Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 11, 19 février 2021, n° 18/05066

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 11, 19 févr. 2021, n° 18/05066
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/05066
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 11 février 2018, N° 18/05066
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 19 FEVRIER 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/05066 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5HPE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Février 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/05066

APPELANTE

SA ELECTRICITE DE FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 552 081 317

représentée par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCP Société Civile Professionnelle d’avocats HUVELIN & associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R285

assistée de Me Thomas BERNARD, avocat plaidant du barreau de LYON, toque : 1635

INTIMEE

LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RÉSIDENCE LES BASTIDES DE LASCAUX À MONTIGNAC représentée par la SOCIETE LAGRANGE SYNDIC IMMOBILIER,

27 et […]

[…]

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 484 124 045

représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

assistée de Me Tsipora COHEN-DITCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : E107 substituant Me Christian BEER, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : E107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été

débattue le 03 Décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée

de :

Mme Marie-Ange SENTUCQ, Président de chambre

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

Le syndic de la copropriété de la Résidence Les Bastides de Lascaux à Montignac a souscrit le 1er septembre 2009 avec la société EDF un contrat de fourniture d’énergie électrique pour une puissance de 800 KW d’une durée de trois ans renouvelable par tacite reconduction suivant la modalité suivante : 'si l’une des parties n’a pas manifesté par lettre recommandée, trois mois au moins avant l’expiration du contrat, sa volonté de ne pas le renouveler, il continue aux mêmes conditions, par périodes d’un an. Chaque partie a, chaque année, le droit de s’opposer au renouvellement moyennant le même préavis minimal de trois mois'.

Le 30 décembre 2013, le syndic a dénoncé à la société EDF la résiliation du contrat à compter du 31 décembre 2013 et réclamé la conclusion d’une nouvelle convention pour une puissance énergétique de 300 KW avec effet du 1er janvier 2014.

En réponse à la mise en demeure du syndic du 17 décembre 2014 de lui fournir des précisions sur les conditions de la modification contractuelle et de réclamer le remboursement d’un éventuel trop perçu sur l’année en cours, la société EDF a indiqué par courriel du 16 février 2015 que 'vous ne pouvez effectuer une diminution de puissance à 300 KW pour tous les postes qu’à l 'échéance de votre contrat soit à partir du 1er septembre de chaque année (…) je ne peux répondre favorablement à votre demande car nous sommes le 1er février 2015 et vous invite à nous recontacter 45 jours avant l’échéance contractuelle'.

Le 9 juillet 2015, le syndicat des copropriétaires a de nouveau mis en demeure la société EDF de procéder à la résiliation du contrat initial de fourniture d’énergie et demandé le remboursement des sommes indûment perçues depuis le 1er juin 2012 ainsi que d’offrir un nouveau contrat pour une puissance de 300 kwh avant de l’assigner en paiement et en dommages et intérêts devant le tribunal de grande instance de Paris.

Dans sa décision 12 février 2018, la juridiction civile a :

— constaté que le contrat de fourniture d’électricité conclu le 1er juin 2009 entre le syndicat des copropriétaires de la Résidence les Bastides de Lascaux à Montignac (le syndicat des copropriétaires) et la société Electricité de France (société EDF) s’est trouvé résilié le 30 décembre 2012,

— condamné la société EDF à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 96.223,20 euros indûment perçue à compter du 1er juin 2012 avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2015,

— débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages et intérêts,

— condamné la société EDF à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société EDF aux dépens,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement.

* *

Vu l’appel interjeté le 8 mars 2018 par la société Electricité de France ;

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 novembre 2020 pour la société Electricité de France afin d’entendre, en application des articles L. 136-1 du code de la consommation et 1147 du code civil :

— réformer le jugement en ce qu’il a constaté que le contrat de fourniture d’électricité conclu le 1er juin 2009 s’est trouvé résilié le 30 décembre 2012, condamné la société EDF à verser les sommes de 96.223,20 euros et de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

à titre principal,

— dire que le contrat de fourniture d’énergie électrique régularisé entre la société EDF et le syndic de copropriété LSI agissant au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires est un contrat de vente à la mesure,

— dire que l’énergie électrique est un bien,

— constater que l’ancien article L.136-1 du code de la consommation devenu L. 225-1 ne s’applique qu’aux contrats de prestations de services,

— dire que EDF n’avait pas à appliquer l’ancien article L. 136-1 du code de la consommation dans la mesure où elle n’est pas professionnelle prestataire de services,

— débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de remboursement des sommes prétendument indûment perçues en application de l’article L. 136-1 du code de la consommation,

à titre subsidiaire,

— dire que le syndic de copropriété Lagrange Syndic Immobilier a été parfaitement informé lors de la conclusion du contrat de fourniture d’énergie électrique et lors de son exécution de la tacite reconduction et des modalités de résiliation,

— constater que le syndicat des copropriétaires ne justifie pas du montant de la créance invoquée,

— constater que la première demande de résiliation a été formulée par le syndicat des copropriétaires par courrier du 30 décembre 2013,

— dire que le syndicat des copropriétaires ne peut solliciter, en application de l’article L.136-1 du code de la consommation, que les sommes qui auraient été indûment perçues à compter du 1er janvier 2014,

— dire que la créance du syndicat des copropriétaires de la résidence ne peut pas être supérieure à la somme de 55.266 euros TTC,

en tout état de cause,

— débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages et intérêts,

— condamner le syndicat des copropriétaires à payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dire que le syndicat des copropriétaires supportera les entiers dépens de l’instance ;

* *

Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 23 août 2018 pour le syndicat des copropriétaires de la Résidence les Bastides de Lascaux à Montignac afin d’entendre en application des articles L. 136-1 du code de la consommation, 1134 et 1147 (ancien) devenus 1103, 1104, 1193, 1217, 1231-1 du code civil :

— confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts,

— condamner la société EDF au paiement de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner la société EDF à payer 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société EDF aux dépens recouvrés par Maître Buret, avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

1. Sur le bien fondé de la résiliation du contrat

L’article L. 136-1 du code de la consommation applicable, issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 en vigueur au moment de la résiliation dispose que :

Le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, par lettre nominative ou courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a

conclu avec une clause de reconduction tacite. Cette information, délivrée dans des termes clairs et compréhensibles, mentionne, dans un encadré apparent, la date limite de résiliation.

Lorsque cette information ne lui a pas été adressée conformément aux dispositions du premier alinéa, le consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de reconduction. Les avances effectuées après la dernière date de reconduction ou, s’agissant des contrats à durée indéterminée, après la date de transformation du contrat initial à durée déterminée, sont dans ce cas remboursées dans un délai de trente jours à compter de la date de résiliation, déduction faite des sommes correspondant, jusqu’à celle-ci, à l’exécution du contrat. A défaut de remboursement dans les conditions prévues ci-dessus, les sommes dues sont productives d’intérêts au taux légal.

Pour voir confirmer le jugement qui a reconnu le bien fondé de la résiliation de son contrat à raison du manquement de la société EDF dans son obligation de l’informer de sa faculté de ne pas reconduire le contrat dans les conditions précitées de l’article L. 136-1, le syndicat des copropriétaires soutient que le contrat de fourniture d’électricité n’est pas régi par le droit commun de la vente mais relève de celui des prestations de service en retenant, d’une première part, que l’opérateur est soumis à une mission de service public et de service d’intérêt économique général défini à l’article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne comme le retiennent le livre blanc sur les services d’intérêt général de la Commission des communautés européennes du 12 mai 2004 et l’article 3 de la directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux.

Le syndicat se prévaut en outre d’une réponse ministérielle du secrétaire d’Etat chargé de la consommation publiée le 4 octobre 2011 indiquant que 'les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel sont des fournisseurs prestataires de service qui peuvent être soumis, à ce titre, aux obligations d’information des consommateurs et des non-professionnels prévues par l’article L. 136-1 du Code de la consommation'.

Il conteste encore l’assimilation de l’électricité à une marchandise en soutenant que 'du point de vue de la physique, le réseau électrique n’achemine pas un produit identifiable mais une puissance’ et en retenant d’un rapport de la Commission de régulation de l’énergie du 4 juin 2013, l’indication que 'l’électricité n’étant pas traçable et l’utilisation du parc de production étant intégrée ['] il n’est pas possible de savoir de quel moyen de production provient l’électron consommé par un client donné et donc de lui associer directement son coût', et d’une décision du Conseil constitutionnel du 11 avril 2013, n° 2013-666 DC, la considération que 'l’électricité est un bien d’une nature particulière, non stockable et dont les flux acheminés sur le réseau doivent être en permanence à l’équilibre'.

Par ailleurs, le syndicat relève que les factures émises par la société EDF font apparaître, outre de la consommation d’énergie, des 'prestations techniques’ telles que l’acheminement de l’électricité, l’estimation de la consommation, le comptage et autres contributions afférentes, et il met enfin aux débats une page de la plate-forme de la société Engie, concurrent de la société EDF, qui promeut la reconduction de ses contrats de fourniture d’énergie dans les conditions de l’article L. 136-1 du code de la consommation.

Toutefois, la nature et le régime juridique de la fourniture d’énergie électrique ne dépend pas de la définition que la science physique donne de l’électricité, mais résulte des moyens industriels mis en oeuvre pour produire cette énergie et la transformer pour la transporter et la distribuer, et qui sont prépondérants sur les prestations de services qui les accompagnent, ce dont il résulte que la fourniture de cette énergie au consommateur final entre dans la catégorie des biens meubles par nature au sens de l’article 528 du code civil, et qu’ainsi que le conclut la société EDF, elle entre dans la classification des marchandises qui se vendent à la mesure suivant les dispositions de l’article 1585 du code civil comme cela est par ailleurs consacré par le titre troisième du code de l’énergie relatif à

la commercialisation de l’électricité ainsi qu’au chapitre II encadrant les contrats de vente.

Par ailleurs, les dispositions européennes invoquées par le syndicat de copropriétaires se limitent à définir des conditions d’exercice de l’intérêt général dans la fourniture d’électricité dans le cadre de l’évolution de l’harmonisation et de la libéralisation que le marché intérieur européen de l’énergie connaît depuis l’adoption de la première directive 96/92/CE du parlement européen et du conseil du 19 décembre 1996, et sont par conséquent étrangères à l’objet du litige.

Enfin, la réponse ministérielle précitée est non seulement erronée en ce qu’elle déroge à l’application d’ordre public des dispositions de la section 12 du code de la consommation dédiée aux contrats de fourniture d’électricité ou de gaz naturel limitée aux contrats de fourniture d’électricité souscrits par un non professionnel pour une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères, le contrat passé par le syndicat étant au surplus passé pour une puissance délivrée de 800 kilovoltampères et n’entre par conséquent pas non plus dans la prévision de la section 12.

Alors enfin que les conditions de résiliation des contrats offertes par des concurrents de la société EDF ne lui sont pas opposables, et que les stipulations pour la résiliation du contrat de fourniture d’électricité de la société EDF ne sont affectées d’aucune condition abusive, il convient d’infirmer le jugement et de débouter le syndicat des copropriétaires de l’ensemble de ses demandes.

2. Sur les dommages et intérêts pour abus de procédure, les frais irrépétibles et les dépens

Le syndicat des copropriétaires succombant à l’action, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts, mais sera infirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles, et statuant à nouveau de ces chefs, le syndicat sera condamné aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à la société EDF la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf celle qui a débouté le syndicat des copropriétaires de la Résidence les Bastides de Lascaux à Montignac de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

Déboute le syndicat des copropriétaires de la Résidence les Bastides de Lascaux à Montignac de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la Résidence les Bastides de Lascaux à Montignac aux dépens de première instance et d’appel dans les conditions de conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamne le syndicat des copropriétaires de la Résidence les Bastides de Lascaux à Montignac à payer à la société Electricité de France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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