Tribunal de commerce de Versailles, 4ème chambre, 6 octobre 2017, n° 2017F00100

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. com. Versailles, 4e ch., 6 oct. 2017, n° 2017F00100
Juridiction : Tribunal de commerce de Versailles
Numéro(s) : 2017F00100

Texte intégral

TRIBUNAL DE COMMERCE DE VERSAILLES

JUGEMENT DU 6 OCTOBRE 2017 Décision contradictoire et en premier ressort 4e chambre

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

N° RG: 2017F00100

L’UNION DES OPTICIENS

contre

M. B C

DEMANDEUR

L’UNION DES OPTICIENS […] comparant par SELARL SEVELLEC DAUCHEL CRESSON 43/[…]

DEFENDEUR

M. B C […] comparant par SELARL BVK Avocats Associés 20 ave de l’Europe 78000 VERSAILLES

COMPOSITION DU TRIBUNAL

En application des dispositions de l’article 869 du code de procédure civile, M. Bruno DURANTHON, juge chargé d’instruire l’affaire, a tenu seul(e), le 8 Septembre 2017, l’audience pour entendre les plaidoiries.

De l’audience de plaidoirie le juge chargé d’instruire l’affaire a rendu compte au tribunal dans son délibéré composé de M. Bruno DURANTHON, président de chambre, M. Claude ARMANI, juge, M. Philippe SAVAJOLS, juge.

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 6 Octobre 2017, les parties en ayant été préalablement avisées à l’issue des débats dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile.

Minute signée par M. Bruno DURANTHON président de chambre et Me Christine

LOMBARD, greffier d’audience auquel la minute de la décision a été remise par le Juge signataire.

LES FAITS

M. B C, opticien, a reçu en juillet et aout 2016 la visite de « clients mystères » mandatés par l’Union des Opticiens, syndicat professionnel ayant pour but la défense des intérêts des opticiens lunetiers.

Affirmant que M. B C se livrait à une concurrence déloyale en proposant aux clients d’établir les factures en fonction des remboursements des mutuelles, l’UDO a introduit la présente instance.

LA PROCEDURE

Par acte en date du 31 janvier 2017, L’UNION DES OPTICIENS a fait donner assignation à M. B C d’avoir à comparaître le 10 mars 2017 devant le Tribunal de Commerce de Versailles afin de l’entendre :

— _ Vules articles 1382 et 1383 du Code Civil,

— Vu l’article L.740-7 du Code de Commerce

— Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile,

— __Vules pièces versées au débat,

— Dire l’UNION DES OPTICIENS (UDO) recevable et bien fondée en son action ;

— _Constater que M. B C exerçant sous le nom commercial OPTIQUE DU CHATEAU a commis des actes de concurrence déloyale en employant des moyens illégaux ;

— __ Constater l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession des opticiens lunetiers ;

Par conséquent :

— Ordonner la cessation immédiate de ces agissements sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée après le prononcé du jugement ;

— _ Condamner M. B C exerçant sous le nom commercial OPTIQUE DU CHATEAU à verser à l’UDO la somme de 50 000 € de dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession ;

— Ordonner la publication du jugement à intervenir dans le journal local Le Petit Versaillais ainsi que dans le journal Le PARISIEN, dans les revues professionnelles suivantes : Bien Vu et L’Opticien Lunetier, ainsi que sur la page d’accueil du site Internet Acuité.fr et du site internet UDO, le tout aux frais de M. B C exerçant sous le nom commercial OPTIQUE DU CHATEAU, pendant un mois et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard :

— Condamner M. B C exerçant sous le nom commercial OPTIQUE DU CHATEAU à payer à l’UDO la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

— _Condamner M. B C exerçant sous le nom commercial OPTIQUE DU CHATEAU aux entiers dépens de l’instance ;

— Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir

Par conclusions remises à l’audience du 2 juin 2017 l''UNION DES OPTICIENS réitérait ses demandes à l’identique ajoutant : In limine litis :

— Dire que l’assignation délivrée à la demande de l’UDO n’est pas nulle ; Sur le fond

PA

— Débouter Monsieur B C de toutes ses demandes, fins et conclusions ; – Dire que les moyens de preuve produits par l’UDO ne sont ni illégaux ni déloyaux ;

Par conclusions reçues au greffe le 4 juillet 2017 M. B C demandait au tribunal de :

Vu les articles 9, 16, 56, 32-1 et 700 du Code de procédure civile. Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil. Vu l’article L.470-7 du Code de commerce. Vu l’article 1343-5 alinéa 1 du Code civil. Vu la jurisprudence citée. Vu les pièces produites. IN LIMINE LITIS DIRE ET JUGER que la motivation en droit fait défaut dans l’assignation ; DIRE ET JUGER que les diligences relatives à une solution amiable préalable du litige n’ont pas été entreprises en violation des dispositions de l’article 56 du Code de procédure civile ; En conséquence, – __PRONONCER la nullité de l’acte introductif d’instance de l’UNION DES OPTICIENS ; Subsidiairement :

— ORDONNER une médiation ou une conciliation et désigner un médiateur ou un conciliateur avec les missions habituelles en pareille matière pour la durée de trois mois.

— DIRE ET JUGER que cette durée pourra être renouvelée une fois ;

— __ FIXER le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur ;

— DIRE ET JUGER que cette provision sera consignée par la société OPTIQUE DU CHATEAU dans le délai d’un mois à compter de la désignation, étant rappelé qu’à défaut la décision ordonnant la médiation sera caduque et que l’instance se poursuivra alors.

Plus subsidiairement :

— AUTORISER Monsieur B C à payer toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre dans un délai de 24 mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

SUR LE FOND À TITRE PRINCIPAL

— _ DIRE ET JUGER que l’UNION DES OPTICIENS a violé le principe de loyauté dans

l’administration de la preuve ; En conséquence,

— __ PRONONCER L’IRRECEVABILITE des pièces adverses 5 et 9 et ORDONNER leur rejet.

— DEBOUTER l’UNION DES OPTICIENS de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

À TITRE SUBSIDIAIRE

— DIRE ET JUGER que Monsieur B C n’a pas commis de faute;

— DIRE ET JUGER qu’aucune atteinte n’est portée à l’intérêt de la profession des opticiens- lunetiers de son fait;

En conséquence,

— DIRE ET JUGER que l’UNION DES OPTICIENS échoue à rapporter la preuve du bien-fondé de ses prétentions ;

— DIRE ET JUGER que la concurrence déloyale n’est pas caractérisée ;

— _ DEÉBOUTER l’UNION DES OPTICIENS de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

F5

À TITRE RECONVENTIONNEL DIRE ET JUGER que la présente procédure initiée par l’UNION DES OPTICIENS est abusive : En conséquence,

— CONDAMNER l’UNION DES OPTICIENS à verser à Monsieur B C la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE

— DEBOUTER l’UNION DES OPTICIENS de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

— DIRE que l’ensemble des sommes auxquelles l’UNION DES OPTICIENS sera condamnée porteront intérêts au taux légal et anatocisme, au sens des dispositions des articles 1231-6 et 1343-2 du Code civil ;

— CONDAMNER l’UNION DES OPTICIENS à verser à Monsieur B C la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— __ ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

— CONDAMNER l’UNION DES OPTICIENS aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître, Bernard RIDET, Avocat au Barreau de VERSAILLES, conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Les parties ont été régulièrement convoquées le 8 septembre 2017 devant le Juge chargé d’instruire l’affaire. Toutes se sont présentées et ont été entendues. Au cours de l’audience M. B C a déclaré renoncer à ses demandes au titre de la nullité de l’assignation. Le même jour, le Tribunal a prononcé la clôture des débats et mis l’affaire en délibéré.

ARGUMENTS ET MOYENS DES PARTIES.

L’UNION DES OPTICIENS expose que :

Les témoignages des clients mystères (Mme X et M. Y) sont sans équivoque. M. B C « optimise de façon systématique les factures et les devis en fonction des barèmes des mutuelles. De telles pratiques sont répréhensibles en ce qu’elles sont d’une part constitutive d’une concurrence déloyale entre lunetiers-opticiens et d’autre part portent atteinte à l’image de la profession que l’UDO a pour mission de défendre au vu de ses statuts.

Les preuves produites par l’UDO sont parfaitement recevables, aucune déloyauté ne peut être reprochée à celle-ci en ce qui concerne les modalités d’administration de la preuve. La pratique des « clients-mystères » est courante et tout à fait admise par la jurisprudence.

L’UDO a tout a fait qualité à agir pour défendre les intérêts de la profession.

Les agissements de M. B C devront cesser et l’atteinte apportée aux intérêts collectifs de la société réparé.

AN

M. B C réplique que :

L’acte introductif d’instance est nul, en l’absence de motivation en droit de la demande et sur l’absence de tentative de conciliation.

Sur le fond la concurrence déloyale n’est pas caractérisée, la preuve fournie par l’UDO étant irrecevable, la pratique de « clients mystères » constituant une infraction à l’obligation de loyauté dans l’administration de la preuve.

Il s’agit d’un stratagème visant à pousser M. B C à la faute, et destiné à provoquer l’évènement qu’il s’agit de prouver. La société OPTIQUE DU CHATEAU n’a pas été informée de la visite des clients mystères.

De toute façon, les fautes imputées à M. B C ne sont pas prouvées, et aucune atteinte à l’intérêt collectif de la profession n’est démontrée. Le montant des dommages et intérêts réclamés n’est pas plus justifié.

SUR CE, LE TRIBUNAL.

Sur la conciliation

— Attendu que M. B C demande au tribunal de renvoyer les parties afin qu’elles puissent se concilier ; Attendu qu’il n’est pas justifié par les parties de diligences en vue de parvenir à une résolution amiable du conflit ; que cependant l’UDO se refuse à toute mesure de conciliation ; que le tribunal n’estimera pas nécessaire de proposer aux parties une mesure de conciliation en application des dispositions de l’article 127 du Code de Procédure Civile ;

Sur la demande principale

— Attendu que l’UDO demande au tribunal de condamner M. B C à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1382 ancien (1240 nouveau) du Code Civil ;

— Attendu que l''UDO affirme que M. B C se livre de manière habituelle à des pratiques « d’optimisation de factures », pratique consistant à ajuster le prix payé par les clients aux montants remboursés par leurs mutuelles :

— Attendu que pour établir la réalité de ces pratiques l’UDO a mandaté deux clients « mystère » dans la boutique de M. B C en Juillet et Aout 2016 ; que le témoignage de Mme X , établi le 1°' Juillet 2016 atteste d’un ajustement des prix proposé en fonction des tarifs de remboursement de sa mutuelle ; que ce témoignage est corroboré par les pièces versées aux débats, à savoir un devis manuscrit faisant état d’un coût de monture de 185 €, et une facture établie pour un montant de 125 €, ainsi qu’un coût de 73 € pour les verres, finalement facturés 103 € ;

in

— Attendu que l’UDO affirme que ces ajustements de tarifs sont liés aux montants remboursés par la mutuelle de Mme X

— Attendu que le témoignage écrit de M. Y établi le 5 septembre 2016 ne respecte pas les formes édictées par l’article 202 du Code de Procédure Civile, en ce qu’elle n’est pas manuscrite ; que cependant le devis établi par M. B C et les factures correspondantes établies pour M. Y indiquent les mêmes ajustements que ceux établis pour Mme X ; que le tribunal retiendra cette attestation ;

— Attendu que lors de l’audience devant le Juge chargé d’instruire l’affaire, M. B C a reconnu « s’être fait piéger » ;

— Attendu que pour demander au tribunal de rejeter les pièces produites par l’UDO, M. B C affirme que les témoignages produits ne respectent pas le principe de loyauté de la preuve ; que cependant la pratique de « clients mystère » n’est pas en tant que telle répréhensible à partir du moment où ceux-ci ne se livrent pas à des provocations pour établir la faute qu’ils ont la charge de constater ;

— Attendu que l’article 9 du Code de Procédure Civile énonce que « il importe à chaque partie, conformément à la loi de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention », M. B C n’apporte aucune preuve de provocations à laquelle se seraient livrés Mme X où M. Y ;

— Attendu que par ailleurs les allégations de M. B C selon lesquelles Mme X et M. Y ne sont pas sincères étant rémunérés par l’UDO sont mal fondées ceux-ci étant rémunérés par une société QUALIVOX ayant pour objet de mettre à disposition des « clients mystères » et n’ayant aucun lien de subordination avec l’UDO ;

— Attendu que les faits sont établis par les pièces apportées par l’UDO ; que la pratique consistant à établir une fausse facturation est une faute et constitue, selon une jurisprudence constante, un acte de concurrence déloyale ;

— Attendu que M. B C a commis une faute ; que le tribunal condamnera M. B C à cesser les pratiques constatées d’ajustement des factures d’optique aux facultés contributives des mutuelles , sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée ;

Sur le préjudice subi par l’UDO

— Attendu que l’UDO estime que son préjudice est constitué par l’atteinte porté à l’intérêt collectif de la profession ; que la rupture d’égalité entre opticiens-lunetiers cause un préjudice important à ceux ne s’adonnant pas à ces pratiques « d’optimisation » ; que cependant le préjudice subi par les concurrents directs de M. B C dans sa zone de chalandise n’est pas établi plus précisément ;

— __ Attendu que l’UDO affirme ensuite qu’il existe un préjudice subi par les consommateurs et les mutuelles ; que cependant elle n’a pas qualité à agir pour ces tiers à la cause ;

— __ Attendu que l’UDO affirme ensuite que « /a profession tout entière est désormais salie et discréditée par la faute de certains opticiens indélicats et malhonnêtes » ; que cependant il n’est pas établi à quelle fréquence M. B C se livrait à ces pratiques « d’optimisation » ; que l’affirmation de l’UDO selon laquelle cette pratique est « habituelle » n’est pas prouvée ;que la faible fréquence constatée ainsi que son caractère local, limité à Saint Germain en Laye, ne permettent pas d’affirmer que le discrédit a été porté sur l’ensemble de la profession qui en est affectée dans sa totalité ;

— __ Attendu d’autre part que l’activité de M. B C est limitée à Saint-Germain en LAYE ; que les répercussions de ces pratiques limitées dans l’espace ont conduit à un préjudice lui aussi limité ; qu’il existe un lien de causalité entre le préjudice subi et la faute commise par M. B C ;

Attendu que le tribunal condamnera M. B C à payer à l’UDO la somme de 1 € de dommages et intérêts ;

Sur la demande de publication du jugement à intervenir

— Attendu que l’UDO demande la publication du jugement à intervenir dans différents supports de presse; qu’une telle mesure vise à faire mesurer à la profession des opticiens lunetiers le caractère illicite des pratiques « d’optimisation » ;

— Attendu que le tribunal ordonnera la publication, à l’initiative de l’UDO de toute ou partie du dispositif du jugement à intervenir dans une revue professionnelle « Bien Vu » ou « L’opticien Lunetier » au choix de l’UDO, aux frais de M. B C dans la limite de 1 500 € ;

Sur l’exécution provisoire :

— Attendu qu’une mesure d’exécution provisoire est sollicitée, mais que, compte tenu du jugement qui sera rendu le tribunal dira n’y avoir lieu à l’ordonner ;

Sur l’article 700 du Code de Procédure Civile

— Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de l’UDO la totalité des frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour faire valoir ses droits en justice ; que le Tribunal condamnera M. B C à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du CPC.

Sur les dépens

— Attendu que les dépens seront mis à la charge de M. B C qui succombera en l’instance.

PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL,

Condamne M. B C à cesser les pratiques constatées d’ajustement des factures d’optique aux facultés contributives des mutuelles, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée ;

Condamne M. B C à payer à l’UDO la somme de 1 € de dommages et intérêts ;

Ordonne la publication de toute ou partie du dispositif du présent jugement dans une revue professionnelle « Bien Vu » ou « L’opticien lunetier » aux frais de M. B C dans la limite de 1 500 € ;

Condamne M. B C à payer à l’UDO la somme de 1 500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne M. B C aux dépens dont les frais de greffe s’élèvent à la somme de 77.08€.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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Tribunal de commerce de Versailles, 4ème chambre, 6 octobre 2017, n° 2017F00100