CEDH, AUTRICHE c. ITALIE, 11 janvier 1961, 788/60

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Chronologie de l’affaire

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LES FAITS DE LA CAUSE Considérant que pour les besoins de la présente décision, qui concerne uniquement la recevabilité de la requête, les faits de la cause peuvent se résumer ainsi: Le 16 août 1956, vers 4 h 30 du matin, le douanier italien Calvia découvrit le cadavre de son collègue Falqui gisant dans le lit d'un torrent près de Fundres/Pfunders (Haut-Adige). La veille au soir, Falqui et un autre douanier, Lombardo, avaient pris plusieurs consommations dans un bar en compagnie d'un groupe de jeunes gens du village. Commencée dans la bonne humeur, la réunion dégénéra en …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, 11 janv. 1961, n° 788/60
Numéro(s) : 788/60
Publication : Recueil 7, pp. 23-74
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 11 juillet 1960
Références à des textes internationaux :
Affaire Mavrommatis, Cour permanente de Justice Internationale, série A, n°2, p. 35;Déclaration universelle des Droits de l'Homme, Assemblée Générale des Nations-Unies, 10 décembre 1948;Affaire de l'Interhandel, Cour Internationale de Justice, arrêt du 21 mars 1959, Recueil de la C.I.J., 1959, p. 27;Affaire de chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, C.P.J.I., série A/B n° 76, pp. 16, 19;Affaire Nottebohm, recueil de la C.I.J., 1955, p. 4;Affaire Salem, Recueil des Sentences Arbitrales de l'O.N.U., vol. II, p. 1189;Affaire des Navires finlandais, Recueil des Sentences Arbitrales de l'O.N.U., vol. III, p. 1504
Organisation mentionnée :
  • Cour internationale de Justice
Niveau d’importance : Importance élevée
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Partiellement recevable ; Partiellement irrecevable (Art. 35) Conditions de recevabilité
Identifiant HUDOC : 001-27972
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:1961:0111DEC000078860
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Texte intégral

LES FAITS DE LA CAUSE

Considérant que pour les besoins de la présente décision, qui concerne

uniquement la recevabilité de la requête, les faits de la cause peuvent

se résumer ainsi:

Le 16 août 1956, vers 4 h 30 du matin, le douanier italien Calvia

découvrit le cadavre de son collègue Falqui gisant dans le lit d'un

torrent près de Fundres/Pfunders (Haut-Adige). La veille au soir,

Falqui et un autre douanier, Lombardo, avaient pris plusieurs

consommations dans un bar en compagnie d'un groupe de jeunes gens du

village. Commencée dans la bonne humeur, la réunion dégénéra en

altercation lorsque les deux douaniers voulurent, peu avant minuit,

regagner leur caserne et ordonnèrent la fermeture du local. Finalement,

Falqui et Lombardo sortirent de ce dernier, suivis puis poursuivis par

une partie des jeunes gens, qui se mirent à les injurier et à leur

porter des coups à l'aide de bâtons et de boîtes vides. Lombardo

réussit à rentrer sain et sauf à son cantonnement. En revanche, Falqui

perdit l'une après l'autre ses chaussures de toile, dépourvues de

lacets. Rejoint, semble-t-il, à proximité d'un pont qui enjambe le

torrent susmentionné, il y trouva la mort.

Les Gouvernements autrichien et italien ne s'accordent ni sur les

circonstances de cet événement, ni sur la cause du décès, ni sur la

position exacte du corps de Falqui.

Le lendemain 16 août, la Gendarmerie (Carabinieri) arrêta, à raison

desdits faits, quatorze jeunes gens, à savoir:

Luigi/Alois Ebner; Bernardo/Bernhard Ebner; Isidoro/Isidor

Unterkircher; Floriano/Florian Weissteiner; Giorgio/Georg Knollseisen;

Paolo/Paul Unterkircher; Giovanni/Johann Huber; Luigi/Alois

Bergmeister; Giuseppe/Joseph Weissteiner; Severino/Severin Ebner;

Eduardo/Eduard Schiener; Francesco/Franz Ranalter; Martino/Martin

Huber; et Agostino/August Weissteiner.

Le juge d'instruction accusa les huit premiers de meurtre, d'injures

à fonctionnaires publics et d'outrage à la Nation et, en conséquence,

les maintint en détention préventive. Quant aux six autres, ils se

virent inculper des deux derniers délits seulement, à l'exclusion du

crime de meurtre, et furent mis en liberté provisoire le 13 novembre

1956.

Le 16 juillet 1957, la Cour d'Assises de Bolzano/Bozen, composée de

deux magistrats de carrière et de six "juges populaires" (jurés), dont

quatre de langue italienne et deux de langue allemande, condamna:

Luigi/Alois Ebner, à 24 ans, 4 mois et 10 jours de réclusion pour

meurtre et outrage à la Nation;

Bernardo/Bernhard Ebner et Isidoro/Isidor Unterkircher, à 16 ans et 8

mois de réclusion pour ces mêmes infractions;

Floriano/Florian Weissteiner et Giorgio/Georg Knollseisen à 16 ans de

réclusion pour meurtre;

Giovanni/Johann Huber, à 13 ans et 4 mois de réclusion pour ce même

crime;

Paolo/Paul Unterkircher, à 10 ans de réclusion pour ce même crime.

Elle acquitta tous les autres accusés, y compris Luigi/Alois

Bergmeister, des crimes ou délits relevés contre eux, tantôt pour ne

les avoir point commis, tantôt pour insuffisance de preuves.

Sur appel de certains des intéressés ainsi que du ministère Public, la

Cour d'Assises d'Appel de Trente, composée elle aussi de deux

magistrats de carrière et de six "juges populaires" (jurés) dont quatre

de langue italienne et deux de langue allemande, infligea le 27 mars

1958:

à Luigi/Alois Ebner, la réclusion à perpétuité (avec un an d'isolement

pendant la journée) pour meurtre, injures à fonctionnaires publics et

outrage à la Nation;

à Floriano/Florian Weissteiner, Isidoro/Isidor Unterkircher et

Giorgio/Georg Knollseisen, 17 ans et 10 mois de réclusion pour ces

mêmes infractions;

à Bernardo/Bernhard Ebner, 17 ans et 2 mois de réclusion pour ces mêmes

infractions;

à Paolo/Paul Unterkircher, 12 ans de réclusion pour ces mêmes

infractions;

à Giovanni/Johann Huber, 1 an et 2 mois de réclusion pour injures à

fonctionnaires publics et outrage à la Nation.

La Cour acquitta ce dernier du crime de meurtre, pour insuffisance de

preuves, et, notant qu'il avait purgé sa peine en détention préventive,

ordonna sa relaxe immédiate.

A l'audience du 10 mars 1958, la défense avait demandé que la Cour

opérât (comme l'avait fait la Cour de Bolzano/Bozen) une descente sur

les lieux et entendît à cette occasion, à titre de témoins,

Giovanna/Johanna Ebner, qui avait passé sur le pont peu après la

découverte du cadavre Falqui, et le Dr Kofler, médecin du village

voisin de Vandojos, qui avait constaté le décès. La Cour de Trente

avait accueilli la demande en ce qui concerne la descente sur les lieux

- qui eut lieu le 13 mars 1958 - mais avait écarté l'audition de

Giovanna/Johanna Ebner et du Dr Kofler, estimant irrelevantes

("inconferenti") les circonstances sur lesquelles ceux-ci devaient

déposer (position du corps, pour la première, et nature des blessures

subies par Falqui, pour le second). En outre, elle avait décidé que la

descente sur les lieux s'effectuerait en présence des témoins Lombardo

et Calvia, déjà nommés, acceptant en cela une suggestion de la partie

civile et du ministère public.

Sur pourvoi des condamnés, la Cour de Cassation rendit, le 16 janvier

1960, un arrêt:

- déclarant éteints, en vertu de l'amnistie, les délits d'injures à

fonctionnaires publics et d'outrage à la Nation retenus à charge de

Bernardo/Bernhard Ebner, Isidoro/Isidor Unterkircher, Floriano/Florian

Weissteiner, Giorgio/Georg Knollseisen, Paolo/Paul Unterkircher et

Giovanni/Johann Huber;

- disant que la Cour de Trente avait statué "ultra petita" en retirant

à Luigi/Alois Ebner le bénéfice des circonstances atténuantes

générales, que lui avait accordé la Cour de Bolzano/Bozen;

- cassant sur ces deux points, sans renvoi, l'arrêt entrepris;

- substituant en conséquence les peines suivantes à celles prononcées

en appel;

25 ans, 5 mois et 10 jours de réclusion pour Luigi/Alois Ebner;

16 ans de réclusion pour Bernardo/Bernhard Ebner, Isidoro/Isidor

Unterkircher, Floriano/Florian Weissteiner et Giorgio/Georg

Knollseisen;

10 ans et 8 mois de réclusion pour Paolo/Paul Unterkircher;

- rejetant le pourvoi quant au surplus.

La Commission relève enfin que les trois sentences judiciaires

précitées avaient trait non seulement aux événements de la nuit du 15

au 16 août 1956, mais également à un incident moins grave qui avait

éclaté, le 29 juin 1956, entre certains des jeunes gens en cause et des

ouvriers travaillant, dans la région de Fundres/Pfunders, à la

construction d'un barrage hydroélectrique. Elle constate cependant que

cet incident et ses suites pénales spécifiques ne forment pas partie

intégrante de l'objet de la requête, de sorte qu'elle estime superflu

de leur consacrer de plus longs développements.

Les griefs du Gouvernement demandeur

Considérant que le Gouvernement autrichien, demandeur, croit pouvoir

imputer au Gouvernement italien, défendeur, à propos des faits relatés

ci-dessus, un manquement aux obligations incombant à la République

italienne en vertu de l'article 6 paragraphes 1, 2 et 3 d) et de

l'article 14 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et

des Libertés fondamentales; que ses griefs se trouvent exposés plus en

détail dans la suite de la présente décision;

La procédure suivie devant la Commission

Considérant que la première phase de la procédure prévue par la

Convention et le Règlement intérieur consiste, pour la Commission, à

examiner la recevabilité de la requête, à l'exclusion du fond de

l'affaire; qu'elle a été marquée par les étapes suivantes:

Par ordonnance du 12 juillet 1960, prise en vertu de l'article 44 du

Règlement intérieur, le Président de la Commission a chargé le

Secrétaire Général du Conseil de l'Europe de donner connaissance de la

requête no 788/60 au Gouvernement de la République italienne et de

l'inviter à présenter à la Commission ses observations écrites sur la

recevabilité de ladite requête.

Les observations écrites italiennes sont parvenues au Secrétariat le

31 août 1960. Conformément à de ordonnances présidentielles des 31

août, 28 octobre et 18 novembre 1960 et le Gouvernement italien a

déposé, le 3 décembre 1960, des observations écrites complémentaires

(article 46 paragraphes 1 et 2 du Règlement intérieur).

Le 17 décembre 1960, la Commission, réunie en session plénière, a

décidé:

- de traiter l'affaire par priorité (article 38 paragraphe 1 du

Règlement intérieur), accédant en cela à une demande du Gouvernement

autrichien contre laquelle le Gouvernement italien n'avait pas formulé

d'objections;

- d'inviter les représentants des parties à comparaître devant elle le

samedi 7 janvier 1961 en vue de lui donner des explications orales

portant sur la recevabilité de la requête et, notamment, sur trois

points précis soulevés par la Commission (article 46 paragraphe 1 in

fine du Règlement intérieur).

L'audience contradictoire a eu lieu dans la matinée des 7 et 9 janvier

1961.

Ont comparu devant la Commission (article 36 paragraphe 1 du Règlement

intérieur):

pour le Gouvernement autrichien:

M. Hans Reichmann (Représentant Permanent d'Autriche auprès du Conseil

de l'Europe), Agent,

assisté de M. Rudolf Kirchschläger (Conseiller juridique du ministère

des Affaires étrangères d'Autriche)

et de M. Armand Mergen (Professeur à la Faculté de Droit de Mayence),

Conseils.

pour le Gouvernement italien:

M. Riccardo Monaco (Chef du Contentieux au ministère des Affaires

étrangères d'Italie), Agent,

assisté de M. Giacomo Delitala (Professeur à la Faculté de Droit de

Milan),

M. Giorgio Bombassei de Vettor (Représentant Permanent d'Italie auprès

du Conseil de l'Europe),

M. Ettore Maselli (Juge en service au ministère de la Justice

d'Italie),

M. Luigi Lauriola (Adjoint au Représentant Permanent d'Italie auprès

du Conseil de l'Europe),

et M. Marco Vlanello-Chiodo (Attaché d'Ambassade au ministère des

Affaires étrangères d'Italie), conseils.

A l'occasion de l'audience contradictoire susmentionnée, le

Gouvernement italien, défendeur, a déposé le 9 janvier 1961 les

conclusions écrites reproduites ci-après:

"Le Gouvernement italien, à la suite des audiences contradictoires sur

la recevabilité de la requête no 788/60 du Gouvernement autrichien,

tenues à Strasbourg les 7 et 9 janvier 1961, se référant et renvoyant

aux arguments développés par écrit et oralement au cours de la

procédure, formule les suivantes conclusions écrites:

"Plaise à la Commission européenne des Droits de l'Homme:

- de déclarer que la requête est irrecevable ratione temporis, parce

que la République Fédérale d'Autriche, qui est devenue partie

contractante à la Convention seulement à partir du 3 septembre 1958,

ne peut dénoncer à la Commission des manquements antérieurs à la date

de sa propre ratification de la Convention. Or, seulement l'arrêt de

la Cour de Cassation est postérieur à cette date, et aucun grief n'a

été présenté à l'encontre de cet arrêt comme tel;

- de déclarer, par application de l'article 27, paragraphe 3 de la

Convention, que la requête est irrecevable pour non-épuisement des

voies de recours internes au sens de l'article 26 de la Convention,

tout d'abord pour le motif que les accusés n'ont pas demandé que

l'affaire fût portée devant un autre juge (rimessione del

procedimento), et ensuite parce que les accusés ne se sont pas prévalus

en cassation d'une voie de recours à leur disposition, n'ayant pas

invoqué expressément la violation par la Cour d'Assises d'Appel de

Trente des dispositions des articles 6 et 14 de la Convention, ainsi

qu'en ce qui concerne plus spécialement la violation alléguée de

l'article 14 et de l'article 6, paragraphe 2, de la Convention - la

violation des articles 3 et 27, paragraphe 2, de la Constitution de la

République italienne;

- de rejeter la requête en conséquence."

Le Gouvernement autrichien, demandeur, a présenté de son côté,

également le 9 janvier 1961, les conclusions suivantes:

"Le Gouvernement autrichien, suivant l'invitation de la Commission et

se référant aux arguments développés par écrit et oralement, a

l'honneur de soumettre à l'attention de la Commission les suivantes

conclusions écrites:

I. Violation des droits de l'homme à l'occasion de toute la procédure

contre les accusés de Pfunders

"Le Gouvernement autrichien a introduit sa requête en se basant sur les

dispositions suivantes de la Convention des Droits de l'Homme:

1. "Violation des droits protégés par l'article 6, alinéa 3, lit d) de

la Convention, commise par non admission des témoins Johanna Ebner et

Dr Kofler comme négligeables sur un sujet que les tribunaux ont déclaré

comme essentiel et relevant à l'égard des témoins cités par

l'accusation et irrelevant à l'égard de ces témoins cités par la

défense sur les mêmes points.

2. "Violation des droits protégés par l'article 6 alinéa 2 de la

Convention résultant du fait que les accusés ont été traités avant leur

condamnation comme meurtriers politiques et qualifiés comme tels ayant

commis un meurtre poussés par leur haine anti-italienne (point III de

la requête).

3. "Violation des droits garantis par l'article 6, alinéa 1 de la

Convention.

a. Par la composition du tribunal (4 jurés sur 6 étaient d'appartenance

ethnique italienne, qui étaient de ce fait particulièrement

influençables par la campagne de presse italienne, la tension

politique, l'argumentation véhémente du Procureur de la République et

de la partie civile) (Point III/3 de la requête).

b. Par la violation du droit codifié dans les alinéas 2 et 3, lit d)

de l'article 6. L'alinéa 1 résumant dans son acception générale les

alinéas postérieurs.

4. "Violation des droits garantis dans l'article 14, parce que les

violations des droits de l'homme exposées plus haut naissaient sans

doute du fait que les jeunes gens de Pfunders étaient d'origine

ethnique et linguistique (origine nationale) différente de la majorité

des citoyens de la République italienne (Point III/3 de la requête).

II. Compétence de la Commission européenne des Droits de l'Homme

"La Commission est compétente pour les raisons suivantes:

1. "Les faits exposés ci-devant dans I et contenus dans la requête

présentée par le Gouvernement autrichien constituent un manquement aux

dispositions de la Convention que le Gouvernement autrichien croit

pouvoir imputer à la République italienne (article 24).

2. "L'Italie a été obligée, à partir du moment du dépôt de l'instrument

de ratification, de garantir à toutes personnes relevant de sa

juridiction les droits et libertés définis au titre I de la Convention.

"L'Autriche est Haute Partie Contractante à partir du moment de sa

propre ratification et est en droit d'introduire une requête contre une

autre Haute Partie Contractante, même pour des faits antérieurs à sa

ratification. La possibilité d'une réserve de réciprocité, prévue

expressément dans l'article 46, alinéa 2 de la Convention ou dans

l'article 36 du Statut de la Cour Internationale, n'est pas mentionnée

dans l'article 24 de la Convention.

"En ordre subsidiaire, il échet de relever que le procès des jeunes

gens de Pfunders est à considérer comme un tout. Il s'ensuit que la

date de l'arrêt de la Cour de Cassation (1960) doit être considérée

comme décision définitive des juridictions internes.

III. Epuisement des voies de recours internes

1. La règle de l'épuisement des voies de recours internes, en ce qui

concerne des requêtes étatiques qui ne sont pas présentées en vue de

garantir la protection diplomatique à des ressortissants de l'Etat

demandeur, mais qui visent la violation de la Convention par une autre

Haute Partie Contractante, n'est pas applicable que pour autant qu'une

décision interne définitive doit être intervenue.

2. En ordre subsidiaire, relevons:

a. Les accusés ont, dans leur pourvoi en Cassation (cf. Annexe C et nos

observations écrites), soulevé en substance et en se référant à

l'article 24 de la Constitution italienne les motifs et moyens gisant

à la base de la requête autrichienne. Point n'était besoin de citer

expressis verbis les articles violés de la Convention, vu qu'en

substance la Constitution italienne coïncide avec les articles 6 et 14

de la Convention invoqués par le Gouvernement autrichien. Il était

impossible en droit à la défense des jeunes de Pfunders de récuser le

jury sur la base de l'article 55 et des articles 61 suivantes du Code

de Procédure pénale italien. Pour le surplus, pareille récusation ne

pouvait être attendue d'eux. La demande tendant à faire le procès

devant une autre Cour n'aurait pas été efficace. En outre, cette

demande aurait, si par impossible on y avait fait droit, eu comme

résultat une composition ethnique encore plus défavorable.

"A ses causes,

"Plaise à la Commission:

1. Retenir la requête présentée par la République Fédérale d'Autriche

et enregistrée sous le no 788/60 et la déclarer recevable;

2. Faire droit à la requête et procéder selon les articles 28, 29 et

30 de la Convention."

Après la clôture de l'audience contradictoire, la Commission siégeant

en chambre du Conseil les 9 (après-midi), 10 et 11 (matin) janvier

1961, a délibéré sur la recevabilité de la requête. Le résultat de ses

délibérations se trouve consigné dans la présente décision.

EN DROIT

Considérant qu'il incombe à la Commission à ce stade de la procédure,

de se prononcer sur les divers problèmes que soulève la recevabilité

de la requête no 788/60;

Considérant que la Commission se trouve formellement saisie par le

Gouvernement italien de deux exceptions préliminaires relatives, la

première à la compétence ratione temporis de la Commission, la seconde

à l'épuisement des voies de recours internes;

I. Sur la compétence ratione temporis

Considérant que, dans ses observations écrites complémentaires du 3

décembre 1960, le Gouvernement italien déclarait se réserver le droit

de présenter, à l'audience contradictoire, une exception préliminaire

portant sur la "légitimation active" du Gouvernement autrichien en ce

qui concerne des faits antérieurs à sa ratification de la Convention;

Que lors de ladite audience contradictoire, l'Agent du Gouvernement

défendeur a rappelé que le dépôt de l'instrument de ratification

remontait au 26 octobre 1955, pour l'Italie, et au 3 septembre 1958,

pour l'Autriche, et que la Cour d'Assises de Bolzano, la Cour d'Assises

d'Appel de Trente et la Cour de Cassation avaient statué respectivement

le 16 juillet 1957, le 27 mars 1958 et le 16 janvier 1960; qu'il a

soutenu que l'adhésion d'un Etat à une convention multilatérale ne

produit immédiatement ses effets qu'à l'égard des Etats ayant déjà

donné leur propre adhésion à ce moment; que le Gouvernement italien ne

serait donc, le 26 octobre 1955, engagé uniquement envers les Etats

qui, à l'époque, possédaient la qualité de Partie Contractante, à

l'exclusion de l'Autriche; que l'Italie et l'Autriche n'auraient assumé

d'obligations mutuelles que le 3 septembre 1958; que l'Agent du

Gouvernement italien en a déduit, dans ses conclusions du 9 janvier

1961, que l'examen de la requête ne relevait pas de la compétence

ratione temporis de la Commission, seul l'arrêt de la Cour de Cassation

étant postérieur au 3 septembre 1958 et le Gouvernement demandeur

n'ayant formulé aucun grief à l'encontre de cet arrêt comme tel;

Considérant que les représentants du Gouvernement autrichien ont fait

valoir en ordre principal, à l'audience contradictoire et dans leurs

conclusions finales, que le problème de la compétence ratione temporis

ne se pose pas de la même manière pour l'Etat demandeur que pour l'Etat

défendeur; que si ce dernier, selon la jurisprudence constante de la

Commission, n'est lié qu'à partir du dépôt de son instrument de

ratification, son obligation revêtirait en effet, dès cette date, un

caractère absolu; que ladite obligation n'existerait pas envers les

partenaires de cet Etat, mais bien envers toute personne relevant de

sa juridiction, ainsi que l'attesterait l'article 1er (art. 1) de la

Convention; qu'il s'agirait d'une obligation légale générale,

indépendante du fait que tel autre Etat a ratifié ou non la Convention;

que la Commission a compétence, ratione temporis, pour examiner une

plainte introduite par un particulier en vertu de l'article 25

(art. 25) de la Convention dès lors que l'Etat mis en cause possède,

au moment de la présentation de la requête, la qualité de Partie

Contractante; qu'un Etat Contractant serait de même en droit, dès le

dépôt de son instrument de ratification, d'assigner un autre Etat

Contractant devant la Commission même à raison de faits antérieurs à

ce dépôt; qu'en effet l'article 24 (art. 24) de la Convention, à la

différence de l'article 36 du Statut de la Cour Internationale de

Justice et de l'article 46 paragraphe 2 (art. 46-2) de la Convention,

ne laisserait aucune place à la notion de réciprocité entre Etat

demandeur et Etat défendeur; que le Gouvernement autrichien a soutenu,

à titre subsidiaire, que le procès des jeunes gens de Fundres/Pfunders

forme un tout; que l'arrêt de la Cour de Cassation, postérieur au 3

septembre 1958, constituerait donc la décision interne définitive,

quelle que soit la date des sentences judiciaires rendues en première

instance et en appel;

Considérant d'autre part que le Gouvernement autrichien a exprimé

l'opinion, à l'audience du 7 janvier 1961, que la présentation, à ce

stade, d'une exception d'incompétence ratione temporis se heurtait à

un obstacle d'ordre formel dérivant de l'article 44 du Règlement

intérieur de la Commission; que le Gouvernement italien a contesté

l'exactitude de ce point de vue;

Considérant toutefois qu'il se révèle superflu, en l'espèce, de statuer

sur l'interprétation des dispositions pertinentes du Règlement

intérieur, car le Gouvernement autrichien n'a plus insisté, à

l'audience du 9 janvier 1961 et dans ses conclusions finales du même

jour, sur son objection de caractère procédural et a eu la faculté,

dont il a pleinement usé, de répondre à l'argumentation italienne en

la matière; qu'au surplus, la Commission a le devoir de se prononcer,

même d'office, sur sa compétence ratione temporis;

Décision de la Commission

Considérant que, par application de l'article 66, la République

d'Italie est devenue Partie à la Convention le 26 octobre 1955, et la

République d'Autriche près de trois ans plus tard, le 3 septembre 1958;

que les événements de Fundres/Pfunders et toute la procédure

subséquente ont eu lieu après que l'Italie eut assumé les obligations

résultant de la Convention; qu'en revanche, les débats de la Cour

d'Assises de Bolzano/Bozen et de la Cour d'Appel de Trente remontent

à une période antérieure à la date à laquelle l'Autriche elle-même

s'est trouvée liée par les dispositions de la Convention et a acquis

le droit, en vertu de l'article 24 (art. 24), de soumettre à la

Commission tout manquement allégué à ces dispositions; que seul l'arrêt

de la Cour de Cassation d'Italie est postérieur à cette date;

Considérant, en conséquence, qu'il échet tout d'abord de déterminer si,

selon l'article 24 (art. 24), le Gouvernement autrichien est habilité

à introduire devant la Commission une requête relative à la procédure

qui s'est déroulée avant que l'Autriche eût elle-même, envers l'Italie,

des droits et obligations découlant de la Convention;

Considérant que l'article 24 (art. 24) autorise "toute Partie

Contractante" à saisir la Commission de "tout manquement aux

dispositions de la ... Convention qu'elle croira pouvoir être imputée

à une autre Partie Contractante"; que ni l'article 24 (art. 24), ni

aucune autre clause de la Convention ne limitent expressément

l'exercice de cette faculté aux griefs concernant des faits postérieurs

à la ratification de la Convention par l'Etat demandeur; qu'en outre,

ainsi que la Cour Permanente de Justice Internationale l'a reconnu en

l'affaire Mavrommatis (Série A, no 2, page 35), "une juridiction basée

sur un accord international s'étend", "dans le doute" "à tous les

différends qui lui sont soumis après son établissement", et "la réserve

faite dans de nombreux traités d'arbitrage au sujet de différends

engendrés par des événements antérieurs à la conclusion du traité,

semble démontrer la nécessité d'une limitation expresse de la

juridiction"; qu'il s'ensuit que le simple fait que l'Autriche n'ait

acquis qu'à une date ultérieure le pouvoir de saisir la Commission de

manquements allégués à la Convention ne suffit pas, par lui-même, à

l'empêcher d'exercer ce pouvoir au sujet de la procédure suivie devant

la Cour d'Assises de Bolzano/Bozen et la Cour d'Appel de Trente;

Considérant qu'il reste à déterminer si ledit pouvoir fait néanmoins

défaut à l'Autriche pour la raison (a) que les seuls Etats envers

lesquels l'Italie eût, à cette date, assumé des obligations normatives

en vertu de la Convention étaient les autres Etats contractants, à

l'exclusion de l'Autriche, ou (b) que l'Autriche elle-même ne possédant

pas, à l'époque, la qualité de Partie à la Convention, n'était pas liée

par les obligations prévues à la Convention, de sorte que l'Italie ne

peut maintenant avoir le droit, à titre de réciprocité, de soumettre

une plainte à la Commission au sujet de questions qui relevaient de la

juridiction de l'Autriche au moment où la procédure se déroulait devant

la Cour d'Assises et la Cour d'Appel;

Considérant que dans le Préambule de la Convention, les Etats

Contractants, après s'être référés à la Déclaration universelle des

Droits de l'Homme, proclamée par l'Assemblée Générale des Nations Unies

le 10 décembre 1948, ont:

a. rappelé que "le but du Conseil de l'Europe est de réaliser une union

plus étroite entre ses membres, et que l'un des moyens d'atteindre ce

but est la sauvegarde et le développement des droits de l'homme et des

libertés fondamentales";

b. réaffirmé "leur profond attachement à ces libertés fondamentales qui

constituent les assises mêmes de la justice et de la paix dans le monde

et dont le maintien repose essentiellement sur un régime politique

véritablement démocratique, d'une part, et, d'autre part, sur une

conception commune et un commun respect des droits de l'homme dont ils

se réclament";

c. déclaré qu'ils sont résolus, "en tant que gouvernements d'Etats

européens animés d'un même esprit et possédant un patrimoine commun

d'idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de

prééminence du droit, à prendre les premières mesures propres à assurer

la garantie collective de certains des droits énoncés dans la

Déclaration universelle";

Considérant qu'il en résulte qu'en concluant la Convention, les Etats

Contractants n'ont pas voulu se concéder des droits et obligations

réciproques utiles à la poursuite de leurs intérêts nationaux

respectifs, mais réaliser les objectifs et idéaux du Conseil de

l'Europe, tels que les énonce le Statut, et instaurer un ordre public

communautaire des libres démocraties d'Europe afin de sauvegarder leur

patrimoine commun de traditions politiques, d'idéaux, de liberté et de

prééminence du droit;

Considérant que pour atteindre ce but, les Etats Contractants, aux

termes de l'article 1er (art. 1) de la Convention, reconnaissent les

droits et libertés définis au Titre I à toute personne relevant de leur

juridiction, sans aucune exception; qu'en outre, l'article 14

(art. 14) stipule expressément que:

"La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente

Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment

sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions

politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale,

l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou

toute autre situation";

Qu'en devenant Partie à la Convention un Etat reconnaît donc les droits

et libertés définis au Titre I à toute personne relevant de sa

juridiction, quels que soient sa nationalité ou son état; qu'en résumé,

il reconnaît ces droits et libertés non seulement à ses propres

nationaux et à ceux des autres Etats Contractants, mais aussi aux

ressortissants des Etats non parties à la Convention et aux apatrides,

ainsi que la Commission elle-même l'a constaté dans des décisions

antérieures; qu'il en résulte que les obligations souscrites par les

Etats Contractants dans la Convention ont essentiellement un caractère

objectif, du fait qu'elles visent à protéger les droits fondamentaux

des particuliers contre les empiètements des Etats Contractants plutôt

qu'à créer des droits subjectifs et réciproques entre ces derniers;

Considérant que le caractère objectif desdits engagements apparaît

également dans le mécanisme érigé dans la Convention pour en garantir

le respect; que ce mécanisme, ainsi qu'il a été souligné au cours des

travaux préparatoires de la Convention et que le déclare expressément

le troisième passage du Préambule déjà cité, repose sur le concept

d'une garantie collective, par les Etats Contractants, des droits et

libertés définis dans la Convention; qu'à cet effet, l'article 19 (art.

19) prévoit qu'afin d'assurer le respect des engagements résultant pour

les Hautes Parties Contractantes de la Convention, il est institué une

Commission européenne des Droits de l'Homme et une Cour européenne des

Droits de l'Homme; que l'article 24 (art. 24) dispose que "toute Partie

Contractante peut saisir la Commission, par l'intermédiaire du

Sécrétaire Général du Conseil de l'Europe, de tout manquement aux

dispositions de la présente Convention qu'elle croira pouvoir être

imputé à une autre Partie Contractante"; que par cet article, les

Hautes Parties Contractantes ont par conséquent autorisé l'une

quelconque d'entre elles à saisir la Commission de tout manquement

allégué aux dispositions de la Convention, que les victimes dudit

manquement soient ou non des ressortissants de l'Etat demandeur, et que

le manquement prétendu lèse ou non particulièrement les intérêts de cet

Etat; qu'un Etat Contractant, lorsqu'il saisit la Commission en vertu

de l'article 24 (art. 24) , ne doit donc pas être considéré comme

agissant pour faire respecter ses droits propres, mais plutôt comme

soumettant à la Commission une question qui touche à l'ordre public de

l'Europe;

Considérant qu'il échet en outre d'observer que tout Etat Contractant

autre que l'Autriche avait le droit, selon l'article 24 (art. 24), de

porter devant la Commission tout manquement allégué aux dispositions

de la Convention concernant les débats de la Cour d'Assises de

Bolzano/Bozen et de la Cour d'Appel de Trente; qu'il est plus conforme

au système de garantie collective prévu dans le Préambule de la

Convention que l'Autriche, une fois devenue Partie à la Convention,

ait, en vertu de l'article 24 (art. 24), les mêmes pouvoirs que les

autres Etats Contractants;

Considérant, dès lors, qu'eu égard au caractère objectif des droits et

obligations résultant de la Convention, à la manière catégorique dont

l'article 24 (art. 24) définit, sans l'assortir de restrictions, le

droit de saisir la Commission de manquements prétendus aux dispositions

de la Convention et au système de garantie collective dont cet article

est une expression, la Commission estime que le fait que l'Italie

n'avait point d'obligations envers l'Autriche, en vertu de la

Convention, à l'époque de la procédure suivie devant la Cour d'Assises

et la Cour d'Appel, n'empêche pas l'Autriche d'alléguer maintenant la

violation de la Convention à propos de cette procédure;

Considérant qu'il faut admettre que, selon cette interprétation de

l'article 24 (art. 24), l'Autriche a le droit d'introduire une plainte

contre l'Italie au sujet de faits antérieurs au moment où l'Autriche

devint Partie à la Convention (3 septembre 1958); que l'Italie n'aurait

pas le droit réciproque d'introduire une plainte contre l'Autriche à

raison d'événements antérieurs à cette date; que, toutefois, cette

absence de réciprocité dans le temps découle uniquement de ce que

l'Autriche, avant le 3 septembre 1958, n'était pas soumise au régime

communautaire instauré par la Convention, et non pas d'une différence

de traitement que l'article 24 aurait lui-même établie entre les

diverses Parties Contractantes; que si les Etats Contractants avaient

voulu subordonner à une condition de réciprocité ratione temporis

l'exercice du droit défini par cet article, il leur eût été loisible

d'insérer à cette fin une condition expresse dans ledit article, mais

qu'ils ne l'ont point fait; que la circonstance que l'Italie ne possède

pas le droit réciproque d'introduire une requête contre l'Autriche à

raison d'événements antérieurs au 3 septembre 1958 ne constitue par

conséquent pas, aux yeux de la Commission un motif pour dénier à

l'Autriche le droit de former contre l'Italie une requête relative à

la procédure de la Cour d'Assises de Bolzano/Bozen et de la Cour

d'Appel de Trente;

Qu'il s'ensuit que, de l'avis de la Commission, l'Autriche était

habilitée à saisir la Commission, par sa requête du 11 juillet 1960,

de violations alléguées de la Convention au sujet tant de la procédure

suivie devant la Cour d'Assises de Bolzano/Bozen et la Cour d'Appel de

Trente, avant qu'elle ne devînt, le 3 septembre 1958, Partie à la

Convention, que de la procédure qui s'est déroulée devant la Cour de

Cassation après cette date; qu'il n'y a point lieu, dès lors,

d'examiner si le fait que l'arrêt de la Cour de Cassation a été rendu

après le 3 septembre 1958 suffirait en tout cas pour autoriser le

Gouvernement autrichien à introduire une requête concernant la

procédure antérieure devant la Cour d'Assises et la Cour d'Appel;

Constate, en conséquence, que la Commission a compétence, ratione

temporis, pour examiner les diverses violations de la Convention

alléguées dans la requête no 788/60 et, partant, qu'il échet de rejeter

l'exception d'incompétence ratione temporis soulevée par le

Gouvernement italien au sujet de la procédure suivie devant la Cour

d'Assises de Bolzano/Bozen et la Cour d'Appel de Trente;

II. Sur l'épuisement des voies de recours internes

Considérant que la Commission, aux termes de l'article 26 (art. 26) de

la Convention, ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de

recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit

international généralement reconnus; que l'article 27, paragraphe 3

(art. 27-3) précise que la Commission rejette toute requête qu'elle

estime irrecevable par application de l'article 26 (art. 26);

Considérant que le gouvernement défendeur a soutenu que la requête

était irrecevable pour défaut d'épuisement des voies de recours

internes;

Considérant que le Gouvernement autrichien a objecté que la règle de

l'épuisement des voies de recours internes ne s'applique pas aux

requêtes introduites par les Etats en vertu de l'article 24 (art. 24)

de la Convention;

A. Sur l'applicabilité de la règle

Argumentation des parties

Considérant que le Gouvernement italien a commencé par souligner que,

d'après l'avis unanime de la jurisprudence et de la doctrine

internationales, une instance internationale ne peut examiner un

recours porté devant elle s'il est possible de prouver l'existence,

dans l'ordre juridique interne de l'Etat de la juridiction de laquelle

relève l'individu prétendument lésé, d'une voie de recours interne à

la fois accessible et vraisemblablement efficace et suffisante; qu'il

a cité, entre autres, la résolution adoptée en 1956, à Grenade, par

l'Institut de Droit International, la sentence arbitrale prononcée le

6 mamrs 1956 dans l'affaire Ambatielos et l'arrêt rendu par la Cour

Internationale de Justice, le 21 mars 1959, dans l'affaire de

l'Interhandel;

Que le gouvernement défendeur a exprimé l'opinion, d'autre part, que

pour déterminer de façon concrète la portée de la règle de l'épuisement

des voies de recours internes, telle que l'énonce l'article 26

(art. 26) de la Convention européenne, il y a lieu de se référer à

l'état actuel de la doctrine et de la jurisprudence internationales,

l'article 26 (art. 26) renvoyant expressément aux principes de droit

international généralement reconnus en la matière;

Qu'aux yeux dudit gouvernement, la règle du "local redress" n'en occupe

pas moins, dans la Convention européenne, un domaine sensiblement plus

vaste qu'en droit international général; que, les articles 26 et 27,

paragraphe 3 (art. 26, 27-3) n'établissant aucune distinction, elle

s'appliquerait en principe de la même manière aux requêtes

individuelles et à celles des Etats Contractants; qu'en ce qui concerne

ces dernières, notamment, son empire ne se bornerait pas aux plaintes

que les Etats peuvent, dans l'exercice de la protection diplomatique,

introduire en faveur de leurs ressortissants prétendument lésés par

d'autres Etats; que l'article 1er (art. 1) de la Convention, en effet,

reconnaît les droits et libertés définis au titre I à "toute personne"

(indépendamment de sa nationalité) relevant de la juridiction d'un Etat

Contractant; que l'article 26 (art. 26) aurait, par conséquent, étendu

la règle aux nationaux et aux apatrides, de sorte qu'elle jouerait en

l'espèce bien que les jeunes gens de Fundres/Pfunders ne possèdent pas

la nationalité autrichienne; qu'au demeurant, la Commission a déclaré

irrecevable une partie de la requête no 299/57 du Gouvernement

hellénique, lequel avait pourtant pris fait et cause pour des

ressortissants de l'Etat défendeur, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne

et d'Irlande du Nord; qu'à la vérité, la règle peut fléchir quand un

Etat fait valoir contre un autre Etat un manquement aux règles de la

Convention sans connexion avec un individu; que tel ne serait cependant

pas le cas en l'occurrence, car le Gouvernement autrichien intervient

pour redresser une violation prétendument commise contre des personnes

placées sous la juridiction de l'Etat italien et disposant de toutes

les voies de recours internes; qu'en prévoyant qu'un Etat peut

directement assigner un autre Etat devant un organe international

lorsque "l'acte dommageable a atteint une personne jouissant d'une

protection internationale spéciale", la résolution de Grenade viserait

uniquement certaines personnalités, par exemple les chefs d'Etat et les

ambassadeurs, et non pas, comme l'avait soutenu le Gouvernement

autrichien (cf. infra), l'ensemble des populations qui bénéficient de

la sauvegarde instaurée par la Convention européenne;

Considérant que le Gouvernement autrichien a répondu qu'aux fins

d'application des articles 26 et 27, paragraphe 3 (art. 26, 27-3) de

la Convention, les requêtes étatiques se présentent sous un aspect tout

à fait différent de celui des requêtes individuelles; que les personnes

physiques, organisations non gouvernementales et groupes de

particuliers ne peuvent saisir la Commission en vertu de l'article 25

(art. 25), que s'ils se prétendent victimes d'une violation de leurs

droits et libertés, ce qu'ils ne sauraient valablement faire avant

d'avoir épuisé les voies de recours internes; qu'en revanche, l'article

24 (art. 24) autorise chaque Etat Contractant à s'adresser à la

Commission sans avoir subi le moindre préjudice et avant même qu'un

individu ait été lésé, du seul fait qu'il croit pouvoir imputer à un

autre Etat un manquement aux dispositions de la Convention, manquement

qui peut découler de la simple promulgation d'une loi ou d'un arrêté;

qu'à l'inverse des individus, les Etats n'ont d'ailleurs pas la faculté

d'alléguer la violation de la Convention devant les tribunaux de leurs

partenaires; que sous la réserve éventuelle des plaintes introduites

dans l'exercice de la protection diplomatique, l'épuisement des voies

de recours internes ne constituerait donc pas une condition de

recevabilité des requêtes étatiques, lesquelles reposeraient sur les

notions de garantie collective et d'intérêt général; que les précédents

mentionnés par le Gouvernement italien n'auraient du reste de

pertinence que pour les actions intentées par un Etat en faveur de ses

propres ressortissants; qu'il en irait de même de la résolution de

Grenade; qu'au surplus, celle-ci écarte le jeu de la règle "au cas où

l'acte dommageable a atteint une personne jouissant d'une protection

internationale spéciale"; que les personnes vivant sur le territoire

des Etats Contractants se trouveraient, de par la Convention

européenne, soumises à une telle "protection internationale spéciale";

DÉCISION DE LA COMMISSION

Considérant que, selon les principes de droit international

généralement reconnus, le droit d'exercer la protection diplomatique

et d'introduire une plainte devant un tribunal international se limite,

sous réserve de quelques exceptions particulières, au cas où un Etat

prend fait et cause pour l'un de ses ressortissants dont les droits

auraient été lésés dans un autre Etat en violation du droit

international (Affaire du Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis, Série

A/B 76, page 16; Affaire Nottebohn, recueil de la C.I.J., 1955, page

4); que, de même, la règle de l'épuisement des voies de recours

internes, en tant que condition préalable à l'exercice de la protection

diplomatique et à l'introduction général, que dans le cas où un Etat

prend fait et cause pour l'un de ses ressortissants dont les droits

auraient été lésés; que ladite règle se fonde sur la nécessité de

donner d'abord à l'Etat défendeur l'occasion de remédier à la situation

incriminée "par ses propres moyens, dans le cadre de son ordre

juridique interne" (Affaire de l'Interhandel, Recueil de la C.I.J.,

1959, page 27; Décision de la Commission sur la recevabilité de la

requête no 343/57);

Considérant que par la Convention européenne, les Etats Contractants

ont établi un système de protection internationale des droits de

l'homme et des libertés fondamentales pour toutes les personnes

relevant de leur juridiction, indépendamment de leur nationalité; que

ce système de protection internationale s'étend donc aux ressortissants

de l'Etat qui aurait violé la Convention et aux apatrides, autant

qu'aux ressortissants d'autres Etats; que le principe sur lequel se

fonde la règle de l'épuisement des voies de recours internes et les

considérations qui ont amené l'introduction de celle-ci en droit

international général s'appliquent manifestement, à plus forte raison,

à un système de protection internationale dont bénéficient les propres

ressortissants d'un Etat aussi bien que les étrangers; que, de plus,

le simple fait que ledit système de protection repose sur la notion

d'une garantie collective des droits et libertés définis dans la

Convention n'affaiblit aucunement le principe sur lequel se fonde la

règle de l'épuisement ni les considérations qui ont amené

l'introduction de celle-ci;

Considérant que l'article 26 (art. 26) de la Convention, en stipulant

que "la Commission ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies

de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit

international généralement reconnus", ne distingue pas expressément

entre les requêtes soumises à la Commission par les Etats Contractants,

en vertu de l'article 24 (art. 24), et celles que les personnes

physiques, organisations non gouvernementales et groupes de

particuliers forment en vertu de l'article 25 (art. 25); qu'en outre

l'article 27 (art. 27), qui énumère certains motifs pour lesquels la

Commission doit déclarer les requêtes irrecevables, limite expressément

les motifs énoncés en ses paragraphes 1 et 2 aux requêtes introduites

en vertu de l'article 25 (art. 25), mais ne maintient pas cette

limitation en son paragraphe 3, qui oblige la Commission à rejeter une

requête en cas de non épuisement des voies de recours internes;

Que le contraste existant à cet égard entre le paragraphe 3 et les deux

autres paragraphes de l'article 27 (art. 27) montre clairement, de

l'avis de la Commission, que les Etats Contractants n'ont pas entendu

soustraire les requêtes étatiques au jeu de la règle de l'épuisement

des voies de recours internes;

Qu'au surplus, la Commission ne saurait trouver dans les mots "selon

les principes de droit international généralement reconnus" aucun

indice donnant à penser que les Etats Contractants ont entendu limiter

l'application de ladite règle aux requêtes émanant de personnes

physiques, d'organisations non gouvernementales ou de groupes de

particuliers; que si en effet, selon les principes de droit

international généralement reconnus, la règle ne s'applique pas

davantage à celles que des particuliers introduisent devant un tribunal

international, pour la simple raison que, dans l'un et l'autre cas,

l'action elle-même est irrecevable d'après le droit international

général, indépendamment de l'épuisement des voies de recours internes;

qu'il s'ensuit que si les mots "selon les principes de droit

international généralement reconnus" passaient pour refléter

l'intention d'exclure l'application de la règle aux requêtes formées

en vertu de l'article 24 (art. 24), il faudrait les interpréter comme

traduisant la même intention en ce qui concerne les requêtes présentées

par les personnes physiques, organisations non gouvernementales et

groupes de particuliers en vertu de l'article 25 (art. 25); que,

toutefois, il est hors de doute, et le Gouvernement autrichien l'admet

lui-même, que la règle de l'épuisement des voies de recours internes

énoncée à l'article 26 (art. 26) de la Convention vaut pour les

requêtes introduites en vertu de l'article 25 (art. 25); qu'en insérant

dans l'article 26 (art. 26) les mots "selon les principes de droit

international généralement "selon les principes de droit international

généralement reconnus", les auteurs de la Convention ont donc voulu

circonscrire le contenu matériel de la règle et non pas son champ

d'application ratione personae; qu'en conséquence, il échet de rejeter

la thèse du Gouvernement autrichien suivant laquelle ces mots écartent

l'application de la règle aux affaires soumises à la Commission en

vertu de l'article 24 (art. 24);

Considérant, au demeurant, que la Commission a constaté, dès le 12

octobre 1957, que ladite règle vaut en principe pour les requêtes

étatiques comme pour les requêtes individuelles puisqu'elle a rejeté,

pour défaut d'épuisement des voies de recours internes, une partie de

la requête no 299/57 du Gouvernement hellénique; que si elle a reconnu,

le 2 juin 1956, que la règle ne s'appliquait pas à la requête no 299/57

du Gouvernement hellénique; que si elle a reconnu, le 2 juin 1956, que

la règle ne s'appliquait pas à la requête no 176/56 du même

gouvernement, c'est pour l'unique motif que cette requête avait trait

à la compatibilité de mesures législatives et de pratiques

administratives avec la Convention, indépendamment d'une lésion

individuelle et concrète; que tel n'est manifestement pas le cas de la

requête; que tel n'est manifestement pas le cas de la requête no 788/60

du Gouvernement autrichien;

Constate dès lors que la règle de l'épuisement des voies de recours

internes, prévue à l'article 26 de la Convention, s'applique à la

présente affaire;

B. Sur l'observation de la règle

Argumentation des parties

Considérant que le Gouvernement italien a souligné, dans ses

observations écrites du 30 août 1960, que, selon la sentence arbitrale

rendue le 6 mars 1956 en l'affaire Ambatielos, les voies de recours

internes "include not only reference to the courts and tribunals, but

also the use of the procedural facilities which municipal law makes

available to litigants before such courts and tribunals" et "it is the

whole system of legal protection, as provided by municipal law, which

must have been put to the test"; qu'à la vérité, le tribunal arbitral

qui a statué, le 8 juin 1932, sur l'affaire Salem a jugé qu'"as a rule

it is sufficient if the claimant has brought his suit up to the highest

instance of the national judiciary" (Recueil des sentences arbitrales

de l'O.N.U., Volume II, page 1189); qu'il s'agirait pourtant d'une

sentence assez ancienne et quelque peu dépassée, et qu'il y aurait lieu

de se référer plutôt aux expressions et analyses les plus récentes de

la règle de l'épuisement; qu'à ce sujet, le Gouvernement italien a

rappelé que, d'après la jurisprudence constante de la Commission, et

notamment les décisions relatives à la recevabilité des requêtes no

263/57, 309/57, 327/57 et 342/57, un requérant doit non seulement, pour

se conformer aux dispositions pertinentes de l'article 26 (art. 26) de

la Convention, soumettre son cas aux diverses juridictions dont cet

article exige en principe la saisine, mais encore invoquer devant la

juridiction supérieure, à défaut d'impossibilité ou d'empêchement et

dans la mesure où cela dépend raisonnablement de lui, les droits dont

il allègue la violation par la juridiction inférieure; que le

Gouvernement autrichien ayant objecté, dans son contre-mémoire du 26

octobre 1960, que cette jurisprudence était inopérante en l'espèce pour

le motif que la présente requête a trait à une procédure pénale et que

les tribunaux répressifs ont l'obligation de rechercher la vérité

indépendamment des griefs et offres de preuve de la défense, le

Gouvernement italien a répliqué, dans ses observations écrites

complémentaires du 3 décembre 1960, que les quatre décisions précitées

de la Commission concernaient des procédures internes de caractère

pénal et non point civil;

Que le Gouvernement défendeur a relevé d'autre part que, pour

rechercher si la défense des jeunes gens de Fundres/Pfunders a négligé

d'utiliser un "remedy" essentiel et suffisant, il faut partir d'une

hypothèse d'étude consistant à admettre, de manière purement

provisoire, que les violations alléguées ont eu réellement lieu; qu'il

a cité, en ce sens, les sentences arbitrales rendues le 9 mai 1934 en

l'affaire des Navires finlandais (Recueil des Sentences Arbitrales de

l'O.N.U., Volume III, page 1504) et le 6 mars 1956 en l'affaire

Ambatielos ("... The only possible test is to assume the truth of the

facts on which the claimant State bases its claim");

Qu'il a insisté en outre sur le fait que, depuis le dépôt de

l'instrument de ratification de l'Italie (26 octobre 1955), la

Convention forme partie intégrante du système juridique italien,

l'article 2 de la loi no 848 du 4 août 1955 portant obligation de

l'observer et de la faire observer "comme loi de l'Etat"; qu'il en

résulterait que les dispositions de la Convention doivent être

invoquées devant les tribunaux italiens au même titre que la

Constitution, les codes et n'importe quelle autre loi interne,

l'ignorance de la loi, et par conséquent de la Convention, ne pouvant

être valablement excusée; qu'il en serait d'autant plus ainsi que,

contrairement aux affirmations du Gouvernement autrichien, le principe

selon lequel il incombe aux tribunaux répressifs de rechercher la

vérité, au besoin d'office, ne s'appliquerait pas à la Cour de

Cassation mais uniquement aux juges du fond;

Qu'à propos de ce dernier point, la Commission a invité les parties,

par lettre du 17 décembre 1960 et à l'ouverture de l'audience du 7

janvier 1961, à lui fournir des éclaircissements ou des précisions sur

les deux questions suivantes:

a. "Les clauses de l'article 6 paragraphes 1, 2 et 3 d) et de l'article

14 (art. 6-1, 6-2, 6-3-d, 14) de la Convention, invoquées par le

Gouvernement autrichien, coïncident-elles avec les prescriptions

correspondantes du droit italien (Constitution, lois, etc.) ou

vont-elles au-delà, ou au contraire demeurent-elles en-deçà de ces

prescriptions?"

b. "Les juridictions répressives italiennes ont-elles, en vertu du

principe "Jura novit curia", le droit ou le devoir de veiller d'office

au respect des clauses et prescriptions mentionnées à l'alinéa

précédent? Dans l'affirmative, la Cour de Cassation se

distingue-t-elle, sous ce rapport, du tribunal de première instance et

de la Cour d'Appel?";

Qu'en réponse à la première question, le Gouvernement italien a exprimé

l'opinion, à l'audience du 7 janvier, que l'article 6 paragraphes 1,

2 et 3 d) et l'article 14 (art. 6-1, 6-2, 6-3-d, 14) de la Convention

trouvent leur équivalent en des clauses précises de la Constitution

(articles 3, 22, 24, 25, 27, 101, 102, 104, 108 et 111), du Code pénal

(articles 1, 40, 42, 57 et 85) et du Code de procédure pénale (articles

185, 238 bis, 239, 240, 249, 256, 269, 378, 420 et 479) italiens; qu'il

a souligné, toutefois, que cette opinion reposait sur une

interprétation déterminée de la Convention; qu'il a ajouté, à

l'audience du 9 janvier, que le Gouvernement autrichien semblait

attribuer aux articles 6 et 14 (art. 6, 14) une signification

différente et plus ample, ce qui serait une raison supplémentaire de

vérifier si la défense des jeunes gens de Fundres/Pfunders les a ou non

invoqués devant les tribunaux italiens; qu'il a fait valoir que le

problème de l'épuisement des voies de recours internes ne pouvait être

joint au fond, de sorte que la Commission devrait, pour le trancher,

ou bien s'en tenir au critère accepté par la jurisprudence

internationale (affaire des Navires Finlandais et affaire Ambatielos),

c'est-à-dire admettre provisoirement l'interprétation autrichienne, ou

bien se prononcer elle-même, dès ce stade de la procédure, sur la

portée exacte des articles 6 et 14 (art. 6, 14);

Qu'en réponse à la deuxième question reproduite ci-dessus, le

Gouvernement défendeur a indiqué, à l'audience du 7 janvier, que les

arrêts d'appel et de cassation obéissent dans le système italien, à la

différence des jugements de première instance, au "principio

dispositivo", selon lequel les parties tracent elles-mêmes, en

choisissant leurs moyens (motivi d'impugnazione), les limites du

pouvoir de cognition du juge d'appel ou de cassation; qu'à la vérité,

les articles 152 et 185 du Code de procédure pénale apportent à ce

principe diverses exceptions en prévoyant que le juge doit, en tout

état de l'instance, relever d'office certaines causes rendant l'accusé

non punissable, de même que certaines nullités absolues, que les

conditions d'application de ces deux articles ne se trouvaient

cependant pas réunies en l'espèce;

Qu'à l'ouverture de l'audience du 9 janvier, la Commission a posé aux

parties la question ci-après:

"Lorsqu'un accusé soulève un certain moyen devant la Cour de Cassation

avec une précision suffisante mais sans invoquer expressément, à

l'appui de ce moyen, les dispositions pertinentes du droit interne

italien, y compris la Convention, la Cour a-t-elle néanmoins le droit

ou le devoir de veiller au respect desdits dispositions, ou doit-elle

déclarer le pourvoi irrecevable par application de l'article 201 du

Code de procédure pénale?";

Que le Gouvernement italien a répondu, lors de la même audience, que

l'article 201 du Code de procédure pénale, en exigeant que les moyens

soient exposés de manière spécifique, sous peine d'irrecevabilité,

édicte une règle générale valable pour n'importe quel recours, y

compris le pourvoi en cassation; qu'à cette règle générale s'ajoute la

règle spéciale de l'article 524 dudit Code, qui énumère les vices

donnant ouverture à cassation, à savoir inobservation ou application

erronée de la loi pénale ou d'autres dispositions juridiques dont il

faut tenir compte dans l'application de la loi pénale, excès de pouvoir

de la part du juge et inobservation des dispositions du Code de

procédure pénale établies à peine de nullité, d'irrecevabilité ou de

déchéance; qu'il s'ensuivrait que la partie intéressée a l'obligation

absolue de formuler son moyen en indiquant non seulement les

dispositions de la loi pénale dont elle allègue l'inobservation ou

l'application erronée, mais encore les autres dispositions juridiques

pertinentes, par exemple la Convention, faute de quoi il suffirait de

se référer à l'ensemble du Code de procédure pénale, ou à la

Constitution tout entière, etc., pour rendre pratiquement impossible

l'accomplissement de la tâche du juge de cassation; que, sous réserve

des articles 152 et 185 du Code de procédure pénale, déjà cités, la

Cour de Cassation d'Italie n'aurait donc pas la faculté d'examiner un

moyen précisé en fait mais non pas en droit;

Que, partant de ces prémisses, le Gouvernement italien a conclu que les

jeunes gens de Fundres/Pfunders n'avaient épuisé les voies de recours

internes pour aucun des griefs du Gouvernement autrichien;

Qu'il a observé, en ce qui concerne le refus, par la Cour de Trente,

d'entendre Giovanna Ebner et le Dr Kofler en qualité de témoins, que

le troisième moyen du pourvoi en cassation se bornait à invoquer des

arguments de fait et, dans une moindre mesure, les droits de la

défense; qu'il a semblé admettre, à la rigueur, que ledit moyen avait

ainsi soulevé, implicitement et en substance, le grief tiré de la

violation alléguée de l'article 24 de la Constitution italienne, et que

la Cour de Cassation aurait dû trancher ce point; qu'il a néanmoins

reproché aux condamnés de ne s'être pas expressément prévalus de

l'article 6 paragraphe 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention, prescription

de droit dont la Cour de Cassation a compétence pour vérifier le

respect;

Que le Gouvernement italien a constaté en outre que le pourvoi ne

mentionnait pas davantage les articles 6 paragraphe 2 et 14

(art. 6-2, 14) de la Convention, ni même les articles 27 paragraphe 2

et 3 (art. 27-2, 27-3) de la Constitution italienne, aux termes

desquels "l'accusé n'est pas considéré coupable tant qu'il n'y a pas

eu condamnation définitive" et "tous les citoyens ont une même dignité

sociale et sont égaux devant la loi sans distinction de sexe, de race,

de langue, de religion, d'opinion politique, de conditions personnelles

ou sociales ...";

Qu'au sujet, enfin, de la partialité prétendue des juges d'assises, le

Gouvernement italien a exprimé l'opinion que le pourvoi en cassation

ne renfermait aucun argument comparable à ceux du Gouvernement

autrichien et souligné que la défense n'avait invoqué ni l'article 6

paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention, ni les articles 2 ("La

République reconnaît et garantit les droits inviolables de l'homme

...") et 24 paragraphe 2 ("La défense est un droit inviolable en tout

état ou degré de l'affaire") de la Constitution italienne; qu'à la

vérité, le premier moyen du pourvoi contestait la légalité du

remplacement d'un juré de la Cour de Trente, tombé malade, par un "juré

suppléant", mais qu'il s'agirait là d'un grief entièrement indépendant

des accusations de partialité formulées dans la requête;

Qu'en réponse à une question de la Commission, le Gouvernement italien

a soutenu à l'audience du 9 janvier, en ordre subsidiaire, que les

accusés n'avaient pas même soulevé en substance, devant la Cour de

Cassation, les moyens à l'appui desquels la requête se réfère aux

articles 6 et 14 (art. 6, 14) de la Convention;

Que la Commission a invité les parties, par lettre du 17 décembre 1960

et à l'ouverture de l'audience du 7 janvier 1961, à lui fournir des

éclaircissements ou des précisions sur la question suivante:

"Les accusés du procès de Fundres/Pfunders avaient-ils, selon la

législation italienne, la possibilité d'attaquer la composition du

jury, critiquée par le Gouvernement autrichien aux pages 6 et 18 de la

requête introductive? Si oui, quels recours s'offraient à eux en la

matière, et les ont-ils exercés?";

Que le Gouvernement italien a répondu que si, malgré les garanties

offertes par la Loi no 287 du 10 avril 1951, relative à l'organisation

des Cours d'Assises et notamment à la constitution des jurys, les

accusés de Fundres/Pfunders avaient cru pouvoir douter de

l'impartialité de leurs juges de première instance et d'appel, ils

auraient dû former une demande de renvoi pour cause de suspicion

légitime, ce qu'ils ont négligé de faire; qu'aux termes de l'article

55 du Code italien de procédure pénale, en effet,

"A tout état de degré du procès, pour de graves motifs d'ordre public

ou pour une légitime suspicion, à la requête du Procureur Général près

la Cour d'Appel ou la Cour de Cassation, celle-ci peut renvoyer une

instruction ou le jugement à un autre juge dans un autre siège.

L'accusé peut avancer une instance à cet effet uniquement pour une

légitime suspicion. Cette faculté n'appartient pas aux autres parties

privées."; que la demande de l'accusé doit être adressée au Procureur

de la République, mais que celui-ci a l'obligation de la transmettre

à la Cour de Cassation qui, de son côté, est tenue de l'examiner et de

statuer; qu'au surplus, une situation de pur fait, et non pas seulement

une règle de droit existante, peut, dans le système italien, justifier

le renvoi pour cause de suspicion légitime; que la suspicion légitime

constituerait donc une notion concrète; que la Cour de Cassation

d'Italie aurait plusieurs fois décidé, tant à la requête d'accusés qu'à

celle du ministère public, de dessaisir la Cour d'Assises normalement

compétente ratione loci, pour le motif qu'il régnait, dans le ressort

de cette Cour, une ambiance de nature à empêcher un procès entièrement

impartial; qu'il arriverait, en particulier, que les questions

susceptibles de troubler la tranquillité et l'ordre publics dans une

région déterminée soient portées devant les juridictions d'autres

régions de la République italienne; que la demande de renvoi pour cause

de suspicion légitime revêtirait, dès lors, le caractère d'un recours

essentiel et efficace; qu'à tout le moins, il incomberait au

Gouvernement autrichien, selon les principes de droit international

généralement reconnus en la matière, de démontrer qu'elle eût été

inefficace en l'espèce; que le Gouvernement autrichien n'aurait

aucunement rapporté pareille preuve en affirmant que le dessaisissement

éventuel des Cours de Bolzano/Bozen et de Trente eût abouti à confier

l'examen de l'affaire à des jurys ne comprenant aucune personne de

langue allemande, de sorte qu'il eût été inopportun, pour la défense,

de se prévaloir de l'article 55 du Code de procédure pénale; que cette

affirmation irait au-delà de toute prévision possible, car elle

équivaudrait à alléguer que nulle part en Italie il n'y aurait eu de

juge capable de faire vraiment justice;

Considérant que le Gouvernement autrichien a rappelé pour sa part, en

ordre subsidiaire - c'est-à-dire à supposer que l'article 26 (art. 26)

de la Convention s'applique de la même façon aux requêtes étatiques et

aux requêtes individuelles - que, d'après la sentence arbitrale rendue

le 8 juin 1932 en l'affaire Salem, la règle de l'épuisement des voies

de recours internes doit s'interpréter en fonction des circonstances

propres à chaque affaire et "as a rule it is sufficient if the claimant

has brought his suit up to the highest instance of the national

judiciary"; qu'au surplus, les quatre décisions de la Commission citées

par le Gouvernement italien auraient trait à des procédures civiles,

tandis que la présente requête concerne une procédure pénale; que les

procédures pénales obéiraient au principe selon lequel le tribunal a

l'obligation de trouver la vérité indépendamment des griefs et offres

de preuve de la défense;

Que le Gouvernement demandeur s'est déclaré d'accord avec le

Gouvernement italien pour admettre que les stipulations de la

Constitution italienne coïncident avec celles de la Convention et que

celle-ci forme partie intégrante du droit interne italien; qu'il n'a

pu accepter, en revanche, que l'on reproche à la défense de ne pas

avoir mentionné les dispositions de la Convention; qu'en effet, les

autorités italiennes, y compris les tribunaux, auraient le devoir de

les appliquer, même d'office; que le Gouvernement autrichien a contesté

que les lois italiennes, et notamment l'article 524 du Code de

procédure pénale, ne garantissent pas le respect de ce devoir; que si

elles ne le garantissaient pas, d'ailleurs, elles enfreindraient à son

avis la Convention, l'Italie n'ayant formulé aucune réserve à leur

propos;

Qu'aux yeux du Gouvernement autrichien, il suffit donc que les griefs

au sujet desquels la requête allègue la violation des articles 6 et 14

(art. 6, 14) de la Convention aient été soulevés en substance devant

les juridictions italiennes; que tel serait effectivement le cas; que

le Gouvernement autrichien a souligné, en ce sens, que l'exposé des

faits du pourvoi en cassation critiquait les "affirmations

apodictiques" et les "pures assertions sans l'ombre d'une preuve à

l'appui" contenues dans l'arrêt de la Cour de Trente; le premier moyen

dudit pourvoi, les conditions dans lesquelles un juré suppléant avait

remplacé l'un des jurés de cette Cour, tombé malade; le troisième

moyen, la non-audition de Giovanna/Johanna Ebner et du Dr Kofler lors

de la descente sur les lieux du 13 mars 1958; le septième, les

"appréciations subjectives", "suppositions" et "conjectures" émises par

les juges d'appel; le huitième, les "affirmations apodictiques ne

reposant sur aucune preuve" qu'ils auraient énoncées; le premier moyen

supplémentaire, enfin, l'"insuffisance" des motifs pour lesquels

l'arrêt du 27 mars 1958 épousa la thèse de l'homicide volontaire plutôt

que celle de l'homicide "pré-intentionnel"; que le Gouvernement

autrichien a relevé, en outre, que l'avocat des jeunes gens de

Fundres/Pfunders avait expressément invoqué, en sus d'une série de

prescriptions du Code pénal, du Code de procédure pénale et de la Loi

du 10 avril 1951, les articles 24 paragraphe 2 (deuxième moyen du

pourvoi) et 27 paragraphe 1 (septième moyen) de la Constitution

italienne;

Que le Gouvernement autrichien a fait valoir, d'autre part, qu'une

demande de renvoi pour cause de suspicion légitime n'aurait pas

amélioré la situation des accusés et n'aurait pas été

"vraisemblablement efficace" au sens des principes de droit

international généralement reconnus; que d'après lui, en effet,

l'appartenance de quatre jurés sur six au "groupe ethnique italien"

n'aurait guère eu de chances d'être retenue comme motif légitime de

suspicion, les accusés possédant eux aussi la nationalité italienne et

le Code italien de procédure pénale datant d'une époque antérieure à

la naissance du problème de la minorité du Haut-Adige; qu'en outre, le

dépôt d'une requête fondée sur l'article 55 dudit Code n'eût pas manqué

d'indisposer les Cours d'Assises, surtout dans l'atmosphère régnant à

Bolzano/Bozen et à Trente et, partant, eût constitué une faute grave

de la défense; que si du reste la Cour de Cassation avait, par

impossible, accueilli pareille requête, l'examen de l'affaire eût

incombé à un jury ne comprenant aucune personne de langue allemande et,

dès lors, de "composition ethnique encore plus défavorable";

Décision de la Commission

En ce qui concerne le grief énoncé au paragraphe 1 - 3 - a) des

conclusions finales du Gouvernement autrichien:

Considérant que, par ce grief, le Gouvernement autrichien allègue la

violation de l'article 6 paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention du

fait de la composition des Cours d'Assises de Bolzano et de Trente;

qu'il souligne que quatre jurés sur six étaient d'"appartenance

ethnique italienne", ce qui les aurait rendus "particulièrement

influençables par la campagne de presse italienne, la tension

politique, l'argumentation véhémente du Procureur de la République et

de la partie civile";

Considérant que selon les principes de droit international généralement

reconnus, auxquels se réfère l'article 26 (art. 26) de la Convention,

il incombe au Gouvernement défendeur, s'il soulève l'exception de non

épuisement, de prouver l'existence, dans son système juridique

national, de recours qui n'ont pas été exercés (décision de la

Commission sur la recevabilité de la requête no 299/57 du Gouvernement

hellénique contre le Gouvernement britannique et sentence arbitrale du

6 mars 1956 relative à l'affaire Ambatielos);

Que le Gouvernement italien a démontré qu'aux termes de l'article 55

paragraphe 2 du Code de procédure pénale, un accusé peut, en tout état

de cause, former une demande de renvoi pour cause de suspicion

légitime, et que les intéressés n'ont usé de cette faculté ni en

première instance ni en appel;

Que la règle de l'épuisement exige en principe, d'après les conceptions

dominant de nos jours en la matière, que soient utilisées toutes les

ressources judiciaires offertes par la législation nationale, pourvu

qu'elles se révèlent susceptibles de fournir un moyen vraisemblablement

efficace et suffisant de redresser les griefs articulés, sur le plan

international, contre l'Etat défendeur (décision de la Commission sur

la recevabilité de la requête no 347/57 de M. B.S. Nielsen contre le

Danemark); que les explications du Gouvernement italien sur la

législation et la pratique pertinentes donnent à penser qu'une demande

introduite en vertu de l'article 55 paragraphe 2 du Code de procédure

pénale eût constitué en l'occurrence un tel recours; qu'il ressort de

ces explications, en particulier, que, selon la jurisprudence de la

Cour de Cassation d'Italie, pareille demande peut valablement se fonder

sur des circonstances du genre de celles dont fait état le Gouvernement

autrichien, que le Procureur de la République a l'obligation de la

transmettre à la Cour de Cassation et que celle-ci doit l'examiner et

statuer; qu'il semble que le recours en question aurait donc eu des

perspectives appréciables de succès et que, si la Cour de Cassation

l'avait accueilli, le procès aurait eu des chances sérieuses de se

dérouler dans une atmosphère différente de celle qui, aux yeux du

Gouvernement autrichien, régnait à Bolzano/Bozen et à Trente;

Considérant, du reste, que l'épuisement d'une voie de recours interne

déterminée ne cesse normalement d'être nécessaire, selon les principes

de droit international généralement reconnus, que si la partie

requérante réussit à établir que, dans les circonstances de l'espèce,

cette voie n'était pas vraisemblablement efficace et suffisante quant

au grief dont s'agit (décision de la Commission sur la recevabilité de

la requête no 299/57 du Gouvernement hellénique); que, de l'avis de la

Commission, le Gouvernement autrichien n'a développé à cet égard que

des arguments se situent sur le terrain de l'opportunité et, plus

précisément, de la tactique que les accusés avaient ou n'avaient pas

intérêt à adopter; qu'il n'a pas établi qu'une demande de renvoi pour

cause de suspicion légitime n'eût pas constitué, en l'occurrence, un

recours vraisemblablement efficace et suffisant;

Constate, dès lors, que l'épuisement des voies de recours internes ne

se trouve pas réalisé sous ce rapport, de sorte qu'il échet de rejeter

une partie de la requête par application de l'article 27 paragraphe 3

(art. 27-3) de la Convention;

En ce qui concerne le grief énoncé au paragraphe I - 1 des conclusions

finales du Gouvernement autrichien

Considérant que, par ce grief, le Gouvernement autrichien allègue la

violation de l'article 6 paragraphe 3 d) (art. 6-3-d) de la Convention

du fait de la "non admission des témoins Johanna Ebner et Dr Kofler

comme négligeables sur un sujet que les tribunaux ont déclaré comme

essentiel et relevant à l'égard des témoins cités par l'accusation et

irrelevant à l'égard de ces témoins cités par la défense sur les mêmes

points";

Considérant que, dans le troisième moyen de leur pourvoi en cassation,

les condamnés critiquaient la motivation "nettement contradictoire"

qui, d'après eux, conduisit la Cour de Trente à refuser, le 10 mars

1958, l'audition de Giovanna/Johanna Ebner et du Dr Kofler en qualité

de témoins lors de la descente sur les lieux, alors pourtant qu'elle

prescrivit celle de Calvia sur le même point, à savoir l'emplacement

du cadavre de Falqui; qu'ils faisaient valoir que Giovanna/Johanna

Ebner avait passé sur le pont qui enjambe le torrent au moment où le

corps gisait encore dans le lit de ce dernier et où un autre douanier

essayait de le relever; qu'ils ajoutaient que "ne fût-ce que du point

de vue pur et simple du droit à la défense ..., le juge ne peut rejeter

les preuves proposées sur des circonstances matérielles précises

d'importance fondamentale"; qu'ils appuyaient leur thèse sur les

articles 415, 457, 475 paragraphe 3, 520 et 524 du Code de procédure

pénale, mais non pas sur l'article 24 paragraphe 2 de la Constitution,

aux termes duquel "la défense est un droit inviolable ..."; que le

Gouvernement italien a néanmoins concédé que "l'on pourrait admettre,

à la rigueur, que l'argument a été soulevé en substance et que la Cour

de Cassation aurait dû le trancher"; qu'en revanche, le troisième moyen

du pourvoi ne mentionnait pas l'article 6 paragraphe 3 d)

(art. 6-3-d) de la Convention, dont les dispositions ne trouvent leur

équivalent exact dans aucun des cinq articles du Code de procédure

pénale énumérés ci-dessus; que la Cour de Cassation a rejeté ledit

moyen sur la base exclusive des concepts de libre conviction et de

pouvoir discrétionnaire du juge du fond;

Considérant qu'il appartient en principe à la législation nationale de

chaque Etat Contractant de créer les juridictions appropriées, d'en

délimiter la compétence (affaire du chemin de fer

Panevezys-Saldutiskis, C.P.J.I., Série A/B, no 76, page 19) et de fixer

les formes et délais que les justiciables doivent respecter pour y

accéder; que les articles 201 et 524 du Code de procédure pénale, tels

que les interprète le Gouvernement italien, obligent quiconque se

pourvoit en cassation à libeller ses moyens de manière spécifique, en

indiquant clairement les prescriptions juridiques dont il se prévaut;

que la Convention possède en Italie, depuis le 26 octobre 1955, la

valeur d'une loi interne ordinaire; que ses clauses figurant donc,

semble-t-il, parmi celles qu'il eût fallu, selon les articles 201 et

524 du Code de procédure pénale, invoquer expressément dans le pourvoi

en cassation;

Considérant cependant que, selon l'article 26 (art. 26) de la

Convention, c'est en fonction des principes de droit international

généralement reconnus que l'on doit déterminer si les recours internes

ont ou non été valablement épuisés; que l'on admet communément, à cet

égard, que seule la non-utilisation d'un recours "essentiel" pour

établir le bien-fondé de la cause devant les tribunaux internes

entraîne l'irrecevabilité de la réclamation internationale (sentence

arbitrale rendue le 6 mars 1956 en l'affaire Ambatielos); qu'en outre

la règle du "local redress" se borne à imposer l'usage "normal" des

recours "vraisemblablement efficaces et suffisants" (résolution adoptée

à Grenade, en 1956, par l'Institut de Droit International);

Considérant que le troisième moyen du pourvoi en cassation a soulevé

en substance le même problème que le grief dont s'agit, à savoir le

problème de l'égalité entre l'accusation, la partie civile et la

défense en matière d'audition des témoins; que l'article 6 paragraphe

3 d) (art. 6-3-d) de la Convention a précisément pour but d'assurer

cette égalité, ainsi qu'il ressort et de sa lettre ("... obtenir la

convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes

conditions que les témoins à charge") et des travaux préparatoires

(document CM/WP IV (50) 19, pages 15 - 16: "Le but de ce paragraphe est

de placer l'inculpé, en matière d'audition de témoins, sur un pied

d'égalité avec le ministère public"); que s'ils l'avaient expressément

cité, les jeunes gens de Fundres/Pfunders n'auraient donc présenté

aucun moyen supplémentaire, mais avancé un simple argument de plus

coïncidant en pratique, par sa portée, avec ceux qu'ils tiraient du

Code de procédure pénale; qu'il n'existe par conséquent, selon toute

apparence, aucune raison de présumer que leur pourvoi aurait, de cette

manière, abouti à un résultat différent et plus favorable pour eux;

Constate, dès lors, que le grief énoncé au paragraphe I - 1 des

conclusions finales du Gouvernement autrichien ne peut être déclaré

irrecevable par application de l'article 27 paragraphe 3 (art. 27-3)

de la Convention;

En ce qui concerne le grief énoncé au par. I - 2 des conclusions

finales du Gouvernement autrichien

Considérant que, par ce grief, le Gouvernement autrichien allègue la

violation de l'article 6 paragraphe 2 (art. 6-2) de la Convention "du

fait que les accusés ont été traités avant leur condamnation comme

meurtriers politiques et qualifiés comme tels ayant commis un meurtre

poussés par leur haine anti-italienne";

Considérant que pour apprécier si les voies de recours internes ont été

épuisées à cet égard, il échet de se conformer aux principes rappelés

à propos du grief précédent;

Considérant que l'article 27 paragraphe 2 de la Constitution italienne

stipule que "l'accusé n'est pas considéré coupable jusqu'au moment de

sa condamnation définitive" et offre donc une nette analogie avec

l'article 6 paragraphe 2 (art. 6-2) de la Convention, aux termes duquel

"toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à

ce que sa culpabilité ait été légalement établie"; que les intéressés

se sont bornés à mentionner le paragraphe 1er dudit article 27 ("la

responsabilité pénale est personnelle"), et ce dans le septième moyen

du pourvoi; que ce moyen ne traitait d'ailleurs pas des événements de

la nuit du 15 au 16 août 1956, mais de l'incident du 29 juin 1956, et

par conséquent, n'entre pas en ligne de compte pour les besoins de la

présente décision; que, d'autre part, le pourvoi ne contenait aucune

référence à l'article 6 paragraphe 2 (art. 6-2) de la Convention;

Considérant toutefois que l'exposé des faits par lequel s'ouvrait le

pourvoi reprochait à la Cour de Trente d'avoir non seulement négligé

de se prononcer sur certains "éléments rassemblés au dossier (et

constituant) une base logique nécessaire pour une évaluation juridique

de tout le procès", mais émis également des "affirmations apodictiques"

et de "pures assertions sans l'ombre d'une preuve à l'appui" en

dépeignant les accusés, qui n'avaient jusque-là subi aucune

condamnation, comme des personnes "gonflées de haine anti-italienne"

et "assoiffées de vengeance contre les Italiens"; qu'il soulignait que,

selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, "est nul le jugement

dont les motifs, au lieu de se fonder sur des faits positifs, reposent

sur des suppositions et des conjectures"; qu'en outre, le premier moyen

supplémentaire du pourvoi faisait valoir que la Cour de Trente avait

violé l'article 475 du Code de procédure pénale, faute d'avoir

"suffisamment motivé sa thèse en ce qui concernait l'argument de la

défense d'après lequel l'homicide avait eu lieu en dépassant les

intentions des auteurs ("preterintenzionalità"); qu'il contestait que

la Cour eût "prouvé de manière indéniable l'existence d'une volonté

meurtrière chez Luigi Ebner"; qu'il observait qu'entre les deux

hypothèses examinées par le juge du fond, celle de l'homicide

volontaire et celle du décès accidentel, il y avait place pour

l'hypothèse intermédiaire de l'homicide "préterintentionnel" que, de

l'avis de la défense, plusieurs circonstances de fait tendaient à

corroborer; qu'il exprimait l'opinion que la Cour de Trente aurait dû

écarter "l'absence d'intention ("preterintenzionalità") ... non pas

implicitement, mais explicitement", après l'avoir étudiée et en

motivant l'exclusion;

Considérant au surplus que pour justifier le rejet du premier moyen

supplémentaire, la Cour de Cassation d'Italie a commencé par rappeler

que son rôle "se borne à un contrôle de la légalité des décisions

portées à sa connaissance" et que, par suite, elle "ne peut procéder

à un nouvel examen de l'évaluation faite des preuves du procès, au

sujet desquelles elle peut seulement relever d'éventuels vices logiques

et juridiques"; qu'elle a estimé que la motivation adoptée par la Cour

de Trente ne recélait nul vice de ce genre et que les éléments retenus

dans l'arrêt entrepris suffisaient, "en l'occurrence ..., pour

démontrer la volonté homicide de la part de Luigi Ebner";

Considérant qu'il en résulte que le problème de la présomption

d'innocence, soulevé par le Gouvernement autrichien au paragraphe I -

2 de ses conclusions finales, a été soumis en substance à la Cour de

Cassation d'Italie; que, s'ils avaient expressément cité l'article 27

paragraphe 2 de la Constitution italienne et l'Article 6 paragraphe 2

(art. 6-2) de la Convention européenne, les jeunes gens de

Fundres/Pfunders n'auraient donc présenté aucun moyen supplémentaire,

mais avancé un simple argument de plus coïncidant en pratique, par sa

portée, avec ceux qu'ils ont effectivement développés; qu'il n'existe

par conséquent, selon toute apparence, aucune raison de présumer que

leur pourvoi aurait, de cette manière, abouti à un résultat différent

et plus favorable pour eux;

Constate, dès lors, que le grief en question ne peut être déclaré

irrecevable par application de l'article 27 paragraphe 3 (art. 27-3)

de la Convention;

En ce qui concerne le grief énoncé au paragraphe I - 3 b) des

conclusions finales du Gouvernement autrichien

Considérant que, par ce grief, le Gouvernement autrichien allègue la

violation de l'article 6 paragraphe 1 (art. 6-1) de la Convention du

fait de "la violation du droit codifié dans les alinéas 2 et 3 d) de

l'article 6 (art. 6-2, 6-3-d), l'alinéa 1 résumant dans son acception

générale les alinéas postérieurs";

Constate que ce grief constitue un simple corollaire des deux griefs

précédents, de sorte qu'il ne peut, pas plus que ces derniers, être

déclaré irrecevable par application de l'article 27 paragraphe 3

(art. 27-3) de la Convention;

En ce qui concerne le grief énoncé au paragraphe I - 4 des conclusions

finales du Gouvernement autrichien

Considérant que, par ce grief, le Gouvernement autrichien allègue la

violation de l'article 14 (art. 14) de la Convention "parce que les

violations des droits de l'homme exposées" (dans les autres griefs)

naissaient sans doute du fait que les jeunes gens de Pfunders étaient

d'origine ethnique et linguistique (origine nationale) différente de

la majorité des citoyens de la République italienne";

Constate, à la lumière des mémoires, plaidoiries et conclusions du

Gouvernement demandeur, que ledit grief se rattache très étroitement

aux griefs antérieurs et, partant, n'appelle pas de décision distincte

relativement aux articles 26 et 27 paragraphe 3 (art. 26, 27-3) de la

Convention;

III. Sur les autres questions de compétence et de recevabilité

Considérant que, dans ses observations écrites du 30 août 1960

(paragraphes 3 - 7) et ses observations écrites complémentaires du 3

décembre 1960 (paragraphes 1 - 2), le Gouvernement italien avait

soutenu que l'examen des griefs du Gouvernement autrichien ne relevait

pas de la compétence ratione materiae de la Commission; que les

arguments développés par lui en la matière précédaient même, dans ces

deux documents, ceux qui tendaient à faire déclarer la requête

irrecevable pour non épuisement des voies de recours internes; que le

gouvernement défendeur commençait par rappeler qu'aux termes de

l'article 24 (art. 24) de la Convention, "toute Partie Contractante

peut saisir la Commission ... de tout manquement aux dispositions de

la ... Convention qu'elle croira pouvoir être imputé à une autre Partie

Contractante"; qu'il admettait que les chefs d'irrecevabilité visés à

l'article 27 paragraphe 2 (art. 27-2) de la Convention valent

exclusivement pour les requêtes introduites, en vertu de l'article 25

(art. 25), par une personne physique, une organisation non

gouvernementale ou un groupe de particuliers; qu'il déduisait cependant

dudit article 24 (art. 24) que les requêtes étatiques, même si elles

sont manifestement mal fondées ou abusives, doivent avoir pour objet

l'imputation d'un "manquement aux dispositions de la Convention" et

non, par exemple, aux normes d'un autre traité international, faute de

quoi la Commission n'aurait point compétence pour en connaître; qu'il

ajoutait que la Commission ne devait pas vérifier sa compétence à cet

égard in abstracto, sur la base d'un rappel général à une disposition

de la Convention et à l'affirmation d'une violation générale et vague

de celle-ci, mais bien in concreto, sur la base d'une imputation de

manquement aux droits spécifiquement prévus par la Convention;

qu'il incomberait donc à la Commission, sans aborder l'examen du fond,

de s'assurer que l'Etat demandeur déplore, avec ou sans fondement, un

acte ou une omission susceptible de constituer de manière immédiate une

violation de tel droit particulier et précis prévu par la Convention

et dans les limites où les Parties Contractantes ont voulu prévoir et

garantir ce droit; que le Gouvernement italien, analysant ensuite la

requête en fonction des principes ainsi définis, arrivait à la

conclusion qu'elle ne se rapportait en aucune manière aux droits de

l'homme, mais abondait en affirmations gratuites ou offensantes et

tentait en fait d'ériger la Commission en "quatrième instance"; qu'il

invitait la Commission, en conséquence, à constater son incompétence

absolue;

Considérant que, dans sa réponse du 26 octobre 1960 aux observations

écrites italiennes (paragraphes 1 et 2), sa plaidoirie du 7 janvier

1961 et ses conclusions finales du 9 janvier 1961 (paragraphes I - 1),

le Gouvernement autrichien a reproché au Gouvernement défendeur, en

ordre principal, d'assimiler la requête à une requête individuelle et

de discuter prématurément les faits et le fond de l'affaire; qu'il a

souligné que l'article 24 (art. 24) de la Convention habilite toute

Partie Contractante à saisir la Commission de tout manquement aux

dispositions de la Convention qu'elle "croira" pouvoir être imputé à

une autre Partie Contractante; qu'il a estimé avoir amplement démontré

qu'il croyait avec toute justification qu'un tel manquement pouvait

être imputé au Gouvernement italien; que le Gouvernement demandeur a

fait valoir, subsidiairement, que la Commission a compétence pour

examiner sinon toutes les erreurs de fait ou de droit éventuellement

commises par les tribunaux internes, du moins celles qui constituent

ou ont entraîné une violation des droits de l'homme ou qui, tout au

moins, laissent supposer pareille violation, ce qui serait le cas en

l'espèce; qu'il a souligné, en outre, qu'il indiquait clairement les

prescriptions dont il alléguait la méconnaissance, à savoir les

articles 6 paragraphe 3 d), 6 paragraphe 2, 6 paragraphe 1 et 14

(art. 6-1, 6-2, 6-3-d, 14) de la Convention; qu'il lui a paru peu

logique, de la part du Gouvernement italien, d'essayer d'obtenir une

décision d'irrecevabilité en contestant la matérialité des faits

dénoncés dans la requête; qu'à ses yeux, seul un examen au fond

permettrait de déterminer si la Convention avait ou non été respectée;

Considérant que la Commission a déjà dit et jugé, dans ses décisions

des 2 juin 1956 et 12 octobre 1957 sur la recevabilité des requêtes no

176/56 et 299/57 du Gouvernement hellénique contre le Gouvernement du

Royaume-Uni, que les dispositions de l'article 27 paragraphe 2

(art. 27-2) de la Convention se réfèrent uniquement aux requêtes

introduites par les particuliers en vertu de l'article 25 (art. 25) et

non point à celles émanant des gouvernements; qu'elle en a déduit, dans

la seconde de ces décisions, que lorsqu'elle examine la recevabilité

d'une requête étatique, elle n'a pas à rechercher si la Partie

Contractante demanderesse apporte un commencement de preuve de

l'exactitude de ses affirmations, pareille recherche touchant au fond

de l'affaire;

Considérant, au surplus, que les griefs formulés dans la requête ne

sortent pas du cadre général de la Convention;

Décide que le moyen d'incompétence ratione materiae analysé ci-dessus

doit être écarté, et constate que le Gouvernement italien ne l'a

d'ailleurs pas maintenu dans ses conclusions finales du 9 janvier 1961;

Considérant qu'aucun autre motif d'incompétence ou d'irrecevabilité n'a

pu être retenu d'office;

Par ces motifs, et tout moyen de fond étant réservé, constate qu'elle

a compétence pour examiner la recevabilité de la requête;

déclare la requête IRRECEVABLE, pour non-épuisement des voies de

recours internes, en ce qui concerne les griefs énoncés au paragraphe

I - 3 a) des conclusions finales du Gouvernement autrichien;

la déclare RECEVABLE et la retient quant aux autres griefs,

c'est-à-dire:

1. quant à la violation alléguée de l'article 6 paragraphe 3 d)

(art. 6-3-d) de la Convention (non-audition de Giovanna/Johanna Ebner

et du Dr Kofler en qualité de témoins, paragraphe I - 1 des conclusions

finales du Gouvernement autrichien);

2. quant à la violation alléguée de l'article 6 paragraphe 2 (art. 6-2)

de la Convention (atteinte prétendue à la présomption d'innocence,

paragraphe I - 2 des conclusions finales du Gouvernement autrichien);

3. quant à la violation de l'article 6 paragraphe 1 (art. 6-1) de la

Convention qui résulterait de la violation alléguée de l'article 6

paragraphes 2 et 3 d) (art. 6-2, 6-3-d) (paragraphe I - 3 b) des

conclusions finales du Gouvernement autrichien);

4. quant à la violation alléguée de l'article 14 (art. 14) de la

Convention (paragraphe I - 4 des conclusions finales du Gouvernement

autrichien).

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CEDH, AUTRICHE c. ITALIE, 11 janvier 1961, 788/60