Tribunal de commerce d'Annecy, 22 décembre 2020, n° 2020R66

  • Fermeture administrative·
  • Garantie·
  • Clause d 'exclusion·
  • Exploitation·
  • Épidémie·
  • Conditions générales·
  • Expert·
  • Sociétés·
  • Extensions·
  • Condition

Commentaires4

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Me Jeremy Mainguy · consultation.avocat.fr · 21 mai 2021

La bataille des restaurateurs contre l'assureur AXA (de sa dénomination complète : la société AXA France IARD) prend de l'ampleur. Tous les Tribunaux de commerce de France et de Navarre vont certainement devoir trancher la question de la garantie de la société AXA au titre de son contrat d'assurance multirisque professionnelles et notamment de l'efficacité de la fameuse clause d'exclusion stipulée dans les conditions particulières de ce contrat d'assurance au titre de la garantie perte d'exploitation suite à fermeture administrative : « SONT EXCLUES - LES PERTES D'EXPLOITATION, LORSQUE, …

 

Village Justice · 4 janvier 2021

Jugement du Tribunal de Commerce d'Annecy du 22 décembre 2020 n°2020R00066. Le 22 décembre 2020, le Tribunal de commerce d'Annecy a condamné Axa à payer une provision de 60 000 euros au plaignant en attendant le chiffrage définitif de ses pertes d'exploitation via une expertise judiciaire. L'assureur refusait toute indemnisation, se prévalant d'une clause insérée au contrat stipulant que la garantie perte d'exploitation ne joue pas si l'interruption d'activité touche plusieurs établissements dans une même région ou au niveau national. Il s'agit de la première décision de cette nature …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
T. com. Annecy, 22 déc. 2020, n° 2020R66
Juridiction : Tribunal de commerce d'Annecy
Numéro(s) : 2020R66

Sur les parties

Texte intégral

2020R00066 2035700004/1

COPIE

TRIBUNAL DE COMMERCE D’ANNECY

JUGEMENT DU VINGT-DEUX DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT 22/12/2020

Le Tribunal a été saisi de la présente affaire par assignation en date du 12 octobre 2020.

La cause a été entendue à l’audience du 24 novembre 2020 à laquelle siégeait
Monsieur B-Louis PERRIN, Juge rapporteur, sans opposition des parties, assisté de Madame Anaïs VEYRAT DE LACHENAL, commis-greffier, qui a fait rapport au tribunal pour que la décision soit rendue par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.

Composition du Tribunal :

- Monsieur B-Louis PERRIN, Président,

- Madame Sophie MARTIN MONIER, Juge, Monsieur Gérard CHEVALIER, Juge, assistés de :

- Madame Anaïs VEYRAT DE LACHENAL, commis-greffier

La société BELGETS SARL Rôle n° ENTRE

-

[…]

[…]

DEMANDEUR – représenté(e) par SCP MERMET & ASSOCIES – Me Quentin MUGNIER -

6 AVENUE DES ALLOBROGES CS30051 74202 THONON-LES-BAINS

La société AXA FRANCE IARD SA ET

[…]

[…]

DÉFENDEUR – représenté(e) par Maître X Y ALPES – […]

SELARL ORMEN PASSEMARD – Me Pascal ORMEN -

[…]

Frais de Greffe compris dans les dépens (Art. 701 du code de procédure civile) : 106,06 € HT, 21,21 €

TVA, 127,27 € TTC

Copie exécutoire délivrée le 22/12/2020 à SCP MERMET & ASSOCIES – Me Quentin MUGNIER

Copie exécutoire délivrée le 22/12/2020 à Me X Y ALPES – BEAUQUIS Sandie


2020R00066 – 2035700004/2

EXPOSE DU LITIGE

LA PROCEDURE :

Par acte régulièrement délivré le 12/10/2020 par Maître SEBBAN, la SARL BELGETS a assigné la

SA AXA FRANCE IARD à comparaître à l’audience des référés du 04/11/2020 du Tribunal de commerce d’Annecy aux fins de la voir condamner au versement d’une provision de 100 000 € au titre de la couverture de ses pertes d’exploitation et ordonner une mesure d’expertise comme dit dans l’assignation. L’affaire a été enrôlée sous le N°2020R66.

Par ordonnance en date du 05/11/2020 le juge des référés s’est dit incompétent pour trancher le litige et sur le fondement de l’article 873-1 du CPC a renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoiries du 24/11/2020 à laquelle elle a été retenue et plaidée et le prononcé du délibéré fixé au 22/12/2020 par mise à disposition au greffe.

LES FAITS:

La SARL BELGETS exploite sous l’enseigne «< BELLEVUE » un hôtel restaurant dans la commune des GETS en Haute-Savoie. Elle a conclu le 29/05/2017 avec la société AXA le contrat d’assurance multirisque professionnelle N°5851598404 comprenant des conditions générales et des conditions particulières ainsi qu’une annexe «< Z & Z A »>.

En conséquence des arrêtés du gouvernement du 14/03/2020 la SARL BELGETS n’a pu accueillir du public à compter du 17/03/2020 et a fait le 30/03/2020 une déclaration de sinistre et après échange de courriers, AXA a le 28/05/2020 confirmé qu’elle refusait de mettre en œuvre sa garantie « pertes d’exploitation ».

Une nouvelle déclaration de sinistre a été faite par la SARL BELGETS consécutivement au décret du

29/10/2020 qui réinstaurait l’interdiction pour les hôteliers restaurateurs d’accueillir du public.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La SARL BELGETS expose que la SA AXA doit sa garantie en vertu de deux clauses, la première figurant en page 7 de l’annexe « Z et Z A », la seconde en vertu de la clause 2.1 des conditions générales.

Concernant la clause de l’annexe « Z et Z A » elle explique que la garantie est bien due et que la restriction qui la suit immédiatement est indiscutablement, du fait de sa formulation négative, en vertu de la jurisprudence, et contrairement aux prétentions d’AXA, une clause

d’exclusion laquelle est irrégulière à trois titres :

● Le premier pour n’être pas formelle et limitée comme l’impose l’article L113.1 du Code des assurances,

● Le deuxième en vertu de l’article 1170 du Code Civil et pour vider l’obligation principale de sa substance, Le troisième parce que la typographie de la clause ne satisfait pas aux prescriptions du quatrième alinéa de l’article L112-4 du Code des assurances.

Concernant la garantie due en vertu de la clause 2.1 des conditions générales elle rappelle d’une part que la clause, du fait de l’emploi de l’adverbe notamment, ne comporte aucune limitation aux cas rendant l’accès aux locaux difficiles ou impossibles, que cette clause nécessite d’être interprétée, que le contrat étant un contrat d’adhésion la clause doit l’être en faveur de la SARL BELGETS et d’autre part que le risque épidémique doit être considéré comme inclus dans les « risques divers » pour ne pas en être formellement exclu par ailleurs.

La SARL BELGETS invoque à titre subsidiaire le manquement à son devoir de conseil de la SA AXA.

Quant au quantum du dommage et sur le fondement de l’attestation de son expert comptable elle indique que la perte de marge brute est de 261 047 € et en conséquence elle demande que la SA AXA soit condamnée au paiement à titre provisionnel de la somme de 130 000 € et qu’une mesure

d’expertise soit ordonnée pour déterminer le montant de la perte d’exploitation subie, ce aux frais avancés d’AXA.

En conséquence elle demande au Tribunal de commerce d’Annecy de : Vu les éléments versés aux débats,

Vu les articles 1103, 1104, 1112-1, 1170 et 1190 du Code civil dans leur rédaction issue de

l’ordonnance du 10 février 2016,

Vu les articles L. 112-4 alinéa 3, L. 113-1 alinéa 1, L. 113-5, L.511-1 et L.521-4 du Code des assurances;


2020R00066 – 2035700004/3

Vu l’article 145 du Code de procédure civile, Vu l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid19,

Vu le Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, Vu les pièces versées aux débats et notamment les conditions particulières référencées n° 5851598404 régularisées le 29 mai 2017 entre les Parties, les conditions générales n° 690200 0, ainsi que l’annexe

« Z & Z A »,

SUR LE DROIT A INDEMNISATION DE LA SOCIETE ELGETS:

Sur la mobilisation de la garantie « perte d’exploitation suite à fermeture administrative » figurant en page 7 de l’annexe « Z & Z A»

PERTEDIRE ET JUGER que les critères d’indemnisation de la garantie

D’EXPLOITATION SUITE A FERMETURE ADMINISTRATIVE », stipulée à l’annexe

Z & Z A », souscrite auprès de la société AXA FRANCE

IARD par la société BELGETS, sont réunis concernant les pertes d’exploitation subies par cette dernière du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 et du 29 octobre 2020 jusqu’à autorisation administrative de réouverture au public; DIRE ET JUGER que la garantie < PERTE D’EXPLOITATION SUITE A FERMETURE

ADMINISTRATIVE » comporte in fine la clause d’exclusion suivante : « En aucun cas il ne peut s’agir d’une fermeture collective d’établissements dans une même région ou sur le plan national ».

DIRE ET JUGER non écrite ladite clause d’exclusion de garantie au regard des fermetures

● administratives intervenues pour cause d’épidémie, cette dernière vidant la garantie de sa substance, et ce, quelle que soit la qualification retenue par le Tribunal, l’article 1170 du

Code civil devant trouver à s’appliquer en toutes hypothèses ; ANNULER ladite clause d’exclusion en l’absence de caractère formel et limité, et à défaut de rédaction en caractères très apparents ;

En conséquence, et en tout état de cause, CONDAMNER la compagnie AXA FRANCE IARD à indemniser les pertes d’exploitation

● subies par la société BELGETS consécutives aux fermetures administratives de son établissement pour cause d’épidémie de COVID-19 pendant les périodes du 15 mars au 2 juin

2020, et du 29 octobre 2020 jusqu’à autorisation administrative de réouverture au public;

Sur la mobilisation de la garantie « perte d’exploitation, perte de revenus » prévue a l’article 2.1 des conditions générales 690200 0 du contrat régularisé le 29 mai 2017 entre les parties :

● DIRE ET JUGER que les critères d’indemnisation de la garantie «< PERTE D’EXPLOITATION, PERTE DE REVENUS », stipulée en clause 2.1 des conditions générales 690200 0, souscrites auprès de la société AXA FRANCE IARD par la société BELGETS, sont réunis concernant les pertes d’exploitation subies par cette dernière du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 et du 29 octobre 2020 jusqu’à autorisation administrative de réouverture au public, dès lors qu’aucune interprétation n’est nécessaire relativement à ladite clause, et qu’il en résulte que la garantie est acquise dans tous les cas d’impossibilité ou de difficulté d’accès aux locaux professionnels quelle qu’en soit la cause, l’adverbe < notamment

» n’ayant pas de sens exclusif ou limitatif;

CONSTATER l’existence de plusieurs interprétations possibles relativement à ladite clause stipulée en clause 2.1 des conditions générales 690200 0, qui sera interprétée dans le sens le plus favorable à la société BELGETS, et CONDAMNER, en conséquence, vu l’article 1190 du Code civil, la compagnie AXA FRANCE IARD à indemniser les pertes d’exploitation subies par la société BELGETS consécutives à l’impossibilité ou difficultés d’accès à ses locaux professionnels pour cause d’épidémie de COVID-19 pendant les périodes du 15 mars au 2 juin 2020, et du 29 octobre 2020 jusqu’à autorisation administrative de réouverture au public; A titre infiniment subsidiaire, et dans l’hypothèse où les garanties susvisées ne trouveraient pas તે

s’appliquer sur le défaut de conseil et d’information de la compagnie AXA : ;

DIRE ET JUGER que l’agent général AXA a manqué à son devoir de conseil et

d’information, engageant la responsabilité de la compagnie AXA FRANCE IARD ;

DIRE ET JUGER que ces manquements ont causé à la société BELGETS un préjudice

● correspondant aux pertes d’exploitation qui auraient dû être couvertes par le contrat multirisque professionnel régularisé entre les parties le 29 mai 2017;

En conséquence, CONDAMNER la compagnie AXA FRANCE IARD à payer à la société BELGETS le

● montant, fixé à dire d’expert judiciaire, des pertes d’exploitation subies par elle consécutives à

l’impossibilité d’accès à ses locaux professionnels pour cause d’épidémie de COVID-19


2020R00066 – 2035700004/4

pendant la période du 15 mars au 2 juin 2020, et celle à compter du 29 octobre 2020 jusqu’à autorisation administrative de réouverture au public;

AVANT DIRE DROIT SUR L’INDEMNISATION DEFINITIVE:

DESIGNER tel expert qu’il plaira au Tribunal de désigner avec la mission suivante :

o Prendre connaissance des conditions particulières n° 5851598404 régularisées le 29 mai 2017 entre les Parties, des conditions générales n° 690200 0, et de l’annexe

Z & Z A »,

o Prendre connaissance de tout élément comptable de la société BELGETS et du rapport comptable établit par l’expert-comptable de la concluante et des pièces produites par les parties;

o Evaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute subie pendant la période d’indemnisation conformément aux conditions du contrat

d’assurance,

o Evaluer le montant des frais supplémentaires d’exploitation pendant la période d’indemnisation conformément aux conditions du contrat d’assurance,

o Entendre tout sachant lui permettant de mener à bien sa mission d’expertise,

o Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à sa mission,

S’il l’estime nécessaire, se rendre sur place,o

o Mener de façon strictement contradictoire ses opérations d’expertise, en particulier en faisant connaître aux parties, oralement ou par écrit, l’état de ses avis et opinions à chaque étape de sa mission puis un document de synthèse en vue de recueillir les dernières observations des parties avant une date ultime qu’il fixera, avant le dépôt de son rapport,

o Rappeler aux parties, lors de l’envoi de ce document de synthèse, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de cette date ultime ;

SUR LA DEMANDE DE PROVISIONS:

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer à la société BELGETS la somme

provisionnelle de 130 000 € à valoir sur le montant définitif de l’indemnité qui résultera de la mesure d’instruction ordonnée, outre intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2020, date de la mise en demeure, outre la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du Code civil, le tout sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir;

CONDAMNER la société AXA FRANCE IARD à payer à la société BELGETS une

provision ad litem de 10 000 € pour financer l’expertise judiciaire à venir, comprenant notamment la demande de consignation, ainsi que les frais d’assistance à expertise par un expert-comptable et un avocat, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir;

EN TOUTES HYPOTHESES:

DEBOUTER la compagnie AXA FRANCE IARD de l’intégralité de ses demandes ; CONDAMNER la compagnie AXA FRANCE IARD à payer à la société BELGETS la

somme de 5 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

CONDAMNER la même aux entiers dépens;

RAPPELER qu’en application de l’article 514 du Code de procédure civile le jugement à

intervenir sera de droit exécutoire à titre provisoire et en toute hypothèse ordonner l’exécution provisoire, et débouter la partie adverse de toute demande contraire visant à écarter cette exécution provisoire.

La SAS AXA FRANCE IARD réfute en premier lieu que le deuxième alinéa de la clause < Perte d’exploitation suite à fermeture administrative » de l’annexe Z et Z A soit une clause d’exclusion, laquelle aurait été imprimée en caractères distinctifs, elle soutient que ce deuxième alinéa est une précision de la garantie décrite au premier alinéa et en conséquence que la garantie n’est pas mobilisable au titre de cette clause qui limite la garantie à la fermeture individuelle de

l’établissement assuré.

Elle rajoute que l’indemnisation du sinistre n’est pas plus due au titre des conditions générales du contrat telles que précisées au paragraphe 2.1, ce paragraphe constitue une garantie à périls dénommés, et non pas une police « Tous risques sauf », qui ne couvre pas l’épidémie et les risques couverts ont été limitativement énumérés ; elle soutient que l’adverbe « notamment » se rapporte uniquement à l’interdiction par les autorités administrative et non pas à la liste d’exemples de risques divers lesquels ont été limitativement définis au paragraphe 1.4 des conditions générales et que la survenance d’une épidémie ou d’une pandémie n’y figure pas.

Elle rajoute que le sinistre n’est pas consécutif à un dommage matériel garanti (point 1 du paragraphe), ni résultant d’une impossibilité d’accès aux locaux consécutif à un évènement survenu


2020R00066 – 2035700004/5

dans le voisinage et correspondant à la définition du risque divers (point 2 du paragraphe). Elle souligne que la rédaction de la clause d’extension et de la clause d’exclusion qui s’y rattachent sont rédigées sans ambiguïté et avec précision et produisant divers articles et avis d’expert démontre qu’une épidémie, une maladie contagieuse ou une intoxication alimentaire, peuvent ne concerner qu’un seul établissement, que l’exclusion n’est donc pas totale et que pour chacun de ces deux motifs la clause d’exclusion ne peut être réputée non écrite. AXA réfute aussi l’allégation de manquement à son devoir de conseil.

En conséquence elle demande au tribunal de commerce d’ANNECY de :

Vu le risque de fermeture administrative individuel couvert par l’extension de garantie d’assurance souscrite par la société BELGETS auprès d’AXA, Vu l’article 2.1 des conditions générales du contrat d’assurance souscrit par la Demanderesse auprès

d’AXA,

Vu les pièces produites aux débats,

Vu l’article 145 du Code de procédure civile, Vu les articles 1103, 1104, 1112-1, 1188, 1189, 1190, 1191, et 1192 du Code civil,

Vu les articles L. 121-2, L. 511-1 et L. 521-4 du Code des assurances,

A TITRE PRINCIPAL

JUGER que la clause litigieuse se cantonne à préciser l’objet de la garantie souscrite par la société BELGETS, de sorte qu’elle n’est pas une clause d’exclusion; JUGER que le sinistre déclaré par la société BELGETS n’est pas consécutif à une fermeture

administrative individuelle de son établissement, qui est le seul risque couvert par l’extension de garantie dont elle sollicite la mobilisation ;

JUGER que les conditions de mobilisation de la garantie des pertes d’exploitation figurant à

l’article 2.1 des conditions générales, souscrite par la société BELGETS, ne sont pas remplies; JUGER qu’AXA FRANCE IARD n’a pas manqué à son devoir d’information ou de conseil ;

En conséquence,

DEBOUTER la société BELGETS de l’intégralité de ses demandes formulées à l’encontre

d’AXA FRANCE IARD ;

A TITRE SUBSIDIAIRE: Si par extraordinaire le Tribunal estimait l’une des garanties dont la société BELGETS sollicite la mobilisation était mobilisable ou que la société AXA FRANCE IARD aurait manqué à son obligation d’information et de conseil :

JUGER que le montant de la provision sollicitée par la société BELGETS ne respecte pas les

dispositions contractuelles, et qu’il n’est donc pas démontré ;

● JUGER que la preuve du montant de la perte de chance correspondant à l’indemnité sollicitée

n’est pas rapportée par la société BELGETS ;

En conséquence,

● DEBOUTER la société BELGETS de sa demande de condamnation formulée à l’encontre

d’AXA FRANCE IARD;

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile il est fait référence aux conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs moyens et prétentions.

EXPOSE DES MOTIFS

Sur l’extension « Perte d’exploitation suite à fermeture administrative » page 7 de l’annexe

Z et Z A:

La clause mentionne : « « La garantie PERTE D’EXPLOITATION est étendue au cas d’interruption ou de réduction temporaire de votre activité professionnelle en cas de fermeture provisoire (3 mois maximum) totale ou partielle de l’établissement par décision administrative à la suite d’une maladie contagieuse, de meurtre, de suicide, d’épidémie ou d’intoxication.

En aucun cas, il ne peut s’agir d’une fermeture collective d’établissements dans une même région ou sur le plan national ». Alors que la SARL BELGETS considère que le deuxième alinéa est une clause

d’exclusion, AXA indique que cet alinéa ne fait que participer à la définition du risque et des conditions à satisfaire pour que la garantie puisse être mise en œuvre. Si les textes et la jurisprudence sont nombreux et précis sur la forme et le contenu des clauses d’exclusion de garantie, les parties au litige n’ont pas produit aux débats de textes ou une jurisprudence définissant de façon positive ce qu’est une clause d’extension.

Il convient donc pour le juge de distinguer si cet alinéa écarte certains événements ou dommages de la garantie (clause d’exclusion) ou précise simplement les conditions à satisfaire pour que la garantie


2020R00066 – 2035700004/6

soit due. A l’examen de ces deux alinéas le juge constatera en premier lieu que le bon usage de la langue française veut que la condition s’écrive en préalable et l’exclusion après la proposition principale et que telle est la rédaction faite par AXA, en second lieu qu’aucune difficulté de rédaction

n’empêchait AXA, si elle avait l’intention comme elle le prétend, de limiter la garantie à la fermeture administrative du seul établissement assuré, d’introduire cette limitation dès le premier alinéa par une formulation du type «en cas de fermeture provisoire (3 mois maximum) totale ou partielle de votre seul établissement par décision administrative »>.

Constatant qu’AXA a choisi de formuler l’extension de garantie en deux temps par un premier alinéa qui ne comporte aucune limite spatiale ou temporelle à la « fermeture administrative », puis dans un deuxième alinéa d’écarter de la garantie les cas de « fermeture collective » et s’il le fallait en

s’appuyant sur l’article 1190 du Code civil (Dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé), le juge dira que le second alinéa de l’extension de garantie ne peut s’interpréter que comme une clause d’exclusion. Le juge est encore plus conforté dans sa décision par le courrier de l’agent général d’AXA du 28/05/2020 (pièce 8 de la SARL BELGETS) qui fait explicitement référence à l’annexe

< Z A » et précise au quatrième alinéa «Toutefois sont exclues de la garantie.. . ». L’argumentation d’AXA quant à l’erreur matérielle contenue dans ce courrier ne saurait être retenue sachant qu’AXA, qui ne pouvait manquer de réaliser l’importance des termes de ses contrats et courriers compte tenu du nombre de litiges déjà portés devant les tribunaux, avait tout loisir d’envoyer un courrier correctif avant l’assignation de la SARL LES BELGETS ce qu’elle n’a pas fait.

Le juge dira donc que le deuxième alinéa de cette extension est une clause d’exclusion, il constatera que la typographie de cette clause est identique à celle de la clause d’extension, donc qu’elle ne satisfait pas aux prescriptions de l’article L112-4 du Code des assurances et en conséquence la déclarera nulle.

Sans même avoir à s’attarder sur le caractère non formel et imprécis de la clause ou sur le fait qu’elle vide la garantie principale de sa substance ou la rend dérisoire, le juge dira que la garantie < perte d’exploitation suite à fermeture administrative » précisée dans l’annexe « Z & Z

A » est due.

Sur les autres moyens invoqués par la SARL LES BELGETS:

En conséquence de la précédente motivation il n’est pas nécessaire de statuer sur les autres moyens invoqués.

Sur le quantum de l’indemnisation duepar AXA :

L’attestation de l’expert comptable et les documents comptables produits aux débats ne permettent pas au juge de vérifier que le calcul de la perte d’exploitation est conforme aux termes du contrat et en particulier que la SARL BELGETS ait sollicité et obtenu toutes les mesures de réduction des coûts ou

d’aides à caractère définitif mises en place par le gouvernement français ou les collectivités locales en raison de la crise sanitaire et des fermetures administratives, étant rappelé que l’assuré a lors de la survenance d’un sinistre l’obligation de prendre toutes les mesures conservatoires pour limiter le coût des dommages.

Une mesure d’instruction sera donc ordonnée pour déterminer le montant exact de la perte

d’exploitation subie par l’assuré pour les périodes du 15/03 au 02/06/2020 et du 29/10 au 11/11/2020 représentant les 3 mois d’indemnisation stipulés au contrat. Cependant les éléments produits par

l’expert comptable de l’entreprise sont suffisants pour dire que l’indemnité due ne peut être inférieure à la somme de 60 000 €, somme qu’AXA sera condamnée à payer sans attendre les résultats de la mesure d’instruction.

Sur la provision ad litem :

La SARL LES BELGETS ne justifie pas qu’elle soit dans l’impossibilité de faire l’avance des frais

d’expertise, laquelle ne nécessite pas de transport sur les lieux et devrait être d’un coût modéré, au surplus aucun risque d’insolvabilité de la société AXA ne peut être invoqué dans l’hypothèse où cette dernière serait définitivement condamnée au paiement des frais de la mesure d’expertise.

Sur la demande au titre de l’article 700 du CPC:

Il ne convient pas de faire application des dispositions de l’article 700 du CPC à ce stade de la procédure.

Sur les dépens :

Pour le même motif les dépens seront réservés.


2020R00066 – 2035700004/7

Sur l’exécution provisoire : Rien ne justifie qu’elle ne soit pas ordonnée, en vertu des articles 514 et 514-1 du CPC.

PAR CES MOTIFS, Après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire, le Tribunal de commerce d’Annecy,

DIT que le deuxième alinéa du paragraphe < Perte d’exploitation suite à fermeture administrative » de l’annexe « Z & Z A » est une clause d’exclusion et qu’elle est réputée non écrite pour n’être pas typographiée de façon distinctive et en conséquence que la garantie perte d’exploitation prévue au premier alinéa de ce paragraphe est due par la société AXA FRANCE

IARD;

ORDONNE une mesure d’instruction;

COMMET pour y procéder : M. B C – expert comptable – ABELIA CONSULTING

[…]

Tel 04.72.00.77.80

Avec pour mission de :

● Se faire communiquer tous les éléments contractuels et comptables utiles,

● Entendre tout sachant,

Identifier, chiffrer et prendre en compte les charges supplémentaires et les charges

économisées en les détaillants, Prendre en compte les subventions, primes et indemnités reçues ou à recevoir au titre des périodes comprises entre le 15/03 et le 02/06/2020 puis entre le 29/10 et le 11/11/2020 en conséquence de la décision de fermeture administrative, Examiner et donner son avis sur la réalité de la réclamation financière de la SARL BELGETS

● au titre de la perte d’exploitation subie entre le 15/03 et le 2/06/2020 puis entre le 29/10 et le 11/11/2020 conformément au paragraphe« perte d’exploitation suite à fermeture administrative » page 7 l’annexe « Z & Z A » et au paragraphe 2.1 des conditions générales du contrat,

• S’expliquer techniquement, dans le cadre de sa mission ainsi définie, sur les dires et observations des parties qu’il aura recueillis, et ce, après avoir communiqué un pré-rapport aux parties, Autoriser l’Expert à recueillir les déclarations de toutes personnes informées et l’autoriser à O

s’adjoindre, en cas de besoin, tout spécialiste et/ou sapiteur de son choix,

Rédiger et déposer rapport final dans le délai qui lui sera imparti pour l’accomplissement de ses diligences;

DIT que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 à 283 du CPC, qu’il pourra entendre toute personnes, qu’il aura la faculté de s’adjoindre tous spécialistes de son choix dans une spécialité différente de la sienne, à charge de joindre leur avis au rapport ;

DÉSIGNE le magistrat chargé de la surveillance des expertises pour contrôler le déroulement de la

mesure ;

DIT que l’expert établira un pré-rapport qui sera communiqué aux parties et répondra aux dires qui lui seront éventuellement adressés et qu’il dressera ensuite rapport de ses opérations pour être déposé au greffe avant le: 30/04/2021 en un original après en avoir envoyé un exemplaire à chacune des parties

en cause;

FIXE l’avance des frais d’expertise à valoir sur le montant des honoraires de l’expert à la somme de 5

000€ qui seront consignées par la SARL BELGETS avant le 31/01/2021;

DIT qu’à défaut de consignation de la provision dans le délai imparti la désignation de l’expert sera caduque ; lors de la première réunion l’expert dressera un programme de ses investigations et évaluera DIT que ère aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ; d’une

DIT qu’à l’issue de cette réunion l’expert fera connaître au Juge chargé du contrôle de l’expertise la somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et


2020R00066 – 2035700004/8

sollicitera le cas échéant, le versement d’une provision complémentaire ;

DIT que l’expert tiendra le Juge chargé du contrôle de l’expertise informé de l’avancement de ses opérations et le saisira de toute difficulté y afférente;

DIT qu’il sera pourvu au remplacement de l’expert dans les cas, conditions et formes des articles 234 et 235 du CPC ;

DIT que l’expert déposera son rapport dans l’hypothèse où les parties ne parviendraient pas entre elles

à une conciliation ;

DIT qu’à l’issue de ses opérations, l’expert adressera aux parties un projet de sa demande de recouvrement d’honoraires et débours, en même temps qu’il l’adressera au magistrat taxateur ;

DIT que les parties disposeront, à réception de ce projet, d’un délai de 15 jours pour faire valoir leurs observations sur cet état de frais, que ces observations seront adressées au magistrat taxateur afin de débat contradictoire préalablement à l’ordonnance de taxe;

DIT qu’à défaut d’observations dans ce délai de 15 jours, la partie défaillante sera considérée comme agréant le projet ;

CONDAMNE la société AXA FRANCE IARD à payer à la SARL BELGETS la somme de 60 000 € à valoir sur le montant définitif de l’indemnité qui sera déterminé par la mesure d’instruction;

DEBOUTE la SARL BELGETS de sa demande de provision ad litem ;

SURSOIT A STATUER pour la fixation du montant définitif de l’indemnité due par la société AXA

FRANCE IARD à la SARL BELGET dans l’attente du rapport de l’expert;

DIT ne pas avoir lieu à application de l’article 700 du CPC à ce stade de la procédure;

RESERVE les dépens ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

En foi de quoi la présente ordonnance a été signée par le président et le Greffier

Ainsi jugé et prononcé

COPIE sur 8 pages

Pour le Greffier Le Président

Maître Bruno GAILLARD Monsieur B-Louis PERRIN un greffier en ayant assuré la mise à disposition

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de commerce d'Annecy, 22 décembre 2020, n° 2020R66