Cour d'appel de Reims, 1ere chambre sect.civile, 13 décembre 2016, n° 15/01966

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°

du 13 décembre 2016

R.G : 15/01966

SAS FAUCONNET INGENIERIE

c/

SAS X

VM

Formule exécutoire le :

à :

— Maître Clement HERVIEUX

— Maître Thierry BRISSART

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2016

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 26 mai 2015 par le tribunal de commerce de TROYES,

SAS FAUCONNET INGENIERIE

XXX

10160 AIX-EN-OTHE / FRANCE

COMPARANT, concluant par Maître Clement HERVIEUX, avocat au barreau de l’AUBE

INTIMEE :

SAS X

XXX

XXX

COMPARANT, concluant par Maître Thierry BRISSART, avocat au barreau de REIMS, et ayant pour conseil la SELARL LEXCAP, avocats au barreau d’ANGERS.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Véronique MAUSSIRE, conseiller faisant fonction de président de chambre, entendue en son rapport Madame Dominique BOUSQUEL, conseiller

Madame Catherine LEFORT, conseiller

GREFFIER :

Madame NICLOT, greffier lors des débats et du prononcé.

DEBATS :

A l’audience publique du 11 octobre 2016, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 décembre 2016,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le13 décembre 2016 et signé par Madame MAUSSIRE, conseiller faisant fonction de président de chambre, et Madame NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

La société X exerce une activité d’ingénierie de l’énergie et du bâtiment consistant notamment dans la réalisation de diagnostics de performances énergétiques (DPE).

Elle a acquis en 2007 auprès de la société Fauconnet Ingénierie – ci-après dénommée « Fauconnet »- un logiciel de génie climatique appelé FISA, qui est régulièrement mis à jour.

Suites aux mises à jour réalisées en 2013, la société X a subi divers dysfonctionnements sur la nouvelle version du logiciel (v 2.23).

La société X, considérant que la société Fauconnet Ingénierie tardait à faire le nécessaire pour résoudre les problèmes, a envoyé des agents techniques chez deux clients pour leur assurer des études fiables.

Ces reprises de prestations ont généré un coût de 7 873 euros pour lequel elle demande une indemnisation à hauteur de cette somme.

Par acte d’huissier du 11 mars 2014, la société X a assigné la société Fauconnet Ingénierie devant le tribunal de commerce de Troyes aux fins d’obtenir le remboursement de ses prestations.

Par jugement du 26 mai 2015, le tribunal de commerce de Troyes a condamné la société Fauconnet Ingénierie à payer à la société X la somme de 7873 euros à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais de reprise d’études ; a débouté la société X de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice d’image ; a débouté la société Fauconnet Ingénierie de l’ensemble de ses demandes ; a condamné celle-ci à payer la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ; a enfin ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Le tribunal a jugé que la société Fauconnet Ingénierie était tenue d’une obligation de résultat de fiabilité de son logiciel, que la société X n’avait jamais souscrit de contrat de maintenance mais qu’elle était en droit d’attendre d’une mise à jour qu’elle fonctionne correctement.

Il a précisé que la société X utilisait ce logiciel dans ses versions précédentes depuis 2007 sans problème particulier et que la société Fauconnet Ingénierie n’apportait pas la preuve d’une utilisation spécifique non prévue par le logiciel.

Il a donc jugé que la société Fauconnet Ingénierie devait indemniser la société X du coût des reprises de prestations mais pas du préjudice d’image dont elle n’apportait pas la preuve.

Par déclaration reçue le 31 juillet 2015, la SAS Fauconnet Ingénierie a interjeté appel de la décision.

Par conclusions du 29 octobre 2015, elle demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement du 26 mai 2015 ; de débouter la société X de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir que le contrat de licence de son logiciel contient une clause limitative de garantie qui est valable car conclue entre professionnels et qu’en application de l’article 1150 du code civil, sa responsabilité contractuelle ne saurait donc être recherchée.

Elle soutient que la SAS X, en tant que spécialiste du conseil, de l’ingénierie et de l’optimisation énergétique des bâtiments, est responsable des désagréments qu’elle estime avoir subis car étant à même d’apprécier l’exactitude des résultats donnés par le logiciel avant de les communiquer à ses clients dans la mesure où ce logiciel n’est en réalité qu’une mise à exécution de formules via une interface permettant seulement une simplification et une automatisation du calcul.

Elle expose enfin que la société X échoue à démontrer l’existence de préjudices.

Par conclusions du 23 décembre 2015, la société X, formant appel incident, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté sa demande d’indemnisation au titre du préjudice d’image et de condamner la société Fauconnet Ingénierie à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts à ce titre ; de débouter celle-ci de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de

5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient que la clause exonératoire de responsabilité excipée par l’appelante pour la première fois à hauteur d’appel lui est inopposable et doit être réputée non écrite en ce qu’elle a pour effet de priver d’effet l’obligation essentielle souscrite, c’est à dire l’obligation de délivrer un logiciel et des mises à jour conformes.

Elle ajoute que ses compétences en matière de DPE ne changent rien à la responsabilité de la société Fauconnet Ingénierie qui doit lui fournir un logiciel et des mises à jour lui permettant d’éditer et d’adresser des DPE sans erreur de calcul en respectant la méthode conventionnelle imposée par les arrêtés en vigueur et qu’en tout état de cause, elle n’a pas les compétences pour édifier ou modifier le logiciel et les mises à jour fournies par la société Fauconnet Ingénierie.

Elle fait d’ailleurs observer que celle-ci a expressément reconnu l’existence de difficultés sur la version 2.23 de son logiciel.

Elle expose également que son préjudice économique est réel, de même que le préjudice d’image, sa crédibilité vis-à-vis de ses clients ayant été atteinte.

MOTIFS DE LA DECISION :

La clause exonératoire de responsabilité :

L’article 1150 du code civil dispose que le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’exécution n’est point exécutée.

La société Fauconnet Ingénierie invoque pour la première fois à hauteur d’appel l’application de la clause limitative de garantie prévue dans le contrat en son article 7 et qui est ainsi libellée : la seule responsabilité de l’EDITEUR en ce qui concerne le SYSTEME est limitée au remplacement du SYSTEME si celui-ci est défectueux. L’EDITEUR ne donne aucune garantie et ne fait aucune déclaration concernant l’usage ou les résultats découlant de l’usage du logiciel ou du progiciel ou de la documentation quant à leur exactitude, précision, fiabilité, actualité ou autre pour les résultats obtenus par l’usage du SYSTEME. Tous risques afférents aux résultats et performances du logiciel sont assumés par le CLIENT.

Une clause qui vise à priver d’effet l’obligation essentielle souscrite par un prestataire doit être réputée non écrite et ce, même si le contrat a été souscrit entre professionnels.

En l’espèce, la société X a contracté avec la société Fauconnet Ingénierie pour obtenir de celle-ci la fourniture d’un logiciel FISA en 2007 et des mises à jour postérieures à cette acquisition.

Il s’entend donc que l’obligation essentielle mise à la charge de la société Fauconnet Ingénierie est de mettre à la disposition de son cocontractant un logiciel et des mises à jour permettant à celui-ci d’éditer et d’adresser à ses clients des diagnostics de performance énergétique fiables obtenus après un calcul qui, lui-même, doit être fiable.

La clause exonératoire de responsabilité telle qu’elle a été ci-dessus décrite a pour effet d’exclure toute responsabilité de l’éditeur quant aux résultats et performances du logiciel, ce qui revient de facto à priver de tout effet l’obligation essentielle du contrat.

Cette clause doit donc être réputée non écrite.

La responsabilité de la société Fauconnet Ingénierie :

En contractant avec la société X, l’appelante s’est engagée à lui fournir des mises à jour lui permettant d’éditer des diagnostics de performance énergétique conformes à la réglementation en vigueur et exempts d’erreurs de calcul.

Il pèse sur elle dans ce cadre une obligation de résultat et ce d’autant que l’arrêté du 27 janvier 2012 qui réglemente les activités de diagnostic de performance énergétique précise en son article 1-5° que les éditeurs doivent tenir à jour leurs logiciels en fonction des évolutions réglementaires.

Il n’est pas contestable que la version 2.23 du logiciel FISA a dysfonctionné dès sa mise en place, ce que d’ailleurs l’appelante ne conteste pas puisqu’elle reconnaît dans le mail qu’elle a adressé à la société X le 27 septembre 2013 qu’il lui semble judicieux de reprendre les diagnostics de performance énergétique avec une autre version (la version 2.24m du 5 août), ce qui est, en soi, un aveu de l’absence de fiabilité de la dernière mise à jour qu’elle a proposée.

Par ailleurs et ainsi que le relève à juste titre le tribunal, la société X a utilisé le logiciel dans ses versions précédentes sans problème particulier, qu’il s’en déduit qu’elle sait l’utiliser et que le problème ne vient donc pas d’une défaillance de sa part.

Il sera ajouté, en tant que de besoin, que la société X est un professionnel du diagnostic et non un professionnel de l’édition de logiciel comme l’est la société Fauconnet Ingénierie, à laquelle elle a recouru précisément du fait que celle-ci avait une compétence propre en la matière.

Compte-tenu de ces éléments, la responsabilité de la société Fauconnet Ingénierie est pleinement engagée.

La décision sera par conséquent confirmée sur ce point.

Les préjudices :

* le préjudice économique : La défaillance de la version 2.23 du logiciel dont la société Fauconnet Ingénierie est responsable a obligé la société X à reprendre les prestations dans deux dossiers (LNH et Gambetta).

Le coût total généré par cette reprise s’élève à la somme de 7 873 euros et c’est par conséquent à juste titre qu’il a été considéré par les premiers juges que la société Ingénierie devait indemniser son cocontractant à hauteur de cette somme.

* le préjudice d’image :

Le tribunal a débouté la société X de sa demande à ce titre faute de preuve.

Or, il n’est pas contesté qu’elle a dû intervenir une nouvelle fois sur site chez ses clients, ce qui nuit à son image de marque dans la mesure où cette intervention met nécessairement en évidence un manque de crédibilité et de professionnalisme qui, en réalité, ne lui est pas imputable.

Le préjudice est ainsi constitué à tout le moins vis-à-vis des clients chez lesquels elle a dû reprendre les prestations et il sera alloué à la société X la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

La décision sera donc infirmée de ce chef.

L’article 700 du code de procédure civile :

La décision sera confirmée sur ce point.

Succombant en son appel, la société Fauconnet Ingénierie ne peut prétendre à aucune indemnité.

L’équité justifie qu’à hauteur d’appel, il soit alloué à la société X la somme de 2 000 euros.

Les dépens :

La décision sera confirmée en ce qu’elle a statué sur les dépens.

La société Fauconnet Ingénierie sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel avec recouvrement direct par application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement rendu le 26 mai 2015 par le tribunal de commerce de Troyes à l’exception de la disposition relative à la demande d’indemnisation au titre du préjudice d’image.

Statuant à nouveau sur ce seul point ;

Condamne la société Fauconnet Ingénierie à payer à la société X la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Y ajoutant ;

Condamne la société Fauconnet Ingénierie à payer à la société X la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute la société Fauconnet Ingénierie de sa demande à ce titre. Condamne la société Fauconnet Ingénierie aux dépens de l’instance d’appel avec recouvrement direct par application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le conseiller

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