Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 5 décembre 2013, 11NT02338, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 3e ch., 5 déc. 2013, n° 11NT02338
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 11NT02338
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 29 juin 2011, N° 08-450
Identifiant Légifrance : CETATEXT000028314056

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 18 août 2011, présentée pour la société Laiterie du Val d’Ancenis, dont le siège est lieu-dit La Noelle à Ancenis (44150), par Me Chevallier, avocat au barreau de Paris ; la société Laiterie du Val d’Ancenis demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 08-450 du tribunal administratif de Nantes du 30 juin 2011 rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du directeur de l’Office national interprofessionnel de l’élevage et de ses productions (ONIEP) en date du 29 novembre 2007 valant titre de recettes portant sur la somme de 4 143,79 euros ;

2°) de prononcer l’annulation de ce titre de recettes ;

3°) de mettre à la charge de l’Office national interprofessionnel de l’élevage et de ses productions, aux droits duquel vient FranceAgriMer, la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

— il y a lieu d’appliquer le délai de prescription de quatre ans prévu par le règlement 2988/95 du 18 décembre 1995, et non la prescription trentenaire prévue par l’article 2262 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur, qui est incompatible avec le principe de proportionnalité, ni celle de cinq années résultant de la loi du 17 juin 2008 ou celle prévue par les dispositions transitoires de l’article 26 de la même loi ; eu égard à la date limite d’utilisation du produit aidé, soit le 30 septembre 2002, la décision de reprise de l’aide datée du 29 novembre 2007 est intervenue tardivement ;

— en estimant que le titre de recettes était suffisamment motivé, les premiers juges ont

omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision du directeur de l’ONIEP était insuffisamment motivée au regard des exigences de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

— contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, la décision contestée est celle du directeur de l’Office de l’élevage la constituant débitrice et non le titre de recettes correspondant, qui n’en constitue qu’une mesure d’application ; cette décision, qui devait être motivée au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, ne l’est ni en fait, ni en droit ; ce moyen n’est pas inopérant ;

— prise en méconnaissance du principe général des droits de la défense, la décision contestée entre dans le champ d’application de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 et ne pouvait légalement intervenir qu’à la suite d’une procédure contradictoire, au cours de laquelle elle devait être mise à même de présenter ses observations ;

— la procédure d’acquisition de la garantie prévue par l’article 29 du règlement n° 2220/85 de la Commission du 22 juillet 1985 n’a pas été immédiatement engagée, en méconnaissance des dispositions de ce règlement ; n’ayant été informée de cet engagement qu’après l’expiration des délais qui lui étaient opposés, elle n’a pas été en mesure d’apporter les preuves requises en temps utile ;

— c’est à tort que l’ONIEP s’est cru en situation de compétence liée pour procéder à l’acquisition de la garantie dans sa totalité, alors que les dispositions des articles 22 et 23 du règlement n° 2220/85 précité conditionnent l’importance de la reprise à plusieurs facteurs, dont notamment le délai dans lequel la preuve de l’accomplissement des obligations du soumissionnaire est apportée, ce qui postule une analyse concrète des données de l’espèce ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2012, présenté pour l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venant aux droits de l’ONIEP, par Me Alibert, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Laiterie du Val d’Ancenis au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

— le moyen tiré de la prescription de la créance doit être écarté par les motifs qu’il a fait valoir au cours du procès de première instance ;

— la décision du directeur de l’ONIEP n’entre pas dans le champ d’application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 et de la loi du 12 avril 2000 ;

— les ordres de reversement, titres de perception et autres états exécutoires doivent uniquement mentionner les bases de la liquidation de la dette en application des dispositions de l’article 81 du décret du 29 décembre 1962, comme c’est le cas en l’espèce ; au demeurant, la décision précise les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ;

— l’ONIEP était tenu de décider le reversement de l’aide indûment perçue après avoir constaté que les conditions posées par la règlementation communautaire avaient été méconnues par la société Laiterie du Val d’Ancenis ; par suite, le moyen tiré de l’absence de procédure contradictoire ou de la violation des droits de la défense est inopérant ;

 – la société ne précise pas en quoi le reversement sollicité serait infondé ;

— l’ONIEP n’était pas tenu d’informer la société requérante du fait que son cocontractant n’avait pas communiqué les preuves requises ; il appartenait à celle-ci de prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter ses engagements ; en particulier, c’est à elle seule qu’il appartenait de s’assurer que l’incorporation des produits aidés dans les produits finaux avait bien eu lieu et que la preuve en avait été transmise à l’ONIEP dans les délais requis ; la société ne peut par ailleurs pas se prévaloir des dispositions des règlements CE n° 2220/85 de la Commission du 22 juillet 1985 et CE n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997, qui prévoient que les autorités nationales compétentes doivent récupérer sans délai les montants indus, dès lors qu’elles n’ont pas pour effet de créer une obligation à la charge des Etats membres envers les adjudicataires et ne visent qu’à protéger les intérêts financiers de l’Union européenne ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 juin 2012, présenté pour la société Laiterie du Val d’Ancenis, qui indique qu’elle n’entend pas répliquer aux écritures de FranceAgriMer ;

Vu le mémoire enregistré le 5 novembre 2013 présenté pour FranceAgriMer, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement CEE n° 2220/85 de la Commission du 22 juillet 1985 fixant les modalités communes d’application du régime des garanties pour les produits agricoles ;

Vu le règlement CE 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes ;

Vu le règlement CE n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 modifié relatif à la vente à prix réduit de beurre et l’octroi d’une aide à la crème, au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires ;

Vu le code civil ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu l’ordonnance n° 2009-325 du 25 mars 2009 relative à la création de l’Agence de services et de paiement et de l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 novembre 2013 :

— le rapport de Mme Specht, premier conseiller ;

— et les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Laiterie du Val d’Ancenis a participé à des adjudications organisées par l’Office national interprofessionnel de l’élevage et de ses productions (ONIEP), en vue de l’octroi d’une aide communautaire pour la vente de beurre concentré destiné à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires, et autres produits alimentaires en application des dispositions du règlement (CE) n° 2571/97 de la Commission du 15 décembre 1997 susvisé ; qu’ayant été déclarée adjudicataire le 14 mai 2002, la société Laiterie du Val d’Ancenis a bénéficié, après avoir constitué une garantie financière, du versement de l’aide correspondante ; qu’au nombre des conditions auxquelles était subordonné l’octroi de l’aide figurait l’obligation d’apporter la preuve de l’incorporation du beurre dans le produit final dans les délais réglementaires ; que l’ONIEP, auquel l’Etablissement public national de produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) s’est substitué en application de l’ordonnance susvisée du 25 mars 2009, estimant que cette obligation n’avait pas été respectée pour une partie de la production concernée, a demandé à la société Laiterie du Val d’Ancenis, par une décision du 29 novembre 2007 valant titre de recettes, le remboursement de l’aide perçue à concurrence de la somme de 4 143,79 euros ; que la société Laiterie du Val d’Ancenis interjette appel du jugement du 30 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 11 du règlement CE 2571/97 du 15 décembre 1997 susvisé: « Les produits visés à l’article 1er sont utilisés et incorporés dans les produits finaux de la communauté dans un délai de quatre mois suivant le mois de l’expiration du délai pour la présentation des offres relatives à l’adjudication particulière fixé à l’article 14 paragraphe 2 » ; qu’aux termes de l’article 12 : « l’adjudicataire doit prévoir dans chaque contrat de vente : (…) iii) l’obligation d’incorporation dans les produits finaux (…) » ; qu’aux termes de l’article 18 de ce règlement : " (…) 2. (…) La garantie de transformation est destinée à assurer l’exécution des exigences principales concernant : a) soit, s’agissant du beurre provenant de l’intervention : i) la transformation du beurre en beurre concentré conformément à l’article 5 et l’addition éventuelle des traceurs ou l’addition au beurre des traceurs et ii) l’incorporation du beurre ou du beurre concentré additionnés ou non des traceurs dans les produits finaux ; b) soit, s’agissant des produits visés à l’article 1er paragraphe 2 et en cas d’application de l’article 3 point a), l’incorporation dans les produits finaux. / 3. Les preuves nécessaires pour obtenir la libération des garanties de transformation visées au paragraphe 2 doivent être présentées à l’autorité compétente désignée par l’Etat membre où la garantie est constituée, dans un délai de douze mois à partir de l’expiration du délai prévu à l’article 11. / (…) » ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 1er du règlement CE 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes : « 1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire. / 2. Est constitutive d’une irrégularité toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue. » ; qu’aux termes de l’article 3 de ce règlement : « 1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l’irrégularité visée à l’article 1er paragraphe 1. (…). 3. Les États membres conservent la possibilité d’appliquer un délai plus long que celui prévu respectivement au paragraphe 1 et au paragraphe 2. » ; qu’enfin aux termes de l’article 2262 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur : « Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans » ;

4. Considérant que, ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 5 mai 2011 Ze Fu Fleischhandel GmbH et Vion Trading GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas (affaires jointes C-201/10 et C-202/10), s’agissant des restitutions à l’exportation, si les Etats membres ont la possibilité, en application de l’article 3, paragraphe 3, du règlement 2988/95 précité, de fixer un délai de prescription plus long que le délai communautaire de quatre ans, le principe de proportionnalité s’oppose à une prescription d’une durée de trente ans s’agissant des procédures relatives aux remboursements de fonds indûment perçus ; que la Cour a dit pour droit dans le même arrêt que le principe de sécurité juridique s’opposait à ce qu’un délai de prescription « plus long » au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement 2988/95 puisse résulter d’un délai de prescription de droit commun trentenaire réduit par la voie jurisprudentielle pour que ce dernier satisfasse dans son application au principe de proportionnalité ; que, dans ces conditions, à défaut d’une réglementation nationale spécifique légalement applicable aux faits de la cause et prévoyant un délai de prescription plus long, l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2988/95, qui prévoit un délai de prescription de quatre ans et demeure directement applicable dans les Etats membres, a vocation à s’appliquer aux actions des organismes d’intervention agricole lorsqu’ils appréhendent une garantie, compte tenu du non-respect de ses obligations par un opérateur économique ;

5. Considérant que la non-production, dans le délai de douze mois à compter de la date limite d’utilisation du beurre prévu au paragraphe 3 précité de l’article 18 du règlement CE 2571/97 du 15 décembre 1997, des documents permettant d’apporter la preuve de l’incorporation du beurre dans un produit final pour lequel ce beurre a été fabriqué et vendu, alors qu’une aide a été perçue en vue de cette incorporation, s’analyse comme une violation des articles 11, 12 et 18 précités du règlement CE 2571/97 de la commission du 15 décembre 1997 ; que cette violation a eu pour effet de provoquer une « dépense indue », au sens du 2. de l’article 1er du règlement 2988/95 précité, dans le budget de la Communauté en libérant la garantie de transformation alors que les exigences principales concernant l’incorporation des produits finaux n’étaient pas respectées ; qu’elle est donc constitutive d’une irrégularité au sens des dispositions précitées justifiant l’appréhension de la garantie de transformation constituée par la société adjudicatrice ; que le délai de prescription des poursuites court à compter de la réalisation de cette irrégularité ;

6. Considérant qu’il est constant que la date limite d’incorporation du beurre dans un produit final était en l’espèce le 30 septembre 2002 et que, par suite, le délai dont disposait la société requérante pour présenter les preuves de cette incorporation expirait, en vertu des stipulations précitées de l’article 18 du règlement 2571/97, le 30 septembre 2003 ; qu’il s’ensuit que lorsque l’ONIEP a, le 29 novembre 2007, pris la décision contestée, il s’était écoulé plus de quatre ans depuis la réalisation de l’irrégularité constituée par le défaut de production des preuves ; que, dès lors, la prescription était acquise ;

7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Laiterie du Val d’Ancenis est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du directeur de l’ONIEP en date du 29 novembre 2007 valant titre de recettes portant sur la somme de 4 143,79 euros ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Laiterie du Val d’Ancenis la somme que demande FranceAgriMer au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme que la société demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 08-450 du 30 juin 2011 du tribunal administratif de Nantes et la décision du directeur de l’ONIEP en date du 29 novembre 2007 valant titre de recettes n° 421615 portant sur la somme de 4 143,79 euros sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Laiterie du Val d’Ancenis est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de FranceAgriMer tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Laiterie du Val d’Ancenis et à l’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer).


Délibéré après l’audience du 14 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

— M. Coiffet, président,

 – Mme Specht, premier conseiller,

 – M. Lemoine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2013.

Le rapporteur,

F. SPECHT Le président,

O. COIFFET

Le greffier,

C. GUÉZO


La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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