Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 19 mars 2021, n° 18/19188

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 11, 19 mars 2021, n° 18/19188
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/19188
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 17 juin 2018, N° 2015018748
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 19 MARS 2021

(n° , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/19188 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B6GXZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 – RG n° 2015018748

APPELANTE

SA ORANGE

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro

[…]

r e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

assistée de Me Alexandre LIMBOUR, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : L0064

INTIMEES

SAS Z + B

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

97232 LE LAMENTIN (X)

immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Fort-de-France sous le n°388

[…]

représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de Me Pascal WILHELM, avocat plaidant du barreau de Paris, toque : K24

SAS Z + INTERNATIONAL anciennement dénommée Z+ OVERSEAS

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

[…]

immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le n°592 033

401

représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de Me Pascal WILHELM, avocat plaidant du barreau de Paris, toque : K24

SAS Z +C

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

97490 SAINT DENIS DE LA C

immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Saint-Denis-de-la-C sous le n°352 827 646

représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de Me Pascal WILHELM, avocat plaidant du barreau de Paris, toque : K24

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société ORANGE est un opérateur de télécommunications présent sur le marché de l’internet haut débit en métropole et dans les régions et départements d’Outre-Mer.

La société Z A OVERSEAS, dite COS, devenue Z A INTERNATIONAL, filiale du groupe Z A a pour principale activité la conception et la distribution dans les départements et régions d’Outre-Mer d’offres de télé1 avril 2021293 vision payante essentiellement diffusées par satellite.

Dans le courant de l’année 2014 COS a fait l’acquisition du capital de la société MEDIASERV, devenue au mois de février 2016 Z A TELECOM, fournisseur d’accès internet actif dans les territoires ultra marins.

L’opération notifiée à l’Autorité de la Concurrence (ADLC) sous le n° 13-131 a été autorisée, sous réserve des engagements décrits et annexés à la Décision n°14-DCC-15 du 10 février 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de MEDIASERV, X Y, GUYANE Y et LA C Y par Z A OVERSEAS.

COS a procédé au lancement de sa 'Z Box’ via ses filiales Z A C, et Z A B proposant au consommateur une 'offre double play’ dite offre 2P la 'Z A Internet + Téléphone’ alors proposée par MEDIASERV ainsi que trois formules 'triple pay', 3P, à savoir : 'CanalBox Librement, CanalBox Essentiel et CanalBox Premium’ regroupant l’internet, le téléphone et les chaînes de télévision Z + et/ou CANALSAT.

Par exploits délivrés le 2 mai 2014 à COS et à la société Z A B et le 5 mai 2014 à la société Z A C, ORANGE sommait ces dernières de: 'Cesser immédiatement toute pratique de démarchagc de leurs abonnés aux offres de télévision payante du Groupe Z A, sous quelque forme que ce soit, en vue dc placer les offres CanalBox ct/ou toute offre équivalentc sur le marché dc l’accès Internet Haut débit.'

A l’appui de cette sommation ORANGE rappelait la mise en oeuvre par ces trois sociétés le 25 avril 2014 de la commercialisation à la C, d’une part, et en X, Guadeloupe ct Guyanc, d’autre part, d’une nouvelle offre intitulée 'CanalBox', proposant un accés ADSL Internet ct téléphone et indiquait qu’à partir dc cette memo date, ces sociétés out massivement démarché par emails ct courriers leurs abonnés aux offres de télévision payante du groupe Z A, aux fins de leur proposer cette offre de 'Z Box’ et alors que les sociétés Z A C ct Z A B disposcnt sur leur marché géographique respectif de télévision payante, d’une position dominante, voire de quasi-monopole qui crée une responsabilité particulière notamment celle de ne pas perturber le jeu de la concurrence par les mérites sur des marches connexes. Elle précisait que dc toute évidcncc, le marché de la télévision payante, particulièrement développé dans lcs territoires ultramarins en cause, permet d’adresser la quasi-tolalité des foyers dc ces tcrritoires et présente une connexité étroite avec les marchés télécom se référant à la décision de l’Autorité de la concurrence (ADLC) n°14-DCC-15 du l0 février 2014 et qu’ainsi, les sociétés Z A C et Z A B s’appuient sur une base dc clientèle exploitée en dominance sur le marché dc la télévision payante, pour placer une offrc en concurrence sur un marché connexe, indépcndammcnt de leurs

mérites propres sur ce marché et dans des conditions non reproductibles par leurs compétiteurs, les sociétés Z A C et Z A B méconnaissant par le fait de cette campagne de démarchage leur responsabilité particulière au regard des règles de marché et de concurrence, en particulier les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce. ORANGE soulignait enfin le préjudice grave, immédiat et inéversible, d’une ampleur qui ne peut qu’étre considérable à l’échellc des marchés en cause causé par cette pratique de démarchage illicite.

Par acte du 18 juin 2014 ORANGE a fait assigner les sociétés défenderesses en référé d’heure à heure aux fins de voir cesser ces troubles manifestement illicites.

Par l’ordonnance rendue le 4 juillet 2014 le juge des référés, au visa de l’article 873, alinéa 1, du code de procédure civile, a notamment :

Ordonné aux sociétés Z A OVERSEAS, Z + B at Z A C, sous astreinte provisoire de 4.000 € par infraction constatée à compter du 8e jour suivant la signification de la présente ordonnance, la cessation de la pratique de COS consistant à subordonner la vente de l’offre Z Box à l’achat ou la détention d’une offre de télévision payante du groupe Z A ;

Débouté la SA ORANGE de sa demande d’ordonner aux sociétés Z + OVERSEAS, Z + B et Z A C l’arrêt du démarchage de sa clientéle ;

Condamné in solidum les sociétés Z + OVERSEAS, Z + B at Z A C à payer à la SA ORANGE la somme de 4.000 €, au titre de l’article 700 CPC ;

Débouté pour le surplus ;

Rejeté toutes demandes A amples ou contraires des parties ;

Par acte du 18 mars 2015 ORANGE a fait assigner les sociétés Z A INTERNATIONAL anciennement COS, Z A B et Z A LA C devant le tribunal de commerce de Paris, aux visas des dispositions des articles L 420-2 et L 420-7 du code de commerce, 1382 du code civil, de l’article 102 du TFUE, de l’avis n° 10-A-13 de l’Autorité de la concurrence du 14 juin 2010, des articles L 121-1, L 121-2, L 121-3 et L 121-11 du code de la consommation aux fins de juger à titre principal et pour l’essentiel que :

— Z A INTERNATIONAL(COS) occupait lors du lancement de l’offre 'Z Box’ au mois d’avril 2014 une position dominante sur le marché des offres de télévision payante dans les départements et régions d’Outre-Mer ;

— Les liens de connexité existants entre le marché de la télévision payante et le marché de l’internet haut débit ;

— Z A INTERNATIONAL (COS) via ses filiales a massivement démarché les abonnés aux offres de télévision payante de Z A INTERNATIONAL (COS) tout en s’appuyant sur la notoriété des marques Z : que lors du lancement de l’offre Z BOX INTERNET + Téléphone les trois sociétés ont lié la souscription de cette offre à la souscription préalable et/ou parallèle aux offres Z + et/ou CANALSAT et ont de ce fait abusé de leur position dominante ;

— La campagne publicitaire mise en oeuvre lors du lancement de l’offre Z BOX Internet + Téléphone par les trois sociétés caractérise une pratique commerciale trompeuse à l’égard d’ORANGE ;

— Les effets restrictifs de concurrence des pratiques mises en place par les trois sociétés sur le marché

de l’internet haut débit sont constitutifs d’une faute au sens de l’article 1382 du code civil nouvellement référencé 1240, que la responsabilité des trois sociétés est engagée et justifie leur condamnation solidaire à verser à ORANGE la somme de 2 054 563 euros à parfaire en réparation du préjudice subi et le débouté de lures demandes.

Les sociétés défenderesses concluaient au débouté et sollicitaient la condamnation de la société ORANGE à leur verser à chacune une somme de 100 000 euros en réparation du préjudice lié au caractère abusif de la procédure outre 50 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles.

Le jugement entrepris, prononcé le 18 juin 2018 a :

Débouté la SA ORANGE de l’ensemble de ses demandes

Condamné la SA ORANGE à payer à chacune des sociétés intimées les sommes de :

—  50 000 euros en réparation de leur préjudice pour procédure abusive

—  50 000 euros à chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Ordonné l’exécution provisoire et condamné la société ORANGE aux dépens.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a principalement retenu qu’en conséquence des engagements pris dans le cadre de l’ADLC du 10 février 2014, si COS avait l’interdiction de donner accès à Z A TELECOM aux informations relatives aux abonnés ayant souscrit un abonnement par l’intermédiaire d’un fournisseur d’accès internet (FAI) distribuant ses offres en auto-distribution ( engagement °7) en revanche COS était de fait autorisée à mettre à la disposition de Z A TELECOM les informations relatives à sa base d’abonnés aux offres de télévision payante ; que COS avait donc la possibilité de commercialiser l’offre de télévision payante et l’offre de Z A TELECOM à la condition de proposer au consommateur de souscrire sans obligation d’achat ni aucun avantage particulier associé aux offres de télévision payante traditionnelles de COS et que ces offres ne contiennent aucune remise de couplage ; que COS au regard du respect des prescriptions imposées par le mandataire nommé par l’ADLC n’a pas violé les engagements pris devant l’ADLC ; que s’agissant des pratiques commerciales trompeuses et de la vente subordonnée liée entre les offres de télévision et d’internet organisée dans le cadre du démarchage effectué par COS, cette pratique visant des abonnés satellite de COS en direct n’était pas constitutive d’une faute.

La société ORANGE a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 25 juillet 2018.

Par ses conclusions d’appel n°2 signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 19 avril 2019 la société ORANGE demande à la cour :

Vu les dispositions des articles L.420-2 et L.420-7 du Code de commerce';

Vu les dispositions de l’article anciennement numéroté 1382 du Code civil, nouvellement numéroté 1240 ;

Vu les dispositions de l’article 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne';

Vu l’Avis n°10-A-13 de l’Autorité de la concurrence du 14 juin 2010';

Vu les dispositions des articles L.121-1, L.121-2, L.121-3 et L.121-11 du Code de la consommation';

Vu l’Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de commerce de Paris le 4 juillet 2014';

Vu les pièces produites dans le cadre des débats';

Vu les dispositions de l’article 32-1 du Code de procédure civile';

Vu les dispositions de l’article 564 du Code de procédure civile';

Vu les dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile';

Il est demandé à la Cour d’appel de Paris':

D’INFIRMER le Jugement rendu le 18 juin 2018 par le Tribunal de commerce de Paris dans toutes ses dispositions, notamment en ce qu’il a condamné la société ORANGE à verser à chacune des sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C 50.000 euros au titre d’une procédure prétendument abusive';

Statuant à nouveau':

A titre principal':

DIRE ET JUGER que la société Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS) occupait, lors du lancement de l’offre «'Z Box'» au mois d’avril 2014, une position dominante sur le marché des offres de télévision payante dans les Départements et Régions d’Outre-Mer';

DIRE ET JUGER les liens de connexité existants entre le marché de la télévision payante et le marché de l’Internet haut débit';

DIRE ET JUGER que la société Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), via ses filiales Z A B et Z A C a massivement démarché les abonnés aux offres de télévision payante de la société Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS) tout en s’appuyant sur la notoriété des marques « Z »';

DIRE ET JUGER que lors du lancement de l’offre «'Z Box Internet + Téléphone'» les sociétés Z A INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C ont lié la souscription à cette offre à la souscription préalable et/ou parallèle aux offres Z+ et/ou CANALSAT';

DIRE ET JUGER que les sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C ont de ce fait abusé de leur position dominante';

En tout état de cause,

DIRE ET JUGER que la campagne publicitaire mise en 'uvre lors du lancement de l’offre «'Z Box Internet + Téléphone'» par les sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C caractérise une pratique commerciale trompeuse déloyale à l’égard d’ORANGE';

En conséquence':

DIRE ET JUGER que la responsabilité civile des sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A

C est de ce fait engagée';

En tout état de cause,

DIRE ET JUGER, qu’un préjudice, fut-il moral, s’infère nécessairement des pratiques commerciales trompeuses et déloyales mises en 'uvre par Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C au préjudice d’ORANGE';

DIRE ET JUGER que les effets restrictifs de concurrence des pratiques mises en place par les sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C sur le marché de l’Internet haut débit sont constitutifs d’une faute au sens de l’article anciennement numéroté 1382 du Code Civil (nouvellement numéroté 1240) et ont directement causé de lourds préjudices pour la société ORANGE ;

CONDAMNER solidairement les sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C à verser à la société ORANGE, la somme de 2.054.563 euros en réparation du préjudice subi ;

En tout état de cause':

DIRE ET JUGER que la demande de publication du dispositif de la décision à intervenir formée par les sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C est nouvelle en cause d’appel';

En conséquence la DIRE ET JUGER irrecevable';

En tout état de cause,

DEBOUTER les sociétés les sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C de leur demande de publication du dispositif de la décision à intervenir';

DEBOUTER les sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C de leurs demandes de voir ORANGE condamnée à leur verser':

50.000 euros à chacune en réparation de leur préjudice pour procédure abusive devant la Cour d’appel';

50.000 euros à chacune au titre de l’article 700 du Code de procédure civile';

DEBOUTER les sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C de leurs A amples demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER solidairement les sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C à verser à la société ORANGE, la somme de 100.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile';

CONDAMNER solidairement les sociétés Z + INTERNATIONAL (anciennement Z A OVERSEAS), Z A B et Z A C aux entiers dépens

de l’instance.

Les sociétés SAS Z A B, SAS Z A INTERNATIONAL, SAS Z A C ont signifié le 6 décembre 2019 via le réseau privé virtuel des avocats des conclusions d’intimé n° 2 et demandent à la cour de :

Vu les articles 420-2 du code du commerce et l’article 102 TFUE

Vu l’article 1382 (devenu l’article 1240) du code civil

Vu les pièces versées

— CONFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 18 juin 2018 en toutes ses dispositions;

— DEBOUTER la société ORANGE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Et, y ajoutant :

— CONDAMNER la société ORANGE à la publication du dispositif de la décision à intervenir ;

— CONDAMNER la société ORANGE à payer à Z+ INTERNATIONAL (anciennement dénommée Z+ OVERSEAS) Z+ B et Z+ C les sommes de :

o 50.000 euros à chacune en réparation de leur préjudice pour procédure abusive devant la Cour d 'appel ;

o 50.000 euros à chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— CONDAMNER la société ORANGE aux entiers dépens de l’instance sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile ;

La clôture de l’instruction a été prononcée le 8 octobre 2020 et l’affaire fixée à l’audience du 17 décembre 2020.

SUR QUOI,

LA COUR :

Comme l’y autorisent les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ,pour un A ample exposé des moyens et des prétentions des parties il sera expressément fait référence aux conclusions récapitulatives visées dans l’exposé de la procédure.

SUR L’ABUS DE POSITION DOMINANTE

Selon les dispositions de l’article 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (ex-article 82 TCE) :

' Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à:

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables (…)

d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats.'

Aux termes des dispositions de l’article L 420-2 du code de commerce dans sa version issue de la loi du 2 août 2005 applicable jusqu’au 5 juillet 2019 : ' Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées'.

L’existence d’une position dominante est caractérisée à partir d’un marché déterminé, dit

« marché pertinent », d’ une exploitation abusive de cette position et d’un objet ou d’un effet, au moins potentiel, restrictif de concurrence sur un marché.

La légitimité du contrôle a posteriori des pratiques mises en oeuvre par COS à l’issue de l’opération de concentration autorisée par l’Autorité de la concurrence rappelée par la société ORANGE, qui expose avec raison que la décision d’autorisation ne saurait constituer un blanc-seing pour tous les autres comportements à venir, ne fait pas litige : il sera vu infra que les sociétés intimées ont été invitées par le mandataire de l’ADLC à suivre les prescriptions mises en oeuvre par ce dernier dans son rapport n°1 du 22 juillet 2014 dans le prolongement de la décision ayant autorisé l’opération de concentration développée ci après.

La position dominante de COS sur le marché de la télévision payante dans les DROM est soulignée par l’Autorité de la Concurrence point 163 page 26 de la Décision 14-DCC-15 du 10 février 2014 en ces termes : ' A l’issue de l’opération le nouvel ensemble détiendra une part de marché estimée à 90-100% aux B et 70-80% dans l’Océan Indien. Hormis Parabole C, actif uniquement dans l’Océan indien, la position des Fournisseurs d’Accès Internet, (FAI) concurrents des parties sur les marchés de la distribution de services de télévision payante est relativement faible avec des niveaux de parts de marché systématiquement inférieurs à 5%. La concurrence des FAI est d’autant A restreinte que les contraintes auxquelles leurs réseaux sont soumis limitent le débit et donc l’éligibilité à la télévision par ADSL de leurs abonnés. Dès lors seule une part limitée du parc d’abonnés de COS est contestable par les FAI dans le cadre de la distribution de leurs offres OPTV5…) Par conséquent compte tenu de sa très forte position, l’accroissement d’un point de la part de marché de COS à l’issue de l’opération est susceptible de modifier significativement l’équilibre concurrentiel des marchés en aval aux B ou dans l’Océan indien'.

C’est en considération de cette position dominante sur le marché de la télévision payante que l’ADLC a proposé un certain nombre d’engagements de nature à remédier aux risques concurrentiels entraînés par l’opération, repris au point 259 et suivants de la décision.

Le démarchage de sa base clients par COS pour le lancement des offres Z Box et Z Box Internet + téléphone

La société ORANGE fait grief à la société COS d’avoir pratiqué un démarchage illicite de sa base clients et d’avoir fait une utilisation abusive de son fichier clientèle aggravée par l’utilisation extensive de la notoriété des marques 'Z’ au regard du fait que la clientèle de COS repésente en volume de du double de celle d’ORANGE et qu’aucun autre fournisseur d’accès internet ne peut espérer atteindre une taille de parc comparable à celle de COS.

Cependant, l’utilisation croisée de sa base de clientèle pour procéder à un démarchage choisi et ciblé des personnes prospectées, fut-ce en faisant directement référence à leurs habitudes de consommation et/ou à leur abonnement actuel, n’est constitutive d’un abus au sens des dispositions de l’article L 420-2 du code de commerce et de l’article 102 du Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) que dans la mesure où des circonstances particulières démontrent l’existence d’un lien entre la position dominante et le comportement abusif.

L’appréciation de la conformité de la pratique au droit de la concurrence dépend des conditions dans lesquelles l’entreprise a constitué sa base de données ainsi que de la possibilité pour ses concurrents de reproduire ces informations. Les informations détenues par une entreprise dominante qui ne sont ni accessibles à ses concurrents ni reproductibles par eux dans des conditions aussi efficaces sur le marché, constituent des informations privilégiées dont l’exploitation peut avoir pour effet ou objet d’ériger des barrières à l’entrée sur l’un ou l’autre des marchés concernés.

En l’espèce, il n’est pas sérieusement contesté que les sociétés du groupe COS ont constitué leur base de clientèle dans le cadre d’une compétition par les mérites et n’ont bénéficié d’aucun avantage particulier par rapport à leurs concurrents.

Les données commerciales recueillies : n° d’abonné, n° de carte, solde des semaines programme cadeaux, strictement liées à l’identification formelle du client, sont aisémment reproductibles par des concurrents aussi efficaces sur le marché, d’autres opérateurs, à commencer par la société ORANGE, étant parfaitement en mesure d’utiliser les données collectées sur leur base clients pour démarcher ceux-ci et proposer des offres de téléphonie et de fourniture d’accès internet.

L’ utilisation de ses bases de données par COS en combinaison avec des ventes groupées n’est donc pas en soi répréhensible dès lors qu’elle permet d’obtenir un avantage concurrentiel en rapport avec les mérites du groupe de sociétés et la société ORANGE ne peut être suivie en ses affirmations contraires quand par ailleurs elle ne s’explique pas sur les facteurs en lien avec cette utilisation, susceptibles de conduire à la distorsion de concurrence dont elle se prévaut.

L’utilisation extensive des marques Z

La société ORANGE impute aux société intimées comme une faute le fait d’avoir eu recours à l’avantage de la notoriété de sa marque, avantage non reproductible et sans lien avec les propres mérites des sociétés. Elle souligne que la documentation promotionnelle de l’offre Z Box Internet + téléphone ne mentionne jamais l’existence de MEDIASERV si ce n’est en très petits caractères et que le tribunal ne pouvait s’exonérer de l’analyse concrète de l’impact de l’utilisation par COS de l’utilisation des marques Z en ' assénant’ que l’ADLC n’a dans ce cadre jamais exigé d’engagement relatif à l’utilisation par COS des marques Z.

Cependant, pour que l’usage de la marque et du logo d’un opérateur historique soit susceptible de devenir anti concurrentiel, il faut que le recours à la notoriété de la marque procure à la société ou au groupe le bénéfice d’un avantage non reproductible et sans lien avec ses propres mérites.

Le bénéfice d’un tel avantage non reproductible n’est en l’espèce aucunement démontré

quand les intimées produisent deux extraits d’études de l’institut de sondage IPSOS (Pièce n°21 à 25) non contredites par l’appelante, sur la notoriété spontanément exprimée par les personnes sondées concernant les différents opérateurs internet et FAI dans les Départements et Régions d’Outre-Mer. Ces sondages établissent qu’à la même période, 2014-2015, CanalBox n’était citée que par 22 % des personnes sondées (sur les 6 opérateurs internet cités dont ORANGE arrivant en tête des opérateurs connus) et 2% des personnes sondées (sur le 8 FAI cités ORANGE étant citée par 73 % des personnes sondées.)

Par conséquent ce grief n’est pas établi quand il apparaît au contraire que l’ offre sur le marché connexe concurrentiel révélée par ces sondages à l’époque des faits, caractérise la présence d’opérateurs de taille A importante que Z disposant pour certains de marque notoire ( SFR, ORANGE, NUMERICABLE ) et dont rien ne permet d’indiquer que les autres n’étaient pas en mesure d’acquérir dans un horizon temporel raisonnable, une notoriété susceptible de concurrencer celle du groupe.

Par conséquent il ne résulte pas de ces constatations que l’utilisation de l’image et de la notoriété des marques 'Z’ ait procuré aux sociétés intimées le bénéfice d’un avantage non reproductible et sans lien avec ses propres mérites.

La société ORANGE ne saurait être suivie en ce moyen.

La mise en place d’une vente liée entre les offres de COS et celles de MEDIASERV lors du lancement de la 'CanalBox Internet’ + Téléphone

ORANGE rappelle que l’ADLC a fait de cette obligation un engagement à la charge de COS que celle-ci a violé ainsi que les deux constats d’huissier du 30 avril et du 15 mai 2014 en font foi ; que les constats produits par COS postérieurement au Référé d’heure à heure engagé par ORANGE sont peu probants alors que la non conformité des pratiques commerciales de COS est avérée par le rapport n°1 établi par le mandataire nommé par l’ADLC ; que les constats font la preuve de la présentation volontairement trompeuse des sites internet en charge de la commercialisation des offres CanalBox et CanalBox Internet Téléphone car aucune de ces présentations ne permet de souscrire à la seule offre MEDIASERV et que les offres entretiennent volontairement la confusion l’offre CanalBox étant systématiquement couplée à l’une des offres de télévision payante ; que les supports ont été présentés de manière volontairement trompeuse par COS pour faire la promotion des offres ce qui est reconnu par le mandataire nommé par l’ADLC ; que le tribunal s’est mépris sur la portée des constats et enfin que le cumul des pratiques litigieuses a pour effet d’aggraver l’effet d’éviction en résultant au préjudice d’ORANGE.

Les engagements pris par COS au chapitre IV de la décision de l’ADLC ont été définis à l’issue de plusieurs tests sur le marché pour répondre aux préoccupations issues de l’analyse concurrentielle relativement à l’autodistribution des offres de COS et aux offres groupées de COS et MEDIASERV, au regard de la capacité du Groupe Z A à rémunérer une exclusivité de distribution non seulement sur la plateforme satellitaire mais également sur les réseaux ADSL fibre et satellite des fournisseurs d’accès à internet où Canalsat s’y autodistribue.

La présentation détaillée des engagements proposés au point 269 de la Décision de l’ADLC observe que dans la mesure où les fournisseurs d’accès internet et les autres distributeurs concurrents du groupe Z A ne peuvent proposer une exclusivité de distribution que sur leur propre plateforme et qu’ils ne pourront le faire dans des conditions de concurrence normales, que si le groupe Z A révèle la valeur associée à la distribution de chaîne au sein de l’offre Canalsat sur chaque plateforme propriétaire. La décision a enjoint en conséquence à COS de ne pas coupler la distribution sur sa propre palteforme satellite et sur les plateformes propriétaires d’opérateurs tiers présents dans les Départements et Régions d’Outre Mer ( DROM) pour les contrats de distribution avec les éditeurs conclus ou reconduits postérieurement à la date de décision.

Le point 276 précise également que la partie notifiante s’engage à ne pas accorder à MEDIASERV d’exclusivité pour la distribution des chaînes qu’elle édite et de mettre à disposition les chaines qu’elle édite et qui seraient distribuées par MEDIASERV à tout FAI présent dans les DROM dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires, les concurrents de MEDIASERV étant ainsi assurésde pouvoir répliquer l’offre de MEDIASERV si celle-ci devait être enrichie à l’issue de l’opération par l’ajout de chaines éditées par GCP.

ORANGE produit deux procès-verbaux de constat établis le 30 avril et le 15 mai 2014 à la requête d’ORANGE C retranscrivant les échanges téléphoniques entre deux préposés de la société ORANGE et un télévendeur de la société Z A C, dont l’accord pour être enregistré en présence d’un huissier de justice a été préalablement recueilli, au sujet de la souscription de l’offre intitulée 'CanalBoxInternet et Téléphone’ présentée sur le site web de Z A.

Ces échanges établissent que la société Z A C a proposé à cette époque au mépris des engagements pris une offre d’abonnement groupé internet téléphone et télévision satellitaire et qu’il n’était pas possible de souscrire un abonnement internet et téléphone sans télévision.

ORANGE produit également un mail adressé le 28 mai 2014 par le mandataire désigné par l’ADLC à plusieurs destinataires dont COS ne conteste pas qu’ils ressortisssent de son personnel, au sujet du respect des engagements pris à l’occasion d’un déplacement à La C qui s’exprime en ses termes :

'Au cours de notre déplacement à La C du 19 au 22 mai dernier nous avons pu constater que conformément aux engagements :

— les offres 2P et télévision payante de GCP sont proposées à des tarifs distincts, sans remise tarifaire de couplage. Nous notons en particulier que Ie tarif des abonnements des offres de télévision payantes dans le cadre d’une offre 'associée’ est strictement identique au tarif applicable pour des offres TV seules.

— une offre 3P souscrite par un prospect fait bien l’objet de deux contrats distincts.

— les systémes d’informations de COS ont été paramétrés afin d’identifier les abonnés 2P et permettre l’application ultérieure éventuelle de I’Engagement 8 (résiliation anticipée des contrats télévision payante).

— Les courriers de prospection relatifs à l’Offre CanalBox ont été adressés aux abonnés directs de Z+ /CanalSat, à l’exclusion des abonnés via les FAI.

En revanche, nous avons également constaté les points suivants :

1) Un distributeur local nous a communiqué l’enregistrement récent d’un appel au centre d’appels (0811 57 10 57) au cours duquel le télévendeur a indiqué que l’offre CanalBox n’était disponible uniquement qu’en cas de souscription à une offre TV par satellite. Cette pratique commerciale est, comme vous le savez, contraire aux Engagements.

2) L’offre 2P (téléphone + internet) n’est pas commercialisée par Mediaserv: ni dans le réseau de distribution (espaces de vente dédiés et appels entrants au numéro de Mediaserv) ni sur le site internet. Par ailleurs,dans les boutiques Z+, nous avons constaté l’absence de mise en avant de l’offre CanalBox sans Ia composante télévision.

3) Enfin, la promotion de la marque CanalBox à la fois pour une offre 2P et pour une offre 3P incluant la télévision par satellite ('Z Box librement’ 'CanalBox Premium’ etc.) est susceptible, par son ambiguité, de suggérer des obligations d’achat entre les offres TV et les offres Mediaserv (Cf. campagnes promotionnelles en cours (affichage, presse, TV et radio), dépliants et autres supports de communication).

En conséquence, nous sommes convenus que vous prendrez rapidement les mesures suivantes

i. Rappeler immédiatement à l’ensemble du réseau de distribution (y compris les centres d’appels) l’indépendance des deux offres (ZP d’une part et TV par satellite d’autre part). En particulier:

— Aucune obligation d’achat ne doit étre suggérée;

— Aucune remise ne doit être accordée en cas de souscription à l''ensemble des offres internet +téléphone + télévision (offre de pack cinéma en option par exemple) ;

— Le cas échéant, des sanctions devront être prises a l’encontre du personnel qui ne respecterait pas ces consignes.

ii. Commercialiser l’offre 2P dans le réseau de distribution de Mediaserv et sur le site internet de Mediaserv, à un tarif équivalent en ce compris les opérations promotionnelles (actuellement: option mobile offerte pendant 6 mois).

iii. Mettre en avant l’offre CanalBox 2P dans les résea ux de distribution de GCP au méme tarif, y compris offres promotionnelles, notamment :

— dans les boutiques Z+ (PLV dédiée, corners spécifiques, promotions de l’offre 2P seule sur les flyers, etc.) ;

— sur les sites internet (Z+ C et CanalSat Caraïbes)

iv. Revoir vos plans de communication en conséquence du point 3) ci-dessus.

S’agissant du réseau de distribution (cf. i.), nous notons que vous avez déja transmis une note de service le 23 mai dernier à Mediacall (centre d’appels CanalBox / Mediaserv) et aux Centres de Relation Clients Caraibes et C.

Nous comprenons que vous relayerez également cette note à vos prestataires externes.

Nous notons également que la décision a été prise de commercialiser l’offre 2P chez Mediaserv.

Enfin, s’agissant des deux derniers points (cf. iii et iv), COS s’est engagé a :

— mettre en avant l’offre CanalBox 2P dans les Z+ Store (cf. relevé de décisions du 22 mai) et modifier les sites Internet des filiales de COS dans ces territoires ;

— annuler les campagnes de publicité en cours et les remplacer par des campagnes ciblées sur l’offre 2P. Nous comprenons que ces campagnes devraient avoir lieu prochainement dans les Caraibes (4x3, presse, radio,web) et à la C (presse, radio).

Vous voudrez bien nous rendre compte régulièrement de la mise en place de ces actions correctives.'

Le rapport n°8 établit par le mandataire de l’ADLC le 22 avril 2016 dont COS se prévaut et qui a fondé la décision des premiers juges de ne pas retenir le grief de ventes liées, ne se réfère ni aux mêmes constats d’huissiers ni au mail précité et lorsque le mandataire fait état, dans le cadre de ce rapport, des remontées d’ORANGE se fondant sur des mails adressés par COS aux abonnés internet d’ORANGE il apparaît qu’il s’agit de deux abonnés satellites de COS en direct et non en autodistribution qui ne relèvent donc pas des engagements pris au titre de l’interdiction des ventes liées.

Il est par conséquent établi que contrairement aux engagements pris, jusqu’au 23 mai 2014, date à laquelle COS a adressé, à la suite des instructions du mandataire une note interne à ses équipes

rappelant 'l’interdiction de créer une obligation d’achat quelconque entre les offres TV par satellite Canalsat et les offres Canalbox internet téléphone', COS a indiscutablement utilisé sa position dominante sur le marché de la télévision payante étroitement lié au marché de l’internet haut débit, pour tenter de s’approprier des parts sur ce marché connexe afin d’y obtenir un avantage à moindre coût et sans rapport direct avec ses mérites.

[…]

ORANGE sollicite la réparation du préjudice économique lié aux effets restrictifs de la concurrence au motif de l’augmentation du nombre de résiliations d’abonnements directement imputable au démarchage entrepris par COS pour la commercialisation de l’offre triple play, tant durant la période litigieuse que postérieurement à celle-ci en raison de la durée des abonnements souscrits.

L’appelante évalue son préjudice en recourant à la méthode dite contrefactuelle par comparaison entre la situation réelle dans laquelle la pratique anticoncurrentielle s’est produite avec celle, contrefactuelle, qui aurait été constatée en l’absence de la pratique litigieuse à partir des éléments suivants :

- le volume de la clientèle ayant résilié les abonnements haut débit dans les zones des Caraïbes et de la C,

1- Pour les Caraïbes de mai à août 2013 : 8 754 résiliations contre 11 027 résiliations de mai à août 2014

2- Pour la C de mai à août 2013 : 4 871 résiliations contre 5 709 résiliations de mai à août 2014

représentant, selon ORANGE, un chiffre d’affaires moyen par mois et par client de 52 euros dans la zone C et 56,6 euros dans la zone Caraïbe, ( sources direction financière ORANGE )

—  la perte du parc clients directement imputable aux pratiques concurrentielles est estimée à partir du volume des résiliations durant la période de lancement de l’offre triple play du mois de mai au mois d’août 2014 inclus, en appliquant à chacun des deux secteurs considéré le pourcentage correspondant au taux de pénétration du marché de la TV payante (source : Etude sur les équipements en communication électronique publiée par l’ARCEP au mois de juillet 2013 pièce 45) soit 59 % pour les foyers caribbéens et 45% pour les foyers réunionnais conduisant respectivement à 1341,07 et 377,1 résiliations pour chacune des zones concernées.

—  la durée du préjudice (source Décision ARCEP 2010-1232 pièce 46) mesurée par rapport à l’ancienneté moyenne des clients ayant résilié, soit 35 mois pour les Caribbéens et 38 mois pour les Réunionnais correspondant à une moyenne de 3ans :

—  la perte totale de chiffre d’affaires imputables aux résiliations :

1-C : (52/mois) x 377,1 = 19 609,20 x 36 mois = 705 931,2 pour 12 958 mois de perte de revenus

2- Caraïbe : ( 56,6/mois) x 1341 = 75 904,56 x 36 mois = 2 732 564,16 pour 49 586 mois de perte de revenus

Total 1 et 2 : 3 438 495,36 porté par l’appelante à 3 480 399 euros

—  les coûts variables non supportés du fait de la baisse d’activité (source direction financière d’ORANGE décomposition du CA Broadland pièce 29) estimés selon ORANGE à 59,1 %, taux de

marge dont elle indique qu’il est destiné à lui permettre de recouvrer les importants coûts fixes qui n’ont pas, selon elle, à être soustraits puisqu’ils sont dans touts les cas encourus.

COS oppose que l’imputabilité du préjudice à la faute reprochée n’est aucunement démontrée par ORANGE qui omet de prendre en compte le coût notoirement élevé de ses offres tant à la C qu’aux B dont l’étude comparative sur ces deux zones durant la période litigieuse révèle que l’offre d’ORANGE était 10 euros A élevée que celles des autres opérateurs locaux.

Selon l’intimée, l’échelle de temps retenue entre le 1er mai et le 31 août 2014 est inexacte dans la mesure où, si tant est qu’une pratique fautive soit avérée, dès le début du mois de juillet COS a pris les mesures pour faire cesser toute préjudice potentiel et en tout état de cause, cette échelle de temps n’est pas représentative eu égard à sa brièveté.

COS conteste la proportion de clients perdus et le nombre d’abonnements résiliés qui n’est, selon l’intimée, que le produit d’une déduction d’ORANGE non étayée par les sources comptables de l’entreprise, tirée d’une étude statistique concernant la métropole alors que seule devrait être prise en compte la partie des clients disposant d’un abonnement internet, cependant qu’ORANGE non seulement omet de communiquer la liste des abonnés et la durée des abonnements antérieurs à la période litigieuse mais ne tient aucun compte du marché concurrentiel animé dans les DROM par les petits opérateurs.

Cos observe que même à considérer que les tableaux produits par l’appelante (qui ne reposent sur aucune donnée comptable communiquée), puissent traduire une augmentation des résiliations, une tendance à la baisse des abonnements souscrits était déjà visiblement amorcée dès le mois d’avril 2014, preuve que les résiliaitons sont étrangères à l’intervention de COS

Enfin l’intimée conteste le taux de marge sur coût variable démesuré allégué à 59,1 % par ORANGE qui produit une liste de coûts incomplète, imprécise et contestable laquelle n’est appuyée sur aucun document comptable ce dont ORANGE est parfaitement consciente puisqu’elle justifie ce taux par la nécessité de recouvrer « les importants coûts fixes inhérents à la production d’offres Broadband ».

Sur ce,

La réparation du préjudice économique s’entend, au regard des dispositions de l’article 1149 du code civil, des dommages et intérêts dus à raison de la perte faite et du gain manqué lequel, actuel et futur sous réserve d’être certain, s’évalue par référence à une marge sur coûts correspondant aux coûts directs ou variables que l’entreprise peut éviter si elle subit un ralentissement ou un arrêt de son activité.

La question posée pour l’indemnisation des préjudices est donc la détermination,

in concreto d’une perte de chiffre d’affaires imputable au comportement fautif sous déduction des frais qui n’ont pas été engagés ou qui ont été «évités » pendant la période concernée, c’est à dire celle pendant laquelle le chiffre d’affaires a été perdu en raison du fait dommageable.

ORANGE communique à l’appui de son analyse contrefactuelle d’une part les éléments qu’elle indique provenir de la direction financière de l’entreprise : le tableau de répartition des résiliations enregistrées entre le 1er avril et le 31 août 2914 ( pièce 46 ) ainsi que la décomposition de la marge extraite du chiffre d’affaires Broadland ( pièce 47) précisant que ces éléments proviennent de la Direction financière d’ORANGE et, d’autre part, une Etude sur les équipements en communications électroniques et audiovisuels des ménages et individus des DOM, réalisée par LH2 DOM pour l’ARCEP en juillet 2013.

Cependant ORANGE ne communique aucune information relative à la compréhension de son plan d’affaires en sorte d’apprécier les modalités de commercialisation des offres d’abonnement sur leur marché ni le plan de charge du service de production qui a été affecté.

ORANGE s’appuie sur un scénario dit « contrefactuel » destiné à reconstituer ce qui se serait passé si le fait dommageable n’avait pas eu lieu mais cette méthode impose de prendre en considération les choix financiers de l’entreprise, l’identification comptable des flux et le fonctionnement du marché concerné.

Concernant le fonctionnement du marché des offres d’abonnement haut débit, ORANGE ne s’explique pas sur les parts de marché détenues par elle dans les DROM ni sur les données économiques affectant l’activité impactée au regard de l’évolution de la concurrence, de l’offre et de la demande et alors que COS justifie, sans être aucunement contredite sur ce point par l’appelante, que le marché du haut débit dans les DROM était déjà en 2014 soumis à la concurrence d’autres opérateurs comme comme CB, SFR, ONLY et ZEOP dont les offres d’abonnements mensuels étaient inférieurs de 10 euros à celle proposée par ORANGE à la même période.

ORANGE ne produit par ailleurs aucune donnée comptable certifiée par un professionnel agréé, permettant d’évaluer les prévisions de trésorerie intégrant les flux d’investissement, le suivi de l’activité, les coûts et prix de revient, le suivi de trésorerie et n’étaye pas sa demande par la communication des indicateurs permettant en définitive de mesurer le résultat de l’activité des offres d’abonnement haut débit antérieurement à la période litigieuse avec celle, contrefactuelle, qui aurait été constatée en l’absence de la pratique anti concurrentielle.

Ainsi la démonstration de la perte de chiffre d’affaires en lien avec la pratique rectrictive de concurrence n’est pas faite quand ORANGE se limite à faire état d’une augmentation du nombre des résiliations sur la foi d’un tableau récapitulatif établi par elle-même, sans support comptable certifié, non étayé par la liste des abonnés et la durée des abonnements dont la résiliation est alléguée dans les zones considérées.

Cette absence de justification comptable ne permet pas d’évaluer le taux de marge d’exploitation revendiqué à partir de la liste dressée par l’appelante en dehors de tout bilan, la perte temporaire du chiffre d’affaires invoqué imposant de rechercher le chiffre d’affaires dont la société a été privée, sous déduction des charges qui n’ont pas été supportées du fait de la baisse d’activité, charges de nature variable (frais du personnel intérimaire, primes d’objectif versées au personnel commercial, honoraires divers…) ou de nature fixe sur lesquels ORANGE ne s’explique pas (loyer des locaux, assurances, frais de personnel…) et alors que compte tenu de la brièveté de la période litigieuse, beaucoup de frais présentent une certaine fixité et ne peuvent être réduits facilement en cas de baisse d’activité.

ORANGE ne justifie pas pour autant de ses coûts fixes se limitant à produire une liste de coûts variables par référence à des postes, pour certains trop généraux, ( 'Autres achats externes -10 %' ) et pour d’autres redondants, ( ' Assistance Technique – 3% ' et ' Intervention -10 %) non reliables au chiffre d’affaires.

Par conséquent ORANGE qui n’établit ni un déclin objectif de nouveaux abonnements ni une croissance des résiliations sur la période litigieuse et ne saurait être suivie en sa demande de réparation du préjudice économique.

[…]

Le préjudice subi par ORANGE par le fait du trouble économique imputable à la pratique des ventes liées est essentiellement moral et sera justement réparé par une somme de 50 000 euros que chacune des sociétés intimées sera condamnée à lui régler.

Le jugement sera donc réformé et les sociétés intimées déboutées de l’intégralité de leurs demandes.

[…]

La société SAS Z A B, SAS Z A INTERNATIONAL, SAS Z A C seront condamnées à régler à la société ORANGE chacune une somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement ;

Statuant à nouveau,

Condamne les sociétés SAS Z A B, SAS Z A INTERNATIONAL, SAS Z A C à régler chacune à la société ORANGE une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Déboute les sociétés SAS Z A B, SAS Z A INTERNATIONAL, SAS Z A C de l’intégralité de leurs demandes;

Condamne les sociétés SAS Z A B, SAS Z A INTERNATIONAL, SAS Z A C à régler à la société ORANGE chacune une somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne les sociétés SAS Z A B, SAS Z A INTERNATIONAL, SAS Z A C aux entiers dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 19 mars 2021, n° 18/19188