéité du traitement et des éléments ainsi produits.

E ' Les traitements sui generis n’ont pas été entourés des garanties suffisantes pour préserver les personnes contre les abus et causent une atteinte disproportionnée

Il résulte des délibérations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après CNIL) ainsi que de la jurisprudence que lorsque l’administration demande la communication de données à caractère personnel sur la base d’une disposition législative, elle doit veiller à ne pas causer une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des intéressés.

Or, au cas présent, cet équilibre n’a pas été respecté.

Il est argué que les données en question non seulement constituent des données à caractère personnel mais elles révèlent, pour partie, des informations concernant la vie privée des personnes (le montant de la base brute de leur salaire, le montant de leurs frais personnelles, leur adresse personnelle…).

F ' Une collecte de données déloyale en raison de nombreux manquements à l’obligation d’informer les personnes concernées

1 ' L’obligation d’informer les personnes est essentielle puisqu’elle conditionne le caractère loyal de la collecte et la possibilité d’exercice effectif des droits

Il est fait valoir que la loi modifiée du 6 janvier 1978 a fait de l’obligation d’information des personnes dont les données sont traitées le c’ur du dispositif de protection des données personnelles, et que le règlement et la directive européens susmentionnés s’inscrivent dans la même logique.

2 ' Le contrôle jurisprudentiel de la loyauté du traitement et du respect du droit à l’information

Selon la jurisprudence et la position constante de la CNIL, à défaut d’information des personnes, les éléments de preuve ainsi collectés le sont déloyalement et sont donc illicites.

3 ' Des obligations d’information différentes selon les finalités du traitement et selon les modalités de la collecte des données

En l’espèce, plusieurs modalités de collecte des données ont été utilisées (directement auprès des personnes pour les traitements tels qu’A, FICOBA, SIR ; indirectement pour les traitements sui generis de la DNEF). L’ensemble de ces traitements relèvent, selon les finalités, du règlement ou de la directive susvisés.

4 ' Une information incomplète des personnes dans le cadre de la collecte directe de leurs données

Il est argué qu’au cas présent, les personnes concernées n’ont pu exercer leurs droits, notamment celui essentiel de saisir la CNIL, de contacter le délégué à la protection des données (ci-après DPD) ou d’exercer leur droit à l’oubli puisqu’elles n’ont pas bénéficié de l’information nécessaire à cette fin.

Ces manquements à l’obligation d’information concernent un grand nombre de personnes physiques.

Conformément à la jurisprudence, l’incomplétude de l’information rend illicites les éléments de preuve ainsi obtenues.

5 ' Une collecte indirecte par la DNEF sans aucune information des personnes concernées

Il en va de même concernant les traitements sui generis qui se sont appuyés sur une collecte indirecte des données. Cette absence d’informations concerne un nombre élevé de personnes et de pièces.

Il ressort par ailleurs de l’analyse des pièces que de nombreuses données à caractère personnel n’apparaissent aucunement nécessaires à l’enquête et concernent des personnes étrangères à son objet.

Il est soutenu que l’administration aurait dû occulter ces données et s’abstenir de les produire.

G ' Une communication illicite à des tiers non autorisés constituant une violation de données à caractère personnel

Il est fait valoir que la communication de données à des tiers non autorisés constitue une violation du principe de confidentialité. En outre, elle est susceptible de relever des délits réprimant les manquements aux obligations de sécurité des données personnelles prévues à l’article 226-17 du code pénal d’une part, et de la divulgation à des tiers portant atteinte à l’intimité de la vie privée de la personne concernée (article 226-22 du même code) d’autre part.

Or, en l’espèce, des données personnelles issues des traitements A, FICOBA et SIR ont été communiquées à l’employeur des personnes concernées ainsi qu’à d’autres entités privées qui en ont été destinataires, alors qu’aucun des actes susvisés n’autorise de tels accès.

H ' Une violation par la DNEF de la finalité prévue dans l’arrêté instituant le traitement SIR

Selon la requête, les informations relatives aux salariés communiquées au JLD en pièces n° 12 et 32 proviennent non seulement de leurs dossiers fiscaux informatisés, mais également de la base de données des particuliers relative aux bulletins de recoupement (SIR).

Aux termes de l’arrêté du 28 avril 1987, « l’exploitation des bulletins de recoupement est destinée à affecter les informations relatives aux sommes perçues par les contribuables en vue de leur adresser une déclaration de revenus pré-remplie des principaux revenus ; à apporter une aide à l’organisation des opérations de contrôle sur pièces des dossiers fiscaux et aux opérations de recouvrement ».

Au cas particulier, les données du traitement informatisé ont été sciemment consultées et utilisées dans le seul but d’obtenir une autorisation de procéder à une perquisition, ce qui n’est pas une finalité autorisée par la création du traitement.

Il est argué que l’utilisation du traitement SIR à une fin manifestement non autorisée rend irrégulière l’ordonnance du JLD fondée sur des pièces obtenues irrégulièrement.

I ' Récapitulatif des manquements et des pièces concernées

Il est soutenu qu’au total, ont été traitées de manière illicite, déloyale et non transparente les données fiscales ainsi que d’autres données à caractère personnel relatives à de nombreux contribuables en ce qu’elles ont été conservées pour une durée excessive et disproportionnée, en violation des textes créateurs dont elles sont issues ; elles ont fait l’objet d’un traitement sui generis par la DNEF sans base juridique; elles ont fait l’objet d’un traitement sui generis par la DNEF sans que les formalités préalables obligatoires désormais requises par le règlement susvisé ne soient mises en 'uvre ; elles ont été obtenues par la DNEF sans que celle-ci recherche des voies procédurales offrant des garanties appropriées pour préserver le droit au respect de la vie privée des personnes concernées ; elles ont été collectées sans que les personnes concernées en soient informées, donc de façon déloyale ; elles ont été divulguées auprès de très nombreuses personnes tierces, notamment 65 sociétés et donc leurs dirigeants et autres représentants, en violation de la confidentialité dont doivent bénéficier de telles données.

Il est argué que ces manquements concernent les pièces n° 1, 2, 3, 4, 5, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 36, 37, 39, […], […], 45, 46, 47, 48 et 49 visées par le JLD dans son ordonnance, soit presque l’intégralité des pièces.

Pour ces raisons, il est demandé l’annulation de l’ordonnance.

VII ' L’origine illicite des pièces produites au moyen d’une mise en 'uvre irrégulière d’une demande d’AAI auprès des autorités fiscales belges

Au cas présent, l’administration a produit au soutien de sa requête de nombreuses pièces issues d’une demande d’AAI adressée aux autorités fiscales belges dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société UFIPAR, filiale de LVMH SE. A la suite de cette demande, les autorités fiscales belges ont sollicité la société LFB pour obtenir des réponses aux questions de l’administration.

Or, la demande d’AAI de l’administration est irrégulière. En effet, la majeure partie des demandes de l’administration concernent exclusivement LFB et n’ont rien à voir avec UFIPAR.

De surcroît, la DGFP n’a pas procédé à la notification à UFIPAR de la réponse des autorités fiscales belges à sa demande d’AAI requise par l’article L. 188 A du LPF pour bénéficier d’un délai de reprise prolongé à l’encontre d’UFIPAR.

Par conséquent, les pièces provenant de l’AAI n’ont pas été obtenues de manière licite, en ce qu’elles ne répondent pas à la condition de pertinence vraisemblable.

Il est soutenu que l’administration a fait de ces pièces un élément majeur des présomptions de fraude mise en avant par l’ordonnance pour justifier l’autorisation de visite domiciliaire.

En effet, l’ordonnance consacre plus de dix pages à analyser les documents issus de cette AAI, et en particulier les accords fiscaux passés entre la société LFB et les autorités fiscales belges, pour en déduire, d’une part, que la majeure partie des fonctions intragroupe liées à l’activité de gestion de trésorerie (officiellement dévolue à LFB) est entièrement gérée par des entités françaises du groupe et, d’autre part, que LFB a essentiellement des fonctions administratives et comptables correspondant à une simple activité de back office.

Il est argué qu’en l’absence des pièces provenant de l’AAI, le JLD n’aurait manifestement pas pu considérer qu’il existait des présomptions de fraude selon lesquelles LFB exercerait en FRANCE une

activité de gestion de trésorerie intra-groupe justifiant la mise en 'uvre de l’article L. 16 B du LPF.

Il est demandé donc l’annulation de l’ordonnance.

En conclusion, il est demandé de :

— annuler l’ordonnance rendue le 10 septembre 2019 par le JLD du TGI de PARIS ;

— annuler les opérations de visite et saisie réalisées le 11 septembre 2019 par la DNEF dans les locaux des sociétés LVMH ' Louis Vuitton K L, K L, le GIE LVMH SERVICES, la SAS SOFIDIV, la SA LVMH FINANCE, la SAS K L INTERNATIONAL, la SAS P&C INTERNATIONAL, la SAS UFIPAR, la SAS DELPHINE SAS, la SAS EUTROPE, la SA LBD HOLDING, la SA K L INVESTISSEMENTS, la SAS LVMH FASHION GROUP SERVICES, la SAS PRIMAE, la SARL MHCS MANAGEMENT, la SARL L MANAGEMENT, la SARL K L MANAGEMENT, la SAS ALDERANDE, la SAS LVMH HOTEL MANAGEMENT, la SAS PROBINVEST, la SAS LVMH FINANCE ET PARTICIPATIONS, la SAS SOCIETE D’EXPLOITATION HOTELIERE DE ST TROPEZ, la SAS UFINVEST, la SAS EUPALINOS 1850, la SAS TOILTECH HOLDING, la SAS DELTA, la SAS ICTINOS 1850, la SAS SAMOS 1850, la SOCIETE D’EXPLOITATION HOTELIERE DE LA SAMARITAINE, la SA SOFPAR 116, la SAS LVMH FASHION GROUP SUPPORT, la SAS LC INVESTISSEMENTS, la SAS LVMH INVESTISSEMENTS, la SAS EMILIO PUCCI FRANCE, la SAS LVMH CLIENT SERVICES, la SAS THELIOS FRANCE, la SAS SOFPAR 128, la SAS SOFPAR 127, la SAS SOFPAR 126, la SAS SOFPAR 124, la SAS M O, la SAS LVMH FASHION GROUP SERVICES, la SAS LVMH FASHION GROUP SUPPORT, la SAS 24 SEVRES, la SCA CHA LING, SA FRESH, la SASU 33, la société RIMOWA GROUP SERVICES, la société RIMOWA INTERNATIONAL, la société THELIOS FRANCE, la société SOFPAR125, la société SOFPAR 134, la société SOFPAR 130, la société SOFPAR 132, la société SOFPAR 129, la société SOFPAR 133, la société SOFPAR 131, la société SOFPAR 14, la société SOFPAR 141, la société SOFPAR 140, la société 139, la société SOFPAR 138, la société SOFPAR 137, la société SOFPAR 136, la société SOFPAR 135 ,la société SOFPAR 142 ;

— ordonner la restitution aux sociétés susmentionnées de l’ensemble des documents saisis, sans possibilité pour la DNEF d’en garder copie ;

En tout état de cause,

— condamner la DNEF à verser à la société LVMH Finance Belgique la somme de 1 000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par note en délibéré du 30 juin 2020, l 'appelante fait valoir : la décision du 26 juin 2020 du Conseil d’Etat qui annule un traitement mis en place par une autorité publique de façon manifestement illégale par rapport à la protection des donnes personnelles prévues par le RGPD, et que cette décision est transposable au traitement sui généris mené par le DNEF pour les besoins de l’enquête du L16B du LPF.

Par conclusions reçues le 5 mai 2020 soutenues à l’audience du 3 juin 2020, l’administration fait valoir :

A ' Sur les présomptions.

En premier lieu, il est rappelé que la discussion de l’application d’une convention fiscale relève de la compétence du juge de l’impôt, ce n’est pas de la compétence du magistrat saisi d’une demande d’autorisation de visite domiciliaire, ni de celle du Premier président statuant en appel.

De même, la discussion de l’existence d’un établissement stable en FRANCE relève du contentieux de l’impôt.

En second lieu, selon la Cour de cassation, peuvent être relevées des présomptions relevant des articles 1741 ou 1743 du code général des impôts.

Au cas présent, le JLD a retenu par l’ordonnance que la société LVMH BELGIQUE FINANCE pouvait être présumée exercer tout ou partie de son activité en FRANCE, à partir de la direction et de moyens dont elle disposait sur le territoire national.

En troisième lieu, l’administration ne reproche pas à la société LFB de tenir sa comptabilité en BELGIQUE.

Il est précisé que contrairement à ce que soutiennent les appelantes, le fait que la société LFB tienne sa comptabilité en BELGIQUE n’interdit pas à l’administration d’enquêter sur les conditions effectives d’exercice de son activité et de recourir à l’article L. 16 B du LPF sans que cela ne constitue une quelconque entrave à la tenue d’une comptabilité sur le territoire du lieu de situation du siège social ou au choix du lieu du siège social.

De surcroît, les dispositions de l’article L. 16 B du LPF ne constituent aucunement une mesure fiscale susceptible de constituer une présomption générale de fraude, mais uniquement un moyen d’investigation destiné à contrôler le respect de la réglementation fiscale et pouvant être mis en 'uvre sur autorisation du JLD et pouvant faire l’objet d’un contrôle par le Premier président de la Cour d’appel.

B – Sur la proportionnalité de la mesure.

D’après la jurisprudence constante de la Haute juridiction, aucun texte n’impose au juge de vérifier si l’administration pouvait recourir à d’autres modes de preuve . L’article L. 16 B du LPF n’exige pas des infractions d’une particulière gravité ; le juge n’a pas à caractériser la mauvaise foi du contribuable.

En effet, pour permettre la mise en 'uvre d’une procédure de visite domiciliaire, l’article L. 16 B du LPF exige seulement l’existence de présomptions de fraude à l’impôt sur le revenu, sur les bénéfices ou à la TVA, par l’un des agissements qu’il prévoit, dont fait partie la passation inexacte des écritures comptables.

Il est fait valoir que l’administration a informé le juge des principales procédures de vérification dont ont fait l’objet certaines sociétés du groupe LVMH et au cours desquelles ont pu être abordées des questions relatives à la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE.

L’administration rappelle des éléments relatifs aux vérifications de comptabilité des sociétés LVMH K L LOUIS VUITTON SA, SAS UFIPAR, SAS K L, LVMH K L LOUIS VUITTON.

Il est d’abord soutenu que les appelantes ne peuvent se prévaloir des procédures de vérification dont ont fait l’objet certaines sociétés du groupe LVMH pour considérer que l’administration fiscale française aurait pris une position formelle, au sens des articles L. 80 A et L. 80 B du LPF concernant la société LVMH FINANCE BELGIQUE au regard de sa situation fiscale.

Par ailleurs, il est évident que l’administration française s’est interrogée sur le transfert d’activité de gestion de trésorerie de LVMH à LFB et sur les modalités de ce transfert comme le démontre la requalification par le service du transfert de l’activité de gestion de trésorerie et la remise en cause de l’absence de rémunération lors de la vérification de la société LVMH K L LOUIS

VUITTON SA et l’envoi de deux demandes d’assistance administrative internationale auprès des autorités belges en décembre 2017 et janvier 2018.

Il est également fait observer la rétention d’informations du groupe LVMH concernant la décision anticipée 2010.303 relative à l’émission des billets de trésorerie et à l’avenant à la décision anticipée 900.173 du 29 avril 2014.

3 ' Sur la prétendue illicéité des pièces produites au soutien de la requête et de l’ordonnance

' Rappels sur le contrôle par le JLD de l’origine licite des pièces

Selon une jurisprudence constante, le juge satisfait aux exigences de l’article L. 16 B du LPF dès lors qu’il a constaté l’origine apparemment licite des pièces produites par l’administration fiscale. En revanche, il n’a pas à contrôler l’origine des renseignements qui ont permis à celle-ci d’obtenir ces documents.

' Sur la prétendue violation du secret professionnel en matière fiscale

Sur l’exclusion des pièces ayant une origine prétendument illicite

Il est soutenu que les appelantes ne peuvent en aucun cas invoquer l’article 10-0 AA du LPF, notamment en ce qui concerne l’exclusion relative aux visites domiciliaires et l’exclusion selon laquelle une pièce utilisée dans le cadre de l’article L. 16 B du LPF peut être écartée en raison de son origine illicite.

Au cas présent, il n’est aucunement question d’un quelconque vol de fichiers ou de documents qui auraient été remis à l’administration fiscale de manière illégale, mais il s’agit de l’exploitation des données internes et propres à l’administration fiscale.

Dans ces conditions, l’article L. 10-0 AA du LPF n’est pas applicable dans le cas soulevé par les appelantes et l’exclusion relative aux visites domiciliaires ne peut être invoquée pour prétendre faire échec à l’utilisation des données internes de l’administration dans la mise en 'uvre d’une visite domiciliaire.

Sur le secret professionnel en matière fiscale

Selon la jurisprudence, il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la lutte contre la fraude fiscale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties.

Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, d’autres hypothèses que celles prévues aux articles L. 113 et suivants du LPF constituent des exceptions au secret professionnel en matière fiscale.

Ainsi, l’article L. 16 B du LPF prévoit expressément que la requête de l’administration fiscale auprès du JLD doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’administration de nature à justifier les présomptions de fraude.

En conséquence, l’administration peut utiliser les informations dont elle dispose dans les conditions prévues par la loi et est tenue de communiquer au JLD l’ensemble des pièces fondant sa requête. Les parties pourront prendre connaissance de ces pièces lors des opérations de visite et les consulter au greffe de la Cour d’appel.

Il est donc vain de prétendre que la DGFP aurait violé le secret fiscal.

Au vu de la jurisprudence en vigueur, les appelantes ne peuvent sérieusement prétendre que l’administration aurait produit des pièces en violation du secret professionnel auquel sont astreints ses agents.

' Sur la prétendue violation des règles relatives à la protection des données personnelles

Sur la durée de conservation des données

Il est rappelé que l’article 2 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 prévoit que « le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué (') d) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites ».

Dès lors, les obligations découlant dudit règlement ne sont pas applicables en l’espèce, dans la mesure où l’administration a mis en 'uvre l’article L. 16 B du LPF en vue de lutter contre la fraude fiscale.

En tout état de cause, si, par extraordinaire, le Premier président décidait d’écarter les pièces n° 21, 26 et 27, les considérant comme illicites, il ne pourrait pas pour autant annuler l’ordonnance ayant autorisé la visite.

En effet, dans le cadre dévolutif de l’appel, le Premier président constatera que la requête contenait d’autres éléments laissant présumer des agissements frauduleux.

En l’espèce, l’absence de ces trois pièces ne remet aucunement en cause les présomptions de fraude imputables à la société LVMH FINANCE BELGIQUE, ni même d’ailleurs les présomptions « intermédiaires » concernant M. Z et Mme Y.

Sur le fondement juridique de la collecte des données

Il est d’abord souligné que la Cour de cassation a validé la possibilité pour l’administration de recueillir des informations tirées de la consultation de sites d’accès public.

Si le juge qui autorise la perquisition doit vérifier l’origine apparemment licite des pièces fournies, l’article 2 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 n’interdit pas de faire état d’informations diffusées par des systèmes informatiques.

Par ailleurs, l’hypothèse de la collecte de masse de données sur les réseaux sociaux visée par l’article 154 de la loi de finances pour 2020 n’a rien de semblable avec l’enquête mise en 'uvre par l’administration fiscale dans le présent litige, ainsi qu’il le confirme la lecture de la décision de la CNIL n° 2019-114 du 12 septembre 2019.

Dès lors, l’administration n’a procédé en l’espèce à aucune collecte d’informations qui soit automatique, massive, préalable et en dehors de toute suspicion de fraude puisqu’elle s’est bornée à consulter manuellement dans le cadre d’une démarche ciblée des sites d’accès public tels que Linkedin ou societe.com.

Il est encore rappelé le texte de l’article 2 du RGPD, identique à celui de l’article 42 de la loi du 6 janvier 1978.

En revanche, les traitements mis en 'uvre par l’administration s’inscrivent dans le cadre de l’article 87 de ladite loi, issu de la transposition de la directive (UE) 216/680 du 27 avril 2016.

Par conséquent, le traitement sui generis mis en 'uvre par la DGFP disposait bien d’une base

juridique suffisamment précise.

Sur l’absence de mise en 'uvre d’une analyse d’impact relative à la protection des données (« AIPD »)

Aux termes de l’article 90 de la loi du 6 janvier 1978, issue de la transposition de la directive (UE) 216/680 du 27 avril 2016, une analyse d’impact relative à la protection des données à caractère personnel est nécessaire « si le traitement est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques », notamment parce qu’il porte sur des données sensibles visées au I de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978.

Le I de l’article 6 de ladite loi vise notamment l’origine raciale, l’origine éthique, les opinions politiques, les convictions religieuses, philosophiques, l’appartenance syndicale d’une personne physique, le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé, des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique.

Force est de constater qu’aucune donnée listée au I de l’article 6 n’a fait l’objet d’une quelconque collecte par l’administration.

Il est également fait observer qu’aucune des données collectées par l’administration ne rentre dans l’un des cas visés par l’article 35 du RGPD relatif aux analyses d’impact.

En effet, l’administration n’a procédé à aucune évaluation systématique et approfondie d’informations personnelles, fonctionnant par un procédé automatisé, et sur la base desquelles sont prises des décisions ; aucun traitement des données sensibles à grande échelle n’a été effectué ; aucune surveillance systématique à grande échelle d’une zone accessible au public n’a été faite.

Enfin, s’agissant des trois critères relatifs à la nécessité d’une analyse d’impact, il est précisé que : en ce qui concerne une prétendue collecte « à grande échelle », le considérant 91 du RGPD définit ce terme par « un volume considérable de données à caractère personnel au niveau régional, national ou supranational » ; concernant le croisement des données, celles-ci doivent provenir de traitement « d’une manière qui outrepasserait les attentes raisonnables de la personne concernée », ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; s’agissant de la surveillance systématique, cette hypothèse renvoie à la troisième hypothèse visée par l’article 35 de l’article précité.

Par conséquent, l’administration n’avait pas à mener d’analyse d’impact pour effectuer un traitement sui generis.

Sur la prétendue absence de garanties suffisantes

Selon la jurisprudence, le juge qui autorise une visite domiciliaire ne méconnaît pas l’article 8 de la CESDH dès lors qu’il a reçu de l’administration des éléments d’information de nature à justifier la visite.

Par ailleurs, le juge de l’autorisation n’est pas le juge de l’impôt et n’a pas à rechercher si les infractions sont caractérisées, mais seulement s’il existe des présomptions de fraude justifiant l’opération sollicitée. Le Premier président statuant en appel apprécie l’existence des présomptions de fraude, sans être tenu de s’expliquer autrement sur la proportionnalité de la mesure qu’il confirmait.

Il est argué qu’aucune absence de garantie suffisante ne peut être invoquée pour remettre en cause le nécessaire équilibre entre la lutte contre le fraude fiscale et le droit au respect de la vie privée.

Sur les prétendus manquements à l’obligation d’informer les personnes concernées et sur la prétendue information incomplète des personnes dans le cadre de la collecte directe de leurs données

Aux termes de l’article 13 du RGPD, lorsque des données à caractère personnel sont collectées directement auprès de la personne concernée, les informations à lui fournir sont les suivantes : identité du responsable de traitement, coordonnées du délégué à la protection des données, finalité et base juridique du traitement, intérêts légitimes poursuivis par le responsable lorsque le traitement est fondé sur cette base légale, destinataire des données et éventuelle possibilité de transferts, durée de conservation, possibilité d’en demander l’accès, la rectification ou l’effacement, le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle, conséquences éventuelles de la non fourniture de ces données, existence éventuelle d’une prise de décision automatisée, informations relatives à une autre finalité éventuelle.

Concernant le droit à l’effacement (« droit à l’oubli »), l’article 17 du RGPD prévoit qu’il n’est pas applicable, dans la mesure où ce traitement est nécessaire « pour respecter une obligation légale qui requiert le traitement prévu par le droit de l’Union ou par le droit de l’État membre auquel le responsable du traitement est soumis, ou pour exécuter une mission d’intérêt public pu relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement ».

Il est évident que l’administration est légalement tenue de ne pas satisfaire aux demandes de droit à l’oubli, puisqu’elle se trouve dans une situation légale et réglementaire à l’égard des contribuable, dans sa mission d’établissement, de recouvrement et de contrôle de l’impôt.

S’agissant du droit à la limitation du traitement, l’article 18 du RGPD prévoit que les données à caractère personnel peuvent néanmoins être traitées pour des motifs importants d’intérêt public de l’Union ou d’un État membre.

Au cas présent, l’administration exerce une mission régalienne qui constitue un intérêt public fondamental.

Quant aux autres informations, elles sont précisées au sein de l’arrêté du 5 avril 2002 pour le fichier A, au sein de l’arrêté du 14 juin 1982 pour le fichier FICOBA et au sein de l’arrêté du 28 avril 1987 pour le fichier SIR.

En outre, ces informations ont fait l’objet d’une information complémentaire sur le site gouvernemental 'impots.gouv.fr', d’accès public.

Au vu de ce qui précède, il est donc inexact d’indiquer que les informations ont été rappelées aux personnes concernées de manière incomplète.

Dès lors, les informations extraites des fichiers FICOBA, SIR et A sont parfaitement licites et ne peuvent entraîner l’annulation de l’ordonnance.

Sur l’absence d’information des personnes concernées dans le cadre de la collecte indirecte de leurs données

Il est fait valoir que l’article 48 de la loi du 6 janvier 1978 exclut l’application de l’article 14 du RGPD selon lequel les informations collectées indirectement doivent, en principe, faire l’objet d’une information auprès des personnes concernées, « lorsque le traitement est mis en 'uvre par les administrations publiques qui ont pour mission soit de contrôler ou de recouvrer des impositions soit d’effectuer des contrôles de l’activité de personnes physiques ou morales pouvant donner lieu à la constatation d’une infraction ou d’un manquement, à des amendes administratives ou à des pénalités ».

Sur la prétendue communication illicite à des tiers non autorisés

Contrairement à ce que soutiennent les appelantes, l’employeur et les autres entités privés qui ont eu connaissance des informations issues des fichiers A, FICOBA et SIR ne sont pas des «  tiers non autorisés ».

En effet, l’employeur, tout comme les 64 autres entités privées, sont des parties à la procédure : si les présomptions de fraude visent la société LVMH FINANCE BELGIQUE, néanmoins les 64 autres entités entretiennent des liens à la fois capitalistiques et ont une communauté d’intérêt avec la société LFB.

Il est rappelé que la communication des pièces est encadrée par l’article L. 16 B du LPF.

Ainsi, aucune communication à des tiers non autorisés n’a donc été effectuée par l’administration.

Sur la prétendue violation de la finalité du traitement SIR

Il est fait valoir que l’article 3 de l’arrêté du 28 avril 1987 prévoit que les données du fichier SIR peuvent être utilisées pour « apporter une aide à l’organisation des opérations de contrôle sur pièces des dossiers fiscaux et aux opérations de recouvrement ».

Or, ces données ont été utilisées pour mettre en 'uvre l’article L. 16 B du LPF, conformément à ce que prévoit l’article 3 de l’arrêté.

' Sur la prétendue irrégularité d’une demande d’assistance administrative internationale (AAI) auprès des autorités fiscales belges

Aux termes de l’article 1 de la directive 2011/16 du 15 février 2011, les États membres coopèrent entre eux aux fins d’échanger les informations « vraisemblablement pertinentes » pour l’administration requérante, compte tenu des dispositions de la législation en matière fiscale de l’État membre dont relève cette administration.

Selon le considérant 9 de la directive 2011/16, la « pertinence vraisemblable » vise à permettre un large échange d’informations en matière fiscale.

Il est soutenu que l’administration était fondée à solliciter les autorités fiscales belges pour l’interroger sur la société LVMH FINANCE BELGIQUE, puisque celle-ci entretient des relations de prêteur à emprunteur avec la société UFIPAR.

Par conséquent, la demande d’AAI n’a rien d’irrégulier.

En conclusion, il est demandé de :

— confirmer l’ordonnance du JLD de PARIS du 10 septembre 2019 ;

— rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions ;

— condamner l’ appelante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

[…]

Par conclusion en date du 20 mai 2020, soutenues à l’audience du 3 juin 2020, la requérante fait valoir :

A A titre liminaire sur la jonction des procédures :

Il est proposé la jonction des procédures concernant les 6 recours formés contre les PV de visite et saisie

B A titre principal, sur l’irrégularité des opérations :

1- La DNEF a conduit plus d’opérations de visite qu’il n’en a été autorisé, en effet alors qu’une seule visite sur chaque site a été autorisée par l’ordonnance, la DNEF a mené six opérations de visite et saisie différentes.

2- les mentions des procès-verbaux concernant les agents soussignés sont erronées, en ce que tous les agents et AK ayant participé aux opérations avenue Montaigne n’ont pas signé les PV dressés sur ce site, que F B selon les PV a participé à deux visites concomitantes sur le site de Montaigne et sur le site de Bayard, qu’il n’a signé aucun PV concernant les opérations du site Bayard.

3- s’agissant du site Montaigne/ M N, seules deux des sociétéés visitées ont désigné un représentant de l’occupant des lieux.

4- la DNEF a violé l’article 8 de la CESDH eu égard au caractère disproportionné des saisies, il est rappelé l’exigence de proportionnalité des atteintes à la vie privée et au secret des correspondances. En l’espèce lors des OVS les agents ont saisi un grand nombre de fichier sans s’assurer que ces fichiers comprenaient des documents rentrant dans le champ de l’enquête.( Notamment 9705 fichiers informatiques saisis sur une zone de serveurs ' S COMPAS §'); des messageries des personnels ont été saisis, les saisies ont été faites de façon massive et indiférenciée, du fait de ces saisies massives les requérantes n’ont pu exercer leur contrôle effectif a posteriori sur la régularité des saisies ni obetnir la restitution des documents sans lien avec l’enquêtes et couverts par le secret professionnel.

C A titre subsidiaire sur la demande de restitution des documents converts par le secret professionnel et des documents en dehors du champ de l’autorisation

Il est sollicité l’ annulation de la saisie des documents couverts par le secret professionel de l’avocat et l’ annulation de la saisie des documents étrangers au champ de l’enquête.

Il est demandé au premier président de la Cour d’appel de Paris de :

A titre principal ,

— Annuler les opérations de visite et saisie réalisées le 11 septembre 2019 par la DNEF dans les locaux des sociétés LVMH ' Louis Vuitton K L, K L, […], Flavius Investissements, Société Montaigne M N, Société des Magasins Louis Vuitton, GIE LVMH Services, Sofidiv, LVMH Finance, K L International, P&C International, Ufipar, Delphine SAS, Eutrope, […], K L Investissements, […], Primae, K HENNESSYCS Management, L Management, […], Probinvest, Société d'[…], Ufinvest, […], […], Delta, Samos 1850, Société d’Exploitation Hoteliere de la Samaritaine, […], […], […], LVMH Investissements, […], LVMH Client Services, Thelios France, […], […], […], […], Fenty, M O, […], […], Fresh, […], […], […], LVMHappening, […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […],

— Ordonner la restitution aux sociétés susmentionnées de l’ensemble des documents saisis, sans possibilité pour la DNEF d’en garder copie ;

A titre subsidiaire

Annuler la saisie des pièces 9- 0001 à 9- 0603, 10- 0001 à 10- 0581 et 11- 0001 à 11- 0249 et 12- 0001 à 12 -0048 qui sont couvertes par le secret professionnel ;

— Annuler la saisie de l’ensemble des documents des fichiers communiqués en pièce n°17 et 19, listés en pièces n°16 et 18, qui sont couverts par le secret professionnel ;

— Annuler la saisie des pièces 13- 0001 à 13- 0406 qui sont des documents personnels de

salariés hors du champ de l’autorisation ;

— Donner acte aux concluantes que le Directeur Général des Finances Publiques ne

s’oppose pas à 1'annulation de la saisie des pièces 9 -0001 à 9- 0603, 10 -0001 à 10 -0581 et 11- 0001 à 11- 0249 et 12- 0001 à 12- 0048, des documents listées en pièce n°l6, et des

pièces 13- 0001 à 13 -0406 ;

— Annuler la saisie de l’ensemble des documents des fichiers communiqués en pièces n°20

et 23, listés en pièces n°14 et 22, qui sont hors du champ de 1'autorisation ;

— Ordonner la restitution de 1'ensemble des documents correspondants aux sociétés LVMH ' Louis Vuitton K L, K L, […], Flavius Investissements, Société Montaigne M N, Société des Magasins Louis Vuitton, GIE LVMH Services, Sofidiv, LVMH Finance, K L International, P&C International, Ufipar, Delphine SAS, Eutrope, […], K L Investissements, […], Primae, K HENNESSYCS Management, L Management, […], Probinvest, Société d'[…], Ufinvest, […], […], Delta, Samos 1850, Société d’Exploitation Hoteliere de la Samaritaine, […], […], […], LVMH Investissements, […], LVMH Client Services, Thelios France, […], […], […], […], Fenty, M O, […], […], Fresh, […], […], […], LVMHappening, […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], sans possibilité pour Direction Nationale des Enquetes Fiscales d’en garder copie ;

En tout état de cause,

— condamner la DNEF à verser la somme de 1 000 euros à la société LVMH Finance Belgique au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues le 5 mai 2020, soutenues à l’audience du 3 juin 2020, l’administration fait valoir :

Sur les opérations de visite qui n’auraient pas été autorisées

Il est fait valoir que l’administration n’a procédé qu’à une seule visite des locaux.

Il est rappelé que l’ordonnance a autorisé la visite des locaux et dépendances sis […] et accessibles par le 24/32 rue M N 75008 PARIS ainsi que des locaux et dépendances sis […].

Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’article L. 16 B du LPF n’interdit aucunement l’établissement de plusieurs procès-verbaux.

Il ressort de la lecture de six procès-verbaux établis que les locaux n’ont fait l’objet que d’une seule visite et que chaque procès-verbal a pour objet de relater des opérations exécutées dans des bureaux distincts sis dans les locaux dont la visite a été autorisée par le JLD.

Par ailleurs, les opérations se sont déroulées en présence d’un AK, désigné par le juge et chargé de veiller au respect des droits de la défense, lequel n’aurait manqué d’intervenir si quelques difficultés s’étaient présentées.

Sur les mentions des procès-verbaux

Il est soutenu que l’article L. 16 B du LPF n’exige que la seule signature des personnes qui ont assisté aux opérations relatées dans le procès-verbal, y compris celles visant à la désignation des représentants des occupants.

Ainsi, seuls les membres de l’équipe concernée sont tenus de signer le procès-verbal relatant les opérations auxquelles ils ont assisté.

En l’espèce, il ressort des procès-verbaux que chaque membre des équipes (agents, AK, occupants) a signé le procès-verbal rédigé pour les opérations auxquelles il a assisté.

Il est précisé que le fait que les procès-verbaux reprennent systématiquement le déroulement des opérations jusqu’à la constitution des équipes est sans incidence sur la régularité des opérations dès lors que le descriptif de ces opérations avant constitution des équipes est repris dans les procès-verbaux, pièces adverses n° 3 et 6.

Concernant la mention de M. P B en page 5 des procès-verbaux rue Bayard, cette erreur matérielle ne cause aucun grief.

En effet, il ressort de la lecture des procès-verbaux que M. B était au nombre des agents qui se sont présentés avenue Montaigne à 9h45, qu’il était membre de l’équipe 1 et a signé le procès-verbal des opérations réalisées par l’équipe 1.

Au contraire, les procès-verbaux concernant la rue Bayard ne font jamais mention (à l’exception de l’erreur page 5) de sa présence.

Enfin, les procès verbaux énoncent clairement que les AK AL AM, Q R, S T, U V, W AA, AB AC et AN AO AP se sont présentés à 9h45 à l’entrée de l’immeuble sis 24-32 rue M N 75008 PARIS, où ils ont attendu dans le hall d’accueil après avoir été accueillis par une hôtesse jusqu’à 10h45, heure à laquelle ils ont rejoint les autres agents.

Sur l’absence de désignation de représentant de 60 sociétés visées dans l’ordonnance du site Montaigne

Aux termes de l’article L. 16 B du LPF, « la visite, qui ne peut être commencée avant six heures ni après vingt et une heures est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant ».

Par conséquent, cette règle vise uniquement les sociétés occupant réellement les lieux.

En l’espèce, l’ordonnance visait 62 sociétés comme étant simplement susceptibles d’occuper les locaux dont la visite était autorisée.

Par contre, il ressort du procès-verbal que les locaux visités étaient uniquement occupés par la société européenne LVMH-K L LOUIS VUITTON et par la SAS K L de façon indistincte.

Il en découle que seules ces deux sociétés devaient être invitées à désigner un représentant, ce qui a été fait.

Sur le caractère disproportionné de la saisie

Selon une jurisprudence constante, l’ordonnance autorise la saisie de tous documents se rapportant à ses agissements, pour la période non prescrite et permet de procéder à la saisie des éléments comptables de personnes, physiques ou morales, pouvant être en relations d’affaires avec la société suspectée de fraude ; des pièces pour partie utile à la preuve des agissements présumés ou en rapport, même partiel, avec les agissements prohibés ; des documents même personnels d’un dirigeant et associé qui ne sont pas sans rapport avec la présomption de fraude relevée.

Par ailleurs, tant la Cour de cassation que la CEDH jugent que les pièces contestées doivent être versées aux débats, en en expliquant les raisons pour chacune.

L’administration rappelle également qu’elle n’est pas tenue de communiquer les critères de sélection des données qu’elle saisit, ni de révéler à la personne visitée les modalités techniques de saisies, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés.

En l’espèce, il ressort clairement des procès-verbaux que l’administration n’a pas procédé à une saisie massive et indifférenciée.

En tout état de cause, le fait qu’un document couvert par le secret professionnel de l’avocat, ou sans rapport avec la fraude présumée, figure au sein des saisies effectuées n’a pas pour effet d’entraîner l’annulation de l’ensemble des opérations, seule la saisie d’une pièce qui serait irrégulière devant être éventuellement annulée, sans remise en cause de la validité du procès-verbal établi à cette occasion.

Subsidiairement sur la demande d’annulation de saisie et de restitution de documents

Il est d’abord fait observer que le 1 098 333 de documents saisis sont à mettre en perspective avec les 7 893 documents papier dont la saisie n’est pas contestée par les requérantes ; avec les 1 481 documents comprenant un échange par mail avec un avocat, identifiés manuellement par les requérantes et couverts par le secret professionnel (0,13% des documents saisis) ; avec les 35 479 documents comprenant un échange par e-mail avec un avocat, identifiés par mots-clés par les requérantes et considérés par ceux-ci comme étant tous couverts par le secret professionnel (3,23%) ; avec les 24 543 documents considérés comme hors champ de l’autorisation par les requérantes et identifiés manuellement par ceux-ci (2,23%) ; avec les 406 documents qui seraient des documents personnels des salariés (0,04%) ; avec les 303 311 documents identifiés par mots-clés par les requérantes et considérés comme hors champ de l’autorisation (27,62%).

Concernant le secret professionnel, il est rappelé que seuls sont couverts les échanges entre un avocat et son client et entre avocats, à exclusion de tout échange entre un avocat et un tiers et où l’avocat est simplement en copie.

Ainsi, les documents informatiques dont la saisie est contestée par les requérantes représentent 33,26% de la totalité des documents informatiques saisis, ce qui montre que l’administration ne s’est pas livrée à des saisies massives et indifférenciées mais a procédé à leur sélection dans la limites des contraintes techniques et de temps.

Sur les documents couverts par le secret professionnel identifiés manuellement et sur la recherche

par mots-clés concernant les documents couverts par le secret professionnel

L’administration demande à ce qu’il lui soit donné acte de son accord pour que soit annulé la saisie des documents identifiés aux pièces adverses n° 9-0001 à 12-0048 ainsi qu’à la pièce n° 16, documents couverts par le secret professionnel.

Sur les documents hors champ de l’autorisation identifiés manuellement

Il est fait observer qu’après retraitement, seuls 5 115 documents sur les 24 453 dont les requérantes prétendent qu’ils se trouveraient hors champ de l’autorisation, ont un objet rempli.

Par conséquent, à défaut, pour les requérantes d’indiquer les raisons pour lesquelles ces documents trouveraient hors champ, il n’y a pas lieu de les considérer comme étant sans lien avec la fraude présumée.

S’agissant des éléments produits en pièces n° 13-0001 à 13-0406, considérés par les requérantes comme hors champ de l’autorisation en ce qu’ils concernent des documents personnels de salariés, l’administration ne s’oppose pas à leur restitution.

Sur la recherche par mots-clés concernant les documents hors champ de l’autorisation

Il est d’abord rappelé que l’administration n’a pas l’obligation de communiquer les méthodes et critères de sélection des données saisies.

Par ailleurs, la simple lecture des procès-verbaux montre que n’y figure aucun mot-clé et que ce sont les requérantes eux-mêmes qui ont déterminé les mots-clés supposés être utilisés par l’administration.

Il est indiqué que dans le cas d’une messagerie ou d’un volume des échanges avec des pièces attachées particulièrement important, la recherche par mots-clés s’avère nécessaire et permet de déterminer s’il y a lieu ou non de poursuivre les investigations.

Au cas présent, les saisies n’ont été effectuées que sur une minorité d’ordinateurs présents sur les sites Montaigne et Bayard.

L’administration rappelle les présomptions dont la société LVMH FINANCE BELGIQUE fait l’objet et argue que dans le cadre de ces présomptions, les investigations menées par les agents portaient nécessairement et légitimement sur l’ensemble des éléments relatifs à la gestion de trésorerie du groupe LVMH.

Concernant les 303 311 documents indexés par les requérantes en pièce n° 22 et considérés comme hors champ de l’autorisation, il est d’abord souligné que seuls 187 859 mentionnent un objet.

En outre, une recherche effectuée à partir du fichier communiqué en pièce n° 22 a permis de recenser 51 032 occurrences restituées pour le mot clé « LFB », 14 186 occurrences restituées pour le mot clé « Y » et 9 045 occurrences restituées pour le mot clé « C ».

Il est soutenu que la présence d’un nombre total de 74 263 occurrences identifiées à partir de l’utilisation de 3 mots clés issus d’une liste qui en compte 53, suffit à contredire l’assertion des requérantes sur l’identification de 303 111 documents qui ne contiendraient aucun de ces mots clés.

De surcroît, une recherche effectuée à partir du mot clé « CHANGE » a permis la restitution de 8 387 occurrences.

Ainsi, ce sont 82 650 occurrences qui ont été identifiées à partir de l’acronyme de la société visée par

les présomptions « LFB », du nom de sa représentante Mme Y, du nom du Directeur des financement et de la trésorerie LVMH, M. C ainsi que du mot clé « CHANGE » en référence au risque de change.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de considérer ces documents comme étant sans lien avec la fraude présumée.

Il apparaît au contraire que les saisies réalisées par les agents de l’administration ont été sélectives et pertinentes au regard de la présomption de fraude.

Il est demandé donc de débouter les requérantes de leur demande d’annulation des 303 311 documents indexés en pièce 22.

En conclusion, il est demandé de :

— donner acte à la DGFP de son accord pour que soit annulée la saisie des documents concernant :

les 1 481 documents comprenant un échange par e-mail avec un avocat, identifiés manuellement par les requérantes (pièces adverses n° 9-0001 à 12-0048) ;

les 406 documents concernant des échanges personnels de salariés (pièces adverses n° 13-0001 à 13-0406) ;

les 35 479 documents comprenant un échange par e-mail avec un avocat, identifiés par mots-clés par les requérantes, documents couverts par le secret professionnel (indexés pièce adverse n° 16) ;

— rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions ;

— condamner la requérante au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

SUR CE

— Sur la jonction

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il convient en application de l’article 367 du Code de procédure civile et eu égard aux liens de connexité entre les affaires, de joindre les instances enregistrées sous les numéros de RG 19/16971 (appel de la société SA LVMH Finance Belgique) et RG 19/ 16980, 16981, 16982, 16974, 16975, 16978 (recours de la société SA LVMH Finance Belgique), qui seront regroupées sous le n° de RG le plus ancien soit le RG 19/16971.

SUR l’APPEL

I Sur l’absence de caractérisation des conditions posées par l’article L16B du LPF.

A – sur l’absence de présomption de fraude.

Il convient de rappeler que l’article L 16B du LPF prévoit que le JLD peut rendre une ordonnance autorisant des visites domiciliaires lorsqu’il estime qu’il existe des présomptions de fraude qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiment des impôts […], que le juge doit procéder à une analyse concrète des éléments qui lui sont soumis par l’administration fiscale pour apprécier l’existence des présomptions de fraude.

Par ordonnance du 10 septembre 2019, le JLD du TGI de Paris a autorisé des visites domiciliaires

dans les locaux de la société LVMH […] à Paris et dans les locaux de la société K L, 24-32 rue M N et […] à Paris, au motif que la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA est présumée avoir exercé ou exercer à partir du territoire national, une activité de gestion de trésorerie intra- groupe, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes et ainsi omettre de passer les écritures comptables correspondantes et ainsi se soustraire à l’établissement ou paiement de l’impôt […].

Il résulte des pièces du dossier que la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA a été constituée le 9 avril 2008, son objet social a été modifié en mars 2009, selon les conclusions de l’appelante cette société est décrite comme une centrale de trésorerie, qu’il est précisé que la présence d’une centrale de trésorerie au sein d’un groupe est classique et licite, que son activité consiste à centraliser les flux de trésorerie d’un groupe de sociétés en recevant des flux de trésorerie de la part des sociétés du groupe liées à elle par un accord conventionnel et à répondre aux besoins de trésorerie de ces mêmes sociétés, que l’existence au sein du groupe LVMH d’une centrale de trésorerie n’est pas constitutive d’une fraude.

Il résulte des pièces produites par l’administration fiscale que celle-ci a eu connaissance dès sa création en 2008 des statuts , de l’objet social et du fonctionnement de la la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA dont le siège social était fixé à Bruxelles, que cette société a développé une activité de gestion de térsorerie pour le compte du groupe LVMH suite à son changement d’objet social en 2009 , que celle-ci a déposé très régulièrement ses comptes annuels, que les sociétés SA LVMH K L LOUIS VUITTON et SAS K L ont fait l’objet de plusieurs vérifications de comptabilité entre 2011 et 2019, que suite à une demande d’assistance administrative internationale auprès des autorités fiscales belges dans le cadre d’une vérification de compatabilité auprès d’une filiale du groupe, la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE a transmis en mars 2018 des accords fiscaux conclus avec les autorités fiscales belges, qu’il apparaît que la délocalisation d’une activité de gestion de trésorerie intra-groupe vers une filiale en Belgique vise à une meilleure compétitivité et une gestion optimisée, que ces éléments sont parfaitement connus de l’administration fiscale française , que le choix d’implantation de LFB en Belgique était motivé aussi par un but fiscal, que ce régime était parfaitement connu et a fait l’objet d’une validation expresse par l’administration fiscale française confirmée par un écrit en 2019. Ainsi , les administrations fiscales française et belge avaient parfaitement connaissance de la mise en place de LFB en tant que centrale de trésorerie du groupe LVMH et des modalités de son fonctionnement . Il résulte en particulier de la requête de la DNEF que dès 2011, dans le cadre d’une procédure de vérification de comptabilité de LVMH SE, l’administration a examiné en détail la question du transfert de l’activité de centralisation du groupe LVMH, assurée jusqu’en octobre 2009 par LVMH SE à la société LFB. Par la suite, dans le cadre de vérifications de comptabilité de différentes sociétés du groupe LVMH, un dialogue s’est instauré entre l’administration fiscale française et LVMH concernant l’activité de LFB, les multiples éléments d’information échangés n’ont jamais conduit l’administration fiscale à contester la réalité de l’activité de LFB ni la localisation de son siège social. Ainsi, la requête de l’administration datée du 4 septembre 2019 auprès du JLD pour obtenir l’autorisation de visites domiciliaires concernant une entité dont elle connait l’existence , le fonctionnement et l’objet social depuis 2009, interroge.

Selon la motivation de l’odonnance du JLD, qui reprend la thèse de l’administration fiscale française, la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA ne dispose pas en Belgique des ressources et compétences nécessaires à la gestion des opérations financières qui selon elle, continue d’être assurée par les équipes parisiennes de la salle des marchés de LVMH qui demeurerait la seule interlocutrice opérationnelle tant auprès des banques que des filiales du groupe, que dans son ordonnance le juge tient cette affirmation de la seule exploitation de la pièce N°5, que cette pièce décrit les activités réalisées par LFB mais ne démontre pas que LFB n’est pas en mesure d’assurer la gestion du financement intra groupe de l’ensemble des filiales du groupe LVMH. Ainsi il apparaît que l’ordonnance donne une description opaque de certaines opérations techniques de trésorerie ou de financement (gestion du risque de taux de change, émission de billets de trésorerie, contrats de

Swap, cash pooling), ce qui entraine une confusion entre les activités de financement du groupe LVMH (relèvant de la Direction Financière du groupe) et les activités de centrale de trésorerie ( relevant de LFB).

Selon l’appelante, LFB a une activité limitée de centralisation de flux , elle n’a pas pour compétence d’arrêter les orientations stratégiques du groupe LVMH en matière de financement externe à long terme ou de se substituer à la société tête de groupe ( LVMH SE).

Ainsi, les moyens attribués à LVMH FINANCE BELGIQUE depuis 2009 (équipe de 6 à 7 personnes à temps plein ou de 5 à 6 salariés selon les périodes et présence de Madame AQ-AR Y qui est administratrice déléguée), apparaissent suffisants pour effectuer son activité de gestion de trésorerie intra-groupe, l’affirmation selon laquelle LFB n’aurait pas les ressources nécessaires en Belgique à la gestion de son activité de centrale de trésorerie n’est pas démontrée.

B Sur l’absence d’acte ou d’omission entrant dans le champ de l’article L 16B.

L’ordonnance affirme qu’il peut-être présumé que la société LVMH FINANCE BELGIQUE LFB 'exerce sur le territoire national une activité professionnelle de gestion de trésorerie intra-groupe, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omet de passer ainsi les écritures comptables y afférentes', ainsi parmi les cas limitativement énumérés par l’article L16B du LPF, l’ordonnance est fondée sur la présomption que LFB serait présumée s’être soustraite au paiement de l’impôt 'en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures (….) Dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts'.

Or il ressort des pièces soumises au JLD que la société LVMH FINANCE BELGIQUE (LFB) tient une comptabilité complète en BELGIQUE, qui comprend notamment les opérations dont l’administration prétend qu’elles seraient réalisées en FRANCE.

Ainsi il semble inexact d’affirmer que LFB a sciemment omis de tenir les documents comptables requis par le droit belge auquel elle est seule soumise en matière d’établissement de ses comptes annuels. Il s’agit d’une constatation matérielle relevant de la compétence du JLD que celui-ci aurait dû effectuer.

Le défaut de prise en considération de la comptabilité belge de LFB par l’administration fiscale française constitue une discrimination liée à la nationalité de cette société radicalement contraire aux principes de liberté d’établissement et de non discrimination fondée sur la nationalité au sein de l’Union Européenne.

LFB, en tant que société belge, a donc pour seule obligation de tenir une comptabilité belge, que les autorités françaises sont bien évidemment en droit d’obtenir. De fait, les comptes sociaux des sociétés belges ' et notamment de LFB ' sont disponibles en ligne. Ainsi, s’il est légitime que l’administration française puisse s’assurer qu’une société européenne, qui intervient en France, tient effectivement une comptabilité régulière, elle a la possibilité d’obtenir cette information de l’Etat du siège et le défaut de tenue d’une comptabilité sur le territoire français n’est pas assimilable à une absence générale de comptabilité.

Ainsi, en l’espèce, l’absence de dépôt de déclarations fiscales en France ne saurait à elle seule constituer une présomption d’absence de comptabilité justifiant la mise en oeuvre de l’article L. 16 B du LPF. Une telle allégation est dénuée de fondement dans le cas d’une société telle que LFB, ressortissante d’un autre Etat membre, qui établit, dans celui ci, une comptabilité régulière sous sa législation.

Ainsi, l’allégation d’une présomption d’absence de comptabilité justifiant la mise en 'uvre de l’article L. 16 B du LPF est dénuée de fondement.

Il en résulte que la motivation de l’ordonnance rendue par le JLD du TGI de Paris est insuffisante pour démontrer une présomption de fraude et qu’en l’absence de caractérisation des conditions posées par l’article L16B du LPF, cette ordonnance est déclarée mal fondée.

Ainsi ce moyen d’absence de caractérisation des conditions posées par l’article L16B du LPF sera accueilli, l’ordonnance rendue par le JLD du TGI de Paris le 10 septembre 2019 sera déclarée nulle, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens proposés.

-[…]

L’ordonnance rendue par la JLD de Paris le 10 septembre 2019 ayant été annulée, il convient de déclarer nulles les visites domiciliaires effectuées les 11 et 12 septembre 2019 par la DNEF , sis :

— […],

— […],

—  24 et/ou 24-32, rue M N 75008 PARIS,

dans les locaux des sociétés LVMH ' Louis Vuitton K L, K L, […], Flavius Investissements, Société Montaigne M N, Société des Magasins Louis Vuitton, GIE LVMH Services, Sofidiv, LVMH Finance, K L International, P&C International, Ufipar , Delphine SAS, Eutrope, […], K L Investissements, […], Primae, K HENNESSYCS Management, L Management, […], Probinvest, Société d'[…], Ufinvest, […], […], Delta, Samos 1850, Société d’Exploitation Hoteliere de la Samaritaine, […], […], […], LVMH Investissements, […], LVMH Client Services, Thelios France, […], […], […], […], Fenty, M O, […], […], Fresh, […], […], […], LVMHappening, […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], sans qu’il y ait lieu d’examiner les moyens soulevés.

Il convient d’ordonner la restitution aux sociétés susmentionnées de l’ensemble des documents saisis, sans possibilité pour la DNEF d’en garder copie .

Les circonstances de la procédure ne justifient pas qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort:

— Ordonnons la jonction des instances enregistrées sous les numéros de RG 19/16971 (appel) et RG 19/ 16980, 16981, 16982, 16974, 16975, 16978 (recours), qui seront regroupées sous le numéro le plus ancien RG 19/16971 ;

—  Annulons en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande instance de PARIS en date du 10 septembre 2019 à l’encontre de la société de droit belge LVMH FINANCE BELGIQUE SA;

— Annulons les opérations de visite et saisie réalisées les 11 septembre 2019 et 12 septembre 2019 par la DNEF sis :

— […],

— […],

—  24 et/ou 24-32, rue M N 75008 PARIS,

dans les locaux des sociétés LVMH ' Louis Vuitton K L, K L, […], Flavius Investissements, Société Montaigne M N, Société des Magasins Louis Vuitton, GIE LVMH Services, Sofidiv, LVMH Finance, K L International, P&C International, Ufipar , Delphine SAS, Eutrope, […], K L Investissements, […], Primae, K HENNESSYCS Management, L Management, […], Probinvest, Société d'[…], Ufinvest, […], […], Delta, Samos 1850, Société d’Exploitation Hoteliere de la Samaritaine, […], […], […], LVMH Investissements, […], LVMH Client Services, Thelios France, […], […], […], […], Fenty, M O, […], […], Fresh, […], […], […], LVMHappening, […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […], […],

—  Ordonnons la restitution aux sociétés susmentionnées de l’ensemble des documents saisis, sans possibilité pour la DNEF d’en garder copie ;

—  Rejetons toute autre demande ;

—  Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

—  Disons que la charge des dépens sera supportée par la DNEF.

LE GREFFIER

AD AE

LE DÉLÉGUÉ DU PREMIER PRESIDENT

AW AX-AY

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 15, 9 septembre 2020, n° 19/16971