Tribunal de commerce de Paris, 1 ère chambre, 6 février 2018, n° J2009002483

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 1 ère ch., 6 févr. 2018, n° J2009002483
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Numéro(s) : J2009002483

Texte intégral

Copie exécutoire :

Me DELAY-PEUCH Z,

Me CHANA Sandra Copie aux demandeurs : 5 Copie aux défendeurs : 5

[…]

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS 1ÈRE CHAMBRE JUGEMENT PRONONCE LE 06/02/2018

PAR SA MISE A DISPOSITION AU GREFFE

RG J2009002483

su

DG-

Fr

AFFAIRE 2009032045

ENTRE :

SOCIETE RUNGIS VOLAILLE PLUS, dont le siège social est […]

Partie demanderesse : comparant par Me BERTO Cédric Avocat (K25) et Me C D Avocat (L230) comparant par Me OHANA Sandra Avocat (C1050).

ET :

société STEF INFORMATION ET TECHNOLOGIES anciennement dénommée X, dont le siège social est […]

Partie défenderesse : assistée de Maître Olivier ITEANU du Cabinet ITEANU Avocat (D1380) et comparant par Me HERNE Pierre Avocat (B835)

AFFAIRE 2009039568

ENTRE :

société STEF INFORMATION ET TECHNOLOGIES anciennement dénommée X, dont le siège social est […]

Partie demanderesse : assistée de Maître Olivier ITEANU de la SELARL ITEANU Avocats (D1380) et comparant par Me HERNE Pierre Avocat (B835)

ET:

SAS DECTIS CONSULTANTS, dont le siège social est European Business Center SA – […]

Intervenante volontaire :

SA AXA FRANCE IARD, dont le siège social est 313 Terrasses de l'[…]

Parties défenderesses : assistées de Me Georges JENSELME de la SCP DERRIENNIC Avocats (P426) et comparant par Me DELAY-PEUCH Z Avocat (A377).

AFFAIRE 2010011087 ENTRE :

Société STEF INFORMATION ET TECHNOLOGIES anciennement dénommée

X, dont le siège social est […]

Partie demanderesse : assistée de Maître Olivier ITEANU de la SELARL ITEANU – Avocats (D1380) et comparant par Me Pierre HERNE Avocat (B835)

Y

ASS

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG: J2009002483 JUGEMENT pu MARDI 06/02/2018 1ERE CHAMBRE PAGE 2

ET:

SAS DECTIS CONSULTANTS, dont le siège social est European Business Center SA – […]

Intervenante volontaire :

SA AXA FRANCE IARD, dont le siège social est 313 Terrasses de l'[…]

Parties défenderesses : assistées de Me Georges JENSELME de la SCP DERRIENNIC Avocats (P426) et comparant par Me DELAY-PEUCH Z Avocat (A377),

APRES EN AVOIR DELIBERE Les faits et la Procédure

Au terme d’une consultation puis d’une conception du cahier des charges, la S.A.S. à capital variable RUNGIS VOLAILLE PLUS (ci-après « RVP ») et la société X, filiale informetique du Groupe STEF, transporteur frigorifique, devenue société STEF INFORMATION ET TECHNOLOGIES (ci-après « STEF »), ont conclu le 13 décembre 2007 un marché pour la réalisation d’un nouveau système informatique appelé RVI destiné au pavillon de la volaille et du gibier du marché d’intérêt national de Rungis.

La mise en œuvre de ce projet a connu des difficultés, avec notamment le départ de l’un des principaux clients participants, AVIGROS, jusqu’à la rupture définitive entre les parties intervenue en mai 2009,

Estimant que l’échec de ce projet était dû à STEF et lui avait causé un important préjudice, ce que conteste cette dernière, RVP a assigné STEF le 19 mai 2009 devant ce tribunal, instance enregistrée sous le numéro de RG 2009032045.

Per deux actes délivrés les 9 juin 2009 et 10 février 2010, STEF a assigné en intervention forcée la société DECTIS CONSULTANTS (ci-après DECTIS), instance enregistrée sous les numéros de RG 2009039568 et 2010011087,

Les trois instances ont été jointes sous le numéro J2009002483.

Par jugement du 22 mars 2011, ce tribunal a désigné M. A B en qualité d’expert avec la mission définie dans ledit jugement. L’expert a déposé son rapport le 18 juillet 2014,

Par jugement du 13 décembre 2016, qui a depuis acquis la force de la chose jugée, le tribunal a débouté STEF de sa demande de prononcer la péremption de l’instance.

RVP, par son assignation susvisée du 19 mai 2009 et à l’audience du 29 juin 2015, par conclusions qui annulent et remplacent les précédentes demandes, demande au tribunal, dans le dernier état de ses prétentions de :

Vu les pièces versées aux débats, les moyens qui précèdent, la jurisprudence visée aux présentes, les articles 1116, 1134, 1147, 1149, 1150, 1153-1, 1154, 1184, 1382 et 1383 du Code civil et les articles 9, 56, 63, 65, 70, 112 et 122 du Code de Procédure Civile ;

Sur la procédure :

— Dire et juger l’action de RVP à l’encontre de la société STEF IT recevable :

— Dire et juger irrecevable et en tout état de cause infondée la société STEF IT en son exception de nullité de l’assignation de RVP en date du 19 mai 2009 :

— Dire et juger que la société STEF IT est irrecevable à se prévaloir de griefs à l’encontre de RVP, car. non préalablement notifiés dans les formes et conditions de recevabilité prévues au Contrat, et en conséquence, juger irrecevables les demandes reconventionnelles de STEF IT.

Sur le fond :

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : J2009002483 JUGEMENT OU MAROI 06/02/2018 1ERE CHAMBRE PAGE 3

— Débouter STEF ÎT de l’intégralité de ses moyens, fins et conclusions pris à l’encontre de RVP, ainsi que de ses demandes reconventionnelles. – Atitre principal :

o Dire et juger que la société STEF IT 8 commis des manœuvres dolosives telles que, sans ces manœuvres, RVP n’aurait pas contracté.

o Annuler pour dol le contrat conclu le 13 décembre 2007.

o En conséquence de cette annulation, condamner STEF IT à payer à RVP, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et pour l’intégralité des préjudices subis, les dommages et intérêts ci- après quantifiés.

— Atitre subsidisire :

o Dire et juger que la société STEF IT à commis des manquements graves caractérisant au surplus une faute lourde équipollente au dol.

o Dire et juger que le contrat du 13 décembre 2007 prévoit des prestations et des cessions constituant un tout indivisible et interdépendant dans le cadre du Projet RVI.

o Dire et juger que les conditions et formalités de résiliation de plein droit, notsemment celles tenant à la notification prévue à l’article 8.2.3 82 du contrat, sont réunies.

o Constater la résiliation de plein droit avec effet rétroactif au 13 décembre 2007, où autrement dit sa résolution de plein droit par application notamment de l’article 8.2.3 82 du contrat conclu à cette date, et à défaut, prononcer la résiliation judiciaire avec effet rétroactif à la même date, ou ss résolution judiciaire, le tout aux torts exclusifs de la société STEF IT.

o Dire et juger qu’aucune clause exonérataire et/ou limitative de responsabilité et/ou d’indemnisation ne peut être appliquée.

— En tout état de cause :

o Condamner la société STEF IT à payer à RVP, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil s’agissant des préjudices subis avant la signature du Contrat, et sur le fondement de 1149 et 1150 pour les autres, les dommages: et intérêts ci-après quantifiés, en réparation de l’intégralité des préjudices subis.

— En conséquence, concernant les préjudices :

o Condsmner la société STEF IT à payer à RVP la somme de 3.352.142,00 euros, au titre du remboursement des sommes investies par RVP dans le projet RVI.

o Condamner la société STEF IT à payer à RVP la somme de 236.739,00 euros, au titre du coût de l’arrêt du projet.

o Condamner la société STEF IT à payer à RVP la somme de 6.631.000,00 euros, au titre de l’indemnisation du gain manqué.

o Condsmner la société STEF IT à payer à RVP la somme de 1.021.988,00 euros, au titre de l’indemnisation correspondant à l’atteinte à l’image de RVP et à la réputation de celle-ci.

— __ Danstousles cas:

o Ordonner à STEF IT, à compter de huit jours après la signification du jugement et pendant une période ininterrompue de 6 mois, l’affichage sur la page d’accueil du site internet www.stef.com (site internet de la défenderesse) ou de tout site que STEF ÎT sera amenée à créer ou exploiter, de la décision à intervenir en son dispositif, de manière visible, sans action des internautes, et en caractère gras de taille au moins aussi importante que celle des plus gros caractères utilisés sur cette page, et au minimum en police 16, et ce sous

FA

AS8

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : J2009002483 JUGEMENT DU MARDI 06/02/2018 1ERE CHAMBRE PAGE 4

astreinte provisaire de 1 500 Euros par jour de retard ou d’affichage non- canforme ;

o Autoriser RVP à faire publier la décision à intervenir, ou un résumé de son dispositif, dans cinq journaux où revues de son choix, aux frais de STEF IT, Sans que le coût de chaque insertion puisse excéder, à la charge de STEF IT, la somme de 15 000 Euros hors taxes ;

o Assortir l’ensemble des condamnations prononcées à l’encontre de la société STEF IT des intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009, date de l’assignation, conformément aux dispositions de l’article 1153-1 du Code Civil, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an par application des dispositions de l’article 1154 de ce même Code ;

o Condamner la saciété STEF IT à payer à la société Rungis Volaille Plus la somme de 500.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

o Condamner ls société STEF IT aux entiers dépens de la procédure, en ce compris l’intégralité du coût de l’expertise judiciaire ;

o Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses

. dispositions nanobstant appel et sans caution, dans les termes de l’article 515 du CPC dont les conditions sont remplies.

STEF, par son assignation en intervention forcée susvisée des 9 juin 2009 et 10 février 2010, et à l’audience du 12 juin 2017 par conclusions qui annulent et remplacent les précédentes demandes : Vu l’article 1134 du Code Civil Vu le contrat du 13 Décembre 2007 Vu le rapport de l’Expert judiciaire A Hattsb clos et déposé le 16 Juillet 2014 A titre principal, – Constater l’absence de toute notification de résiliation dénoncée par la société RVP en application des articles 8.2.3. et 10.1 du contrat du 13 Décembre 2007. – En tout état de cause, dire et juger que les griefs allégués par la Société RVP ne sont pas fondés. – Débouter la Saciété RUNGIS VOLAILLE PLUS de toutes ses demandes, fins et conclusions. A titre reconventionnel, – Dire et juger abusive la rupture du contrat du 13 Décembre 2007, et la prononcer aux torts exclusifs de la Société RVP. – _ Condamner la Saciété RVP à payer à la Société X :

o la somme de 683.209,67 euros HT au titre des factures impayées, avec intérêts légaux à compter du 18 Novembre 2009, date de la premiére mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an par application des dispositions des articles 1153-1 et 1154 du Code Civil,

o la somme de 352.282 euros au titre des licences SAP achetées par X à la demande de RVP et non payées,

o la somme de 1.005.529 euros de dommages et intérêts, au titre du temps passé et perdu, | |

o (a somme de 1.588.000,30 euros de dommages et intérêts, au titre du manque à gagner, .

_o ls somme de 2.500.000 euros de dommages et intérêts, au titre du préjudice d’image. . | A titre subsidiaire, | – Dire et juger que les fautes dolosive et lourde alléguées par la Société RVP ne sont pas constituées.

TSX

ASS

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : J2009002483 JUGEMENT pu MARDI 06/02/2018 1ERE CHAMBRE PAGE 5

F

— Dire et juger que la clause limitative de responsabilité insérée au contrat du 13 Décembre 2007 à l’article 5.1.1. trouve application et que le montant maximal d’indemnisation ne saurait en tout état de cause dépasser deux millions d’euros.

Vu la relation contractuelle et financière nouée entre RVP et DECTIS CONSULTANTS au titre du projet RVI

Vu les pièces du dossier

Vu l’article 1382 du Code Civil

— Constater que la Société DECTIS CONSULTANT approuve les conclusions du rapport d’expertise déposé le 16 juillet 2014 s’agissant du partage de l’imputabilité technique de l’échec du projet entre la Société X et la Société RVP,

— _Condemner la Société DECTIS CONSULTANT à garantir la Société X de toutes condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de la présente instance au titre du contrat du 13 Décembre 2007.

Dans tous les cas,

— Débouter la Société DECTIS CONSULTANTS et AXA FRANCE IARD de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

— _Condamner les Sociétés RVP et DECTIS CONSULTANTS à payer in solidum à la Société X la somme de 500.000 euros en application de l’article 700 du CPC ainsi qu’en tous les dépens de l’instance.

— Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

DECTIS et AXA, à l’audience du 3 avril 2017, par conciusions qui annulent et remplacent les précédentes demandes, demandent au tribunal de : – Débouter [a société X de ses demandes en garantie en ce qu’elles sont dirigées contre la société DECTIS Consultant ; – _Condamner la société X à verser à la société AXA France IARD la somme de 232.271,94 € 8 titre d’indemnité ; – Condamner la société X à verser à la société DECTIS la somme de 107.200 € à titre d’indemnité : – __ Condamner la société X à verser à la société AXA France IARD ta somme de 40.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; – _ Condamner la société X aux entiers dépens ; – Ordonner l’exécution provisoire.

L’ensemble de ces demandes a fait l’objet du dépôt d’écritures, échangées en présence d’un greffier qui en a pris acte sur la cote de procédure. A l’audience du 30 octobre 2017, après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le président de la formation prononce la clôture des débats, met l’affaire en délibéré et dit que le jugement sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 janvier 2018, date reportée au 6 février 2018. Les

parties en ont été avisées en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile.

Moyens des parties

Après avoir pris connaissance de tous les moyens et arguments développés par les parties dans leurs écritures, le tribunal les résumera succinctement de la manière suivante :

RVP, demanderesse, soutient que :

— L’expert a reconnu la dissimulation par STEF du nombre de jours initialement prévu pour la réalisation du projet et du dépassement budgétaire. Ce défaut d’alerte contrevient à l’article 3.2 du contrat qui oblige STEF à notifier dans les plus brefs délais à RVP toute circonstance susceptible de retarder la réalisation du projet.

N

Abo

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : J2009002483 JUGEMENT DU MARDI 06/02/2018 1ERE CHAMBRE

[…]

STEF est pleinement responsable de l’échec du projet en raison de la violation par elle de son obligation de résultat stipulée au contrat liant les parties.

STEF a dissimulé que sa solution de traçabilité des produits n’était pas adaptée aux contraintes et besoins de RVP.

L’existence de l’investissement de STEF dans un prétendu plan produit n’est pas prouvée, et quand bien même ce plan existerait, il ne saurait justifier la dissimulation par STEF du dépassement budgétaire affecté à ce plan.

Alors que STEF avait occulté la consommation quasi-intégrale du budget à la veille de la signature du contrat, elle a, après la signature, remis en cause le caractère forfaitaire du prix et exigé une facturation en régie pour couvrir la dérive du projet. I] n’y a pas eu simple réticence de la part de STEF, mais un refus délibéré d’informer RVP de la situation, dans le but d’obtenir sa signature du contrat.

Le dol est constitué par les manœuvres ainsi délibérées de STEF, qui ont été déterminantes du consentement de RVP. Et ce eu égard à ce que RVP ne peut être qualifiée de professionnel de l’informatique et que DECTIS a seulement assisté RVP à la maîtrise d’ouvrage en tant que simple exécutant et n’a pas co-piloté le projet, STEF étant seule en charge du pilotage au regard de ses compétences déclarées.

La cause du contrat pour RVP résidait dans l’obligation pour STEF de lui fournir l’intégralité du système dans le cadre du montant forfaitaire convenu. Or, STEF a avoué avoir su le projet « irréaliste » et « impossible » dès réception du cahier des charges le 18 mai 2008. |! s’agit là d’un aveu judiciaire, justifiant, à titre subsidiaire, la résiliation du contrat avec effet rétroactif ou sa résolution.

Au terme de la phase d’étude de deux ans pour étudier les besoins de RVP et de la phase de conception générale, et alors que la quasi-totalité des faits reprochés par STEF à RVP sont antérieurs à la date de signature du contrat, STEF s’est engagée dans le cadre du contrat conclu le 13 décembre 2007 à réaliser le projet pour un montant forfaitaire qu’elle a elle-même fixé. Alors même qu’elle pouvait librement renoncer à la signature du contrat jusqu’au 13 décembre 2007 ou négocier d’autres conditions financières ou fonctionnelles, STEF a, de plein gré et en toute connaissance de cause, conclu le contrat en affirmant qu’il n’y avait aucune alerte particulière et que le projet se déroulait parfaitement. La violation par STEF de ses obligations fondamentales de maître d’œuvre, en conditionnant tardivement la poursuite du contrat à de nouvelles exigences financières et fonctionnelles, en abandonnant totalement les travaux et en anéantissant le projet, justifie la résolution ou la résiliation judiciaire avec effet rétroactif. Il existe en droit une exception à l’absence d’effet rétroactif de la résiliation d’un contrat à exécution successive, à savoir le contrat dont les prestations, bien qu’étalées dans le temps, constituent un ensemble indivisible, ce qui est le cas en l’espèce.

Seulement deux faits sont retenus à l’encontre de RVP, que celle-ci conteste. En effet, d’une part, il n’y a aucune obligation de « validation » prévue au contrat mais la possibilité pour RVP de transmettre des commentaires, ce qui est fondamentalement différent. Et le fait de mettre en exergue un prétendu retard de RVP dans les commentaires d’un ou deux comptes rendus de réunion caractérise le peu de reproche qui peut être formulé à son encontre. D’autre part, l’expert ne pouvait retenir aucun grief à l’encontre de RVP au titre de la mobilisation des « Key Users » entre février et mai 2008. En tout état de cause, les griefs retenus comme imputables à RVP auraient entraîné 100 jours/homme au plus de dérive, alors que le temps total consommé par STEF de novembre 2006 à janvier 2008, soit avant même les faits reprochés à RVP, s’élevait déjà à 1.204 jours/homme, de sorte que l’on ne saurait attribuer à RVP un taux d’imputabilité technique de l’échec du projet de 25 à 33%.

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N°RG : J2009002483 JUGEMENT DU MARDI 06/02/2018

CHAMBRE

[…]

La faute lourde assimilable au dol de STEF entraîne, en application de l’article 1150 du Code civil, la réparation intégrale de tous les préjudices subis par la victime, à l’exclusion de toute clause limitative ou exonératoire de responsabilité,

Le projet, qui concernait l’ensemble de la filiére aviaire et avait fortement mobilisé RVP depuis 2006 et ses membres depuis 2004, et entraîné un coût de plusieurs millions d’euros, ne pouvait être repris sans difficulté. De surcroît, l’échec du projet a entraîné d’importants clivages, et même le retrait d’un important grossiste. L’anéantissement du projet du fait de STEF a ainsi engendré la perte de la totalité des investissements supportés par RVP mais aussi la perte des gains qu’aurait dû percevoir RVP si le projet avait abouti,

Les demandes reconventionnelles de STEF, outre qu’elles sont infondées, sont irrecevables pour n’avoir pas respecté la procédure amisble préalable.

STEF, défenderesse, réplique que :

STEF ne sallicitant pas plus que RVP et DECTIS la nullité ou le rejet en son entier du rapport B, le tribunal peut considérer le rapport B comme document de référence au présent litige. Elle ajoute que DECTIS reconnaît les conclusions de l’expert judiciaire quant au partage de l’imputabilité technique de l’échec du projet (25 à 33% pour RVP et 66 à 75% pour STEF).

La « Notification » est définie au contrat à l’article 10.1. comme « foute notification (.….) remise en main propre contre récépissé daté et signé par le destinataire ou adressé par lettre recommandée avec accusé de réception, » Or, RVP n’a adressé à STEF aucune « Notification d’une résiliation » conforme au contrat, énonçant un quelconque grief sur, notamment, la « dissimulation de la dérive financière », son grief principal.

Le contrat en litige est à exécution successive, d’où il résulte qu’il ne saurait être considéré comme indivisible au regard des prestations réalisées et par conséquent qu’il est impossible d’en demander la résolution. | L’expertise judiciaire a révélé que RVP a failli à plusieurs de ses obligations, dont certaines sont essentielles et conditionnent le forfait, telles que, notamment, le non- respect du rythme du projet RVI, la modification incessante du périmètre fonctionnel de celui-ci à la demande de RVP, enfin les manquements de RVP à son obligation de constituer des référentiels communs, préalable nécessaire à la réalisation du projet. STEF a déploré tout au long du projet, que RVP n’était pas une structure – au sens d’organe de gouvernance, de centre de décision – assez forte pour assumer les obligations et responsabilités d’un projet d’une telle envergure, ce qui transparaît dans la survenance de ses multiples manquements,

Contrairement aux allégations de RVP, c’est à sa seule initiative que les travaux et prestations du projet RVI ont été suspendus, Cette demande fut formulée une première fois et sans équivoque par RVP dans son courrier du 19 Juillet 2008, par lequel elle convoquait un Comité de pilotage extraordinaire,

Malgré les manquements de RVP, STEF a proposé le 23 Octobre 2008 de prendre en charge un tiers du dépassement budgétaire, ceci afin de sauver le projet, mais RVP a refusé de prendre en charge un quelconque montant au titre des dérives.

Il y a absence de dol et la prétendue absence de cause du contrat en litige est sans fondement, dans la mesure où RVP avait, avant la signature du contrat, les moyens de connaître les difficultés de mise en œuvre et les risques de dépassement de délais et coûts.

STEF n’a pas dissimulé les Comptes rendus d’Activité (CRA), comportant le temps passé sur le projet puisque, s’agissant d’un contrat à forfait, elle n’avait aucune obligation de les communiquer. |

Dans l’exercice de sa maîtrise d’œuvre, DECTIS a fait preuve d’une absence de rôle de « facilitateur », de « traducteur », entre le maître d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre,

AL

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : J2009002483 JUGEMENT DU MAROI 06/02/2018 1ERE CHAMBRE PAGE 8

et d’une absence de pilotage du projet. L’expert a souligné le manque de callabaration de DECTIS, qui attendait de STEF qu’elle apporte les salutians sans formuler des besoins précis, En conséquence, si le tribunal disait STEF responsable au titre des griefs allégués par RVP au titre de la conduite du projet, il conviendrait de juger que DECTIS la garantira de toutes condamnations.

DECTIS et AXA, qui assure DECTIS, font valoir que :

— L’expert n’a, dans son rapport, retenu à l’encontre de DECTIS aucune respansabilité ;

— AXA, ayant pris la direction du pracès opposant son assurée à STEF, a subi un préjudice dont le quantum est le montant des « factures émises par son conseil à l’accasion des opérations d’expertise judiciaire et des différentes procédures périphériques à ces opératians », soit au total ls somme de 232.271,94 € TTC ;

— DECTIS a subi le préjudice du temps consacré par elle aux opérations d’expertise, qu’elle estime à 107.200 €.

Sur ce, le tribunal

Sur l’exception de nullité de l’assignation de RVP en date du 19 mai 2009

STEF indique à l’audience que ses dernières écritures sont récapitulatives et confirme qu’elle a renoncé à sa demande, formulée dans ses conclusions antérieures, de voir pranancer la nullité de l’assignation de RVP du 19 mai 2009 sur le fandement de l’article 56 du CPC. Il ne sera danc pas statué sur cette exception,

Sur la nullité du contrat pour do!

La prétention de RVP à voir pranancer l’annulation du contrat paur dal s’appuie sur des dissimulations qu’elle considère avair été volontaires de la part de STEF.

Or, la réticence dalasive se définit comme le silence d’une partie dissimulant à san cacantractant, avec paur abjectif de provoquer une erreur de nature à vicier son consentement, un fait qui, s’il avait été cannu de lui, l’aurait empêché de contracter,

En l’espèce, STEF a reconnu que, le jour de la signature du contrat, elle avait consommé la quasi-intégralité du budget. Certes, le contrat étant au forfait, STEF n’était pas dans l’obligatian de rendre compte à son client RVP du suivi de sa consammatian de ressources, tent qu’elle considérait que le risque qu’elle prenait était gérable et cohérent avec sa Stratégie globale d’investissement, STEF prétend justement à ce propos qu’entrait dans sa stratégie l’investissement dans un « plan produit » réutilisable ultérieurement chez d’autres clients. 11 n’en demeure pas mains, la suite des événements l’a montré, que STEF n’avait pas l’intention d’investir dans ledit « produit » des montants aussi élevés que ceux qui se trouvaient nécessairement induits par la consommation quasi-intégrale du nombre de jours/ hommes à la date de signature du contrat, alars même que le projet avait à peine atteint le quart de sa réalisation.

Ainsi, la décision qu’a prise STEF de ne pas informer RVP, au mament de signer le contrat, de la consommation quasi-totale à cette date du nombre de jaurs budgétés, alars que sa stratégie d’investissement n’intégrait pas les surcoûts nécessaires à la finalisation du projet, que par conséquent STEF connaissait avant de signer le contrat la nécessité de la sortie future du cadre forfaitaire contractuel, ne relève pas seulement d’un manquement à l’obligation de conseil et d’alerte du prestataire informatique vis-à-vis de son client, mais est

constitutif d’une réticence dolasive, telle que précédemment définie. En conséquence, le tribunal pranoncera l’annulation du contrat aux torts de STEF,

Sur les canséquence de la nullité du contrat

À

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : J2009002483 JUGEMENT DU MARDI 06/02/2018 1ERE CHAMBRE PAGE 9

La résolution du contrat entraîne son anéantissement rétroactif et la remise des parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement. En conséquence, le tribunal, qui déboutera donc nécessairement STÉF de sa demande de paiement des factures impayées, la condamnera également à rembourser à RVP la somme de 1.649.335 € HT correspondant à la totalité des paiements effectués par cette dernière entre les mains de STEF au titre du contrat annulé, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009, date de l’assignation.

Sur les dommages et intérêts

Le tribunal rejettera tout d’abord l’argument de RVP selon lequel STEF est irrecevable à se prévaloir de griefs à son encontre, car non préalablement notifiés dans les formes et conditions de recevabilité prévues au contrat, puisqu’en effet le contrat sera annulé par le tribunal et qu’aucune clause ne survit à la nullité du contrat. Au même motif, le tribunal écartera la clause limitative de responsabilité contractuelle.

Les dommages et intérêts qui seront déterminés en faveur de RVP d’une part, de STEF d’autre part, auront pour fondement, non pas leur responsabilité contractuelle respective, le contrat étant annulé, mais leurs responsabilités délictuelles, pour leurs fautes commises dans le contexte du projet.

Il ressort du rapport d’expertise exhaustif et étayé de Monsieur A Y. B que RVP a contribué à l’échec du projet en ayant fait preuve d’un manque de réactivité pour mobiliser son personnel et ses Utilisateurs afin de procéder aux validations ainsi que d’une difficulté à faire des choix en particulier en matière de traçabilité, élément essentiel du projet.

Il ressort ensuite du rapport d’expertise, qui s’appuie sur celui, également exhaustif et étayé, de Monsieur F-G H, expert-comptable, une répartition de l’imputabilité de l’échec du projet dans les fourchettes suivantes : 25 à 33,33% à la charge de RVP et 66,66 à 75% à la charge de STEF. Quant à DECTIS, également partie à l’instance, il n’a pas été démontré que l’échec du projet lui soit pour une part imputable,

Concernant le préjudice de RVP, comme l’ont montré les débats, il y a lieu de retenir l’hypothèse selon laquelle le départ d’AVIGROS, principal client final du projet RVI, ne résulte pas, au moins à titre principal, de l’échec de celui-ci mais d’autres causes sans rapport avec le projet. Il en résulte que le manque à gagner de RVP, du fait du non aboutissement du projet, est alors nul à ce titre et qu’il ne peut être réclamé par RVP des dommages et intérêts de ce chef,

Le tribunal ne retiendra pas non plus l’hypothèse de la possibilité de la poursuite du projet avec un autre prestataire, Le tribunal fers par contre sienne la troisième hypothèse de l’expert, reposant à la fois sur le fait que le départ d’AVIGROS ne résulte pas de l’échec du projet et sur l’impossibilité de poursuivre le projet avec un autre prestataire, Dans cette hypothèse, le tribunal retiendra le montant du préjudice de RVP tel qu’évalué par l’expert, à savoir 2.147,615 €. || conviendra de déduire de cette somme celle de 1.649.335 € qui sera restituée suite à l’annulation du contrat pour dol, comme indiqué plus haut. Le préjudice résiduel retenu pour RVP sera donc de : 2.147.615 € – 1,649.335 € = 498.280 €.

Dans la même hypothèse, le préjudice de STEF est évalué par l’expert à 961.825 €, montant qui sera retenu par le tribunal.

Le tribunal évalue le taux d’imputabilité de l’échec du projet à 25% pour RVP et 75%

pour STEF,

Dès lors, le préjudice de RVP retenu par le tribunal, imputé à 75% à STEF, sera de:

498.280€x75%=373710€

Le préjudice de STEF retenu par le tribunal, imputé à 25% à RVP, sera de : 961.825

€ x 25% = 240.456 €.

Après compensation, des dommages et intérêts sont dus par STEF à RVP pour un montant de: 373,710 € – 240.456 € = 133.254 €, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009, date de l’assignation.

/

Aël

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : J2009002483 JUGEMENT DU Mar! 06/02/2018 1ERE CHAMBRE PAGE 10

Sur la capitalisation des intérêts Le tribunal ordonnera la capitalisation des intérêts, qui est demandée, en application l’article 1154 du code civil.

Sur les demandes d’affichage et de publication des condamnations RVP demande que, participant de la réparation de son préjudice d’image subi du fait des

agissements de STEF auprès de l’ensemble des acteurs de la filière, il soit ordonné un affichage du dispositif de la décision à intervenir sur la page d’accueil du site internet de STEF, et que soit autorisée sa publication dans cinq journaux ou revues.

Or, aux termes des articles 11-2 et 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile, les jugements sont prononcés publiquement et les tiers sont en droit de se faire délivrer copie des jugements prononcés publiquement. En outre, il n’est pas démontré que le but poursuivi par les mesures réclamées par RVP, qui est de faire connaître solennellement la responsabilité retenue à l’encontre de STEF, n’engendre pas pour cette dernière des dommages commerciaux disproportionnés par rapport aux fautes qu’elle à commises. Plus généralement, les circonstances de l’affaire ne présentent aucune particularité qui motiverait une publication du présent jugement, autre que celles prévues par la loi. Le tribunal déboutera donc RVP de ses demandes relatives à la publication du jugement.

Sur le litige entre STEF d’une part, DECTIS et_AXA d’autre part

Le tribunal déboutera STEF de ses demandes à l’encontre de DECTIS et de son assureur AXA, qui ont pour fondement la reconnaissance d’une responsabilité à l’encontre de DECTIS, dont celle-ci a été totalement exonérée par le rapport d’expertise, que le tribunal fera sien sur ce point.

DECTIS et AXA, qui assure DECTIS, font valoir qu’elles ont engagé des frais, AXA ayant pour sa part pris la direction du procès opposant son assurée à STEF, DECTIS ayant quant à elle subi le préjudice du temps consacré aux opérations d’expertise.

Leurs demandes d’indemnisation desdits préjudices ressortent toutefois des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et seront donc indemnisées par l’application que le tribunal fera de cet article.

Sur les frais irrépétibles et les dépens RVP a dû, pour faire reconnaître ses droits, exposer des frais non compris dans les dépens.

Le tribunal condamnera STEF, qui succombe pour l’essentiel, à payer à RVP la somme de 70.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant sur le surplus, ainsi qu’aux dépens qui comprendront les frais d’expertise.

DECTIS et AXA ont dû, pour faire reconnaître leurs droits, exposer des frais non compris dans les dépens. STEF sera condamnée à payer à DECTIS et AXA la somme de 40.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

_Le tribunal estime l’exécution provisoire nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire. . Elle sera ordonnée.

Sur les autres demandes

Sans qu’il apparaisse nécessaire de discuter les demandes et moyens autres, plus amples ou contraires .que le tribunal considère comme inopérants.ou mal fondés et qu’il rejettera comme tels, il sera statué dans les termes du dispositif,

PAR CES MOTIFS

J6S

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS N° RG : J2009002483 JUGEMENT DU MaARoI 06/02/2018

1ERE CHAMBRE

[…]

Le tribunal statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire :

— 

Prononce la nullité du contrat du 33 décembre 2007 ;

Condamne la Société STEF INFORMATION ET TECHNOLOGIES à restituer à la Société RUNGIS VOLAILLE PEUS ls somme de 1.649.335 € HT avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009 ;

Condamne la Société STEF INFORMATION ET TECHNOLOGIES à payer à la Société RUNGIS VOLAILLE PLUS somme de 133.254 €, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2009;

Ordonne la capitalisation des intérêts, en application l’article 1154 du code civil ; Condamne la Société STEF INFORMATION ET TECHNOLOGIES à payer à la Société RUNGIS VOLAILLE PLUS 18 somme de 70.000 € au titre de l’article 700 CPC ;

Condsmne la Société STEF INFORMATION ET TECHNOLOGIES à payer à la SAS DECTIS CONSULTANTS et à la SA AXA FRANCE IARD la somme de 40.000 € au titre de l’article 700 CPC ;

Rejette les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Condamne la Société STEF INFORMATION ET TECHNOLOGIES aux dépens, qui comprendront les frais d’expertise judiciaire, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 81,90 € dont 13,43 € de TVA.

En application des dispositions de l’article 871 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 octobre 2017, en audience publique, devant M. François Dugrenot, M. Thierry Postif, M. Hervé de Bonduwe.

Un rapport oral a été présenté lors de cette audience ;

Délibéré le 22 janvier 2018 par les mêmes magistrats ;

Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La minute du jugement est signée par M. François Dugrenot président du délibéré et par Mme Jamois Lucilia, greffier.

Le greffier. Le président.

Pere

TT

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Tribunal de commerce de Paris, 1 ère chambre, 6 février 2018, n° J2009002483