Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 mai 2019, 17-16.675, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COMM.

CM

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 7 mai 2019

Cassation partielle

Mme RIFFAULT-SILK, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 420 F-D

Pourvoi n° B 17-16.675

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. W… Y…, domicilié […] ,

contre l’arrêt rendu le 2 mars 2017 par la cour d’appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société D… initiatives, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , venant aux droits de la société financière V… D…,

2°/ à la société V… D… investissement , société par actions simplifiée, dont le siège est […] , anciennement dénommée SAT Immobilier,

défenderesses à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 26 mars 2019, où étaient présents : Mme Riffault-Silk, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Orsini, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. Y…, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat des sociétés D… initiatives et V… D… investissement, l’avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième et cinquième branches :

Vu l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que le 23 novembre 2006, M. Y… a cédé son fonds de commerce à la société Aquasolo Systems (la société Aquasolo), créée à cet effet, au capital de laquelle il est entré avec d’autres investisseurs, parmi lesquels la société Financière V… D… (la société FND), aux droits de laquelle vient la société D… initiatives et la société SAT Immobilier, depuis dénommée V… D… investissement (la société NDI) ; qu’à la même date, un pacte d’associés a été signé entre, d’un côté, la société FND et la société NDI, qualifiées de « groupe majoritaire » et, de l’autre, des personnes physiques, dont M. Y… ; que les 22 et 28 décembre 2006, un avenant a complété ce pacte, en précisant que les parties s’engageaient à ce que M. Y… conserve une participation d’au moins 25 % dans le capital de la société Aquasolo jusqu’à sa sortie du capital de cette société, notamment par l’exercice des promesses d’achat et de vente de ses titres prévues dans le pacte, la première pouvant être levée par M. Y… entre le 1er juillet et le 30 septembre 2009 et la seconde, par le groupe majoritaire, entre le 1er octobre et le 31 décembre 2009 ; que le 13 octobre 2009, la société FND a résilié le pacte d’associés avec effet au 15 décembre 2009 ; que le 7 décembre 2009, la société Aquasolo a informé M. Y… de la réduction à zéro du capital social par annulation de la totalité des actions suivie d’une augmentation du capital par émission d’actions nouvelles, à laquelle M. Y… n’a pas souscrit ; que, considérant que l’opération de réduction à zéro du capital de la société Aquasolo, suivie de son augmentation, caractérisait la violation de la clause de non-dilution contenue dans le pacte d’actionnaires ainsi qu’un abus de majorité, M. Y… a assigné, le 5 janvier 2010, notamment, la société FND et la société NDI en réparation de son préjudice ;

Attendu que pour rejeter les demandes de M. Y…, l’arrêt retient qu’il n’est pas discuté que la société Aquasolo allait se trouver à l’échéance du 31 décembre 2009 en état de cessation des paiements et relève que la consommation de l’intégralité de ses fonds propres supposait un choix entre la déclaration à brève échéance de la cessation de paiement ou le placement immédiat sous le régime de la sauvegarde, le concours d’apports des actionnaires refusé par M. Y… ou par l’intermédiaire d’une augmentation du capital ou, enfin, la réalisation d’un coup d’accordéon pour mettre à néant l’endettement et disposer à nouveau de fonds propres ; qu’il retient encore que les capitaux propres de la société étaient descendus au jour de la réduction du capital à un niveau inférieur à la moitié du capital social, obligeant la société à prendre les mesures nécessaires, que la lettre du pacte d’associés protégeait uniquement M. Y… d’une dilution, et qu’il ne peut se prévaloir de ce pacte qui ne lui interdisait pas de souscrire préférentiellement à l’augmentation de capital ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de la clause de non-dilution, encore applicable selon ses constatations, que M. Y… ne pouvait voir sa participation dans le capital de la société Aquasolo réduite en dessous du seuil de 25% avant sa sortie de la société dans les conditions prévues par le pacte d’associés, de sorte qu’en approuvant, le 7 décembre 2009, la réduction du capital à zéro qui mettait fin à sa participation au capital de la société du fait de l’annulation consécutive de ses actions, sans avoir mis en oeuvre, au préalable, la sortie de M. Y… du capital de la société Aquasolo, par l’exécution, au prix fixé par le pacte, de la promesse de vente en vigueur à cette date, le groupe majoritaire avait méconnu l’obligation conventionnelle de non-dilution, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen, pris en sa septième branche :

Vu l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016,

Attendu que pour rejeter la demande de M. Y…, l’arrêt retient qu’il ne peut se prévaloir d’un préjudice résultant de la faute commise par ses cocontractants dans l’irrespect de la clause de non-dilution, la valeur de ses parts étant nulle durant la période ouverte pour la promesse d’achat au profit du groupe majoritaire ;

Qu’en statuant ainsi, sans prendre en compte la valeur des parts qui avait été conventionnellement fixée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que il rejette le moyen de défense de M. Y… tendant à l’annulation de l’expertise judiciaire et dit n’y avoir lieu à exclure des débats les pièces 18,19,23,26 et 33 produites par les S.A.S D… initiatives et V… D… investissements, l’arrêt rendu le 2 mars 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société D… initiatives et la société V… D… investissement aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. Y… la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. Y…

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement rendu le 16 mai 2011 par le Tribunal de commerce de Lyon ayant débouté M. Y… de sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés D… Initiatives et V… D… Investissements au paiement de la somme de 2 029 500 euros, outre les intérêts légaux ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur la résiliation opposée par la FND ; [

] ;

la clause de non dilution prévue dans l’avenant est libellée ainsi : « Les Parties s’engagent à ce que Monsieur W… Y… conserve une participation a minima de 25% dans le capital de la société Aquasolo Systems jusqu’à sa sortie du capital de la société, notamment par l’exercice des promesses d’achat et de vente prévue au III du Pacte, ou jusqu’à mise en oeuvre de la clause prévue ci-après intitulée »cession d’Actions par l’un des associés"" ; que l’opération de réduction du capital social de la société Aquasolo a été décidée dès le 7 décembre 2009 et la résiliation a été considérée par la société FND comme devant être effective le 15 décembre suivant ; que cette opération a, à elle-seule, remis en cause la participation de W… Y… en deçà des 25% alors toujours contractuels, alors qu’à cette date, il n’était susceptible de bénéficier du pacte que par la réalisation de sa promesse de vente ; qu’il n’est ainsi pas besoin de déterminer si l’une quelconque des parties était susceptible d’être fondée à mettre fin au pacte, dès lors que le préjudice argué par l’appelant est survenu au cours de son exécution et ne concerne que la valeur de ses actions ;

Sur les fautes opposées par W… Y… : que W… Y… n’est pas contredit lorsqu’il situe l’évènement déclencheur du préjudice qu’il invoque au moment de l’opération de réduction à néant du capital social, entraînant la suppression de sa participation dans la société ; qu’il stigmatise particulièrement les fautes commises par les dirigeants de la société Aquasolo qui lui auraient interdit de bénéficier de la promesse d’achat souscrite par le Groupe Majoritaire et auraient privé de toute valeur ses actions ; que le pacte d’associés a prévu en son « II Fonctionnement et direction de la Société » que W… Y… était prévu pour être l’un des deux Directeurs Généraux et qu’il soit « plus particulièrement chargé de la bonne transmission du Fonds tant vis-à-vis des clients que des fournisseurs et notamment des sous-traitants. Il sera également chargé de toutes améliorations techniques des fabrications, de l’amélioration et du bon suivi des brevets compris dans le Fonds en collaboration avec les conseils de la Société ainsi qu’au développement de nouveaux produits dans le domaine d’activité du Fonds » ; qu’étaient également stipulées les conditions dégressives de sa rémunération brute pour le seules années 2007 et 2008 ; que l’adhésion de W… Y… au projet industriel nourri par le Groupe Majoritaire, au regard même de ce qu’il est demeuré uniquement actionnaire à 25% et soumis aux décisions du Président et de l’autre Directeur Général « plus particulièrement chargé de définir les orientations stratégiques de l’entreprise et du développement commercial tant en France qu’à l’étranger » l’a soumis à ses aléas, sans qu’il puisse mettre en avant une quelconque obligation dudit Groupe Majoritaire dans la réalisation des business plans alors échafaudés ; que cette acceptation naturelle du risque industriel a d’ailleurs conduit la cour dans son précédent arrêt à demander aux experts judiciaires de ne dresser que la liste des « irrégularités ou dysfonctionnements de gestion patents » et non de s’attacher, comme l’a cru l’appelant, à une analyse de la pertinence des actes normaux de gouvernance ; que les « résultats calamiteux »mis en avant par W… Y… ne sont nullement affirmés comme consécutifs à une volonté délibérée du Groupe Majoritaire de ne pas rentabiliser son investissement initial, mais sont systématiquement liés à une incapacité de la nouvelle équipe à concrétiser ses « business plans » ; que l’exécution de mauvaise foi du pacte d’associés d’abord opposée aux sociétés intimées, au regard de ce que la gestion courante n’a pas été assumée au quotidien par elles, mais par des personnes physiques, ne lui permet que de stigmatiser un comportement délibéré de ses cocontractants ; qu’il appartient à W… Y… d’en rapporter la preuve en ce qu’ils devaient conduire à ce qu’il soit privé finalement de la valeur totale des actions souscrites à hauteur de 1 500 000 € ; que les dispositions des articles 1240 et 1214 anciens du code civil ne concernent que les modalités du paiement et sont inopérantes à appuyer l’appelant dans sa recherche de la responsabilité de ses adversaires au titre d’actes de gestion ; que l’absence de respect de la clause de non dilution inhérente à une réduction du capital intervenue alors que W… Y… s’opposait à souscrire à l’opération suivante d’augmentation de capital, doit s’analyser en ses conséquences réelles sur la valeur des actions détenues par lui ; qu’il n’est pas besoin de rentrer dans la discussion stérile entre les parties sur le prix de 15 000 000 € payé à W… Y… pour l’acquisition de l’activité comme sur la valorisation alors faite des brevets et clientèle, qui découlent manifestement de prévisions effectuées par le Groupe Majoritaire acquéreur, alors que ce dernier y a adhéré en investissant au capital de la nouvelle structure ; que trois points principaux opposent les parties sur le respect de l’esprit du pacte d’associés qui était de « garantir une possibilité de sortie du capital de Monsieur W… Y… à échéance de l’année 2009 » et de "conserver à Monsieur Y… la participation de 25% (

) jusqu’à sa sortie de la société", comme sur l’application de l’orthodoxie comptable dans la présentation des comptes de la société Aquasolo :

— le rythme et la méthode d’amortissement des brevets acquis en 2006,

— l’effective disposition d’une extension de brevet pour les USA, adossée aux prévisions et éventuelle réalisation de marchés pour ce territoire,

— la provision exceptionnelle pour dépréciation de la clientèle du fait de la rupture du contrat de distribution exclusive avec la société Gysel ;

que, cependant, la situation financière de la société Aquasolo au jour de la réduction de capital discutée, doit surtout être prise en compte, comme élément déterminant de la survie de l’entreprise, la discorde entre les parties sur les points susvisés ne portant que sur les équilibres du bilan conditionnant seulement en partie la valeur des actions détenues par les actionnaires ; que la société Aquasolo a connu au cours des exercices 2007 à 2009 des résultats déficitaires, K… O… indiquant dans sa note du 23 janvier 2013 (pièce 54 de W… Y…) qu’après neutralisation des amortissements de brevets estimés non conformes au business plan comme de la dépréciation de la clientèle, les résultats devaient être recalculés ainsi :

—  2007 – 540.515 €

—  2008 – 492.714 €

—  2009 – 1.181.330 € ;

qu’il n’est pas discuté par l’appelant que la société Aquasolo allait se trouver à l’échéance du 31 décembre 2009 en état de cessation des paiements, car devenant exigibles à cette date deux annuités du prêt de 10 000 000 € souscrit pour financer l’acquisition du fonds, payable en 6 annuités, auprès du Crédit Lyonnais ; qu’il résulte des chiffres compilés par E… H… (pièce 8 des intimés) que la société Aquasolo a connu une trésorerie négative de 310 000 € au 30 septembre 2009 et une trésorerie provisionnelle négative au 31 décembre 2009 de 2 848 000 € du fait de l’échéance d’emprunt de 2 000 000 € au 31 décembre 2009 au profit du Crédit Lyonnais ; que les experts judiciaires, non contestés sur ce point, font état d’une trésorerie négative de 1 353 000 € avant couverture de cette échéance ; qu’il appartenait alors à ses dirigeants et/ou à ses actionnaires de prendre rapidement les mesures nécessaires, inhérentes uniquement à cette déconfiture prochaine, eu égard à l’absence non contestée de possibilité de mobiliser des concours bancaires, le Crédit Lyonnais ayant déjà consenti à passer en solde débiteur la première annuité du prêt à échéance au 31 décembre 2007 ; que la consommation de l’intégralité des fonds propres, non contestée par l’appelant, supposait que l’entreprise opte entre plusieurs solutions :

— déclarer à brève échéance, dès le 31 décembre 2009, son état de cessation des paiements, ou se placer immédiatement sous le régime de la sauvegarde,

— susciter des apports par les actionnaires ou par l’intermédiaire d’une augmentation du capital,

— procéder à un « coup d’accordéon » pour mettre à néant l’endettement et disposer à nouveau de fonds propres ;

que la première solution conduisait à interdire à W… Y… de se prévaloir d’une sortie du capital dans le cours de la procédure collective, la seconde nécessitant pour l’augmentation du capital qu’il apporte de nouveaux fonds pour maintenir son niveau de participation, ce qu’il a expressément refusé, ou consente expressément à sa diminution ; que la lettre du pacte d’associés, obligeant toutes les parties à cette non dilution, n’est en rien discordante de son esprit qui protégeait uniquement W… Y… d’une dilution ; que l’appelant ne tente pas d’affirmer qu’il ait revendiqué depuis le 1er octobre 2009 la mobilisation de la promesse d’achat souscrite par le Groupe Majoritaire, alors que selon les propres calculs qu’il met en avant, il aurait été susceptible de percevoir 2 029 500 €, manifestant ainsi sa pleine conscience des difficultés financières de la société Aquasolo ; qu’il n’indique pas plus que lui-même et/ou les autres actionnaires de la société Aquasolo se soient trouvés en capacité ou aient fait le choix économique de réaliser des apports en compte courant pour renflouer la trésorerie ; qu’en l’état de la position de W… Y…, logique au regard de sa volonté de quitter comme prévu le capital à la fin de l’année 2009, de ne pas consentir à participer à son augmentation, seule la technique comptable appliquée par le Groupe Majoritaire demeurait envisageable ; que, malgré la désignation d’un collège d’experts par cette cour, aucune convergence ne se fait jour sur la méthode commune de détermination de la valeur de la société au jour de la réduction du capital, la situation désastreuse de la trésorerie et de l’endettement bancaire interdisant de retenir la position exprimée par les parties, comme reposant en grande partie sur des postulats artificiels ; qu’il résulte du rapport exhaustif fait par E… X… des règles de l’orthodoxie comptable contenues dans sa note du 31 juillet 2013 (pièce 37 des intimés) comme de celui fait par les experts judiciaires, que le mécanisme d’amortissement des brevets Aquasolo et Kit Irrig n’y est en rien contraire ; que la discussion devant les experts judiciaires ayant particulièrement porté sur la question de l’opportunité d’un amortissement accéléré de ces brevets, l’analyse opérée sur la base des résultats mêmes de l’action commerciale au cours des années 2007 à 2009 conduit à devoir retenir comme nécessaire l’adaptation de cette valorisation des brevets à l’effectivité de leur profitabilité, étant à souligner comme plusieurs professionnels du chiffre étant intervenus dans ce litige le rappellent, que les provisions pour dépréciation ne sont pas irréversibles ; que le postulat d’une réalisation des prévisionnels, amenant certains de ces professionnels à opérer une reconstitution idéale des résultats espérés d’une entreprise, ne peut avoir de pertinence, en ce que seule la réalité comptable s’impose à une entreprise et à ses décideurs ; que, s’agissant de la demande d’extension aux USA du brevet Aquasolo, il résulte des éléments versés aux débats et notamment des écrits du cabinet spécialiste Germain & Maureau (notamment pièces 38 et 51 des sociétés intimées) qu’elle a été émaillée d’échecs jusqu’en juillet 2009, amenant la société Aquasolo à décider de se contenter d’une demande d’extension nouvelle déposée le 27 août 2009 et obtenue le 30 mars 2010, après un avis le 4 novembre 2009 d’un « champ de protection très restreint » par rapport aux revendications initiales, les concurrents peuvent pénétrer le marché en proposant des dispositifs relativement proches aux yeux des consommateurs" ; que cette incertitude a poussé immanquablement l’acquéreur à relativiser la durée d’amortissement d’un brevet, alors que les prévisionnels établis accordaient une importance cruciale au développement à l’international et notamment outre atlantique ; qu’il n’est pas discuté que le marché américain n’avait pas été pénétré par l’entreprise jusqu’alors, ni même que cette démarche nécessitait des investissements importants au regard d’une incertitude sur leur retour, compte tenu de l’existence d’un brevet concurrent à l’origine de l’échec de la première procédure d’enregistrement ; que l’insuccès relatif du produit sur des marchés où il disposait d’une protection effective rendait pertinente une dévalorisation du brevet « sur partie USA » à hauteur de 50% ; qu’en l’état de cette réalité des marchés effectivement conquis et des contours du fonctionnement de la société Aquasolo, dont les résultats ont été ci-dessus décrits, la dépréciation comptabilisée dans les comptes de cette société doit être considérée comme raisonnable et n’est pas établie par l’appelant comme manifestant une volonté délibérée de structurer le bilan pour le priver de son investissement ; que, s’agissant enfin de la provision exceptionnelle pour dépréciation de la clientèle du fait de la rupture du contrat de distribution exclusive avec la société Gysel, la discussion entre les parties ne porte pas plus sur un comportement délibéré du Groupe Majoritaire de mettre fin aux relations contractuelles, alors qu’il n’est pas contesté que ce distributeur exclusif connaissait alors ses propres difficultés, l’intervention d’une procédure collective à son profit dès avant l’échéance de la rupture en constituant un signe ; que les compte sociaux ont été approuvés par le Commissaire aux Comptes dont l’attention était légalement attirée sur ces modalités d’amortissement des brevets ; que lors de la cession de l’entreprise à la société Aquasolo, la clientèle constituée quasi intégralement de ce contrat de distribution exclusive avait été valorisée à 460 000 € ; que I… U… et J… N… ont d’ailleurs retenu la position de W… Y… sur l’absence de pertinence de la position adverse d’une perte totale de cette clientèle, mais relatent les démarches ensuite avérées nécessaires pour initier d’autres contrats de distribution, et la nécessité de la sincérité comptable qui devait pousser la société à dévaloriser au moins temporairement cet élément de son actif ; que l’ampleur de cette dévalorisation est en tout état de cause sans incidence significative sur le fait que les capitaux propres étaient descendus au jour de la réduction du capital à un niveau inférieur à la moitié, obligeant l’entreprise soit à prendre les mesures nécessaires pour y remédier immédiatement, soit à publier cet évènement et à subir les foudres d’une clause résolutoire incluse dans le contrat de prêt signé avec le Crédit Agricole (lire Crédit Lyonnais), surtout en l’état de l’encours de la totalité des annuités à échéance au 31 décembre 2009 ; qu’en tout état de cause, W… Y… ne tente pas d’établir que le Groupe Majoritaire, qui n’est pas contesté en ce qu’il affirme avoir investi au total 25 000 000 € dans cette activité pour la revendre en 2014 pour 40 001 €, ait délibérément choisi de faire de telles dépenses pour espérer l’évincer, alors que son espoir maximum de gain dépassait de peu les 6 000 000 € ; qu’en l’état de cette dévalorisation quasi-totale de la société, de son état de cessation des paiements inéluctable à brève échéance, l’appelant ne peut se prévaloir d’un préjudice résultant de la faute commise par ses cocontractants dans l’irrespect de la clause de non dilution, la valeur de ses parts étant nulle, comme il le reconnait d’ailleurs durant la période ouverte pour la promesse d’achat par le Groupe Majoritaire ; qu’aucune fraude ou aucun abus de majorité ne peut ainsi s’évincer d’une opération dite de coup d’accordéon en l’état de ce qui vient d’être rappelé, alors que W… Y… ne peut se prévaloir du pacte d’associés qui ne lui interdisait pas de souscrire au droit préférentiel de participation à l’augmentation de capital ; que les contraintes économiques légales et comptables induisaient le choix de la réalisation de cette opération dont il n’est pas contesté qu’elle a permis d’éviter l’ouverture d’une procédure collective ; que surtout, une telle faute délictuelle, arguée par l’appelant sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil, supposerait qu’il caractérise un préjudice qui lui soit lié, alors qu’il vient d’être retenu que tel n’est pas le cas ; qu’il convient en conséquence de confirmer, pour le surplus, le jugement entrepris pour les motifs qui viennent d’être pris » ;

ET AUX MOTIFS, EVENTUELLEMENT ADOPTES, QUE « M. W… Y…, M. R… L…, la société Financière V… D…, la société SAT Immobilier, devenue V… D… Investissements ; M. Q… F… et M. R… D…, tous associés dans la société Aquasolo System (ci-après « Aquasolo »), ont signé le 23 novembre 2006 un pacte d’associés ; que l’objectif de ce pacte était de :

— préciser, pour le financement de l’acquisition du fonds de commerce de M. Y…, l’évolution de la structure du capital ;

— préciser le fonctionnement de la société au niveau de sa direction et la mise en place du Comité de surveillance ;

— garantir une possibilité de sortie de M. Y… à l’échéance de l’année 2009 ;

— garantir à M. Y… ainsi qu’aux autres soussignés personnes physiques, associés minoritaires, autres que les sociétés Financière V… D… et SAT Immobilier, « Groupe Majoritaire » une cession de leurs actions à des conditions équivalentes à celles du Groupe Majoritaire ;

que ce même pacte a prévu la possibilité de sortie du capital de M. Y… par d’une part une promesse d’achat consentie par le Groupe Majoritaire à lever par lui pendant une période allant du 01/07/2009 au 30/09/2009 avec un mode d’évaluation bien défini, d’autre part une promesse de vente consentie par M. Y… à lever par la société Financière V… D… du 01/10/2009 au 31/12/2009, avec un autre mode d’évaluation également bien défini ; que les associés ont complété ce pacte par un avenant du 22 et 28 décembre 2006, étant précisé que les 6 associés, signataires du pacte et de l’avenant, sont désignés ensemble comme « les Parties » ; que ledit avenant indique clairement que l’esprit des « Parties » est de conserver à M. Y… la participation de 25% qu’il détient dans le capital de Aquasolo jusqu’à sa sortie de ladite société ; que, dans cet avenant, la clause de non dilution stipule que « les Parties » s’engagent à ce que M. Y… conserve une participation à minima de 25% dans le capital de Aquasolo jusqu’à sa sortie du capital de ladite société, notamment par l’exercice des promesses d’achat et de vente prévue au III du pacte ; qu’il ressort donc clairement qu’à la signature du pacte et de l’avenant, l’esprit de toutes les « Parties », y compris de M. Y…, était qu’il conserve sa participation de 25% dans le capital de la société Aquasolo jusqu’à sa sortie du capital de ladite société ; [

] ; que ce pacte, ainsi que l’avenant qui l’a complété a été signé pour entrer en vigueur dès la signature par les soussignés et, sauf décision contraire de toutes les parties, est prévu pour durer jusqu’à la radiation du RCS ou tant qu’un membre du Groupe Majoritaire reste associé de la société ; [

] ; qu’il importe peu que ce pacte ait prévu, tant dans le pacte lui-même du 23 novembre 2006 que dans son avenant des 22 et 28 décembre 2006, la possibilité de sortie de M. Y… du capital de la société Aquasolo, par une promesse d’achat consentie par le Groupe Majoritaire, à lever du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009, ou par une promesse de vente consentie par M. Y… au Groupe Majoritaire à lever du 1er octobre 2009 au 31 décembre 2009 ; que ces deux promesses, d’achat et de vente, ne constituaient qu’une possibilité, tant pour M. Y… que pour le Groupe Majoritaire, et non une obligation ; [

] ; que, à supposer qu’une distinction soit possible entre la durée d’un contrat et la durée des obligations qui doivent être exécutées pendant la durée du contrat, les échéances prévues pour la promesse d’achat ou la promesse de vente ne concernent qu’une possibilité, et non une obligation ; [

] ; que dès le 23 novembre 2009, M. Y… a reçu l’ordre du jour d’une consultation par correspondance sur :

— la réduction sous réserve de l’approbation de l’augmentation de capital ci-après proposée, du capital d’une somme de 6 000 000 € pour le ramener à zéro ;

— augmentation de capital social pour le porter à 4 000 000 €

— augmentation de capital réservé aux adhérents d’un plan d’épargne entreprise ;

lettre accompagnée du rapport du président sur les propositions soumises au vote, du rapport du commissaire aux comptes, du rapport établi par le cabinet Mazard sur la valeur prévisionnelle de Aquasolo au 31/12/2009, du texte des résolutions proposées et du texte des résolutions servant de bulletin de vote, à retourner dûment complété, signé et daté

au plus tard huit jours après réception de la présente lettre ; que M. Y… ne conteste pas avoir reçu cette consultation ; qu’un PV de cette consultation a été établi en date du 7 décembre 2009 par le président de la société Aquasolo ; que, dès le 7 décembre 2009, la société Aquasolo a informé M. Y… que, suite à la réduction à zéro du capital social par annulation de la totalité des actions, elle procédait dans le cadre d’une augmentation de capital de 4 000 000 € à l’émission de 400 000 actions nouvelles, chaque associé bénéficiant d’un droit de souscription irréductible à raison de 2 actions nouvelles pour 3 actions anciennes

et que la souscription était ouverte du 15 décembre 2009 au 22 décembre 2009, ce droit de souscription irréductible devant être exercé pendant ce délai, à peine de déchéance ; que M. Y… ne conteste pas avoir reçu cette consultation ; qu’avec la réduction à zéro du capital de la société Aquasolo, M. Y…, avec son droit de souscription irréductible avait la possibilité de conserver sa participation, à hauteur de 25%, dans le capital, à souscrire, de la société Aquasolo et souscrivant à l’augmentation de capital proposé ; que si M. Y… n’a pas souscrit à cette augmentation de capital, c’est de sa propre décision et qu’il est mal venu de reprocher au Groupe Majoritaire le non-respect de la clause de non dilution, puisque c’est la conséquence de sa seule décision ; que, comme il a été dit ci-dessus, la volonté des Parties, dont M. Y…, était de conserver à M. Y… sa participation de 25% dans le capital de la société Aquasolo et qu’en ne souscrivant pas à l’augmentation de capital, M. Y… n’a pas respecté l’esprit des parties et donc l’esprit du pacte ; qu’il importe peu que M. Y… ait contesté avant la résiliation les modalités de reconstitution des fonds propres de la société Aquasolo, puisque le 7 décembre 2009, le PV du Président de la société Aquasolo constatant le résultat de la consultation du 23 novembre 2009 et indiquant que les résolution relatives à la réduction du capital à zéro et l’augmentation de capital de 4 000 000 avaient été adoptées à la majorité requise pour chacune d’elles ; que c’est donc M. Y… qui, obligé comme toutes les Parties à cette condition, a empêché l’accomplissement de la clause de non dilution ; que M. Y… avait la possibilité de souscrire après même le 15 décembre 2009, date d’effet de la résiliation signifiée le 13 octobre 2009 par la société V… D… Investissements à M. Y… ; que ce dernier est donc également mal venu de reprocher au Groupe Majoritaire de n’avoir pas respecté le préavis qu’il avait lui-même fixé au 15 décembre 2009 » ;

1°/ ALORS QU’aux termes de la clause de non dilution stipulée dans l’avenant des 22 et 28 décembre 2006 au pacte d’associés du 23 novembre 2006, les parties s’étaient engagées à ce que M. Y… conserve une participation a minima de 25% dans le capital de la société Aquasolo jusqu’à sa sortie du capital de ladite société ; qu’aux termes de l’article III du pacte d’associés, auquel renvoyait la clause susmentionnée, les parties avaient défini les modalités de cette sortie au moyen d’une promesse d’achat consentie par le Groupe Majoritaire du 1er juillet au 30 septembre 2009 et d’une promesse de vente consentie par M. Y… du 1er octobre au 31 décembre 2009 ; qu’ainsi, jusqu’au 31 décembre 2009, M. Y… ne pouvait voir sa participation dans le capital de la société Aquasolo réduite en dessous du seuil de 25 % avant sa sortie de la société dans les conditions prévues par le pacte d’associés ; qu’en procédant, le 7 décembre 2009, à une réduction à zéro du capital de la société Aquasolo, sans avoir au préalable mis en oeuvre la sortie de M. Y… du capital social de la société aux conditions conventionnellement prévues, ce qui leur était possible par la mise en oeuvre de la promesse de vente depuis le 1er octobre 2009, les sociétés du Groupe Majoritaire ont méconnu l’obligation de non dilution engageant ainsi leur responsabilité contractuelle ; qu’en déboutant M. Y… de son action en responsabilité à ce titre, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause ;

2°/ ALORS QUE la circonstance que la levée de la promesse de vente consentie par M. Y… au profit du Groupe Majoritaire était facultative n’était pas de nature à justifier la régularité de la réduction à zéro du capital de la société Aquasolo votée par le Groupe Majoritaire avant la sortie de M. Y… du capital social de cette société ; qu’en se fondant sur un tel motif inopérant, pour exclure le caractère fautif de cette opération, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause ;

3°/ ALORS QUE sauf cas de force majeure, tout manquement contractuel engage la responsabilité de son auteur ; que la force majeure suppose, en matière contractuelle, la survenance d’un évènement imprévisible et irrésistible ; qu’en affirmant, pour exclure la responsabilité du Groupe Majoritaire à raison de la réduction du capital à zéro de la société Aquasolo, que ce choix avait été induit par « des contraintes économiques, légales et comptable », sans constater que de telles circonstances étaient revêtues des caractères de la force majeure, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause ;

4°/ ALORS QUE l’efficacité économique du choix opéré par une partie en méconnaissance d’une obligation contractuelle ne constitue pas une cause exonératoire de responsabilité ; qu’en affirmant que la réduction de capital à zéro de la société Aquasolo réalisée par le Groupe Majoritaire dans le cadre d’un « coup d’accordéon » avait permis d’éviter l’ouverture d’une procédure collective, la cour d’appel a statué par un motif impropre à exclure la responsabilité du Groupe Majoritaire à raison du manquement à son obligation contractuelle de non dilution et a violé l’article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause ;

5°/ ALORS QUE la clause de non dilution ne prévoyait aucune obligation, à la charge de M. Y…, de souscrire à une augmentation de capital de la société Aquasolo ; qu’ainsi, le refus opposé par M. Y…, postérieurement à la réduction à zéro du capital social de la société Aquasolo à l’initiative du Groupe Majoritaire, de procéder à la recapitalisation de celle-ci, n’était pas de nature à exclure la responsabilité dudit groupe à raison du non-respect de la clause de non dilution ; qu’en retenant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause ;

6°/ ALORS QUE la cause exclusive de la réduction de la participation de M. Y… dans le capital de la société Aquasolo en dessous du seuil de 25 % stipulé dans la clause de non-dilution résidait dans l’opération de « coup d’accordéon » réalisée à l’initiative du Groupe Majoritaire ; qu’en retenant que le non-respect de cette clause n’était que la conséquence de la décision de M. Y… de ne pas souscrire, par la suite, à l’augmentation de capital de cette société, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause ;

7 °/ ALORS QUE les parties avaient conventionnellement fixé la formule permettant de déterminer la valeur des parts sociales de la société Aquasolo pour la période comprise entre le 1er octobre et le 31 décembre 2009, laquelle aboutissait à une somme de 2 029 500 € ; qu’en affirmant, pour débouter M. Y… de ses demandes, qu’à la date des manquements reprochés (soit au 7 décembre 2009), la valeur de ces parts sociales était nulle, sans tenir compte de la valeur des parts qui avait été conventionnellement fixée, la cour d’appel a méconnu la loi des parties, en violation de l’article 1134 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause ;

8°/ ALORS QU’en toute hypothèse, le juge ne peut déclarer un fait établi sans préciser sur quel élément de preuve il s’est fondé, ou sans procéder à une analyse sommaire de cet élément ; qu’en affirmant que la valeur des parts sociales de la société Aquasolo était nulle, sans indiquer, ni analyser même sommairement, les éléments sur lesquels elle s’était fondée pour aboutir à une telle conclusion, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

9°/ ALORS QU’au surplus, la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu’en affirmant que la valeur des parts était « nulle », tout en faisant état d’une dévalorisation seulement « quasi-totale » (et non totale) de la société Aquasolo, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs en violation l’article 455 du code de procédure civile.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 mai 2019, 17-16.675, Inédit