CEDH, Cour (première section), AFFAIRE VASSILIOS ATHANASIOU ET AUTRES c. GRECE, 21 décembre 2010, 50973/08

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Chronologie de l’affaire

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CEDH · 21 décembre 2010

Communiqué de presse sur l'affaire 50973/08

 

CEDH · 21 décembre 2010

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CEDH · 13 décembre 2010

Communiqué de presse sur les affaires 20578/07, 974/07, 3465/03, 31814/03, 29381/04, 48000/07, 29613/08, 29408/08, 36435/07, 50973/08, …

 
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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Première Section), 21 déc. 2010, n° 50973/08
Numéro(s) : 50973/08
Type de document : Arrêt
Jurisprudence de Strasbourg : Alexiou c. Grèce, no 26682/05, 6 décembre 2007
Anastasiadis et autres c. Grèce, no 25844/04, § 15, 24 avril 2008
Arvanitaki-Roboti et autres c. Grèce [GC], no 27278/03, CEDH 2008-...
Association « E. Apostolopoulos et K. Lymperopoulos » c. Grèce, no 24133/05, § 32, 24 avril 2008
Athanasiadis c. Grèce, no 16282/08, 22 avril 2010
Avoutzis et autres c. Grèce, no 25852/04, 24 avril 2008
Avramidis et autres c. Grèce, no 26084/04, § 15, 24 avril 2008
Bekas c. Grèce, no 24454/07, 12 mars 2009
Bekiari et autres c. Grèce, no 28264/07, 2 avril 2009
Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, § 22, CEDH 1999-V
Bourdov c. Russie (no 2), no 33509/04, CEDH 2009-...
Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, CEDH 2004-V
Broniowski c. Pologne (règlement amiable) [GC], no 31443/96, § 42, CEDH 2005-IX
Capuano c. Italie, 25 juin 1987, § 37, série A no 119
Hutten-Czapska c. Pologne [GC], no 35014/97, §§ 231-239, CEDH 2006-VIII
Dali c. Grèce, no 497/07, 6 novembre 2008
E.G. c. Pologne (déc.), no 50425/99, § 27, CEDH 2008-... (extraits)
Elmaliotis et Konstantinidis c. Grèce, no 28819/04, 25 janvier 2007
Erkner et Hofauer c. Autriche, 23 avril 1987, § 68, série A no 117
Examiliotis c. Grèce (no 4), no 15545/07, 11 juin 2009
Fraggalexi c. Grèce, no 18830/03, § 22, 9 juin 2005
Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII
Galanis c. Grèce, no 8725/08, 1 avril 2010
Galiatsou-Koutsikou et autres c. Grèce, no 38720/05, § 13, 24 avril 2008
Giannetaki E. & S. Metaforiki Ltd et Giannetakis c. Grèce, no 29829/05, 6 décembre 2007
Scozzari et Giunta c. Italie [GC], no 39221/98 et 41963/98, CEDH 2000-VIII
Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI
Ichtigiaroglou c. Grèce, no 12045/06, 19 juin 2008
Kamvyssis c. Grèce, no 2735/08, 22 avril 2010
Karokis c. Grèce, no 17461/08, 7 janvier 2010
Kokkini c. Grèce, no 33194/02, § 20, 17 février 2005
Kondyli et autres c. Grèce, no 35812/07, 2 avril 2009
Konstantinidou et autres c. Grèce, no 29529/07, 2 avril 2009
Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, 10 avril 2003
Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000-XI
Lambadaridou c. Grèce, no 42150/06, 5 juin 2008
Loukas c. Grèce, no 26279/06, 29 mai 2008
Lukenda c. Slovénie, no 23032/02, CEDH 2005-X
Mageiras c. Grèce, no 9893/08, § 23, 7 janvier 2010
Manios c. Grèce, no 70626/01, § 28, 11 mars 2004
Matou et autres c. Grèce, no 54837/08, 22 juillet 2010
Michaïlidou et autres c. Grèce, no 21091/07, 12 mars 2009
Milionis et autres c. Grèce, no 41898/04, 24 avril 2008
Nikitaki et autres c. Grèce, no 26907/07, 12 mars 2009
Odeon Cineplex A.E. c. Grèce, no 36525/05, 18 octobre 2007
Panagiotis Gikas et Georgios Gikas c. Grèce, no 26914/07, § 34, 2 avril 2009 Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, Recueil 1997-II, § 40
Papachelas c. Grèce [GC], no 31423/96, CEDH 1999-II
Papageorgiou c. Grèce, 22 octobre 1997, § 32, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI
Papathanasis c. Grèce, no 46064/07, 30 avril 2009
Petridis c. Grèce, no 53351/07, § 33, 22 juillet 2010
Philis c. Grèce (no 2), 27 juin 1997, § 49, Recueil 1997-IV
Polychronakos c. Grèce, no 23032/05, § 19, 11 octobre 2007
Poulitsidi c. Grèce, no 35178/05, 11 octobre 2007
Richart-Luna c. France, no 48566/99, § 47, 8 avril 2003
Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, CEDH 2006-V
S. et Marper c. Royaume-Uni [GC], nos 30562/04 et 30566/04, § 134, 4 décembre 2008
Siafaka c. Grèce, no 32025/06, 31 juillet 2008
Stamoulakatos c. Grèce (no 2), 26 novembre 1997, § 26, Recueil 1997-VII
Stavrinoudakis c. Grèce, no 26307/07, § 22, 29 octobre 2009
Tritsis c. Grèce, no 3127/08, 10 juin 2010
Tselika-Skourti c. Grèce, no 44685/07, 28 mai 2009
Tseronis c. Grèce, no 18607/05, § 18, 7 février 2008
Tsoukalas c. Grèce, no 12286/08, 22 juillet 2010
Vegleris et Bratsas c. Grèce, no 17114/07, 2 avril 2009
Wiesinger c. Autriche, 30 octobre 1991, § 57, série A no 213
Wolkenberg et autres c. Pologne (déc.), no 50003/99, § 34, CEDH 2007-... (extraits)
Xenides-Arestis c. Turquie, no 46347/99, § 50, 22 décembre 2005
Yuriy Nikolayevich Ivanov c. Ukraine, no 40450/04, §§ 35-37, CEDH 2009-... (extraits)
Zisis c. Grèce, no 77658/01, 19 juillet 2007
Zourdos et autres c. Grèce, no 24898/06, 5 juin 2008
Références à des textes internationaux :
Résolution intérimaire du Comité des Ministres CM/ResDH(2007)74 concernant des durées excessives de procédure devant les juridictions administratives grecques et l’absence de recours effectifs
Organisation mentionnée :
  • Comité des Ministres
Niveau d’importance : Importance élevée
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusions : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure administrative ; Article 6-1 - Délai raisonnable) ; Violation de l'article 13 - Droit à un recours effectif (Article 13 - Recours effectif) ; Etat défendeur tenu de prendre des mesures générales (Article 46 - Arrêt pilote ; Mesures générales) ; Préjudice moral - réparation
Identifiant HUDOC : 001-102431
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2010:1221JUD005097308
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Sur les parties

Texte intégral

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE VASSILIOS ATHANASIOU ET AUTRES c. GRÈCE

(Requête no 50973/08)

ARRÊT

STRASBOURG

21 décembre 2010

DÉFINITIF

21/03/2011

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l'affaire Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l'homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Nina Vajić, présidente,
Christos Rozakis,
Khanlar Hajiyev,
Dean Spielmann,
Sverre Erik Jebens,
Giorgio Malinverni,
George Nicolaou, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 décembre 2010,

Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 50973/08) dirigée contre la République hellénique par dix ressortissants de cet Etat, dont les noms apparaissent ci-après (« les requérants »), qui ont saisi la Cour le 6 octobre 2008 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Les requérants sont représentés par Mes N. Anagnostopoulos et A. Psyha, avocats au barreau d'Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, M. S. Spyropoulos, assesseur auprès du Conseil juridique de l'Etat et Mme M. Germani, auditrice auprès du Conseil juridique de l'Etat.

3.  Les requérants alléguaient une violation des articles 6 § 1 et 13 de la Convention quant à la durée d'une procédure administrative.

4.  Le 24 septembre 2009, la chambre a décidé de communiquer la requête au Gouvernement conformément à l'article 54 § 2 b) du règlement de la Cour. En outre, elle a décidé d'informer les parties qu'elle considérait appropriée l'application de la procédure d'arrêt pilote (voir Hutten-Czapska c. Pologne [GC], no 35014/97, §§ 231-239, CEDH 2006-VIII, et son dispositif, et Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, §§ 189-194, CEDH 2004-V, et son dispositif). Enfin, comme le permet l'article 29 § 1 de la Convention, il a été décidé que la recevabilité et le fond de la requête seraient examinés conjointement.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE

5.  Suite à leur mise à la retraite, les requérants reçurent une prime du Fonds de solidarité de l'armée (Μετοχικό Ταμείο Στρατού). En 2004, ils demandèrent à ce Fonds un complément de prime forfaitaire, mais le 28 juillet 1994, celui-ci rejeta leur demande.

6.  Le 9 août 1994, les requérants saisirent le tribunal administratif d'Athènes d'un recours en annulation de la décision du 28 juillet 1994. Ils sollicitaient le versement dudit complément de prime.

7.  Le 31 décembre 1996, le tribunal administratif rejeta le recours comme mal fondé (décision no 18250/1996).

8.  Le 12 mai 1997, les requérants interjetèrent appel. Une audience fut fixée au 19 mai 1999. A cette date, suite à la demande des requérants, la cour d'appel ajourna l'audience de l'affaire au 19 janvier 2000, date à laquelle celle-ci eut lieu.

9.  Le 29 février 2000, la cour administrative d'appel d'Athènes débouta les requérants (arrêt no 931/2000).

10.  Le 28 avril 2001, les requérants introduisirent un recours en annulation devant le Conseil d'Etat. L'audience, initialement fixée au 6 octobre 2003, fut reportée ex officio à sept reprises et eut finalement lieu le 25 septembre 2006.

11.  Le 1er octobre 2007, le Conseil d'Etat rejeta le recours (arrêt no 2744/2007).

12.  Cet arrêt fut mis au net et certifié conforme le 4 avril 2008 et les requérants en obtinrent copie le 17 avril 2008.

II.  LE DROIT ET LES TEXTES INTERNATIONAUX ET INTERNES PERTINENTS

A.  Les textes du Conseil de l'Europe

13.  Les documents pertinents adoptés par le Conseil de l'Europe quant aux mesures à prendre pour faire face aux problèmes structurels au sein des ordres juridiques internes sont relatés dans l'arrêt Yuriy Nikolayevich Ivanov c. Ukraine (no 40450/04, §§ 35-37, CEDH 2009‑... (extraits).

14.  De surcroît, le 19 février 2010, à l'issue de la Conférence de haut niveau sur l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme, réunie à Interlaken, une déclaration fut adoptée, dont les parties pertinentes prévoient :

« D. Requêtes répétitives

7.  La Conférence :

a) appelle les Etats parties à :

i. favoriser, lorsque cela est approprié, dans le cadre des garanties fournies par la Cour et, au besoin, avec l'aide de celle-ci, la conclusion de règlements amiables et l'adoption de déclarations unilatérales ;

ii. coopérer avec le Comité des Ministres, après un arrêt pilote définitif, afin de procéder à l'adoption et à la mise en œuvre effective des mesures générales, aptes à remédier efficacement aux problèmes structurels à l'origine des affaires répétitives ;

b) souligne la nécessité pour la Cour de mettre en place des standards clairs et prévisibles pour la procédure dite d'« arrêts pilotes » concernant la sélection des requêtes, la procédure à suivre et le traitement des affaires suspendues, et d'évaluer les effets de l'application de cette procédure et des procédures similaires ;

(...)

F. Surveillance de l'exécution des arrêts

11. La Conférence souligne qu'il est urgent que le Comité des Ministres :

a) développe les moyens permettant de rendre sa surveillance de l'exécution des arrêts de la Cour plus efficace et transparente. Elle l'invite, à cet égard, à renforcer cette surveillance en donnant une priorité et une visibilité accrues non seulement aux affaires nécessitant des mesures individuelles urgentes, mais aussi aux affaires révélant d'importants problèmes structurels, en accordant une attention particulière à la nécessité de garantir des recours internes effectifs ;

(...) »

15.  Enfin, le Comité des Ministres a admis dans sa Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)74 concernant des durées excessives de procédure devant les juridictions administratives grecques et l'absence de recours effectifs (adoptée par le Comité des Ministres le 6 juin 2007, lors de la 997e réunion des Délégués des Ministres) ce qui suit :

«  (...)

Vu le grand nombre d'arrêts de la Cour constatant de la part de la Grèce une violation de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention relative à des durées excessives de procédure devant les juridictions administratives, notamment devant la Cour suprême administrative (Conseil d'Etat) (...) ;

Vu que dans beaucoup d'affaires citées ci-dessus, ainsi que dans des affaires concernant des juridictions civiles (...), la Cour a également constaté qu'il y avait eu une violation de l'article 13 de la Convention du fait que les requérants n'aient pu bénéficier d'un recours effectif interne par lequel ils auraient pu faire valoir leur droit à « une audience dans un délai raisonnable », tel que garanti par l'article 6, paragraphe 1 de la Convention ;

Rappelant que l'obligation de tout Etat, en vertu de l'article 46, paragraphe 1, de la Convention, de se conformer aux arrêts de la Cour, implique l'adoption rapide des mesures individuelles nécessaires pour effacer les conséquences des violations, ainsi que l'adoption de mesures générales permettant de prévenir de nouvelles violations similaires de la Convention à celles constatées, y compris des dispositions prévoyant des recours effectifs internes contre de possibles violations ;

Soulignant l'importance de l'adoption rapide de telles mesures dans ces affaires, dans la mesure où elles révèlent des problèmes structurels pouvant entraîner un grand nombre de nouvelles violations similaires de la Convention ;

Rappelant que des durées excessives dans l'administration de la justice constituent un sérieux danger pour le respect de l'Etat de droit ;

Rappelant de plus la Recommandation Rec(2004)6 du Comité des Ministres aux Etats membres concernant la nécessité d'améliorer l'efficacité des recours effectifs ;

Mesures visant à accélérer les procédures devant les juridictions administratives

Ayant noté que les mesures individuelles prises par les autorités afin d'améliorer la réparation aux requérants pour les violations constatées (restitutio in integrum), les ayant invitées notamment à accélérer, autant que faire se peut, les procédures qui étaient toujours pendantes après le constat de violation par la Cour ;

(...)

Notant cependant avec préoccupation le fait que la Cour européenne continue à constater des violations de l'article 6, paragraphe 1, en raison de la durée excessive de procédures devant les tribunaux administratifs grecs, en particulier devant le Conseil d'Etat ;

Considérant ainsi que d'autres mesures générales sont nécessaires afin de se conformer aux arrêts de la Cour ;

Prenant note avec intérêt du nouveau projet de loi qui a été préparé et intitulé « l'amélioration et l'accélération des procédures juridiques administratives » et qui est actuellement pendant devant le Parlement. Ce projet de loi impose notamment des limites à la possibilité pour les parties de demander et d'obtenir des ajournements d'audiences, il prévoit la signification d'actes de procédure pour le compte d'un individu par le greffe des tribunaux et prévoit enfin que les juges des tribunaux administratifs rendent leurs jugements après les audiences dans un délai strict.

(...)

Prenant note avec attention que le problème du manque de recours effectif, souligné pour la première fois en 2003 dans l'affaire susmentionnée Konti-Arvaniti, qui n'est toujours pas résolue ;

Se félicitant du travail accompli par les autorités grecques, qui a abouti à la préparation d'un projet de loi intitulé « compensation des requérants suite à des durées excessives de procédures juridiques » qui fixe un recours effectif, sous la forme d'une compensation, dans des affaires de durée de procédures devant des juridictions administratives, civiles ou pénales de tout niveau;

Soulignant cependant que la création de nouveaux recours internes ne va pas effacer l'obligation de poursuivre avec diligence l'adoption des mesures générales nécessaires afin de remédier au problème systémique des durées excessives de procédures en Grèce, notamment des procédures devant les juridictions administratives et devant le Conseil d'Etat,

EXHORTE les autorités grecques, vu la gravité du problème systémique à la base des violations :

- d'accélérer l'adoption du nouveau projet de législation qui vise à accélérer les procédures devant les juridictions administratives et d'envisager des mesures additionnelles telles que d'autres augmentations de postes de juges et de personnel administratif dans ces tribunaux et d'autres développements des infrastructures ;

- de faire tous les efforts possibles pour accélérer l'adoption du nouveau projet de législation assurant un recours et de garantir que ceci est mis en œuvre conformément aux exigences de la Convention et de la jurisprudence de la Cour.

(...) »

B.  Le droit interne et les initiatives législatives

1.  Le droit interne

16.  L'article 127 de la loi no 2717/1999 est ainsi libellé :

« 1.  Le président de la chambre ou le président du tribunal fixe la date d'audience par mention authentifiée apposée sur le document cité dans l'article précédent. La même personne peut, de la même façon, fixer, d'office ou à la demande des parties, une date d'audience plus proche que celle initialement fixée (...) »

2.  Les initiatives législatives

17.  Dans le cadre de la surveillance de l'exécution des arrêts de la Cour par le Comité des Ministres, les autorités grecques ont fourni des informations, par une lettre datée du 25 juin 2008, sur l'état d'exécution de 182 affaires de durée de procédures judiciaires et sur l'absence de voie de recours effectif (« groupe d'affaires Manios c. Grèce »). Les autorités grecques ont informé le Comité des Ministres qu'une nouvelle loi (no 3659/2008) intitulée « Amélioration et accélération des procédures devant les tribunaux administratifs et autres dispositions » avait été adoptée. Les mesures principales introduites peuvent se résumer ainsi : le concept de « procès modèle » a été inséré dans le Code de procédure administrative grecque. Ce concept habilite le Commissaire général près les juridictions administratives à demander une audience en priorité pour les affaires qui soulèvent des questions juridiques d'importance majeure ainsi que dans le cas d'affaires répétitives. Les décisions judiciaires doivent être rendues dans un délai de huit mois après l'audience. Ce délai ne peut être prolongé que de deux mois et uniquement dans des circonstances graves et exceptionnelles. Le non-respect de ces délais entraîne le remplacement du juge ayant retardé l'examen de l'affaire et engage sa responsabilité disciplinaire. Les audiences ne peuvent être ajournées qu'une seule fois, soit sur demande des parties soit d'office par le tribunal et pour des motifs sérieux.

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

18.  Les requérants allèguent que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

A.  Sur la recevabilité

19.  Le Gouvernement allègue que ce grief est irrecevable ratione temporis. Il note que l'arrêt no 2744/2007 du Conseil d'Etat a été publié le 1er octobre 2007 et mis au net et certifié conforme le 4 avril 2008. Il estime qu'il n'était pas nécessaire pour les requérants de prendre connaissance du contenu de l'arrêt no 2744/2007 pour formuler leur grief tiré de la durée de la procédure. Il argue que les requérants auraient, sans attendre le mois d'avril 2008, dû saisir la Cour dans un délai de six mois commençant le 1er octobre 2007.

20.  La Cour considère que, par son exception d'irrecevabilité ratione temporis, le Gouvernement soulève, de fait, la tardiveté de la présente requête. Elle examinera donc son objection sous cet angle. La Cour rappelle qu'elle a à maintes reprises admis que lorsque la signification n'est pas prévue en droit interne, comme en l'espèce, il convient de prendre en considération la date à partir de laquelle les parties peuvent réellement prendre connaissance du contenu de la décision interne définitive (voir parmi d'autres Papachelas c. Grèce [GC], no 31423/96, § 30, CEDH 1999-II ; Elmaliotis et Konstantinidis c. Grèce, no 28819/04, § 26, 25 janvier 2007).

21.  En l'occurrence, la Cour note que l'arrêt no 2744/2007 du Conseil d'Etat, décision interne définitive au sens de l'article 35 § 1 de la Convention, fut mis au net et certifié conforme le 4 avril 2008. Les requérants en obtinrent copie le 17 avril 2008 et introduisirent leur requête moins de six mois plus tard, le 6 octobre 2008. La Cour estime que le délai entre la date à laquelle les requérants pouvaient obtenir copie de l'arrêt en question et la date à laquelle ils en prirent connaissance ne prête pas à critique et qu'il ne saurait leur être reproché d'être restés inactifs pendant une longue période ou d'avoir manqué de diligence. Cela est d'autant plus vrai que la Cour a déjà jugé que l'on ne peut exiger du justiciable qu'il vienne s'informer jour après jour de l'existence d'un arrêt qui ne lui a jamais été notifié (Kokkini c. Grèce, no 33194/02, § 20, 17 février 2005 ; Papageorgiou c. Grèce, 22 octobre 1997, § 32, Recueil des arrêts et décisions 1997‑VI). Il s'ensuit que la requête n'est pas tardive et il convient de rejeter l'exception du Gouvernement.

22.  En outre la Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention Elle relève de plus qu'il ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

1.  Période à prendre en considération

23.  La période à prendre en considération a débuté le 9 août 1994, date à laquelle les requérants saisirent le tribunal administratif d'Athènes, et prit fin le 4 avril 2008, date à laquelle l'arrêt no 2744/2007 du Conseil d'Etat fut mis au net et certifié conforme. La Cour rappelle sur ce point qu'en droit grec, les parties n'ont la possibilité de connaître réellement le contenu de l'arrêt de la haute juridiction concernée qu'à partir de la date à laquelle elles peuvent en obtenir copie certifiée (voir Papachelas c. Grèce [GC], précité, § 30). De plus, la mise au net et la certification de conformité de l'arrêt est indispensable afin d'entreprendre les démarches éventuellement nécessaires en vue de son exécution. La Cour rappelle, sur ce point, que l'exécution d'un jugement, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l'article 6 (Panagiotis Gikas et Georgios Gikas c. Grèce, no 26914/07, § 34, 2 avril 2009 ; Hornsby c. Grèce, 19 mars 1997, Recueil 1997–II, § 40). Partant, le laps de temps nécessaire pour la mise au net et la certification de conformité d'un arrêt du Conseil d'Etat doit être inclus dans la période à prendre en considération, étant donné qu'en raison de cette particularité de la pratique interne, ce stade est indispensable pour rendre ledit jugement exécutoire et, donc, exécutable pour l'intéressé (voir en ce sens, Stavrinoudakis c. Grèce, no 26307/07, § 22, 29 octobre 2009). Au vu de ce qui précède, la Cour observe que la procédure en cause s'est étalée sur treize ans et huit mois environ pour trois degrés de juridiction.

2.  Caractère raisonnable de la durée de la procédure

24.  Le Gouvernement allègue qu'il n'y a pas eu de retards excessifs dans le déroulement de la procédure en cause. De plus, il argue de manière générale que les requérants n'ont pas demandé, comme ils en avaient le droit, l'accélération de la procédure, en sollicitant notamment la fixation des dates d'audiences dans des délais plus brefs. Enfin, selon le Gouvernement, l'enjeu de la procédure n'était pas important pour les requérants.

25.  Les requérants contestent les thèses du Gouvernement.

26.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure doit s'apprécier notamment à la lumière de la complexité de l'affaire et du comportement du requérant et des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour l'intéressé (voir, parmi d'autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII). En particulier, la Cour relève que le comportement du requérant constitue un élément objectif, non imputable à l'Etat défendeur et qui entre en ligne de compte pour déterminer s'il y a eu ou non dépassement du délai raisonnable de l'article 6 § 1 (Wiesinger c. Autriche, 30 octobre 1991, § 57, série A no 213 ; Erkner et Hofauer c. Autriche, 23 avril 1987, § 68, série A no 117). Quant à la responsabilité des autorités judiciaires en la matière, la Cour réaffirme qu'il incombe aux États contractants d'organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d'obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (Richart-Luna c. France, no 48566/99, § 47, 8 avril 2003).

27.  La Cour a traité à maintes reprises d'affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité).

28.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, elle considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. En particulier, quant à l'argument du Gouvernement selon lequel les requérants avaient omis de solliciter la fixation des dates d'audience dans des délais plus brefs en vertu de l'article 127 de la loi no 2717/1999, la Cour relève que celui-ci n'a pas démontré que les juridictions administratives auraient envisagé de fixer l'audience à une date plus rapprochée si les requérants en avaient formulé la demande (voir Stamoulakatos c. Grèce (no 2), 26 novembre 1997, § 26, Recueil 1997‑VII). Qui plus est, le devoir de diligence dans l'administration de la justice incombe en premier lieu aux autorités compétentes (Philis c. Grèce (no 2), 27 juin 1997, § 49, Recueil 1997‑IV). Par conséquent, une éventuelle omission des requérants d'utiliser tout moyen afin d'accélérer la procédure ne supplée pas l'obligation générale de l'Etat de garantir le déroulement de la procédure dans des délais raisonnables (voir Manios c. Grèce, no 70626/01, § 28, 11 mars 2004).

29.  En outre, la Cour ne peut pas souscrire à l'argument du Gouvernement selon lequel l'enjeu de l'affaire manquait d'importance pour les requérants. En effet, l'objet du litige était afférent au versement d'un complément de prime forfaitaire, ce qui ne saurait être qualifié de négligeable pour les ressource de personnes à la retraite, à l'instar des requérants.

Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce la durée de la procédure litigieuse a été excessive et ne répond pas à l'exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

30.  Les requérants se plaignent également du fait qu'en Grèce il n'existe aucune juridiction à laquelle l'on puisse s'adresser pour se plaindre de la durée excessive de la procédure. Ils invoquent l'article 13 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

31.  Le Gouvernement, considérant notamment que les requérants auraient pu chercher à accélérer la procédure, conteste cette thèse.

A.  Sur la recevabilité

32.  La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs que celui-ci ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B.  Sur le fond

33.  La Cour rappelle que l'article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d'une méconnaissance de l'obligation, imposée par l'article 6 § 1, d'entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000‑XI).

34.  Par ailleurs, la Cour a déjà eu l'occasion de constater que l'ordre juridique hellénique n'offre pas aux intéressés un recours effectif au sens de l'article 13 de la Convention, leur permettant de se plaindre de la durée d'une procédure (Galanis c. Grèce, no 8725/08, § 29, 1 avril 2010 ; Fraggalexi c. Grèce, no 18830/03, § 22, 9 juin 2005 ; Konti-Arvaniti c. Grèce, no 53401/99, §§ 29-30, 10 avril 2003). La Cour ne distingue en l'espèce aucune raison de s'écarter de cette jurisprudence, d'autant plus que le Gouvernement n'affirme pas que l'ordre juridique hellénique fût entre-temps doté d'une telle voie de recours.

35.  Dès lors, la Cour estime qu'en l'espèce il y a eu violation de l'article 13 de la Convention en raison de l'absence, en droit interne, d'un recours qui eût permis aux requérants d'obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention.

III.  APPLICATION DE L'ARTICLE 46 DE LA CONVENTION

36.  La Cour relève d'emblée que la durée excessive des procédures devant les juridictions administratives grecques est un problème chronique, qui a conduit à de nombreux constats de violation de la Convention à Strasbourg. Elle note que durant la période allant de 1999 à 2009, la Cour a adopté trois cents arrêts environ concluant à la durée excessive de procédures judiciaires, dont une grande partie était afférente à des procédures administratives. Par ailleurs, la Cour a déjà constaté à plusieurs reprises des violations de l'article 13 de la Convention du fait que les intéressés n'avaient pas pu bénéficier d'un recours effectif interne par lequel ils auraient pu faire valoir leur droit à « une audience dans un délai raisonnable ». Ceci est par ailleurs relevé dans la Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)74 du Comité des Ministres. La Cour juge donc opportun d'examiner la présente affaire sur le terrain de l'article 46 de la Convention. Ladite disposition est ainsi libellée :

« 1.  Les Hautes Parties contractantes s'engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.

2.  L'arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l'exécution. »

A. Thèses des parties

37.  Les requérants constatent l'existence d'un problème systémique dû à la durée excessive des procédures administratives en Grèce. Ils relèvent aussi l'omission des autorités grecques d'introduire un recours effectif pour remédier audit dysfonctionnement de l'ordre juridique interne.

38.  Le Gouvernement ne se prononce pas sur la question de l'application de l'article 46 de la Convention.

B. Appréciation de la Cour

1.  Principes généraux

39.  La Cour rappelle que, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1 de la Convention, l'article 46 attribue à l'Etat défendeur l'obligation juridique de mettre en œuvre, sous le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales et/ou individuelles qui s'imposent pour sauvegarder le droit du requérant dont la Cour a constaté la violation. Des mesures de ce type doivent aussi être prises à l'égard des autres personnes dans la même situation que l'intéressé, l'Etat étant censé mettre un terme aux problèmes à l'origine des constats de violations opérés par la Cour (S. et Marper c. Royaume-Uni [GC], nos 30562/04 et 30566/04, § 134, 4 décembre 2008 ; Scozzari et Giunta c. Italie [GC], no 39221/98 et 41963/98, § 249, CEDH 2000‑VIII).

40.  Afin de faciliter une mise en œuvre effective de ses arrêts suivant le principe ci-dessus, la Cour peut adopter une procédure d'arrêt pilote, lui permettant de mettre clairement en lumière, dans son arrêt, l'existence de problèmes structurels à l'origine des violations et d'indiquer les mesures ou actions particulières que l'Etat défendeur devra prendre pour y remédier (Hutten-Czapska c. Pologne [GC], précité, §§ 231-239 et son dispositif, et Broniowski c. Pologne [GC], précité, §§ 189-194 et son dispositif). Lorsqu'elle adopte pareille démarche, la Cour tient cependant dûment compte des attributions respectives des organes de la Convention : en vertu de l'article 46 § 2 de la Convention, il appartient au Comité des Ministres d'évaluer la mise en œuvre des mesures individuelles ou générales prises en exécution de l'arrêt de la Cour (voir, mutatis mutandis, Broniowski c. Pologne (règlement amiable) [GC], no 31443/96, § 42, CEDH 2005‑IX).

41.  Un autre but important poursuivi par la procédure d'arrêt pilote est d'inciter l'Etat défendeur à trouver, au niveau national, une solution aux nombreuses affaires individuelles nées du même problème structurel, donnant ainsi effet au principe de subsidiarité qui est à la base du système de la Convention (Bourdov c. Russie (no 2), no 33509/04, § 127, CEDH 2009‑...). En effet, la Cour ne s'acquitte pas forcément au mieux de sa tâche, qui consiste selon l'article 19 de la Convention à « assurer le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties contractantes de la (...) Convention et de ses Protocoles », en répétant les mêmes conclusions dans un grand nombre d'affaires (voir, mutatis mutandis, E.G. c. Pologne (déc.), no 50425/99, § 27, CEDH 2008‑... (extraits)). La Cour relève sur ce point que dans sa déclaration du 19 février 2010, la Conférence de haut niveau sur l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme, réunie à Interlaken, a souligné la nécessité de donner une priorité et une visibilité accrues non seulement aux affaires nécessitant des mesures individuelles mais aussi aux affaires révélant d'importants problèmes structurels, en accordant une attention particulière à la nécessité de garantir des recours internes effectifs (voir ci-dessus, paragraphe 14).

42.  La procédure d'arrêt pilote a pour objet de faciliter la résolution la plus rapide et la plus effective d'un dysfonctionnement affectant la protection du droit conventionnel en cause dans l'ordre juridique interne (Wolkenberg et autres c. Pologne (déc.), no 50003/99, § 34, CEDH 2007‑... (extraits)). Si elle doit tendre principalement au règlement de ces dysfonctionnements et à la mise en place, le cas échéant, de recours internes effectifs permettant de dénoncer les violations commises, l'action de l'Etat défendeur peut aussi comprendre l'adoption de solutions ad hoc telles que des règlements amiables avec les requérants ou des offres unilatérales d'indemnisation, en conformité avec les exigences de la Convention (Bourdov c. Russie (no 2), précité, § 127).

2.  Application des principes susmentionnés à la présente affaire

a)  Quant à l'application de la procédure d'arrêt pilote

43.  La Cour relève que la présente affaire peut se distinguer à certains égards de certaines « affaires pilotes » antérieures, telles par exemple Hutten-Czapska et Broniowski (arrêts précités). En effet, les personnes se trouvant dans la même situation que les requérants ne relèvent pas forcément d'une « catégorie précise de citoyens » (voir, à titre de comparaison, les arrêts Hutten-Czapska, § 229, et Broniowski, § 189, précités). De plus, les deux arrêts susmentionnés étaient les premiers à constater l'existence de problèmes structurels eux aussi à l'origine de nombreuses requêtes introduites après celles auxquelles ils se rapportaient, alors qu'un grand nombre d'arrêts mettant amplement en lumière le problème de la durée excessive des procédures devant les juridictions administratives en Grèce ont précédé l'examen de la présente affaire.

44.  Par contre, la Cour note que la présente affaire est similaire, du point de vue des questions posées et des personnes concernées, à celles déjà examinées par la Cour dans des « affaires pilotes » antérieures (voir Bourdov c. Russie (no 2), précité ; Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, CEDH 2006‑V ; Lukenda c. Slovénie, no 23032/02, CEDH 2005‑X). Partant, la Cour estime qu'il y a lieu d'appliquer en l'espèce la procédure d'arrêt pilote, compte tenu notamment du caractère chronique et persistant des problèmes en question, du nombre important de personnes qu'ils touchent en Grèce et du besoin urgent d'offrir à celles-ci un redressement rapide et approprié à l'échelon national (voir Bourdov c. Russie (no 2), précité, §§ 129-130).

b)  Quant à l'existence ou non d'une pratique incompatible avec la Convention

45.  La Cour note que le 6 juin 2007, dans sa Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)74, le Comité des Ministres a constaté le grand nombre d'arrêts de la Cour constatant de la part de la Grèce une violation de l'article 6 § 1 de la Convention relative à des durées excessives de procédures devant les juridictions administratives, notamment devant le Conseil d'Etat. Le Comité des Ministres a de plus relevé un grand nombre de violations de l'article 13 à cet égard. Sur ce point, il a été constaté que le problème de l'absence de recours effectif, souligné pour la première fois en ce qui concerne la Grèce en 2003 dans l'affaire Konti-Arvaniti c. Grèce (no 53401/99, 10 avril 2003), n'avait pas été résolu.

46.  En outre, le Comité des Ministres a exhorté les autorités grecques, vu la gravité du problème systémique à la base des violations, à accélérer l'adoption du nouveau projet de loi qui viserait à accélérer les procédures devant les juridictions administratives et à envisager des mesures additionnelles telles que la création de postes supplémentaires de juges et de personnel administratif dans ces tribunaux et d'autres développements des infrastructures. De plus, le Comité des Ministres a exhorté les autorités grecques à faire tous les efforts possibles pour accélérer l'adoption du nouveau projet de loi assurant un recours et à garantir que celui-ci soit mis en œuvre conformément aux exigences de la Convention et de la jurisprudence de la Cour (voir ci-dessus, paragraphe 15). La Cour observe que dans la Résolution intérimaire précitée, le Comité des Ministres a pris en compte un projet de loi qui avait été préparé et intitulé « l'amélioration et l'accélération des procédures judiciaires administratives » et qui était, à l'époque, pendant devant le Parlement.

47.  Ensuite, par lettre datée du 25 juin 2008 sur l'état d'exécution de 182 affaires de durée de procédures judiciaires et d'absence de voie de recours effectif à cet égard, les autorités grecques ont informé le Comité des Ministres qu'une nouvelle loi (no 3659/2008) intitulée « Amélioration et accélération des procédures devant les tribunaux administratifs et autres dispositions » avait été adoptée. Ladite loi comporte des mesures concernant essentiellement la bonne organisation du déroulement de la procédure devant les juridictions administratives dans le but de raccourcir les délais pour l'examen des affaires. Néanmoins, il ne ressort pas des observations du Gouvernement que l'ordre juridique interne se soit entretemps doté d'un ou plusieurs recours pouvant permettre aux intéressés d'obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable. En particulier, il ne ressort pas du dossier que le projet de loi intitulé « Compensation des requérants suite à des durées excessives de procédures judiciaires » et auquel fait référence la Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)74, ait été adopté à ce jour.

48.  En outre, la Cour note que dans la période postérieure à l'adoption de la Résolution intérimaire précitée, elle a prononcé cinquante arrêts environ concluant à des violations de l'article 6 § 1 quant à la durée de procédures devant les juridictions administratives (voir, parmi d'autres, Matou et autres c. Grèce, no 54837/08, 22 juillet 2010 ; Tsoukalas c. Grèce, no 12286/08, 22 juillet 2010 ; Tritsis c. Grèce, no 3127/08, 10 juin 2010 ; Athanasiadis c. Grèce, no 16282/08, 22 avril 2010 ; Galanis c. Grèce, no 8725/08, 1 avril 2010 ; Karokis c. Grèce, no 17461/08, 7 janvier 2010 ; Examiliotis c. Grèce (no 4), no 15545/07, 11 juin 2009 ; Tselika-Skourti c. Grèce, no 44685/07, 28 mai 2009 ; Papathanasis c. Grèce, no 46064/07, 30 avril 2009 ; Vegleris et Bratsas c. Grèce, no 17114/07, 2 avril 2009 ; Bekiari et autres c. Grèce, no 28264/07, 2 avril 2009 ; Konstantinidou et autres c. Grèce, no 29529/07, 2 avril 2009 ; Kondyli et autres c. Grèce, no 35812/07, 2 avril 2009 ; Michaïlidou et autres c. Grèce, no 21091/07, 12 mars 2009 ; Bekas c. Grèce, no 24454/07, 12 mars 2009 ; Nikitaki et autres c. Grèce, no 26907/07, 12 mars 2009 ; Dali c. Grèce, no 497/07, 6 novembre 2008 ; Siafaka c. Grèce, no 32025/06, 31 juillet 2008 ; Ichtigiaroglou c. Grèce, no 12045/06, 19 juin 2008 ; Zourdos et autres c. Grèce, no 24898/06, 5 juin 2008 ; Lambadaridou c. Grèce, no 42150/06, 5 juin 2008 ; Loukas c. Grèce, no 26279/06, 29 mai 2008 ; Avoutzis et autres c. Grèce, no 25852/04, 24 avril 2008 ; Milionis et autres c. Grèce, no 41898/04, 24 avril 2008 ; Arvanitaki-Roboti et autres c. Grèce [GC], no 27278/03, CEDH 2008‑... ; Alexiou c. Grèce, no 26682/05, 6 décembre 2007 ; Giannetaki E. & S. Metaforiki Ltd et Giannetakis c. Grèce, no 29829/05, 6 décembre 2007 ; Odeon Cineplex A.E. c. Grèce, no 36525/05, 18 octobre 2007 ; Poulitsidi c. Grèce, no 35178/05, 11 octobre 2007 ; Zisis c. Grèce, no 77658/01, 19 juillet 2007).

49.  Il convient sur ce point de relever que dans un nombre important d'affaires, la Cour a constaté des durées particulièrement longues devant les juridictions administratives. En particulier, à l'instar de la présente affaire, elle a eu à examiner à plusieurs reprises des procédures dont la durée avait dépassé dix ans pour trois degrés de juridiction (voir, entre autres, Bekiari et autres c. Grèce, précité, § 14 ; Konstantinidou et autres c. Grèce, précité, § 14 ; Bekas c. Grèce, précité, § 13 ; Nikitaki et autres c. Grèce, précité, § 14 ; Siafaka c. Grèce, précité, § 16 ; Zourdos et autres c. Grèce, précité, § 13 ; Loukas c. Grèce, précité, § 12 ; Milionis et autres c. Grèce, précité, § 54 ; Anastasiadis et autres c. Grèce, no 25844/04, § 15, 24 avril 2008 ; Avramidis et autres c. Grèce, no 26084/04, § 15, 24 avril 2008 ; Galiatsou-Koutsikou et autres c. Grèce, no 38720/05, § 13, 24 avril 2008). En outre, comme le Comité des Ministres l'a déjà relevé, la Cour observe notamment des retards importants dans le déroulement des procédures devant le Conseil d'Etat (voir, parmi d'autres, Tritsis c. Grèce, précité, § 14 ; Kamvyssis c. Grèce, no 2735/08, § 26 ; 22 avril 2010 ; Tseronis c. Grèce, no 18607/05, § 18, 7 février 2008 ; Odeon Cineplex A.E. c. Grèce, précité, § 14 ; Polychronakos c. Grèce, no 23032/05, § 19, 11 octobre 2007 ; Elmaliotis et Konstantinidis c. Grèce, précité, § 23).

50.  Qui plus est, la Cour observe que dans la période postérieure à l'adoption de la Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)74, elle a prononcé plus de quinze arrêts concluant à des violations de l'article 13 de la Convention du fait que les requérants n'avaient pas pu bénéficier d'un recours effectif interne par lequel ils auraient pu faire valoir leur droit à « une audience dans un délai raisonnable » (voir, entre autres, Petridis c. Grèce, no 53351/07, § 33, 22 juillet 2010 ; Karokis c. Grèce, précité, § 22 ; Mageiras c. Grèce, no 9893/08, § 23, 7 janvier 2010 ; Bekas c. Grèce, précité, § 22 ; Lambadaridou c. Grèce, précité, § 25 ; Loukas c. Grèce, précité, § 21 ; Association « E. Apostolopoulos et K. Lymperopoulos » c. Grèce, no 24133/05, § 32, 24 avril 2008 ; Milionis et autres c. Grèce, précité, § 64).

51.  Enfin, le caractère structurel du problème identifié dans la présente affaire est confirmé par le fait que plus de deux cents affaires contre la Grèce et afférentes, totalement ou partiellement, à la durée de procédures judiciaires sont actuellement pendantes devant elle. Parmi ces affaires, cent environ ne concernent que des procédures devant les juridictions administratives.

52.  Aux yeux de la Cour, les retards importants et récurrents dans l'administration de la justice représentent un phénomène particulièrement préoccupant, à même de compromettre la confiance du public dans l'efficacité du système judiciaire. Ainsi, en principe, il ne saurait être exclu que, dans des cas exceptionnels, le maintien d'une procédure en instance pour une période excessive soit susceptible de porter atteinte même au droit d'accès à un tribunal. En particulier, l'absence injustifiée de décision par la juridiction saisie pour une période particulièrement prolongée peut par la force des choses s'assimiler à un déni de justice ; le recours exercé par l'intéressé peut ainsi se voir privé de toute son efficacité, lorsque la juridiction concernée ne parvient pas à trancher le litige en temps utile, comme l'exigent les circonstances et l'enjeu de chaque affaire particulière.

53.  Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que la situation constatée en l'espèce reflète une pratique incompatible avec la Convention (Bourdov c. Russie (no 2), précité, § 135 ; Bottazzi c. Italie [GC], no 34884/97, § 22, CEDH 1999-V).

c)  Quant aux mesures générales à adopter

54.  Il appartient en principe à l'Etat défendeur de choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres, les moyens de s'acquitter de son obligation juridique au regard de l'article 46 de la Convention (voir (Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 249, CEDH 2000-VIII). En l'occurrence, en ce qui concerne la ou les voies de recours internes à adopter pour faire face au problème systémique reconnu dans la présente affaire, la Cour renvoie à ses considérations dans l'arrêt Scordino c. Italie (no 1) [GC] (précité, §§ 182-189) :

« 182.  Pour autant que les parties semblent lier la question de la qualité de « victime » à celle plus générale de l'effectivité du recours et qu'elles souhaitent avoir des directives pour créer les voies de recours internes les plus efficaces possibles, la Cour se propose d'aborder ce point dans une perspective plus large, en donnant certaines indications quant aux caractéristiques que devrait présenter un tel recours interne, étant entendu que, dans ce type d'affaires, la possibilité pour le requérant de se prétendre victime dépendra du redressement que le recours interne lui aura fourni.

183.  Force est de constater que le meilleur remède dans l'absolu est, comme dans de nombreux domaines, la prévention. La Cour rappelle qu'elle a affirmé à maintes reprises que l'article 6 § 1 astreint les Etats contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent remplir chacune de ses exigences, notamment quant au délai raisonnable (voir, parmi de nombreux autres, Süßmann c. Allemagne, 16 septembre 1996, § 55, Recueil 1996-IV, et Bottazzi, arrêt précité, § 22). Lorsque le système judiciaire s'avère défaillant à cet égard, un recours permettant de faire accélérer la procédure afin d'empêcher la survenance d'une durée excessive constitue la solution la plus efficace. Un tel recours présente un avantage incontestable par rapport à un recours uniquement indemnitaire car il évite également d'avoir à constater des violations successives pour la même procédure et ne se limite pas à agir uniquement a posteriori comme le fait un recours indemnitaire, tel que celui prévu par la loi italienne par exemple.

184.  La Cour a de nombreuses fois reconnu à ce type de recours un caractère « effectif » dans la mesure où il permet de hâter la décision de la juridiction concernée (voir, parmi d'autres, les décisions Bacchini c. Suisse (déc.), no 62915/00, 21 juin 2005, Kunz c. Suisse (déc.), no 623/02, 21 juin 2005, Fehr et Lauterburg c. Suisse (déc.), nos 708/02 et 1095/02, 21 juin 2005, Gonzalez Marin c. Espagne (déc.), no 39521/98, CEDH 1999-VII, Tomé Mota c. Portugal (déc.), no 32082/96, CEDH 1999-IX, et l'arrêt précité Holzinger (no 1), § 22).

185.  Il est aussi évident que, pour les pays où existent déjà des violations liées à la durée de procédures, un recours tendant uniquement à accélérer la procédure, s'il est souhaitable pour l'avenir, peut ne pas être suffisant pour redresser une situation où il est manifeste que la procédure s'est déjà étendue sur une période excessive.

186.  Différents types de recours peuvent redresser la violation de façon appropriée. La Cour l'a déjà affirmé en matière pénale en jugeant satisfaisante la prise en compte de la durée de la procédure pour octroyer une réduction de la peine de façon expresse et mesurable (Beck c. Norvège, no 26390/95, § 27, 26 juin 2001).

Par ailleurs, certains Etats, tels que l'Autriche, la Croatie, l'Espagne, la Pologne et la Slovaquie, l'ont du reste parfaitement compris en choisissant de combiner deux types de recours, l'un tendant à accélérer la procédure et l'autre de nature indemnitaire (voir, par exemple, Holzinger (no 1), précité, § 22, et les décisions Slaviček c. Croatie (déc.), no 20862/02, CEDH 2002‑VII, Fernández-Molina González et autres c. Espagne (déc.), no 64359/01, CEDH 2002-IX, Michalak c. Pologne (déc.), no 24549/03, 1er mars 2005, Andrášik et autres c. Slovaquie (déc.), nos 57984/00, 60237/00, 60242/00, 60679/00, 60680/00, 68563/01 et 60226/00, CEDH 2002-IX).

187.  Toutefois, les Etats peuvent également choisir de ne créer qu'un recours indemnitaire, comme l'a fait l'Italie, sans que ce recours puisse être considéré comme manquant d'effectivité (Mifsud, décision précitée).

188.  La Cour a déjà eu l'occasion de rappeler dans l'arrêt Kudła (précité, §§ 154-155) que, dans le respect des exigences de la Convention, les Etats contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation quant à la façon de garantir aux individus le recours exigé par l'article 13 et de se conformer à l'obligation que leur fait cette disposition de la Convention. Elle a également insisté sur le principe de subsidiarité afin que les justiciables ne soient plus systématiquement contraints de lui soumettre des requêtes qui auraient pu être instruites d'abord et, selon elle, de manière plus appropriée, au sein des ordres juridiques internes.

189.  Ainsi, lorsque les législateurs ou les juridictions nationales ont accepté de jouer leur véritable rôle en introduisant une voie de recours interne, il est évident que la Cour doit en tirer certaines conséquences. Lorsqu'un Etat a fait un pas significatif en introduisant un recours indemnitaire, la Cour se doit de lui laisser une plus grande marge d'appréciation pour qu'il puisse organiser ce recours interne de façon cohérente avec son propre système juridique et ses traditions, en conformité avec le niveau de vie du pays. »

55.  La Cour a fixé certains critères essentiels permettant de vérifier l'effectivité des recours indemnitaires en matière de durée excessive de procédures judiciaires (voir Bourdov c. Russie (no 2), précité, § 99). Ces critères sont les suivants :

–  l'action en indemnisation doit être tranchée dans un délai raisonnable (Scordino c. Italie (no 1) [GC], précité, §§ 194 et 200) ;

–  l'indemnité doit être promptement versée, en principe au plus tard six mois après la date à laquelle la décision octroyant la somme est devenue exécutoire (ibid., § 198) ;

–  les règles procédurales régissant l'action en indemnisation doivent être conformes aux principes d'équité tels que garantis par l'article 6 de la Convention (ibid., § 200) ;

–  les règles en matière de frais de justice ne doivent pas faire peser un fardeau excessif sur les plaideurs dont l'action est fondée (ibid., § 201) ;

–  le montant des indemnités ne doit pas être insuffisant par rapport aux sommes octroyées par la Cour dans des affaires similaires (ibid., §§ 202-206 et 213).

56.  A propos de ce dernier critère, la Cour a précisé que le juge national est manifestement mieux placé pour statuer sur l'existence et l'ampleur du dommage matériel allégué. Il n'en va cependant pas de même à l'égard du dommage moral. Il existe une présomption solide, quoique réfragable, selon laquelle la durée excessive d'une procédure cause un dommage moral. La Cour admet aussi que, dans certains cas, la durée de la procédure n'entraîne qu'un dommage moral minime, voire aucun. Le juge national devra alors justifier sa décision en la motivant suffisamment (Bourdov c. Russie (no 2), précité, § 100 ; Scordino c. Italie (no 1) [GC], précité, § 204).

57.  Au vu des considérations qui précèdent, la Cour, tout en reconnaissant certains développements récents de l'ordre juridique grec, considère que les autorités nationales doivent mettre en place sans retard un recours ou une combinaison de recours au niveau national, qui garantissent réellement une réparation effective des violations de la Convention résultant de durées excessives des procédures devant les juridictions administratives. Pareils recours devront être conformes aux principes de la Convention, tels que rappelés notamment dans le présent arrêt (§§ 54-56), et être ouverts dans un délai d'un un an à compter de la date à laquelle celui-ci sera devenu définitif.

d)  Quant à la procédure à suivre dans des affaires similaires

58.  La Cour rappelle qu'elle peut décider dans l'arrêt pilote sur la procédure à suivre dans l'examen de toutes les affaires similaires (voir, mutatis mutandis, Broniowski, précité, § 198, et Xenides-Arestis c. Turquie, no 46347/99, § 50, 22 décembre 2005). En l'occurrence, elle considère qu'il n'est pas nécessaire d'ajourner l'examen de toutes les affaires relatives à la durée de procédures administratives ou autres jusqu'à la mise en place du ou des recours nécessaires par les autorités internes. En effet, la Cour ne souhaite pas que le temps nécessaire au Gouvernement grec pour la mise en œuvre de mesures générales soit au détriment de l'examen en temps utile des requêtes pendantes ayant le même objet. De plus, la poursuite de l'examen d'affaires similaires par la voie de la procédure normale, rappellera aux autorités grecques sur une base régulière leurs obligations découlant de la Convention, et en particulier du présent arrêt.

IV.  SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

59.  Aux termes de l'article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

60.  Les requérants réclament 20 000 euros (EUR) chacun au titre du préjudice moral qu'ils auraient subi.

61.  Le Gouvernement affirme qu'un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante au titre du dommage moral.

62.  La Cour estime que les requérants ont subi un tort moral certain que ne compensent pas suffisamment les constats de violation de la Convention. Statuant en équité, elle accorde à chacun des requérants 14 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt.

B.  Frais et dépens

63.  Les requérants demandent également 26 EUR chacun pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes. Ils ne produisent pas de facture ou note d'honoraires. Ils réclament en outre, factures à l'appui, 500 EUR chacun pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

64.  Le Gouvernement affirme que les frais engagés devant les juridictions nationales ne sont aucunement justifiés et invite la Cour à écarter cette demande. En ce qui concerne les frais exposés devant la Cour, le Gouvernement affirme que la somme allouée à tous les requérants ne saurait dépasser 1 000 EUR.

65.  La Cour rappelle que l'allocation de frais et dépens au titre de l'article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI).

66.  S'agissant des frais et dépens encourus en Grèce, la Cour a déjà jugé que la longueur d'une procédure pouvait entraîner une augmentation des frais et dépens du requérant devant les juridictions internes et qu'il convient donc d'en tenir compte (voir, entre autres, Capuano c. Italie, 25 juin 1987, § 37, série A no 119). La Cour note, cependant, que les prétentions des requérants ne sont pas accompagnées des justificatifs nécessaires permettant de les calculer de manière précise. Il convient donc d'écarter leur demande. Par ailleurs, en ce qui concerne les frais exposés pour les besoins de la représentation des requérants devant elle, la Cour estime raisonnable de leur allouer conjointement 2 500 EUR, plus tout montant pouvant être dû par eux à titre d'impôt.

C.  Intérêts moratoires

67.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable ;

2.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ;

3.  Dit qu'il y a eu violation de l'article 13 de la Convention ;

4.  Dit que les violations ci-dessus découlent d'un dysfonctionnement de l'ordre juridique interne consistant en la durée excessive des procédures devant les juridictions administratives et en l'absence en droit interne d'un recours permettant aux intéressés d'obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable ;

5.  Dit que l'Etat défendeur devra, dans un délai d'un an à compter de la date à laquelle le présent arrêt sera devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention, mettre en place un recours ou un ensemble de recours internes effectifs apte à offrir un redressement adéquat et suffisant dans les cas de dépassement du délai raisonnable, au sens de l'article 6 § 1 de la Convention, quant aux procédures devant les juridictions administratives, et conformément aux principes de la Convention tels qu'établis dans la jurisprudence de la Cour ;

6.  Dit

a)  que, dans les trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif, l'Etat défendeur devra verser aux requérants les sommes suivantes :

i) 14 000 EUR (quatorze mille euros) à chacun d'eux au titre du dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur cette somme ;

ii) 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros) conjointement au titre des frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû par chacun d'eux à titre d'impôt sur cette somme ;

b)  qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces sommes seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

7.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 décembre 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenNina Vajić
GreffierPrésidente


Liste des requérants

1.  Vassilios ATHANASIOU, né en 1935

2.  Ioannis KALAMPOKIDIS, né en 1935

3.  Artemios KAVROULAKIS, né en 1936

4.  Dionysios LOUKAKIS, né en 1935

5.  Gerasimos MANTELIS, né en 1937

6.  Panayotis PANAYOTOPOULOS, né en 1934

7.  Konstantinos PAPAGEORGIOU, né en 1947

8.  Nikolaos TSAGARAKIS, né en 1935

9.  Dimitrios FANOURAKIS, né en 1935

10.  Nikolaos HRISTOFIS, né en 1938

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CEDH, Cour (première section), AFFAIRE VASSILIOS ATHANASIOU ET AUTRES c. GRECE, 21 décembre 2010, 50973/08