Cour d'appel de Rennes, 27 janvier 2016, n° 14/08055

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 27 janv. 2016, n° 14/08055
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 14/08055
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Vannes, 21 septembre 2014

Texte intégral

9e Ch Sécurité Sociale

ARRET N°41

R.G : 14/08055

M. D X

C/

XXX

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 JANVIER 2016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller,

M. Pascal PEDRON, Conseiller,

Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,

GREFFIER :

Mme H I, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 Décembre 2015

devant M. Pascal PEDRON, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Janvier 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats, signé par Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller faisant fonction de Président

(Ordonnance du Premier Président en date du 09 juillet 2015)

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 22 Septembre 2014

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VANNES

****

APPELANT :

Monsieur D X

Toul-Trinc-Conveau

XXX

comparant en personne, assisté de M. Serge LE QUEAU, délégué syndical pour l’Union Régionale Solidaires de Bretagne, en vertu d’un pouvoir spécial

INTIMÉE :

La Mutualité Sociale Agricole d’Armorique,

venant aux droits de la MSA des Côtes d’Armor

XXX

XXX

représentée par Mme C, en vertu d’un pouvoir spécial

FAITS ET PROCEDURE

M. D X a été embauché par la société J Bretagne en 1979; il a été employé comme magasinier dans des établissements stockant et distribuant des produits phyto-sanitaires.

Le 20 avril 1999, M. X a fait parvenir à la MSA des Cotes d’Armor (la caisse) une déclaration de maladie professionnelle faisant état d’une leucémie Myéloide Chronique constatée le 01er mars 1999 en indiquant avoir été en contact avec des produits phyto-sanitaires ( dont le lindane) au cours de son activité salariée exercée de février 1979 à mars 1999.

La demande de reconnaissance de maladie professionnelle a fait l’objet d’une étude dans le cadre du système complémentaire de reconnaissance de maladie professionnelle. Le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) de Bretagne a informé la caisse le 19 février 2001 que le dossier « ne relevait pas du 3e alinéa de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale dans la mesure où l’exposition au risque n’est pas prévue à un tableau (produits phytosanitaires) ».

Le 04 décembre 2002, la Caisse a notifié à M. X une décision de refus de prise en charge de sa demande aux motifs que sa maladie était « hors tableau » et que « le CRRMP a, dans sa séance du 08 novembre 2002, pris une décision de refus au motif : Absence de causalité établie entre la maladie soumise à instruction et les expositions incriminées: l’activité professionnelle de magasinier ne peut être retenue comme étant l’origine de la leucémie myéloide chronique constatée le 1 er mars 1999. En effet, après enquête complémentaire auprès du médecin du travail et du conseiller de prévention, aucun élément n’a été retrouvé permettant de rattacher de façon directe et essentielle la pathologie et l’activité professionnelle».

Après avoir saisi en vain la Commission de recours amiable de sa contestation du refus de maladie professionnelle, M. X a porté le 02 septembre 2003 le litige devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Cotes d’Armor.

Par jugement du 01 mars 2004, notifié le 04 mars 2004, le Tribunal a confirmé la décision de rejet de la Commission de recours amiable aux motifs que la maladie ne figurait pas dans l’un des tableaux des maladies professionnelles, que le salarié « ne rapportait pas la preuve d’un lien de causalité entre la leucémie myéloide chronique dont il souffre et l’exposition aux produits phytosanitaires qu’il allègue », ni même d’un début de lien de causalité, et « qu’il ne peut être question de renvoyer le dossier devant le CRRMP pour un nouvel examen ».

M. X n’a pas fait appel de cette décision.

Le 23 août 2011, M. X a déposé auprès de la MSA des Portes de Bretagne. une nouvelle demande ( visant une « première demande du 20.04.99 ») de reconnaissance de maladie professionnelle au titre de sa leucémie sur le fondement du « tab19 » d’une exposition au benzène (« de nombreux produits phytosanitaires contiennent du benzène ou ses dérivés ») l’amenant « à redemander le classement en maladie professionnelle » et « un réexamen » de son dossier ; il y a joint un certificat médical initial établi le même jour constatant une « leucémie Myéloide Chronique découverte en 1999 » constatée pour la première fois le « 01 03 1999 », ainsi que différentes pièces faisant état de la présence de benzène dans les produits phyto-sanitaires, notamment dans le lindane.

Le 12 décembre 2011, la MSA des Portes de Bretagne a rejeté l’examen de cette demande au motif de la forclusion de l’article R 142-18 du code de la sécurité sociale au regard d’une demande identique déjà déposée le 13 avril 1999 et déjà instruite.

Par courrier du 13 février 2013, la XXX a notifié à M. X un rejet de sa demande de réouverture de son dossier de maladie professionnelle concernant une pathologie constatée le 01 er mars 1999 aux motifs de l’autorité de la chose jugée et de la prescription biennale.

Après avoir saisi en vain la Commission de recours amiable afin de demander un nouvel examen de sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle compte tenu d’éléments nouveaux, M. X a le 05 mars 2014 porté le litige devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du Morbihan.

Par jugement du 22 septembre 2014, le Tribunal a déclaré irrecevable la demande de reconnaissance de maladie présentée par M. X au motif que la maladie déclarée étant la même que celle ayant fait l’objet de la première procédure cloturée par le jugement définitif de 2004, il convient de constater que sa demande se heurte au principe de l’autorité de chose jugée.

M. X a interjeté appel de ce jugement le 10 octobre 2014.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses écritures, auxquelles s’est référé et qu’a développées son représentant lors des débats, M. X demande à la cour, par voie d’infirmation du jugement, de :

— déclarer qu’il n’est pas responsable de son retard pour faire appel de la décision du Tribunal en 2004,

— déclarer que la MSA a été défaillante dans sa mission de conseil et de prévention vis-à-vis de ses ayant-droits,

— déclarer que l’entreprise J-B a été défaillante dans son obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale de tous les travailleurs de son entreprise,

— le déclarer recevable et bien-fondé en son recours,

— juger qu’il est atteint d’une Maladie Professionnelle inscrite au tableau n°19 du Régime Agricole,

— à titre subsidiaire, ordonner une mesure d’instruction confiée à un expert spécialiste avec mission de dire s’il est atteint d’une maladie professionnelle inscrite au tableau n°19 du régime agricole.

— M. X fait valoir en substance que :

— il n’a pas relevé appel du jugement de 2004 du fait qu’il était très affecté à l’époque par sa maladie

— le cheminement de son dossier de la MSA vers le C.R.R.M. P comporte plusieurs anomalies graves lui ayant porté préjudice :

— il y a eu une mauvaise orientation par la MSA dès le départ de son dossier vers le CR.R.M. P ; les hémopathies provoquées par le Benzène ont été reconnues comme maladie professionnelle au régime agricole en 1955 (tableau 19 incluant très explicitement les leucémies, « sous réserve d’une durée d’exposition de un an ») ; inexplicablement, sans qu’un autre choix lui soit proposé, la MSA a transmis son dossier au C.R.R.M. P. en 2002, alors même qu’elle aurait dû l’instruire dans le cadre du tableau n°19 du Régime Agricole ; sa leucémie n’est pas héréditaire et est au contraire caractérisée par la présence d’une mutation génétique appelée « chromosome Philadelphie + » induite par un ou plusieurs cancérogènes tels le Benzène ou ses dérivés

— le refus du CRRMP de rattacher sa pathologie à son activité professionnelle est totalement invraisemblable au regard des experts le composant qui étaient nécessairement informés des nombreuses études déjà publiées à l’époque confirmant sans ambiguïté le lien entre pesticides et leucémies

— il y a eu un déni systématique de son exposition aux substances cancérogènes alors que la section CFDT de J Bretagne avait attiré l’attention du Médecin du Travail en 2001, et c’est lui-même qui a dû conduire l’enquête, recueillant des attestations d’anciens collègues de travail citant le nom des produits utilisés dont plusieurs contiennent du benzène, avant de découvrir que le TASS d’Epinal en décembre 2006 a reconnu la maladie professionnelle au titre du tableau 19 de M. Y, agriculteur atteint de leucémie, suite à manipulation de Genoxone, qu’il a lui également manipulé, produit contenant du Benzène à forte dose selon le rapport d’expertise toxicologique effectué dans le cadre de cette affaire ; le Benzène n’est pas un principe actif ayant un effet phytosanitaire, mais entre dans la composition de plusieurs pesticides en tant que co-formulant dont l’étiquetage n’était pas obligatoire, ce qui en rendait l’identification difficile, alors que les solutions commerciales de pesticides sont beaucoup plus toxiques que les principes actifs isolés

— les défaillances des instances de contrôle occultent celles de J-B malgré les questions déjà soulevées depuis 1996 par le comité d’entreprise

— la MSA, qui avait à l’époque en la matière une position très ambigüe entretenant de fait la culture du doute, s’est montrée défaillante dans ses obligations d’information et de conseil vis-à-vis de ses assurés et l’a enfermé dans une impossibilité effective de faire valoir ses droits

— en raison de l’attitude défaillante et fautive de la MSA, il est victime d’une véritable discrimination, dont l’illustration la plus tragique est que, lorsqu’il a été mis sur la piste du lien entre sa maladie et l’éventuelle exposition au Benzène, solvant notoirement connu pour ses effets cancérogènes sur le sang, les délais de procédure avaient été dépassés, alors que sa demande est clairement légitime. Depuis sa demande initiale, de multiples éléments nouveaux ont été publiés sur les relations entre pesticides et cancer, et vont désormais profiter aux personnes qui connaissent la même situation que lui, avec notamment le 5 juin 2015 la création du tableau 59 du régime agricole: lymphome et pesticides dont tous les organochlorés et organophosphorés, ainsi que Atrazine, Carbaryl, A, qu’il a manipulés pendant des années.

Par ses écritures, auxquelles s’est référé et qu’a développées son mandataire lors des débats, la Mutualité Sociale Agricole d’Armorique, venant aux droits de la MSA des Cotes d’Armor, conclut au principal à la confirmation du jugement déféré, au subsidiaire à la confirmation de la décision de rejet par la caisse de l’examen de la seconde demande de reconnaissance au titre des maladies professionnelles de la pathologie déclarée le 23 août 2011 et au rejet de la mesure d’instruction sollicitée par l’appelant, faisant valoir pour l’essentiel que :

— M. X n’a pas fait appel du jugement de 2004 qui est donc devenu définitif et a l’autorité de la chose jugée.

— la seconde demande du 23 août 2011 porte sur la même pathologie, la même date de la première constatation médicale et les mêmes circonstances que celles de la première demande du 20 avril 1999

— M. X ayant été informé de la possibilité d’un lien direct entre sa maladie et une activité professionnelle dès 1999, sa demande se heurte à la prescription biennale

— le rapport toxicologique réalisé en 2005 par le Dr Z à la demande du TASS d’Epinal certifiant la présence de benzène dans différents produits comme le lindane, tout comme plus généralement la production de nouveaux éléments de preuve du lien entre l’activité professionnelle et la pathologie n’empêche pas l’autorité de chose jugée et n’est pas suffisant pour justifier la réouverture du dossier.

SUR QUOI, LA COUR

Considérant que l’article 480 du code de procédure civile dispose que « Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche ;

Le principal s’entend de l’objet du litige tel qu’il est déterminé par l’article 4 ».

Qu’il résulte des dispositions de l’article 1351 du code civil que l’autorité de la chose jugée a lieu à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, au regard d’une chose demandée identique ainsi que d’une demande fondée sur la même cause entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Que quelque soit le sentiment d’inéquité que M. X puisse concevoir en conséquence des faits de la cause, le principe de l’autorité de la chose jugée est général et absolu,la production d’un nouveau moyen de preuve n’empêchant pas une nouvelle demande de se heurter à l’autorité de chose jugée attachée à une première décision.

Qu’en l’espèce, le litige, dans le cadre de la première procédure ayant abouti au jugement du 01 mars 2004, rendu entre les mêmes parties (la Mutualité Sociale Agricole d’Armorique, venant depuis aux droits de la MSA des Cotes d’Armor), avait eu pour objet la même demande de reconnaissance du caractèreprofessionnel de la maladie de M. X (leucémie Myéloide Chronique médicalement constatée le 01er mars 1999), et était fondé sur la même cause, à savoir le lien entre la maladie et le travail salarié de celui-ci au sein de la société J à la date de la première constatation médicale de la maladie (par exposition aux produits phyto-sanitaires manipulés), en vertu de l’article L.461-1 du Code de la sécurité sociale (applicable par l’effet des dispositions de l’article R 751-17 du code rural et de la pêche maritime), peu important que M. X s’était abstenu en 1999 d’invoquer le tableau n°19 des maladies professionnelles du régime agricole.

Que dans ses conditions, la demande en reconnaissance de maladie professionnelle du 23 août 2011 étant identique au sens de l’article 1351 du code civil à celle du 20 avril 1999 tranchée et rejetée dès son prononcé par le jugement du 01 mars 2004, se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée audit jugement, peu important en la matière la production de nouveaux éléments de preuve invoqués par l’appelant notamment afin d’établir la présence de benzène dans les produits phytosanitaires manipulés.

Qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré ayant déclaré au visa de l’article 122 du code de procédure civile M. X irrecevable en sa demande du 23 août 2011 en reconnaissance de maladie professionnelle.

Que le propre d’une fin de non-recevoir étant aux termes de l’article 122 du code de procédure civile de mettre fin à l’instance et d’écarter une demande « sans examen au fond », la demande subsidiaire d’expertise à l’effet de dire si M. X est atteint d’une maladie professionnelle inscrite au tableau n°19 du régime agricole, touchant au fond, est elle-même irrecevable.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré ;

Dispense M. X du paiement du droit prévu par l’article R. 144-10 du code de la sécurité sociale.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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