CJUE, n° C-680/21, Conclusions de l'avocat général de la Cour, UL et SA Royal Antwerp Football Club contre Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA), 9 mars 2023

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Chronologie de l’affaire

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CJUE · 9 mars 2023

COMMUNIQUE DE PRESSE n° 45/23 Luxembourg, le 9 mars 2023 Conclusions de l'avocat général dans l'affaire C-680/21 | Royal Antwerp Football Club Football : selon l'avocat général Szpunar, les règles de l'UEFA relatives aux joueurs formés localement sont partiellement incompatibles avec le droit de l'Union Les systèmes dans lesquels les joueurs formés localement comprennent non seulement ceux qui ont été formés par le club en cause, mais également ceux d'autres clubs de la même ligue nationale, sont incompatibles avec les règles en matière de libre circulation Depuis la saison 2008/2009, …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 9 mars 2023, C-680/21
Numéro(s) : C-680/21
Conclusions de l'avocat général M. M. Szpunar, présentées le 9 mars 2023.#UL et SA Royal Antwerp Football Club contre Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA).#Demande de décision préjudicielle, introduite par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.#Renvoi préjudiciel – Concurrence – Marché intérieur – Réglementation instituée par des associations sportives internationale et nationale – Football professionnel – Entités de droit privé investies de pouvoirs de réglementation, de contrôle et de sanction – Règles imposant aux clubs de football professionnel de recourir à un nombre minimum de joueurs dits “formés localement” – Article 101, paragraphe 1, TFUE – Décision d’association d’entreprises portant atteinte à la concurrence – Notions d’“objet” et d’“effet” anticoncurrentiels – Exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE – Conditions – Article 45 TFUE – Discrimination indirecte en fonction de la nationalité – Entrave à la liberté de circulation des travailleurs – Justification – Conditions – Charge de la preuve.#Affaire C-680/21.
Date de dépôt : 11 novembre 2021
Précédents jurisprudentiels : 10 Voir arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten ( C-268/15, EU:C:2016:874
13 juin 2019, TopFit et Biffi ( C-22/18, EU:C:2019:497
14 juillet 1976, Donà ( 13/76, EU:C:1976:115
19 février 2002, Wouters e.a. ( C-309/99, EU:C:2002:98
19 juillet 2017, Abercrombie & Fitch Italia ( C-143/16, EU:C:2017:566
22 Voir arrêt du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine ( C-176/96, EU:C:2000:201
40 Voir arrêt du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais ( C-325/08, EU:C:2010:143
41 Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman ( C-415/93, EU:C:1995:463
43 Voir arrêt du 6 juin 2000, Angonese ( C-281/98, EU:C:2000:296
45 Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman ( C-415/93, EU:C:1995:463
51 Voir arrêt du 17 décembre 1981, Webb ( 279/80, EU:C:1981:314
52 Arrêt du 24 mars 1994, Schindler ( C-275/92, EU:C:1994:119
9 Arrêt du 15 novembre 2016 ( C-268/15, EU:C:2016:874
Bosman ( C-415/93, EU:C:1995:463
Bridge Union ( C-90/16, EU:C:2017:464
Castors Braine ( C-176/96, EU:C:2000:201
Clean Car Autoservice ( C-350/96, EU:C:1998:205
Deliège ( C-51/96 et C-191/97, EU:C:2000:199
Heylens e.a. ( 222/86, EU:C:1987:442
Josemans ( C-137/09, EU:C:2010:774
Krah ( C-703/17, EU:C:2019:850
Olympique Lyonnais ( C-325/08, EU:C:2010:143
Superleague Company ( C-333/21, EU:C:2022:993
TFUE, arrêt du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a. ( C-391/20, EU:C:2022:638
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62021CC0680
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2023:188
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Sur les parties

Texte intégral

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 9 mars 2023 ( 1 )

Affaire C-680/21

UL,

SA Royal Antwerp Football Club

contre

Union royale belge des sociétés de football ASBL

en présence de :

Union des associations européennes de football (UEFA)

[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique)]

« Renvoi préjudiciel – Article 45 TFUE – Libre circulation des travailleurs – Article 165 TFUE – Sport – Règlements de l’UEFA et des fédérations de football nationales associées – Joueurs formés localement »

I. Introduction

1.

La présente demande de décision préjudicielle, qui porte sur l’interprétation des articles 45 et 101 TFUE, est formée dans le cadre d’un litige impliquant, d’une part, UL, un joueur de football, et le Royal Antwerp Football Club (ci-après le « Royal Antwerp ») et, d’autre part, l’Union royale belge des sociétés de football association ASBL (ci-après l’« URBSFA ») et l’Union des associations européennes de football (ci-après l’« UEFA »), tendant à l’annulation d’une sentence arbitrale qui a rejeté un recours en nullité et en indemnité introduit par UL et le Royal Antwerp contre un ensemble de règles adoptées par l’URBSFA, l’UEFA et les autres fédérations de football nationales membres de cette dernière.

2.

Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limitent à l’aspect de l’affaire relatif à la libre circulation des travailleurs, au titre de l’article 45 TFUE. Les règles en cause concernent ce qu’il est convenu d’appeler les « joueurs formés localement » (ci-après les « JFL »), c’est-à-dire des joueurs formés par un club ou au sein de la fédération de football nationale à laquelle ce club appartient. En substance, la question est de savoir si l’inscription obligatoire d’un nombre donné de joueurs formés localement sur une liste pertinente constitue une restriction injustifiée à la libre circulation des travailleurs au titre de l’article 45 TFUE.

3.

Dans les présentes conclusions, je soutiendrai que les dispositions litigieuses sont (uniquement) exclues par l’article 45 TFUE dans la mesure où elles s’appliquent à des joueurs qui ne sont pas originaires du club spécifique en question. Personne ne veut d’un football ennuyeux ( 2 ), raison pour laquelle certaines restrictions à cette disposition fondamentale peuvent, à mon sens, être admises.

II. Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

A. Les parties au litige

4.

UL est un joueur de football, né en 1986, qui possède la nationalité d’un pays tiers ainsi que la nationalité belge. Il exerce une activité professionnelle en Belgique depuis de nombreuses années. Il a joué pour le Royal Antwerp, un club de football professionnel basé en Belgique, pendant plusieurs années et joue désormais pour un autre club de football professionnel en Belgique.

5.

L’UEFA est une association de droit suisse qui a son siège à Nyon (Suisse). Elle a été fondée en 1954 dans le but, notamment, de traiter toutes les questions relatives au football, de superviser et de contrôler le développement du football sous toutes ses formes, ainsi que de préparer et d’organiser des compétitions et des tournois internationaux de football au niveau européen. Ses membres sont constitués de 55 fédérations de football nationales, parmi lesquelles figurent des clubs de football professionnel. Son organe suprême est le Congrès, qui regroupe tous ses membres. Son organe exécutif est le Comité exécutif, dont les membres sont élus par le Congrès, par Ligues européennes, qui est elle-même une association établie en Suisse représentant 37 ligues nationales provenant de 30 États différents, et par l’Association européenne des clubs, qui est une instance représentant des clubs de football.

6.

L’URBSFA est une association sans but lucratif de droit belge reconnue par la Fédération internationale de football (FIFA), par l’UEFA, dont elle est membre, ainsi que par le Comité Olympique et Interfédéral Belge. Elle a pour objet d’assurer l’organisation sportive et administrative du football professionnel et amateur en Belgique ainsi que sa promotion.

B. Les dispositions litigieuses

1. L’UEFA

7.

Le 2 février 2005, le Comité exécutif de l’UEFA a adopté des règles imposant aux clubs de football professionnel participant aux compétitions interclubs de l’UEFA d’inscrire un nombre maximal de 25 joueurs sur liste « squad size limit » (limite concernant la taille de l’équipe), parmi lesquels doivent ensuite figurer un nombre minimal de JFL. Les JFL sont définis par l’UEFA comme des joueurs qui, indépendamment de leur nationalité, ont été formés par leur club ou par un autre club appartenant à la même fédération nationale, pendant au moins trois ans, entre l’âge de 15 et 21 ans. Le 21 avril 2005, la règle des joueurs formés localement (ci-après la « règle JFL ») a été approuvée par les 52 associations membres de l’UEFA, dont l’URBSFA, à l’occasion du congrès de Tallinn (Estonie). Depuis la saison 2008/2009, le règlement de l’UEFA prévoit que les clubs engagés dans une de ses compétitions doivent inscrire au minimum huit joueurs formés localement parmi une liste de 25 joueurs au maximum. Sur ces huit joueurs, au moins quatre doivent avoir été formés par le club en question.

2. L’URBSFA

8.

Les règles pertinentes du règlement fédéral de l’URBSFA prévoient que les clubs de football participant aux divisions de football professionnel 1A et 1B envoient des listes contenant une liste maximale de 25 joueurs, parmi lesquels au moins huit doivent être formés par des clubs belges (c’est-à-dire des joueurs qui ont été affiliés à un club belge pendant au moins trois saisons complètes avant leur 23e anniversaire). En outre, au moins trois de ces huit joueurs doivent avoir été affiliés à un club belge pendant au moins trois saisons avant leur 21e anniversaire ( 3 ).

9.

En outre, en ce qui concerne les feuilles de match, les clubs doivent faire appel aux joueurs figurant sur les listes susmentionnées et inscrire au moins six joueurs ayant été affiliés pendant au moins trois saisons complètes avant leur 23e anniversaire, dont deux avant leur 21e anniversaire ( 4 ).

10.

Dans les deux cas susmentionnés, si les seuils minimaux ne sont pas atteints, ces joueurs ne peuvent pas être remplacés par des joueurs qui ne remplissent pas les conditions requises.

C. Le litige au principal

11.

Le 13 février 2020, UL a saisi la Cour belge d’arbitrage pour le sport (Belgique) aux fins de l’entendre déclarer, notamment, que les règles JFL appliquées par l’UEFA et l’URBSFA étaient illégales en ce qu’elles violaient l’article 45 TFUE ( 5 ) et a demandé l’indemnisation de son dommage. Le Royal Antwerp est ensuite intervenu volontairement à la procédure, demandant également l’indemnisation du dommage causé par ces règles. L’UEFA n’était pas partie à la procédure d’arbitrage.

12.

Par une sentence arbitrale prononcée le 10 juillet 2020, la Cour belge d’arbitrage pour le sport a décidé que ces demandes étaient irrecevables en tant qu’elles se rapportaient aux dispositions réglementaires relatives aux JFL appliquées par l’UEFA et qu’elles étaient recevables, mais non fondées, en tant qu’elles se rapportaient à celles appliquées par l’URBSFA.

13.

S’agissant des règles appliquées par l’URBSFA, la Cour belge d’arbitrage pour le sport a considéré, en substance, qu’elles ne portaient pas atteinte à la libre circulation des travailleurs garantie par l’article 45 TFUE au motif qu’elles étaient indistinctement applicables, qu’elles n’entraînaient aucune discrimination fondée sur la nationalité et qu’elles étaient, en tout état de cause, justifiées par des objectifs légitimes et n’étaient pas disproportionnées par rapport à ceux-ci ( 6 ).

14.

En conséquence, la Cour belge d’arbitrage pour le sport a rejeté les demandes d’indemnisation d’UL et du Royal Antwerp.

15.

Le 1er septembre 2020, UL et le Royal Antwerp ont saisi le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique) d’un recours en annulation de la sentence arbitrale pour violation de l’ordre public, conformément à l’article 1717 du code judiciaire belge.

16.

À l’appui de leurs prétentions, UL et le Royal Antwerp font valoir, en substance, que les règles JFL édictées par l’UEFA et l’URBSFA sont contraires à la libre circulation des travailleurs au titre de l’article 45 TFUE en ce qu’elles restreignent tant la possibilité pour un club de football professionnel tel que le Royal Antwerp de recruter des joueurs qui ne répondent pas à l’exigence de l’origine locale ou nationale qu’elles énoncent, que la possibilité pour un joueur tel qu’UL d’être recruté et aligné par un club à l’égard duquel il ne peut pas se prévaloir d’une telle origine.

17.

Le 9 novembre 2021, l’UEFA a déposé une demande d’intervention volontaire à la procédure, qui a été déclarée recevable par un arrêt rendu le 26 novembre 2021.

18.

Dans sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi relève, en premier lieu, que la sentence arbitrale dont l’annulation lui est demandée était fondée, d’une part, sur l’irrecevabilité partielle des demandes d’UL et du Royal Antwerp et sur le rejet du surplus de ces demandes comme étant non fondées et, d’autre part, sur l’interprétation et l’application de deux dispositions du droit de l’Union, à savoir les articles 45 et 101 TFUE, dont le non-respect éventuel pourrait, le cas échéant, constituer une violation de l’ordre public au sens de l’article 1717 du code judiciaire belge, eu égard à leur nature et à la jurisprudence pertinente de la Cour.

19.

En second lieu, la juridiction de renvoi estime que, afin de pouvoir statuer, il lui est nécessaire d’obtenir de la Cour des éclaircissements sur l’interprétation des articles 45 et 101 TFUE. Cette juridiction s’interroge sur l’incidence restrictive de ces règles sur la libre circulation des travailleurs et sur la concurrence, ainsi que sur le point de savoir si elles sont justifiées, adéquates, nécessaires et proportionnées aux objectifs qu’elles poursuivent. Dans ce contexte, ladite juridiction se réfère, notamment, à un communiqué de presse publié par la Commission européenne ainsi qu’à une étude réalisée pour le compte de cette institution, dont il ressort, d’une part, que ces règles ont, ou sont susceptibles d’avoir, des effets restrictifs sur la libre circulation des travailleurs et, d’autre part, que la question de savoir si ces effets sont proportionnés aux bénéfices très limités qui en découlent, eu égard aux autres mesures moins restrictives qui semblent possibles, fait l’objet d’un examen approfondi, notamment dans le cadre d’un recours en manquement introduit par cette institution ( 7 ).

D. Les questions préjudicielles

20.

C’est dans ce contexte que, par ordonnance du 15 octobre 2021, parvenue à la Cour le 11 novembre 2021, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

L’article 101 TFUE doit-il être interprété comme s’opposant au plan relatif aux JFL adopté le 2 février 2005 par le Comité exécutif de l’UEFA, approuvé par les 52 associations membres de l’UEFA au congrès de Tallinn le 21 avril 2005 et exécuté par voie de règlements adoptés tant par l’UEFA que par les fédérations membres de celle-ci ?

2)

Les articles 45 et 101 TFUE doivent-ils être interprétés comme s’opposant à l’application des règles relatives à l’inscription et à l’alignement sur la feuille de match des joueurs formés localement, formalisées par les articles P335.11 et P.1422 du règlement fédéral de l’URBSFA et reprises dans les articles B4.1[12] du Titre 4 et B6.109 du Titre 6 du nouveau règlement de l’URBSFA ? »

21.

Des observations écrites ont été déposées par UL, le Royal Antwerp, l’URBSFA, l’UEFA, les gouvernements belge, grec, polonais, portugais, roumain et suédois, ainsi que par la Commission. UL, le Royal Antwerp, l’URBSFA, l’UEFA, les gouvernements polonais, roumain et suédois ainsi que la Commission ont participé à l’audience qui s’est tenue le 15 novembre 2022.

III. Analyse

22.

La juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité, avec le droit de l’Union, des règles JFL édictées par l’UEFA (première question) et par l’URBSFA (seconde question). Curieusement, contrairement à la seconde question, la première question ne fait pas référence à l’article 45 TFUE.

23.

Il convient, dans les présentes conclusions, d’examiner si l’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application de règles telles que celles incluses dans le règlement pertinent de l’URBSFA, relatives à l’inscription sur la feuille de match et à l’alignement des joueurs formés localement. Étant donné que ce règlement repose en grande partie sur les règles de l’UEFA, j’examinerai également ces dernières dans les présentes conclusions.

24.

Par ses questions, la juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application des règles JFL, telles qu’édictées par l’UEFA et l’URBSFA.

A. Sur la recevabilité

25.

L’URBSFA soutient que les deux questions préjudicielles doivent être déclarées irrecevables au motif qu’elles ne présentent aucun intérêt pour les requérants au principal et ont un caractère hypothétique. En outre, elle soutient que le litige au principal revêt une dimension purement interne compte tenu de la nationalité d’UL, du lieu d’établissement du Royal Antwerp et du champ d’application territorial des règles en cause, la juridiction de renvoi étant uniquement appelée à rendre une décision inter partes.

26.

L’UEFA considère que les questions préjudicielles doivent être déclarées irrecevables dès lors que la juridiction de renvoi n’a pas exposé de manière suffisamment détaillée le contexte factuel et législatif dans lequel elles s’inscrivent, notamment l’identité des différentes fédérations de football nationales ayant adopté des règles relatives aux JFL et le contenu même de ces différentes règles. En outre, cette juridiction n’aurait pas établi le caractère transnational du litige au principal. Par ailleurs, la décision de renvoi ayant été adoptée avant que l’UEFA ne soit entendue, la présentation insuffisamment précise et détaillée du cadre factuel et législatif de l’affaire aurait empêché l’UEFA de faire valoir ses droits.

27.

Dans le même ordre d’idées, le gouvernement roumain et la Commission sont d’accord avec l’URBSFA et l’UEFA pour considérer que la question relative à l’interprétation de l’article 45 TFUE a été posée en l’absence non seulement de tout élément étranger, c’est-à-dire externe, dans l’affaire au principal, mais également de toute indication par la juridiction de renvoi quant au fait que cette interprétation répondrait à un besoin inhérent à la solution du présent litige malgré son caractère purement interne.

28.

Bien que je comprenne les préoccupations décrites aux points précédents des présentes conclusions ( 8 ), je considère que les questions préjudicielles sont recevables.

29.

Le point de départ pour apprécier une exception d’irrecevabilité tirée d’une prétendue situation purement interne est l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Ullens de Schooten ( 9 ), où elle a clairement résumé et énuméré les quatre situations dans lesquelles des affaires nées de situations purement internes sont néanmoins recevables à être examinées à titre préjudiciel. L’une de ces situations est celle dans laquelle il ne peut être exclu que des ressortissants établis dans d’autres États membres aient été ou soient intéressés à faire usage de la liberté en cause pour exercer des activités sur le territoire de l’État membre ayant édicté la réglementation nationale en cause et, partant, que cette réglementation, indistinctement applicable aux ressortissants nationaux et aux ressortissants d’autres États membres, soit susceptible de produire des effets qui ne sont pas cantonnés à cet État membre ( 10 ). À cet égard, il ne peut être exclu que des footballeurs établis dans d’autres États membres soient dissuadés par les dispositions en cause d’accéder au marché belge.

30.

En outre, il convient de rappeler que, en l’espèce, la compétence de la juridiction de renvoi se limite à déterminer si l’ordre public a été violé par la sentence arbitrale. Par définition, dans son appréciation, la juridiction de renvoi doit aller au-delà des circonstances spécifiques de la présente affaire, étant donné que les considérations d’ordre public dépassent nécessairement les cas individuels.

31.

Par ailleurs, il convient de noter que, au niveau national, la présente affaire a pour objet non pas un litige entre UL et le Royal Antwerp, mais les dispositions litigieuses de l’UEFA et de l’URBSFA. La demande d’annulation d’une sentence arbitrale, pendante devant la juridiction de renvoi, ne constitue pas une situation hypothétique. Cette sentence arbitrale est fondée sur une interprétation et une application de l’article 45 TFUE ( 11 ) par la Cour belge d’arbitrage pour le sport. La juridiction de renvoi indique qu’elle est tenue de contrôler la validité de cette interprétation et de cette application afin de déterminer si la sentence est ou non contraire à l’ordre public. L’article 45 TFUE a ainsi été appliqué par la Cour belge d’arbitrage pour le sport d’une manière qui suscite des doutes dans l’esprit de la juridiction de renvoi. Ni la Cour belge d’arbitrage pour le sport ni, par extension, la juridiction de renvoi ne sont appelées à examiner la situation particulière d’UL. Au contraire, UL, ultérieurement soutenu par le Royal Antwerp, a demandé qu’il soit déclaré que les règles JFL appliquées par l’UEFA et l’URBSFA étaient illégales au motif qu’elles violent le droit de l’Union. Dans le cadre de l’examen du point de savoir s’il y a lieu ou non d’annuler la sentence arbitrale constatant l’absence de violation du droit de l’Union, la juridiction de renvoi a pour tâche d’examiner les dispositions litigieuses dans leur intégralité et de manière générale.

32.

Enfin, s’agissant de l’allégation de l’UEFA selon laquelle elle n’aurait pas été entendue avant l’adoption de la décision de saisine de la Cour, il suffit de rappeler que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, il ne lui appartient pas de vérifier si la décision de renvoi a été prise conformément aux règles nationales d’organisation et de procédure judiciaires ( 12 ).

33.

Par conséquent, je propose que la Cour considère que les questions posées par la juridiction de renvoi sont recevables.

B. Sur le fond

34.

En vertu de l’article 45 TFUE, la libre circulation des travailleurs est assurée au sein de l’Union.

35.

Les activités sportives faisant partie de la vie économique relèvent des libertés fondamentales du traité ( 13 ), ce qui implique que les joueurs professionnels de football exerçant une activité économique doivent être qualifiés de « travailleurs » au sens de l’article 45 TFUE ( 14 ).

36.

En outre, en ce qui concerne les entités liées par l’article 45 TFUE, il est bien établi que cette disposition s’applique à des entités privées telles que l’UEFA et l’URBSFA qui règlent, de façon collective, le travail salarié ( 15 ).

1. Les dispositions litigieuses

37.

À ce stade, j’estime utile de récapituler rapidement les dispositions litigieuses.

38.

Les JFL sont définis par le règlement de l’UEFA comme des joueurs qui, indépendamment de leur nationalité, ont été formés par leur club ou par un autre club appartenant à la même association nationale pendant au moins trois ans, entre l’âge de 15 et 21 ans. De plus, le règlement de l’UEFA prévoit que les clubs engagés dans une de ses compétitions ( 16 ) doivent inscrire au minimum huit joueurs formés localement dans une liste de 25 joueurs au maximum. Au moins quatre de ces joueurs doivent avoir été formés par le club en question.

39.

Selon les règles de l’URBSFA, les clubs inscrits à une compétition relevant de la compétence de l’URBSFA doivent inclure un minimum de huit joueurs ayant joué pour le club ou pour un autre club belge pendant au moins trois saisons avant l’âge de 23 ans (avant l’âge de 21 ans pour trois de ces huit joueurs), dans une liste de 25 joueurs au maximum. En outre, en ce qui concerne les feuilles de match, les clubs doivent recourir à des joueurs figurant sur cette liste et mentionner un minimum de six joueurs ayant été affiliés pendant au moins trois saisons complètes avant l’âge de 23 ans révolus, dont deux avant l’âge de 21 ans.

40.

Dans les deux cas (UEFA et URBSFA), si les seuils minimaux ne sont pas atteints, les joueurs ne peuvent pas être remplacés par d’autres joueurs qui ne remplissent pas les conditions requises.

2. Restriction

41.

Je vais maintenant examiner si les dispositions litigieuses constituent une restriction à l’article 45 TFUE.

42.

UL et le Royal Antwerp, ainsi que la Commission ( 17 ), sont d’avis que les dispositions litigieuses n’affectent pas seulement la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union, mais constituent également une discrimination indirecte fondée sur la nationalité. En revanche, l’UEFA et l’URBSFA soutiennent que les dispositions litigieuses non seulement s’appliquent indistinctement à tous les joueurs, quelle que soit leur nationalité, mais ne constituent pas non plus une entrave à la libre circulation des joueurs.

43.

Je suis d’avis que les dispositions litigieuses sont susceptibles de créer une discrimination indirecte à l’encontre des ressortissants d’autres États membres. Le fait est que plus un joueur est jeune, plus il est probable que ce joueur réside dans son lieu d’origine ( 18 ). Ce sont donc nécessairement les joueurs d’autres États membres qui seront affectés négativement par les dispositions litigieuses.

44.

Les dispositions litigieuses ont en réalité pour effet d’imposer une condition qui ne peut être remplie que par ceux qui ont été présents en un lieu déterminé. À cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour, une disposition nationale qui prévoit une distinction fondée sur le critère de la résidence risque de jouer principalement au détriment des ressortissants d’autres États membres. En effet, dans la majorité des cas, les non-résidents sont des non-nationaux ( 19 ). Dans le même ordre d’idées, selon une jurisprudence constante de la Cour, les exigences de qualification requises pour l’accès à certaines professions constituent une entrave indirectement discriminatoire à la libre circulation des travailleurs ( 20 ). Les règles relatives aux JFL sont susceptibles de restreindre les possibilités pour les joueurs qui sont des citoyens de l’Union de quitter librement un club d’un État membre pour un club d’un autre État membre. Bien que neutres quant à leur libellé, les dispositions litigieuses favorisent les joueurs locaux par rapport aux joueurs d’autres États membres ( 21 ).

45.

En tout état de cause, même si l’on devait considérer que les dispositions litigieuses ne sont pas indirectement discriminatoires, quod non, elles constituent certainement une (simple) restriction à la libre circulation des joueurs de football. À cet égard, je rappelle que la Cour a jugé que des règles interdisant à un club de basket-ball d’aligner, lors des matchs du championnat national, les joueurs en provenance d’autres États membres, lorsque le transfert a eu lieu après une date déterminée, « constituent une entrave à la libre circulation des travailleurs » ( 22 ).

46.

Incidemment, pour établir la restriction en cause, la définition des JFL retenue par l’UEFA et l’URBFSA, selon laquelle les JFL sont des joueurs originaires non seulement d’un club donné, mais également de la ligue nationale pertinente, est dénuée de pertinence. Dans les deux cas, huit joueurs ne peuvent pas provenir d’un club d’un autre État membre, tandis que 17 le peuvent. Toutefois, la distinction entre les joueurs originaires du club et les joueurs d’une même ligue devient pertinente pour déterminer la proportionnalité des dispositions litigieuses.

3. Justification

47.

Une restriction à la libre circulation des travailleurs ne peut être justifiée que si, en premier lieu, elle répond à l’un des motifs de justification énoncés à l’article 45, paragraphe 3, TFUE ( 23 ) ou à une raison impérieuse d’intérêt général ( 24 ) et, en second lieu, respecte le principe de proportionnalité, de sorte qu’elle soit propre à garantir, d’une manière cohérente et systématique, la réalisation de l’objectif poursuivi et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre ( 25 ).

a) Sur l’article 165 TFUE

48.

Compte tenu du fait que plusieurs parties à la procédure ont recours à l’article 165 TFUE tout au long de leurs mémoires et à de nombreuses reprises, quelques commentaires sur cette disposition s’imposent à ce stade de l’analyse juridique.

49.

L’article 165 TFUE, qui a été inséré dans les traités au moyen du traité de Lisbonne ( 26 ), traite de trois questions distinctes, mais liées entre elles : l’éducation, la jeunesse et le sport. Il est structuré en quatre paragraphes. Le paragraphe 1 expose l’objectif général et la raison d’être de la disposition, à savoir que l’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative. Le paragraphe 2 précise ensuite ce que l’action de l’Union vise précisément – avec laquelle il est impossible d’être en désaccord ( 27 ) : développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives et la coopération entre les organismes responsables du sport, ainsi qu’en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d’entre eux. Le paragraphe 3 souligne l’importance de favoriser la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales, et en particulier avec le Conseil de l’Europe ( 28 ). Enfin et surtout, le paragraphe 4 permet aux institutions politiques de l’Union ( 29 ), « conformément à la procédure législative ordinaire », d’adopter « des actions d’encouragement, à l’exclusion de toute harmonisation » ( 30 ), et au Conseil (seul), sur proposition de la Commission, d’adopter des recommandations.

1) Interprétation littérale

50.

Les éléments suivants ressortent déjà directement du libellé de l’article 165 TFUE.

51.

Premièrement, la disposition susmentionnée s’adresse à l’Union et non pas aux États membres ou à d’autres entités publiques, et encore moins à des entités privées. Deuxièmement, les termes employés (« contribution », « promotion », « en tenant compte », « développement », « coopération ») sont ceux typiques du droit non contraignant. Troisièmement, l’article 165 TFUE vise aussi bien le sport professionnel que les sports de loisir, qu’ils soient pratiqués au sein d’un club ou de manière individuelle ( 31 ). Quatrièmement, même si cette disposition fait référence à la procédure législative ordinaire, l’article 165, paragraphe 4, TFUE ne constitue pas une base juridique permettant aux institutions politiques d’adopter des actes juridiquement contraignants au sens de l’article 288 TFUE ( 32 ). L’article 165, paragraphe 4, TFUE n’est donc rien d’autre qu’une « fausse base juridique », typique d’un sujet qui a été inclus dans le domaine de la politique de l’Union sans que les États membres, en leur qualité de maîtres des traités, soient disposés à concéder à l’Union tout pouvoir législatif en la matière. Incidemment, ce dernier aspect est déjà reflété à l’article 2, paragraphe 5, et à l’article 6, point e), TFUE : dans le domaine du sport, la « compétence » de l’Union n’est pas une compétence législative, mais se limite à « mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres » ( 33 ).

2) Interprétation systématique et téléologique

52.

S’agissant de la place de l’article 165 TFUE dans la structure du traité FUE, il convient de relever que, étant situé au sein du titre XII de la troisième partie du traité FUE ( 34 ), il figure parmi tous les autres domaines de la politique de l’Union.

53.

Nous pouvons déduire les éléments suivants de ce qui précède.

54.

Premièrement, l’article 165 TFUE n’est pas une disposition d’application générale au sens du titre II de la première partie du traité FUE ( 35 ). Deuxièmement, l’UEFA et l’URBSFA, en tant qu’organismes privés, dans la mesure où elles réglementent de manière collective le travail rémunéré, ne poursuivent ni ne mettent en œuvre une politique de l’Union. Une telle activité appartient au législateur de l’Union (ainsi qu’à ceux qui transposent, appliquent et mettent en œuvre le droit dérivé). Au lieu de cela, l’UEFA et l’URBSFA cherchent à invoquer un objectif d’ordre public pour justifier une restriction à une liberté fondamentale. En ce qui concerne l’affaire en cause, elles sont fonctionnellement comparables non pas à une institution de l’Union qui agit ( 36 ) sur le fondement de l’article 165 TFUE, mais à un État membre cherchant à justifier une restriction à une liberté fondamentale. En d’autres termes, il s’agit en l’espèce d’un cas d’intégration négative où une entité entend restreindre une liberté fondamentale afin de promouvoir une autre politique qu’elle estime plus importante. Il se trouve que cette autre politique relève du domaine du sport. Troisièmement, il n’appartient ni à l’UEFA ni à l’URBSFA de mettre en œuvre une action de l’Union au titre de l’article 165 TFUE. Il s’agit d’organismes privés exerçant des fonctions économiques, en plus des fonctions réglementaires. Quatrièmement, les institutions politiques de l’Union sont évidemment libres de proclamer ( 37 ) – dans leur sagesse – un modèle sportif européen sur le fondement de l’article 165 TFUE ou d’une autre disposition. Cela ne signifie pas pour autant que les fonctions incombant aux institutions de l’Union sont externalisées d’une manière ou d’une autre à l’UEFA ou à l’URBSFA. Cinquièmement, l’UEFA et l’URBSFA ne peuvent pas obtenir carte blanche aux fins des restrictions à la liberté fondamentale consacrée à l’article 45 TFUE en se référant à l’article 165 TFUE. Les restrictions apportées à cette liberté fondamentale par des entités telles que l’UEFA et l’URBSFA doivent être appréciées comme toutes les autres restrictions, selon les principes généraux.

3) Incidence sur l’affaire en cause

55.

Toutes les considérations qui précèdent ne signifient pas pour autant que la valeur juridique de l’article 165 TFUE ( 38 ) est à ce point limitée qu’elle n’a absolument aucune incidence sur l’affaire en cause. En effet, cette disposition est utile à deux égards : premièrement, pour identifier un motif justifiant une restriction à l’article 45 TFUE, appelé raison impérieuse d’intérêt général, et, deuxièmement, pour indiquer ce qui est acceptable dans l’ensemble de l’Union lorsqu’il s’agit d’examiner le critère de proportionnalité ( 39 ). C’est d’ailleurs exactement ce que la Cour a fait dans le passé ( 40 ).

b) Sur l’identification d’une raison impérieuse d’intérêt général

56.

L’UEFA et l’URBSFA avancent essentiellement deux raisons impérieuses d’intérêt général distinctes : encourager la formation et le recrutement des jeunes joueurs et améliorer l’équilibre concurrentiel entre les équipes dans les compétitions de clubs de l’UEFA et les compétitions nationales. Une autre des raisons impérieuses d’intérêt général mentionnées est la protection des jeunes joueurs, dans la mesure où leur environnement social et familial devrait être maintenu et qu’il conviendrait d’éviter une interruption de leurs études.

57.

À cet égard, il convient de relever que la Cour semble partir du principe que, lorsque des entités telles que l’UEFA et l’URBSFA, auxquelles s’applique l’article 45 TFUE, cherchent à invoquer des motifs justifiant une restriction, la nature publique ou privée des dispositions litigieuses n’a aucune incidence sur la portée ou sur le contenu de ces justifications ( 41 ).

58.

Je suis d’accord avec cette affirmation et je comprends l’intérêt général à maintenir un régime uniforme concernant l’article 45 TFUE, que les restrictions émanent d’organismes publics ou privés. Néanmoins, il convient de garder à l’esprit que, contrairement à un État membre pris en tant qu’entité publique, des entités privées telles que l’UEFA ou l’URBSFA, conformément à leurs buts respectifs, poursuivent des objectifs de nature économique ( 42 ). Ces objectifs peuvent parfois entrer en conflit avec les objectifs publics. En outre, l’UEFA et l’URBSFA exercent à la fois des fonctions réglementaires et économiques. Ces fonctions n’étant pas séparées, des conflits d’intérêts sont inévitables. En d’autres termes, l’UEFA et l’URBSFA se comporteraient de manière irrationnelle si elles tentaient de poursuivre des objectifs publics allant directement à l’encontre de leurs intérêts commerciaux.

59.

Lorsque les États membres cherchent à justifier des restrictions à une liberté fondamentale, il existe une présomption qu’ils ont l’intention de poursuivre un intérêt public autre que celui du marché intérieur. Tel n’est pas le cas d’une entité privée et il convient de garder cela à l’esprit dans l’analyse qui suit. C’est la raison pour laquelle je préfère les termes employés par la Cour dans son arrêt Angonese, où elle parle d’un « objectif légitimement poursuivi » ( 43 ), sans préciser qu’un tel objectif doit nécessairement être d’intérêt public. C’est aussi la raison pour laquelle il est d’autant plus important d’examiner minutieusement l’élément d’intérêt public présent dans les raisons impérieuses invoquées par l’UEFA et l’URBSFA.

60.

S’agissant du sport professionnel, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que, compte tenu de l’importance sociale considérable que revêt l’activité sportive, et plus particulièrement le football, dans l’Union, il convient de reconnaître comme légitime l’objectif d’encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs ( 44 ). Il en va de même pour l’objectif consistant à assurer le maintien d’un équilibre entre les clubs, en préservant une certaine égalité des chances et l’incertitude des résultats ( 45 ).

c) Sur la proportionnalité

61.

Par ailleurs, les dispositions litigieuses doivent respecter le principe de proportionnalité, ce qui signifie qu’elles doivent être propres à garantir, de manière cohérente et systématique, la réalisation des objectifs poursuivis et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre. Il appartiendra à la juridiction de renvoi d’apprécier la proportionnalité des dispositions litigieuses. À cet égard, la charge de prouver la proportionnalité des règles JFL incombe à l’UEFA et à l’URBSFA.

62.

Sur la base des informations fournies à la Cour et des observations des différentes parties, j’estime que la Cour est suffisamment informée pour guider la juridiction de renvoi quant au critère de proportionnalité.

63.

Il sera démontré que certaines restrictions sont justifiées.

64.

D’une manière générale, comme l’a souligné la doctrine, « [l]es règles sportives ont un effet économique. Mais en l’absence de certaines règles fondamentales, il n’y aurait pas de sport » ( 46 ). Les marchés spécifiques du sport de compétition reposent sur l’existence de concurrents. L’absence de toute restriction pourrait potentiellement conduire à la situation où un club, capable d’acheter tous les joueurs, ne pourrait plus être battu par d’autres clubs. Il serait regrettable que, par exemple, Wisła Kraków soit en mesure de dominer l’ensemble de la ligue polonaise. Le « beau jeu » perdrait une partie de son attrait.

1) Sur le caractère approprié

65.

Les dispositions litigieuses doivent être aptes à répondre aux prétendues raisons impérieuses d’intérêt général, c’est-à-dire que les règles JFL doivent être aptes à encourager la formation et le recrutement de jeunes joueurs et à améliorer l’équilibre concurrentiel entre les équipes dans les compétitions de clubs de l’UEFA et les compétitions nationales.

i) La formation et le recrutement des jeunes joueurs

66.

Les dispositions litigieuses sont, par définition, aptes à atteindre l’objectif de formation et de recrutement de jeunes joueurs, comme l’a d’ailleurs également admis le Royal Antwerp ( 47 ).

67.

Néanmoins, j’éprouve certains doutes quant à la cohérence générale des dispositions litigieuses en ce qui concerne la définition d’un « JFL ». Si, comme c’est le cas tant dans le règlement de l’UEFA que dans celui de l’URBSFA, un JFL est non seulement un joueur formé par le club lui-même, mais aussi un joueur formé par un autre club de la ligue nationale, je me demande si les dispositions litigieuses sont réellement de nature à favoriser la réalisation de l’objectif de formation des jeunes joueurs par les clubs. Je note, à cet égard, que, selon le règlement de l’UEFA, au moins la moitié (à savoir quatre) des JFL doit avoir été formée par le club en question. Cette règle atténue les choses, mais ne s’attaque pas au problème de fond, qui est la définition même de ce que constitue un JFL.

68.

Ces doutes augmentent évidemment si la ligue nationale en cause est une ligue majeure, raison pour laquelle, selon moi, le règlement de l’UEFA semble soulever davantage de questions que celui de l’URBSFA, qui est, en comparaison, une des plus petites ligues. Si un club d’une grande ligue nationale peut « acheter » jusqu’à la moitié des JFL, l’objectif visant à inciter ce club à former de jeunes joueurs serait mis en échec.

69.

Par conséquent, si je considère comme justifiée l’exigence d’inclure, sur une liste, un nombre prédéfini de JFL, je ne vois pas la raison d’étendre, sous l’angle de la formation, la définition d’un « JFL » à des joueurs extérieurs à un club donné, mais faisant partie de la ligue nationale concernée ( 48 ).

ii) Améliorer l’équilibre concurrentiel des équipes

70.

Les mêmes considérations s’appliquent à l’objectif d’améliorer l’équilibre concurrentiel entre les équipes. Si tous les clubs sont obligés, au moyen des dispositions litigieuses, de former les joueurs, l’équilibre concurrentiel entre les équipes est susceptible d’augmenter dans son ensemble. Là encore, cet objectif est compromis dans la mesure où les clubs peuvent recourir aux JFL d’autres clubs de la même ligue.

iii) Conclusion

71.

Pour conclure, les dispositions litigieuses ne sont pas cohérentes et ne sont donc pas aptes à atteindre les objectifs de formation des jeunes joueurs et d’amélioration de l’équilibre concurrentiel entre les équipes dans la mesure où les JFL qui doivent figurer sur une liste peuvent comprendre des joueurs qui ne proviennent pas du club concerné.

72.

Cela signifie que les dispositions de l’URBSFA en totalité ne sont pas appropriées, tandis que celles de l’UEFA ne le sont que partiellement.

2) Sur la nécessité

73.

Ensuite, les dispositions litigieuses ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de formation et de recrutement de jeunes joueurs.

i) Sur le pouvoir discrétionnaire de l’UEFA et de l’URBSFA

74.

L’UEFA, en particulier, fait valoir qu’il existe une jurisprudence constante en vertu de laquelle les « régulateurs professionnels » disposent d’une « marge d’appréciation raisonnable » lorsqu’ils choisissent une solution spécifique à un problème donné.

75.

À cet égard, je relève qu’il n’est fait référence qu’à un seul arrêt (de principe) de la Cour ( 49 ) dans lequel le juge national devait apprécier les mesures prises par l’ordre néerlandais des avocats ( 50 ). Il me semble difficile de déduire un principe général des particularités de cette affaire, selon lequel les entités privées auxquelles s’applique l’article 45 TFUE disposeraient d’une marge d’appréciation plus importante que celle des États membres dans des situations comparables.

76.

J’argumenterais plutôt que la jurisprudence classique s’applique lorsqu’il s’agit de l’appréciation générale de ceux qui entendent justifier des restrictions à l’article 45 TFUE. À cet égard, il convient de noter que, de toute évidence, ceux auxquels s’applique l’article 45 TFUE disposent d’une certaine marge d’appréciation pour évaluer si la poursuite de certaines préoccupations est nécessaire et par quels moyens il convient d’y parvenir. À cet égard, la Cour reconnaît un pouvoir d’appréciation à des degrés plus ou moins larges ou restreints, fondé non pas sur l’auteur (État membre ou « régulateur professionnel »), mais sur le domaine dont relève l’objectif poursuivi par le motif de justification. La Cour a ainsi reconnu un pouvoir d’appréciation assez large en ce qui concerne des « domaines particulièrement sensibles », tels que le détachement de travailleurs ( 51 ) ou des matières « de nature très particulière », telles que les loteries ( 52 ). En outre, la situation classique dans laquelle la Cour confère une certaine marge d’appréciation est le domaine de la santé publique ( 53 ). Il est juste d’affirmer que la marge d’appréciation augmente dans la mesure où le domaine d’intervention transcende la politique économique classique ( 54 ).

77.

Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. La formation et le recrutement de jeunes joueurs ont une forte composante économique, tout comme l’objectif de l’amélioration de l’équilibre concurrentiel entre les équipes. Comme l’a souligné le Royal Antwerp dans ses observations, les joueurs, y compris les jeunes, ont une valeur marchande qui agit, de part et d’autre, comme un levier tant pour eux que pour les clubs lors d’éventuels transferts.

78.

Par conséquent, je ne vois aucune raison de s’écarter d’une jurisprudence constante et d’accorder à l’UEFA et à l’URBSFA une marge d’appréciation plus étendue que celle qui s’appliquerait à un État membre pour justifier une restriction à l’article 45 TFUE.

ii) Mesures moins restrictives

79.

Les autres mesures possibles, invoquées notamment par UL et le Royal Antwerp, consistent en une compensation directe pour la formation des jeunes joueurs ou en une redistribution des revenus.

80.

Comme l’a également souligné la Commission, il n’est pas établi que de telles mesures seraient moins restrictives et entraveraient moins la libre circulation au titre de l’article 45 TFUE. En effet, en fonction de la manière dont elles sont spécifiquement conçues, certaines de ces mesures, telles qu’un plafond salarial, semblent même restreindre davantage la capacité des clubs à recruter des joueurs, tandis que les systèmes de compensation des investissements liés à la formation affecteraient directement l’égalité des chances et nécessiteraient des mesures administratives, des coûts et des contrôles substantiels.

81.

En outre, rien n’indique que de telles mesures seraient tout aussi efficaces pour atteindre le même objectif, à savoir la formation des jeunes joueurs. En particulier, les clubs puissants sur le plan financier pourraient « se permettre » de ne pas former les jeunes joueurs et de les acheter auprès d’autres clubs, ce qui compromettrait à la fois l’objectif de formation des jeunes joueurs et l’objectif global d’amélioration de l’équilibre concurrentiel entre les équipes ( 55 ).

iii) Conclusion

82.

Pour conclure, dans la mesure où elles sont appropriées, les dispositions litigieuses semblent nécessaires pour atteindre les objectifs de formation des jeunes joueurs et d’amélioration de l’équilibre concurrentiel entre les équipes.

IV. Conclusion

83.

Compte tenu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique) de la manière suivante :

L’article 45 TFUE doit être interprété comme s’opposant à l’application des règles relatives aux joueurs formés localement, telles qu’adoptées par l’Union des associations européennes de football (UEFA) et l’Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA), selon lesquelles, pour participer aux compétitions concernées, les clubs sont tenus d’inscrire, sur une liste, un nombre minimal de huit joueurs formés localement parmi un nombre maximal de 25 joueurs dans la mesure où ces joueurs formés localement peuvent être originaires d’un autre club au sein de la fédération de football nationale concernée.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Même si les passionnés irréductibles peuvent affirmer, comme l’a fait Nick Hornby dans son roman Fever Pitch, publié en 1992, que « se plaindre d’un football ennuyeux, c’est un peu comme se plaindre de la triste fin du roi Lear : on passe un peu à côté de la question », voir éditions Penguin Books, Londres, 2000, p. 127.

( 3 ) Cela résulte d’une lecture combinée des anciens articles P335.11 et P1422 et des actuels articles B4.112 et B6.109 du règlement fédéral de l’URBSFA.

( 4 ) Cela résulte de l’ancien article P1422 et de l’actuel article B6.109 du règlement fédéral de l’URBSFA.

( 5 ) Et l’article 101 TFUE.

( 6 ) De plus, la Cour belge d’arbitrage pour le sport a considéré qu’il n’y avait pas de violation de l’article 101 TFUE.

( 7 ) De plus, la juridiction de renvoi se demande si les règles JFL peuvent être considérées comme un accord entre entreprises, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée entre entreprises au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

( 8 ) Après tout, tant UL que le Royal Antwerp sont basés en Belgique et il n’existe donc pas, à cet égard, d’élément transfrontalier.

( 9 ) Arrêt du 15 novembre 2016 (C-268/15, EU:C:2016:874).

( 10 ) Voir arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C-268/15, EU:C:2016:874, point 50).

( 11 ) De même que de l’article 101 TFUE.

( 12 ) Voir, notamment, arrêt du 11 avril 2000, Deliège (C-51/96 et C-191/97, EU:C:2000:199, point 29).

( 13 ) Voir également Forsthoff, U., Eisendle, D., dans Grabitz, E., Hilf, M., et Nettesheim, M. (éd.), Das Recht der Europäischen Union, 76. EL., mis à jour au mois de mai 2022, C.H. Beck, Munich, article 49 AEUV, point 104.

( 14 ) Il s’agit d’une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 14 juillet 1976, Donà (13/76, EU:C:1976:115, point 13). Voir également arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, EU:C:1995:463, point 73). De manière générale, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion de « travailleur » revêt une portée autonome et ne doit pas être interprétée de manière restrictive. Ainsi, doit être considérée comme « travailleur » toute personne qui exerce des activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Voir arrêt du 19 juillet 2017, Abercrombie & Fitch Italia (C-143/16, EU:C:2017:566, point 19 et jurisprudence citée).

( 15 ) Il s’agit là d’une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 12 décembre 1974, Walrave et Koch (36/74, EU:C:1974:140, point 17). Voir, également, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, EU:C:1995:463, point 82) ; du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine (C-176/96, EU:C:2000:201, point 35), ainsi que du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais (C-325/08, EU:C:2010:143, point 30).

( 16 ) À savoir les quatre compétitions suivantes : la Ligue des champions de l’UEFA, la Ligue Europa, la Conference League et la Super Cup.

( 17 ) Laquelle, comme je l’ai exposé dans les présentes conclusions, considère néanmoins la question comme irrecevable en raison d’une prétendue absence d’élément transfrontalier.

( 18 ) Il ne s’agit pas de nier le fait qu’il y a des joueurs qui se déplacent à l’étranger à un âge extrêmement jeune. Toutefois, il ne s’agit que d’une petite proportion de joueurs et cela constitue l’exception, ce qui prouve la règle selon laquelle plus un joueur est jeune, plus il est susceptible d’être un joueur local.

( 19 ) Voir, à titre d’illustration, et en ce qui concerne l’article 45 TFUE, arrêt du 7 mai 1998, Clean Car Autoservice (C-350/96, EU:C:1998:205, point 29 et jurisprudence citée). Voir également Zawidzka-Łojek, A., « Ochrona interesu ogólnego na rynku wewnętrznym – dopuszczalne wyjątki i ograniczenia swobód. Model ochrony », dans System Prawa Unii Europejskiego, vol. 7, Prawo rynku wewnętrznego, Varsovie, C.H. Beck, 2020, point 197.

( 20 ) Voir, à titre d’exemple, arrêt du 15 octobre 1987, Heylens e.a. (222/86, EU:C:1987:442, points 9 à 11).

( 21 ) Voir également, en ce sens, Kliesch, J., Der Status des Profifußballers im Europäischen Recht, Nomos, Baden-Baden, 2017, p. 215 en ce qui concerne les règles de l’UEFA.

( 22 ) Voir arrêt du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine (C-176/96, EU:C:2000:201, point 49). Ici, la Cour se réfère explicitement à son arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, EU:C:1995:463, points 99 et 100). De plus, dans son arrêt du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais (C-325/08, EU:C:2010:143, point 35), la Cour a jugé qu’une convention collective française imposant à un « joueur espoir » (un joueur dont l’âge était situé entre 16 et 22 ans), à l’issue de sa période de formation, de conclure, sous peine de dommages-intérêts, son premier contrat de joueur professionnel avec le club qui l’a formé, était susceptible de dissuader ce joueur d’exercer son droit à la libre circulation.

( 23 ) L’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique.

( 24 ) La Cour a, au fil des années, employé une terminologie différente pour décrire des motifs de nature non économique comme motifs de justification, lesquels ont été (et sont encore) développés dans la jurisprudence. Voir Martucci, F., Droit du marché intérieur de l’Union européenne, Presses universitaires de France, Paris, 2021, point 261.

( 25 ) Voir en ce sens, en substance, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, EU:C:1995:463, point 104) ; du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais (C-325/08, EU:C:2010:143, point 38), et du 10 octobre 2019, Krah (C-703/17, EU:C:2019:850, point 55).

( 26 ) S’agissant de la genèse de cette disposition, voir conclusions de l’avocat général Rantos dans l’affaire European Superleague Company (C-333/21, EU:C:2022:993, point 29).

( 27 ) Sur les sept objectifs énoncés dans ce paragraphe, six mentionnent l’éducation et un seul le sport.

( 28 ) Dans la mesure où il est fait référence au Conseil de l’Europe, cette disposition constitue une émanation spécifique de l’obligation générale qui incombe à l’Union, en vertu de l’article 220, paragraphe 1, TFUE, d’établir toute forme de coopération utile avec le Conseil de l’Europe. Voir également mes conclusions dans l’affaire The English Bridge Union (C-90/16, EU:C:2017:464, point 33).

( 29 ) Aux fins des présentes conclusions, je considère que les institutions politiques de l’Union comprennent la Commission, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen.

( 30 ) Certes, il faut un certain temps pour comprendre cette disposition qui, de manière orwellienne, permet aux institutions politiques de recourir à la procédure législative ordinaire pour adopter… tout sauf de la législation.

( 31 ) Voir également, en ce sens, Odendahl, K., dans Pechstein, M., Nowak, C., Häde, U. (éd.), Frankfurter Kommentar zu EUV, GRC und AEUV, vol. III, Mohr Siebeck, Tübingen, 2017, article 165 AEUV, point 9.

( 32 ) À savoir : des règlements, des directives et des décisions.

( 33 ) Voir article 2, paragraphe 5, et article 6, point e), TFUE. L’article 2, paragraphe 5, TFUE précise ensuite que ces actions ne remplacent pas la compétence des États membres dans ce domaine.

( 34 ) Autrement dit, il est inséré entre le « Fonds social européen » et la « Culture ».

( 35 ) De tels privilèges sont réservés à des questions qui sont évidemment considérées comme plus importantes par les maîtres des traités, comme – pour ne mentionner que quelques exemples – l’absence de discrimination (articles 8 et 10 TFUE), l’environnement (article 11 TFUE), la protection des consommateurs (article 12 TFUE) ou la protection des données (article 16 TFUE).

( 36 ) J’emploie le terme « agit » avec précaution, à défaut d’un meilleur terme, étant donné que, comme il a été établi dans les présentes conclusions, l’article 165 TFUE ne permet pas aux institutions de l’Union de légiférer au sens propre du terme.

( 37 ) J’aimerais relever au passage que les institutions politiques ont manifestement choisi de ne pas harmoniser ou réglementer les questions sportives liées au marché intérieur en recourant à l’article 114 TFUE.

( 38 ) En outre, la Cour a jugé que l’article 165 TFUE, interprété conjointement avec les règles du traité relatives à la citoyenneté, et les articles 18 et 21 TFUE, s’opposait à certaines règles d’une fédération sportive nationale restreignant la libre circulation. Voir arrêt du 13 juin 2019, TopFit et Biffi (C-22/18, EU:C:2019:497).

( 39 ) À cet égard, je peux me rallier entièrement aux conclusions de l’avocat général Rantos dans l’affaire European Superleague Company (C-333/21, EU:C:2022:993, point 42), dans lesquelles il est indiqué que « si les caractéristiques particulières du sport ne sauraient être invoquées pour exclure du champ d’application des traités UE et FUE les activités sportives, les références à ces spécificités et à la fonction sociale et éducative du sport, qui figurent à l’article 165 TFUE, peuvent être pertinentes aux fins, notamment, de l’analyse, dans le domaine sportif, de l’éventuelle justification objective des restrictions à la concurrence ou aux libertés fondamentales ».

( 40 ) Voir arrêt du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais (C-325/08, EU:C:2010:143, point 39). Voir également, dans le contexte de la liberté d’établissement au titre de l’article 49 TFUE, arrêt du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a. (C-391/20, EU:C:2022:638, point 59), dans lequel la Cour se borne à faire référence, de manière vague, à l’article 165 TFUE avant d’examiner le caractère restrictif d’une mesure nationale, qui relevait manifestement d’un domaine couvert par l’article 165 TFUE.

( 41 ) Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, EU:C:1995:463, point 86).

( 42 ) Voir également Weatherill, S., European Sports Law, T.M. C. Asser Press, La Haye, 2007, p. 60, qui relève que, bien que l’approche de la Cour est d’une « netteté logique », « il n’apparaît pas clairement comment les notions contenues dans [l’article 45, paragraphe 3, TFUE] peuvent être adéquatement reformulées pour répondre aux besoins du secteur privé », et qui met en avant le risque que permettre à des particuliers d’invoquer des motifs publics pour justifier une restriction « peut avoir pour conséquence que de tels motifs soient invoqués de manière excessive ».

( 43 ) Voir arrêt du 6 juin 2000, Angonese (C-281/98, EU:C:2000:296, point 42). Voir également, en ce sens, Müller-Graff, P.-Chr., « Die horizontale Direktwirkung der Grundfreiheiten », Europarecht, 2014, p. 3 à 29, à la p. 12.

( 44 ) Voir arrêts du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, EU:C:1995:463, point 106), et du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais (C-325/08, EU:C:2010:143, point 39).

( 45 ) Voir arrêt du 15 décembre 1995, Bosman (C-415/93, EU:C:1995:463, point 106). La Cour a également reconnu la régularité des compétitions sportives comme un objectif valable : voir arrêts du 11 avril 2000, Deliège (C-51/96 et C-191/97, EU:C:2000:199, point 64), et du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine (C-176/96, EU:C:2000:201, point 53). Or, en l’espèce, il ne s’agit pas d’une telle régularité d’une compétition, mais plutôt des conditions que doit remplir un club pour participer à une compétition.

( 46 ) Voir Weatherill, S., European Sports Law, T.M. C. Asser Press, La Haye, 2007, p. 336.

( 47 ) Voir point 38 des observations du Royal Antwerp.

( 48 ) Dans la mesure où il est considéré qu’il est nécessaire pour les clubs de disposer d’une marge de manœuvre pour recourir non seulement à leurs propres joueurs, mais aussi à ceux de la même ligue, je soutiens qu’une telle marge de manœuvre serait mieux garantie en réduisant le nombre de JFL et, dans le même temps, en limitant la définition aux joueurs formés localement (à savoir dans le club).

( 49 ) Voir points 50 et 80 des observations écrites de l’UEFA, où il est fait référence à l’arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a. (C-309/99, EU:C:2002:98, point 110).

( 50 ) De même, dans l’arrêt du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas (C-1/12, EU:C:2013:127, point 96), la Cour, se référant à son arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a. (C-309/99, EU:C:2002:98), a examiné si les mesures restrictives adoptées par l’ordre des experts-comptables pouvaient « raisonnablement » être considérées comme nécessaires pour garantir la qualité des services.

( 51 ) Voir arrêt du 17 décembre 1981, Webb (279/80, EU:C:1981:314, point 18), en ce qui concerne la libre prestation des services.

( 52 ) Arrêt du 24 mars 1994, Schindler (C-275/92, EU:C:1994:119, points 59 et suiv.), en ce qui concerne la libre prestation des services.

( 53 ) Voir, à titre d’exemple, arrêt du 16 décembre 2010, Josemans (C-137/09, EU:C:2010:774, points 63 et suiv.), en ce qui concerne la libre circulation des marchandises et la libre prestation des services.

( 54 ) Voir également, en ce sens, Forsthoff, U., Eisendle, D., dans Grabitz, E., Hilf, M., et Nettesheim, M. (éd.), Das Recht der Europäischen Union, 76. EL., mis à jour au mois de mai 2022, C.H. Beck, Munich, article 49 AEUV, point 397.

( 55 ) Voir également, en ce sens, Kliesch, J., Der Status des Profifußballers im Europäischen Recht, Nomos, Baden-Baden, 2017, p. 232.

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CJUE, n° C-680/21, Conclusions de l'avocat général de la Cour, UL et SA Royal Antwerp Football Club contre Union royale belge des sociétés de football association ASBL (URBSFA), 9 mars 2023