Cour d'appel de Toulouse, 3 décembre 2007, n° 06/05612

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

03/12/2007

ARRÊT N°

N°RG: 06/05612

OC/CD

Décision déférée du 09 Octobre 2006 – Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE – 05/1361

Mme X

SARL COGIM

représentée par la SCP RIVES-PODESTA

C/

B A épouse Y

représentée par la SCP MALET

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1re Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TROIS DECEMBRE DEUX MILLE SEPT

***

APPELANTE

SARL COGIM

XXX

XXX

représentée par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour

assistée de la SCP SAINT GENIEST ET GUEROT, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

Madame B A épouse Y

XXX

XXX

représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour

assistée de Me Bernard COTTIN, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 09 Octobre 2007 en audience publique, devant la Cour composée de :

A. MILHET, président

O. COLENO, conseiller

C. FOURNIEL, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 18 novembre 2004, B A épouse Y a consenti à la S.A.R.L. COGIM un mandat exclusif de vente d’un immeuble lui appartenant en indivision avec sa mère, dont elle se portait fort.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 janvier 2005, la S.A.R.L. COGIM a notifié une offre d’achat aux conditions du mandat à B Y, qui a refusé de passer l’acte authentique malgré sommation, sa mère étant décédée le 6 janvier 2005.

Par acte d’huissier du 5 avril 2005, la SARL COGIM a assigné B A épouse Y devant le tribunal de grande instance de Toulouse en responsabilité et réparation à hauteur de 14.220 €, montant de la commission prévue au mandat.

Par le jugement déféré du 9 octobre 2006, le tribunal a jugé d’une part que B Y avait failli à l’obligation de résultat que comporte la promesse de porte-fort et ne pouvait se prévaloir d’une cause exonératoire, le décès de sa mère n’ayant pas présenté les caractères de la force majeure, mais que le préjudice subi par l’agent immobilier n’était que d’une perte de chance d’obtenir la ratification de l’acte de vente, évaluée à 1% de la rémunération espérée compte tenu du caractère aléatoire du mandat lui-même qu’elle connaissait, d’autre part que l’agent immobilier, professionnel averti, avait failli à son devoir de conseil envers son mandant en lui proposant la formule de la promesse de porte fort qui reportait sur lui le poids d’un aléa qu’elle connaissait, ce qui justifiait une réparation équivalente à celle qui lui était allouée. Le tribunal a par ailleurs jugé qu’il relevait de la seule compétence du juge de l’exécution de prononcer sur la demande de main-levée de la saisie conservatoire, de même que sur celle de dommages et intérêts pour recours abusif à cette mesure.

Aux termes de ses conclusions du 2 avril 2007, la S.A.R.L. COGIM, régulièrement appelante, conclut à la réformation de cette décision et demande à la Cour de condamner B Y au paiement de la somme de 14.220 € et de la débouter de toutes ses demandes.

Elle soutient que le décès de sa mère n’a pas libéré B Y de son engagement mais l’a au contraire renforcé par confusion des qualités sur sa personne, qu’elle a d’ailleurs vendu l’immeuble, que la prétention de l’intimée à un prix plus élevé est dépourvue de fondement, que la signature d’un compromis de vente n’est pas obligatoire et que l’attente de la consultation du fichier des dernières volontés ne justifiait tout au plus qu’un report de la signature de l’acte, que c’est à tort que le tribunal a retenu que la situation présentait un aléa, d’autant moins d’une telle importance, lequel ne s’est d’ailleurs pas réalisé, qu’elle n’a commis aucune faute à l’égard de son mandant qui se fût trouvé dans une situation identique si sa mère avait signé le mandat, que le grief de sous-évaluation du prix n’est pas justifié dans le contexte d’un marché fortement haussier, d’autant moins que B Y était pressée de vendre.

Aux termes de ses conclusions du 7 juin 2007, B A épouse Y conclut à la réformation du jugement déféré et demande à la Cour de juger que le décès de sa mère au eu pour conséquence la fin du mandat conformément aux dispositions de l’article 2003 du code civil, qu’à la date du 28 janvier 2005, le notaire chargé de régler la succession ignorait encore si elle avait rédigé un testament et donc l’existence d’autres héritiers ou légataires. Elle sollicite la confirmation du jugement en ses dispositions retenant la responsabilité de l’agent immobilier et demande à la Cour de juger abusive la saisie conservatoire pratiquée le 17 octobre 2005 par la COGIM et de lui allouer la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts outre les intérêts au taux légal sur la somme saisie jusqu’à sa main-levée.

Elle soutient avoir dès le décès de sa mère prévenu téléphoniquement l’agent immobilier de sa renonciation à vendre, que celui-ci, qui avait refusé de prendre en considération sa demande de réévaluation du prix, s’est précipité de trouver un acquéreur dans le seul but de passer en force et percevoir sa rémunération, que ce n’est que le 16 avril 2005 qu’elle a su qu’elle était seule héritière, que la sous-évaluation du prix de vente est avérée tant par l’expertise officieuse que par le prix qu’elle a obtenu plusieurs mois plus tard lorsqu’elle avait pris une nouvelle décision de vendre.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que le mandat a été souscrit par B Y 'agissant tant pour son compte personnel que pour celui de sa mère, Madame D A, pour le compte de laquelle elle se porte fort, le bien objet du présent mandat leur appartenant en indivision’ ;

Attendu qu’en principe et en vertu des dispositions de l’article 2003 du code civil, le mandat confié par plusieurs mandataires indivis s’éteint par le décès de l’un d’eux lorsque le mandat ne peut pas se diviser ;

mais qu’en l’occurrence, B Y n’avait pas reçu mandat de sa mère pour mettre le bien à la vente, absence que palliait la promesse de porte fort ;

qu’il s’ensuit que sa mère, qui n’avait pas ratifié le mandat, était restée un tiers à celui-ci, et par conséquent que son décès n’a pu éteindre le mandat ;

Attendu que le décès du tiers dont l’intimée se portait fort a fait perdre son objet à l’engagement de porte fort, qui s’est éteint avec l’indivision ;

Attendu que certes, la disparition de l’indivision ne sera avérée que deux mois et demi après la sommation délivrée d’avoir à passer l’acte lorsqu’il sera vérifié que la mère n’avait pas établi de testament, mais outre qu’en principe elle rétroagit, il n’existait alors selon les débats aucun motif d’en douter, B Y étant seule co-indivisaire sur l’immeuble avec sa mère veuve A ;

que l’incertitude de principe qui pouvait alors exister, devant laquelle un notaire se serait assurément et à juste titre incliné pour passer l’acte authentique, ne justifiait pas d’autre mesure que de différer l’engagement et à tout le moins l’acte authentique comme le soutient à juste titre l’appelante, non de le refuser ;

Attendu que l’obligation personnelle de B Y résultant du mandat, qu’elle ne démontre pas avoir révoqué, ce à quoi ne suffit pas l’allégation d’un coup de téléphone, s’est donc maintenue ;

Attendu qu’ayant refusé, de la sorte sans motif légitime, d’honorer son engagement de ratifier une vente avec un acquéreur présenté par le mandataire aux prix, charges et conditions du mandat, elle a engagé sa responsabilité contractuelle ;

que l’agent immobilier qui avait complètement exécuté le mandat en obtenant l’émission d’une offre d’achat aux conditions du mandat, est fondé à lui demander réparation de la perte qu’il a subie du fait du refus illégitime, qui est du montant de la commission stipulée au mandat ;

qu’il doit par conséquent être fait droit à sa demande ;

Attendu que la responsabilité de l’agent immobilier est en vain recherchée ;

que l’engagement de porte fort a été contracté dans un contexte où B Y avait décidé de vendre afin de faire face aux frais que nécessitaient l’âge et l’état de santé de sa mère qui s’était dégradé, ce qui ne permettait pas alors à celle-ci de se déplacer ;

Attendu que l’engagement de porte fort ne présente en pareille situation d’indivision aucun caractère anormal et était au contraire nécessaire à l’efficacité du mandat que B Y entendait établir dès lors que les parties convenaient qu’il ne soit signé que d’un seul co-indivisaire non muni d’un mandat ;

qu’en tout état de cause, ce n’est pas cet engagement qui est générateur de la responsabilité de B A ;

Attendu, quant au prix, que dans le contexte d’un marché extrêmement inflationniste, la sous-évaluation fautive de l’immeuble n’est pas démontrée par une expertise officieuse de six mois postérieure et une vente encore ultérieure pour un montant encore supérieur à l’avis de l’expert, d’autant moins dans le contexte particulier de l’opération litigieuse, initiée en considération d’un besoin urgent de vendre ;

qu’il n’est pas non plus démontré que B Y aurait exprimé auprès de l’agent immobilier la volonté de modifier à la hausse le prix initialement convenu, avant bien sûr l’offre des acquéreurs présentés par le mandataire, et que celui-ci l’aurait refusé ;

que la précipitation fallacieuse invoquée n’est pas démontrée ;

Attendu qu’il suit de ces motifs que les prétentions de l’intimée au caractère abusif de la mesure conservatoire mise en oeuvre par la S.A.R.L. COGIM ne sont pas fondées ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme la décision déférée et, statuant à nouveau,

Condamne B A épouse Y à payer à la S.A.R.L. COGIM la somme de 14.220 € à titre de dommages et intérêts,

Déclare B A épouse Y mal fondée en ses demandes reconventionnelles et l’en déboute,

Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Rejette la demande formée par B A épouse Y'

Condamne B A épouse Y à payer à la SARL COGIM la somme de 1.800 €,

Condamne B A épouse Y aux entiers dépens de l’instance, en ce compris ceux exposés tant en premier ressort qu’en appel, et reconnaît pour ceux d’appel, à la SCP RIVES-PODESTA, avoué qui en a fait la demande, le droit de recouvrement direct prévu à l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

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