Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 25 février 2016, n° 14/10786

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 1re sect., 25 févr. 2016, n° 14/10786
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 14/10786

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S (footnote: 1)

3e chambre 1re section

N° RG : 14/10786

N° MINUTE :

JUGEMENT

rendu le 25 Février 2016

DEMANDERESSE

La VILLE DE PARIS représentée par sa maire en exercice, Madame Y Z, domiciliée place de l’Hôtel de Ville -[…], et pour les besoins de la procédure, à la Direction des Affaires Juridiques, sise […]

[…]

[…]

représentée par Maître Fabienne L de la SCP K L & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0305

DÉFENDEURS

S.A. OLKY INTERNATIONAL

[…]

L5842 HESPERANGE (LUXEMBOURG)

S.A. OLKYRENT

[…]

L5842 HESPERANGE (LUXEMBOURG)

Société F G

[…]

L5842 HESPERANGE (LUXEMBOURG)

Monsieur A X

[…]

L5842 HESPERANGE (LUXEMBOURG)

S.A.R.L. O P

Rue Saint-Gilles

[…]

[…] – P

S.A.R.L. H I

[…]

[…]

représentées par Maître M N de la SELEURL N SOCIETE D’AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0059 et par Maître Yann LE TARGAT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente

B C, Juge

D E, Juge

assistés de Léoncia BELLON, Greffier

DEBATS

A l’audience du 11 Janvier 2016

tenue publiquement

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoirement

en premier ressort

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La collectivité territoriale Ville de PARIS, usuellement dénommée MAIRIE DE PARIS, a initié et lancé le 15 juillet 2007 dans l’exercice de ses missions de service public un service de mise à disposition de bicyclettes en libre-service , après en avoir confié la gestion au groupe industriel JCDECAUX

Ce système, baptisé VELIB', qui fonctionne soit par abonnements annuels, soit par tickets de courte durée (1 ou 7 jours), a été mis en place d’abord à Paris puis a été étendu à trente communes limitrophes de la petite couronne au deuxième trimestre 2008.

La Ville de PARIS est titulaire de la marque verbale VELIB’ déposée le 19 février 2007 et enregistrée le 8 août 2008 sous le n°07 3 482 225 pour désigner des produits et services des classes 1 à 45 et notamment :

La marque « VELIB' » a également été enregistrée en tant que marque communautaire depuis le 18 février 2012 pour désigner des produits et des services des classes 3, 5, 6, 8, 9, 11, 12, 14, 16, 18, 21, 24, 25, 28, 30, 32, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42 et 43 (Pièce N°13).

La Ville de PARIS a en outre réservé les noms de domaine « velib.fr », « velib.org », « velib.biz », « velib.info » et « velib.eu » le 28 février 2007, lesquels sont exploités via les sites accessibles aux adresses www.velib.paris.fr et www.velib.paris pour promouvoir le service VELIB’ et informer les usagers.

Selon la demanderesse, le succès de ce système a été immédiat, à tel point qu’un service similaire a par la suite été proposé dans d’autres villes françaises (Marseille, Toulouse, Rouen, Nantes, Nancy) et européennes (Londres, Rome).

Des produits dérivés revêtus de la marque VELIB’ (paniers, sacs, antivols…) ont par la suite été proposés par le biais de licence à partir d’octobre 2010.

Déclinant son offre de transport urbain, la Ville de PARIS a lancé le 5 décembre 2011 un service de mise à disposition de voitures électriques en libre-service dénommé AUTOLIB’ puis en 2014 un service similaire pour les véhicules électriques utilitaires baptisés UTILIB'.

La marque française AUTOLIB’a été déposée le 25 février 2008 en enregistrée sous le n° 08 3 558 276. pour désigner des produits et services des classes 1 à 45. La marque AUTOLIB’ est également enregistrée en tant que marque communautaire depuis le 4 juillet 2013 sous le N°011541356 pour les classes 2, 3, 4, 6, 9, 11, 12,14, 16, 18, 24, 25, 27, 28, 30, 32, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 43.

Une marque française UTILIB’ a été déposée le 27 décembre 2013.

La société de droit luxembourgeois OLKY INTERNATIONAL SA, défenderesse, a pour sa part, déposé le 9 octobre 2007 la demande de marque française « O », enregistrée en novembre 2008 sous le n° 07 3 529 711 pour désigner divers produits et services en classes 12, 36 et 39 :

Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ; moteurs pour véhicules terrestres ;amortisseurs de suspensions pour véhicules ; carrosseries ; chaînes antidérapantes ; châssis ou parechocs de véhicules ; stores (pare-soleil) pour automobiles ; ceintures de sécurité pour sièges de véhicules ; véhicules électriques ; caravanes ; tracteurs ; vélomoteurs ; cycles ; cadres, béquilles, freins, guidons, jantes, pédales, pneumatiques, roues ou selles de cycles ; poussettes ; chariots de manutention ;

Assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières ; caisses de prévoyance ; banque directe ; émission de chèques de voyage ou de cartes de crédit ; estimations immobilières ; gérance de biens immobiliers ; services de financement ; analyse financière ; constitution ou investissement de capitaux ; consultation en matière financière ; estimations financières (assurances, banques, immobilier) ; placement de fonds ;

Transport ; emballage et entreposage de marchandises ; organisation de voyages ; informations en matière de transport ; distribution de journaux ; distribution des eaux ou d’énergie ; remorquage ; location de

garages ou de places de stationnement ; location de véhicules, de bateaux ou de chevaux ; services de taxis ; réservation pour les voyages ; entreposage de supports de données ou de documents stockés électroniquement.

Selon inscriptions au Registre national des marques en date du 28 décembre 2009, cette marque a été donnée en licence exclusive à la société F G pour une durée de dix ans et la société H I a été désignée en tant que sous-licenciée au titre du même contrat.

Les noms de domaine « O.com » et « O.org » ont été réservés respectivement le 4 octobre 2007 et le 2 mars 2009 auprès du Registrar CRONON AG. au nom, pour “O.com”, d’une société OLKYMOTOR située au Luxembourg et, pour “O.org”, d’une société OLKYMOTOR située en P..

La Ville de PARIS invoque la découverte en novembre 2010 de l’exploitation du nom de domaine « O.com », via le site Internet www.O.com proposant une activité de service de location payante de scooter, faisant apparaître à de multiples reprises le terme O', assorti d’une apostrophe finale, terme présent également sur la plaquette commerciale téléchargeable sur ce site.

Selon les mentions légales de ce site, O est proposé dans toute la P par la société O P et est un service de la société européenne de location de véhicules OLKYRENT SA. Monsieur A X apparaît cité en tant que « directeur de la publication ».

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 25 novembre 2010, la Ville de PARIS a adressé par le biais de ses conseils, un courrier à la société OLKY INTERNATIONAL SA, titulaire de la marque litigieuse, faisant état du caractère contrefaisant de la marque O et l’invitant à rechercher un règlement amiable.

Le 22 décembre 2011, la Ville de PARIS a par ailleurs procédé au dépôt de la marque française « O’ PARIS » sous le N° 11 3 883 843 pour désigner des produits et des services en classes 1 à 45 de la classification internationale.

Aucun rapprochement entre les parties n’ayant pu avoir lieu, c’est dans ces conditions que, par actes d’huissier des 16 et 17 juillet 2014, la Ville de PARIS a assigné les sociétés OLKY INTERNATIONAL SA, O P , OLKYRENT S.A, F G, H I et Monsieur J X devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de sa marque VELIB’ et concurrence déloyale et parasitaire.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 décembre 2015, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la Ville de PARIS demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et au visa des articles L.711-4, L.713-3, L.713-5,

L.714-3 et suivants du code de la Propriété Intellectuelle et 1382 et suivants du code civil de:

La déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions;

Dire et juger que le dépôt par la société OLKY INTERNATIONAL S.A. de la marque française « O » N° 07 3 529 711 a été effectué en fraude des droits de la Ville de PARIS;

Dire et juger que le dépôt par la société OLKY INTERNATIONAL S.A. de la marque française « O » N° 07 3 529 711 et son exploitation par les défendeurs portent atteinte aux droits de la Ville de PARIS sur sa marque renommée « VELIB' » ;

Dire et juger que la réservation des noms de domaine « O.com » et « O.org » et l’exploitation des sites www.O.com et www.O.org par les défendeurs portent atteinte aux droits de la Ville de PARIS sur sa marque renommée « VELIB' » ;

Dire et juger que la dénomination sociale « O P » et le sigle « O », ainsi que leur usage, portent atteinte aux droits de la Ville de PARIS sur sa marque renommée « VELIB' »; Dire et juger que les défendeurs ont porté atteinte aux droits de la Ville de PARIS sur ses noms de domaine « velib.fr », « velib.org », « velib.biz », « velib.info » et « velib.eu » en réservant et en exploitant les noms de domaine « O.com » et « O.org » ;

Dire et juger que les défendeurs ont ainsi commis des actes de contrefaçon et de parasitisme au préjudice de la Ville de PARIS ;

Déclarer irrecevables et mal fondées les demandes des défendeurs relatives à la prescription de l’action en contrefaçon et à la forclusion par tolérance ;

Débouter les défendeurs de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

En conséquence :

Interdire aux défendeurs toutes utilisations de la dénomination « O » ou « O' », à quelque titre que ce soit, notamment comme marque, nom de domaine, dénomination sociale, sigle, enseigne ou nom commercial et sur quelque support que ce soit, de nature physique ou électronique ;

Assortir cette interdiction d’une astreinte définitive de 1.000 (mille) euros par infraction constatée ;

Ordonner aux défendeurs de procéder, à leurs frais, à la destruction sous contrôle d’Huissier de tout document comportant la dénomination « O » ou « O' » à compter de la signification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 1.000 (mille) euros par jour de retard au-delà de ce délai ;

Prononcer la nullité de la marque française « O » N° 07 3 529 711 pour l’ensemble des produits et services visés en classes 12, 36 et 39 et ordonner sa radiation du registre national des marques ;

Ordonner le transfert immédiat et sans frais des noms de domaine « O.com » et « O.org » à la Ville de PARIS ou à défaut, faire injonction à Monsieur X ou à tout autre titulaire de ces noms de domaine de renoncer à ces réservations dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 1.000 (mille) euros par jour de retard au-delà de ce délai ;

Ordonner à la société O P de modifier sa dénomination sociale et son sigle pour en supprimer le terme « O » dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 1.000 (mille) euros par jour de retard au-delà de ce délai ;

Se réserver la liquidation des astreintes prononcées ;

Condamner solidairement les défendeurs à payer à la Ville de PARIS la somme de 50.000 (cinquante mille) euros au titre des actes de contrefaçon quitte à parfaire ;

Condamner solidairement les défendeurs à payer à la Ville de PARIS la somme de 30.000 (trente mille) euros au titre des actes de parasitisme quitte à parfaire;

Ordonner la publication du jugement à intervenir en entier ou par extraits dans trois journaux au choix de la Ville de PARIS et aux charges et frais avancés des défendeurs pour un montant global n’excédant pas 30.000 (trente mille) euros HT ;

Condamner solidairement les défendeurs à payer à la Ville de PARIS la somme de 10.000 (dix mille) euros au titre de l’article 700 du code de pocédure cvile;

Condamner solidairement les défendeurs en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP K L & Associés, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile ;

En réplique, dans leurs dernières écritures notifiées par la voie électronique le 4 janvier 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, les sociétés OLKY INTERNATIONAL SA, O P , OLKYRENT S.A, F G, H I et Monsieur J X demandent au Tribunal, outre la mise hors de cause les sociétés OLKY INTERNATIONAL SA, F G, H I et Monsieur J X :

[…]

Vu l’art L 716-5 al 3 du code de la propriété intellectuelle,

Constater que l’enregistrement de la marque O (n° 07 3 529 711) a été publié en novembre 2008 (BOPI 08-11).

Dire et juger que l’action en contrefaçon est prescrite pour ce qui concerne le dépôt de celle-ci et toutes demandes se fondant sur les articles L 711-4 et L 714-3 du code de la propriété intellectuelle.

Débouter la Ville de Paris de l’ensemble de ses demandes à ce titre de même que toutes celles en découlant.

Reconventionnellement,

Dire et juger que la présente action doit donc être considérée comme particulière abusive au sens de l’art 32-1 du code de procédure civile dans la mesure où la Ville de Paris ne peut se méprendre sur l’issue de la procédure qu’elle intente.

En conséquence,

Condamner la Ville de Paris au paiement d’une amende civile.

Condamner la Ville de Paris au paiement de la somme de 15.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la présente procédure.

Dire et juger que la marque O PARIS (n° 11 3 883 843) est contrefaisante de la marque O (n° 07 3 529 711).

Prononcer la nullité de la marque O PARIS (n° 11 3 883 843) pour ce qui concerne les classes 12, 36 et 39.

Condamner la Ville de Paris au paiement de la somme de 50.000 euros au titre de la contrefaçon à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire.

[…]

Vu les articles L 714-3 al 3 et 716-5 al 4 du code de la propriété intellectuelle

Constater que la marque O (n° 07 3 529 711) a été déposée le 9 octobre 2007 et a fait l’objet d’un usage ininterrompu depuis cette date.

Constater que son enregistrement a été publié en novembre 2008 (BOPI 2008-11).

Constater que la Ville de Paris – à supposer sa demande fondée, ce que conteste expressément le concluant – a toléré, en connaissance de cause, son usage ininterrompu pendant une durée de 5 ans.

Constater que les éléments mis en exergue par le concluant pris dans leur ensemble sont de nature à faire admettre que d’une façon raisonnable, il est impossible à la Ville de Paris de tenter de prétendre (pour les besoins de la cause) voire de continuer à soutenir qu’elle aurait été dans l’ignorance absolue de l’existence de la marque O et de l’activité exercée sous le bénéfice de cette marque.

Dire et juger que l’action en contrefaçon est forclose.

Débouter la Ville de Paris de l’ensemble de ses demandes à ce titre de même que toutes celles en découlant.

Reconventionnellement,

Dire et juger que la présente action doit donc être considérée comme particulière abusive au sens de l’art 32-1 du code de procédure civile dans la mesure où la Ville de Paris ne peut se méprendre sur l’issue de la procédure qu’elle intente.

En conséquence,

Condamner la Ville de Paris au paiement d’une amende civile.

Condamner la Ville de Paris au paiement de la somme de 15.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la présente procédure.

Dire et juger que la marque O PARIS (n° 11 3 883 843) est contrefaisante de la marque O (n° 07 3 529 711).

Prononcer la nullité de la marque O PARIS (n° 11 3 883 843) pour ce qui concerne les classes 12, 36 et 39.

Condamner la Ville de Paris au paiement de la somme de 50.000 euros au titre de la contrefaçon à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire.

[…]

Constater que le 9 octobre 2007, le signe O était distinctif et disponible.

Constater que le 9 octobre 2007, quels que soient les éléments relatifs aux communiqués de presse contemporains au lancement du service développé sous la marque VELIB', il n’est – à cette date – fait état d’aucune éventuelle déclinaison de ce service pour d’autres moyens de transport hors l’automobile et cela dans une vision de partage.

Constater que le 9 octobre 2007 toute la communication autour de la marque VELIB’ faisait état d’une volonté politique de désengorger la Ville de Paris de ses voitures afin d’aller vers des processus de déplacement plus écologiques dont le vélo est le principal vecteur.

Constater que le 9 octobre 2007 la prétendue à proximité sectorielle, voire conceptuelle que revendique aujourd’hui la Ville de Paris n’existait pas.

Dire et juger que le consommateur d’attention moyenne ne peut se méprendre sur le contenu du service qui est offert au titre des marques appartenant à chacune des parties à la présente instance.

Débouter la Ville de Paris de l’ensemble de ses demandes à ce titre de même que toutes celles en découlant.

[…]

Constater que la Ville de Paris ne rapporte aucun élément de nature à justifier l’existence des préjudices réclamés.

Constater que la Ville de Paris a décidé d’accompagner la mise en oeuvre d’un nouveau service dénommé CITYSCOOT démontrant ainsi la possibilité d’offrir le service de location de scooters électriques sans passer nécessairement par une DSP, ni une marque se finissant en «LIB».

En conséquence,

Dire et juger satisfactoire, à titre de réparation des préjudices invoqués, l’allocation de la somme de UN (1) EURO.

En toutes hypothèses,

Condamner la Ville de Paris au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’art 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dire que, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, Maître M N pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l’avance sans en avoir reçu provision

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2016.

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur les mises hors de cause :

Invoquant la cession par la société OLKY INTERNATIONAL SA à la société OLKYRENT SA de la marque O n°07 3 529 711 puis l’apport à la société O P de son activité de location de scooter en ce compris la marque litigieuse, les défendeurs sollicitent à titre liminaire la mise hors de cause des sociétés OLKY INTERNATIONAL SA, F G, H I ainsi que de Monsieur J X.

Ce faisant, ils invoquent une fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir à l’encontre des défendeurs à la présente instance, autres que la société O P qui serait à ce jour seule titulaire et exploitante de la marque O.

La Ville de PARIS s’oppose à ces mises hors de cause, faisant valoir que la cession de marque invoquée au bénéfice de la société OLKYRENT SA n’a pas été inscrite au registre national des Marques de sorte que la société OLKY INTERNATIONAL SA reste seule

titulaire de la marque litigieuse; que la société OLKYRENT SA est mentionnée dans les mentions légales du site internet www.O.com comme étant à l’origine de la publication du site, destinataire des informations personnelles collectées et “propriétaire des éléments protégés par les droits de propriété intellectuelle”; qu’elle est également propriétaire des véhicules loués, dont elle souscrit l’assurance responsabilité civile; que la société F G est titulaire

d’une licence exclusive d’exploitation concédée le 10 juin 2009 pour 10 ans; que la société H I est pour sa part bénéficiaire d’une sous-licence d’exploitation; que le nom de Monsieur A X apparaît tant dans les mentions légales du site www.O.com que sur les fiches WHOIS des noms de domaine O.com et O.org.

Sur ce

Conformément à l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Et, en application des articles 31 et 32 du même code, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir étant irrecevable.

Des pièces versées au débat et des explications des parties, il ressort :

— en premier lieu, que le titulaire de la marque litigieuse reste à ce jour la société OLKY INTERNATIONAL SA dès lors que la cession de marque prétendument consentie à la société OLKYRENT SA puis l’apport subséquent allégué au profit de la société O P – dont les contrats correspondants ne sont pas produits- n’ont pas encore fait l’objet d’inscription au Registre national des marques et ne sont donc pas opposables aux demandeurs en application de l’article L.714-7 du code de la propriété intellectuelle.

— en second lieu, que les société F G et H I sont titulaires respectivement d’une licence exclusive et d’une sous-licence d’exploitation sur le territoire français de la marque O pour l’ensemble des produits et services visés au dépôt, concédées suivant contrat de licence de marque en date du 10 juin 2009 inscrit au Registre National des marques le 28 décembre 2009, de sorte que la demanderesse a parfaitement intérêt à les attraire dans la cause en considération notamment de sa demande de nullité de la marque concédée;

— en troisième lieu, que la société OLKYRENT SA apparaît dans les mentions légales du site internet www.O.com (procès-verbal de constat de l’APP du 18 décembre 2013 – pièce demandeur n°29) en ces termes: “ O est un service de la société européenne de location de véhicules OLKYRENT SA RCS n°B96646, autorisation d’exercer numéro 111867" et “Le site www.O.com est publié par la société OLKYRENT SA” ; qu’elle est encore mentionnée en qualité de destinataire des informations nominatives des utilisateurs et “propriétaire des éléments du site protégé par les droits de propriété intellectuelle”; qu’elle intervient également au contrat proposé par la

société O P en qualité de “loueur principal” et titulaire des contrats d’assurance couvrant les véhicules (conditions générales

du contrat O – pièce demandeur n°43.2); qu’il est patent ce faisant qu’elle exerce des responsabilités aux côtés de la société O P dans l’exploitation du service O de sorte que l’intérêt à agir de la demanderesse à son égard est parfaitement établi;

— en revanche et en dernier lieu, que si Monsieur A X est également cité dans les mentions légales du site O.com en qualité de “directeur de publication”, il apparaît clairement que cette responsabilité est exercée non pas en son nom personnel mais pour le compte de la société OLKYRENT SA, laquelle comme indiqué ci-dessus assure la publication du site internet, est destinataire des informations personnelles des internautes et revendique des droits de propriété intellectuelle sur le contenu en ligne; que pareillement, la consultation des fiches WHOIS afférentes aux noms de domaine O.com et O.org (Pièces demandeur n°23) démontre que les enregistrements ont été effectués par Monsieur X non en son nom personnel mais pour le compte respectivement des sociétés OLKYMOTOR Luxembourg (O.com) et de OLKYMOTOR P (O.org) lesquelles ne sont pas dans la cause; qu’en conséquence, la Ville de PARIS ne rapportant aucun autre élément permettant de rattacher les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale allégués à Monsieur X personnellement, les demandes dirigées à son encontre seront déclarées irrecevables, faute d’intérêt à agir de la demanderesse.

Sur le caractère frauduleux du dépôt de la marque verbale française O n°073529711

Au visa du principe “Fraus Omnia Corrumpit”et des articles L.711-4 et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, la Ville de PARIS soutient que le dépôt de la marque verbale française n°07 3 529 711 est frauduleux en ce que la société OLKY INTERNATIONAL ne pouvait ignorer l’exploitation antérieure du service VELIB’ pour des produits identiques ou très similaires, service qui a joui dès son lancement, soit moins de trois mois avant le dépôt litigieux, d’une notoriété exceptionnelle; que la société OLKY INTERNATIONAL avait également eu connaissance, avant le dépôt de la marque litigieuse, du projet de la Ville de PARIS de mettre en place un service O;

que, dans ces conditions, la décision de procéder à l’enregistrement de la marque française n°07 3 529 711 O visait non seulement à tirer un profit indu du succès de VELIB’ mais également à priver la Ville de PARIS du signe O’ qui constitue la déclinaison naturelle de la marque VELIB’ et a donc vocation à être déposé par elle; que l’intention frauduleuse est confirmée par le caractère hâtif du dépôt juste après le lancement du VELIB’ et l’imitation de la charte graphique du VELIB'.

En réponse, la société OLKY INTERNATIONAL, qui ne conteste pas avoir eu connaissance de l’existence du service VELIB', fait néanmoins valoir sa bonne foi, arguant du caractère distinct du service proposé et de son ignorance, au moment du dépôt, de la volonté de la Ville de PARIS d’exploiter un service de location de scooters sous la dénomination O'.

Sur ce

En application du principe fraus omnia corrumpit, un dépôt de marque est frauduleux lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité présente ou ultérieure. La fraude est caractérisée dès lors que le dépôt a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, non pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine mais pour priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d’un même secteur d’un signe nécessaire à leur activité. Le caractère frauduleux du dépôt s’apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l’allègue.

Dans ce cadre, la notion de fraude est d’interprétation stricte et ne saurait découler de la seule connaissance par le déposant de l’usage d’un signe identique ou similaire antérieur, la mauvaise foi supposant de prendre en considération l’intention de ce dernier au moment du dépôt.

Il importe donc en l’espèce de déterminer si, comme le soutient la demanderesse, le dépôt incriminé de la marque O visait à priver la Ville de PARIS du signe éponyme nécessaire à son activité ultérieure dans le cadre de la déclinaison de son offre de mise à disposition temporaire de moyens de transports urbains en libre-service, et donc d’apprécier si la projet O’ de la Ville de Paris était existant, au moins en germe, au moment du dépôt et si la société OLKY INTERNATIONAL pouvait en avoir eu connaissance.

Sur ce point, l’analyse des coupures de presse produites par la demanderesse établit que l’idée de développer un service de mise à disposition temporaire de scooter électrique par la Ville de Paris a été évoquée publiquement pour la première fois le 21 novembre 2007, date à laquelle le quotidien gratuit 20 minutes fait référence, au sein d’un bref articles de 14 lignes, au programme du Parti Radical de Gauche aux élections municipales “prévoyant la création d’un système I’lib, à l’image des Vélib'” (pièce 42-2). Il se déduit de cet article ainsi que de ceux subséquents reprenant cette information (notamment

JDD Paris 27 novembre 2007, Paris Obs 29 novembre 2007…) que les propositions du Parti Radical de Gauche venaient alors tout juste d’être diffusées à la presse avant même une communication au public ( à titre d’exemple, l’article du JDD Paris du 27 novembre 2007 “les radicaux (250 encartés sur Paris) présentent leur projet de petit livre jaune et prévoient de distribuer 5000 tracts ce week-end. Parmi leurs propositions: la création de I’lib (des scooters électriques en libre-service) ou la possibilité d’ouvrir le dimanche”). Il n’est donc pas prouvé que cette idée n’avait été ne serait-ce qu’évoquée publiquement avant le dépôt litigieux, qui date du 9 octobre 2007 soit près de six semaines avant les premiers articles sur le sujet. Par ailleurs, en novembre 2007, la Ville de Paris n’avait pas encore repris à son compte cette proposition du parti radical de gauche et ne le fera que le 14 octobre 2013, soit près de 7 ans après le dépôt litigieux, date à laquelle le conseil de Paris siégeant en formation de conseil municipal décidait officiellement du lancement d’ une étude de faisabilité sur la mise en place d’un tel système (pièce demanderesse n°21). Ainsi, ni l’existence d’un projet concret de développement d’un service O’ par la

Ville de PARIS à la date du dépôt ni a fortiori sa connaissance par la société OLKY INTERNATIONAL ne sont démontrés par la demanderesse.

De plus, il n’est pas sérieusement contesté que la marque O a été exploitée dès 2008 par l’intermédiaire des sites internet O.com. et O.org pour désigner des services conformes à ceux visés au dépôt – à savoir la location de scooter intégrant une solution de financement du véhicule, de son assurance et de son entretien – usage qui se poursuit à ce jour. Il s’en déduit que le dépôt critiqué, nonobstant la proximité de date avec le lancement du service VELIB', s’inscrit dans une volonté de la société OLKY INTERNATIONAL d’utiliser son signe pour distinguer son offre de service de location de scooter et non pour empêcher la Ville de Paris d’user de celui-ci pour son activité ultérieure ou pour tirer un profit indu du succès rencontré par le VELIB'.

Enfin, le moyen tiré de l’imitation de la charte graphique du VELIB’ dans le cadre de la communication initialement développée pour le site internet O.com est inopérant pour établir le caractère frauduleux du dépôt, lequel s’apprécie au jour de celui-ci et non au regard des usages ultérieurs de la marque.

Ainsi, le caractère frauduleux du dépôt de la marque O n’est pas établi.

Sur la recevabilité des demandes en nullité de la marque française O n°073529711 et en contrefaçon par imitation de la marque VELIB’du fait du dépôt et de l’exploitation de la marque O, de la réservation des noms de domaine “O.com” et “O.org” et de l’usage de la dénomination sociale O P et du sigle O

Au visa des articles L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, La

Ville de Paris invoque, outre le caractère frauduleux du dépôt, la contrefaçon par imitation de sa marque VELIB’ du fait du dépôt et de l’exploitation de la marque O, de la réservation des noms de domaine “O.com” et “O.org” et de l’usage de la dénomination sociale O P et du sigle O pour des produits et services identiques ou similaires générant un risque de confusion accentué par la notoriété de la marque VELIB'.

Invoquant pour leur part les articles L716-5 alinéa 3 et L714-3 alinéa 3, les défenderesses soulèvent à titre principal la prescription de l’action en contrefaçon visant l’enregistrement de la marque, faisant valoir que le délai court à compter des formalités d’enregistrement et a donc expiré en novembre 2011. S’agissant des usages, elles soutiennent que l’allongement à 5 ans du délai de prescription par la loi du 11 mars 2014 est sans effet sur la prescription qui était déjà acquise à cette date. A titre subsidiaire, elles concluent à la forclusion des demandes aux motifs que la ville de PARIS aurait toléré en toute connaissance de cause et pendant plus de cinq ans l’usage de la marque O, dont elle ne pouvait ignorer l’existence dès lors qu’elle exerce une veille continue à l’égard de ses marques, que la marque O est

exploitée sans discontinuer depuis 2007 par le biais d’un site internet accessible sur l’ensemble du territoire français et notamment à Paris, et ce dans le même secteur d’activité que le service VELIB'.

En réplique sur ces fins de non recevoir, la Ville de PARIS soutient que les faits de contrefaçon par usage ne sont pas prescrits, le délai courant à compter de chaque acte, de sorte que la responsabilité des défendeurs peut être recherchée pour les actes commis dans les cinq années précédent l’assignation, soit depuis le 16 juillet 2009. Concernant la forclusion, elle soutient, outre le caractère frauduleux du dépôt, que les défendeurs ne rapportent pas la preuve de sa connaissance effective de la marque O dès la publication de son enregistrement en novembre 2008 et de son exploitation par la suite. Elle affirme au contraire n’avoir eu connaissance des faits litigieux qu’en novembre 2010 et en déduit qu’à la date de l’assignation, son action n’était pas forclose.

Sur ce

En application de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;

b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

Conformément à l’article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4. Le ministère public peut agir d’office en nullité en vertu des articles L. 711-1, L. 711-2 et L. 711-3. Seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article L. 711-4. Toutefois, son action n’est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans. La décision d’annulation a un effet absolu.

Aux termes de l’article L.716-5 du code de la propriété intellectuelle, l’action civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque. Toutefois, le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation peut agir en contrefaçon, sauf stipulation contraire du contrat si, après mise en demeure, le titulaire n’exerce pas ce droit. Toute partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre. L’action en contrefaçon se prescrit par cinq ans. Est irrecevable toute action en contrefaçon d’une marque postérieure enregistrée dont l’usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n’ait été effectué de mauvaise foi. Toutefois, l’irrecevabilité est limitée aux seuls produits et services pour lesquels l’usage a été toléré.

Les deux moyens articulés par les défendeurs tirés de la prescription et de la forclusion des demandes tendant aux mêmes fins, il convient d’examiner en premier lieu celui résultant de la forclusion nonobstant

sa présentation à titre subsidiaire, dès lors qu’en application des articles susvisés, celui-ci est susceptible de faire obstacle tant à la demande en nullité qu’à l’action en contrefaçon liée aux exploitations de la marque litigieuse, même pour les actes les plus récents.

La forclusion sanctionne, non pas l’absence d’action en contrefaçon par le propriétaire de la marque première à la suite du dépôt de la marque seconde, mais la tolérance, en connaissance de cause, de l’usage de celle-ci pendant cinq années consécutives pour des produits ou services pour lesquels la marque première est enregistrée.

Elle suppose donc, outre la bonne foi du déposant qui est acquise aux débats comme exposé ci-dessus, que soit établi le caractère continu de l’usage pendant plus de cinq ans et la connaissance de cet usage par le demandeur à l’action. Conformément au droit commun, la charge de la preuve de cette connaissance pèse sur celui qui invoque la forclusion par tolérance à son profit, soit en l’espèce sur les défendeurs.

Sur ce point, la marque litigieuse a été enregistrée en novembre 2008 pour désigner divers produits et services en classes 12, 36 et 39 , notamment :

Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ; moteurs pour véhicules terrestres ;amortisseurs de suspensions pour véhicules ; carrosseries ; chaînes antidérapantes ; châssis ou parechocs de véhicules ; stores (pare-soleil) pour automobiles ; ceintures de sécurité pour sièges de véhicules ; véhicules électriques ; caravanes ; tracteurs ; vélomoteurs ; cycles ; cadres, béquilles, freins, guidons, jantes, pédales, pneumatiques, roues ou selles de cycles ; poussettes ; chariots de manutention ;

Assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières ; caisses de prévoyance ; banque directe ; émission de chèques de voyage ou de cartes de crédit ; estimations immobilières ; gérance de biens immobiliers ; services de financement ; analyse financière ; constitution ou investissement de capitaux ; consultation en matière financière ; estimations financières (assurances, banques, immobilier) ; placement de fonds ;

Transport ; emballage et entreposage de marchandises ; organisation de voyages ; informations en matière de transport ; distribution de journaux ; distribution des eaux ou d’énergie ; remorquage ; location de garages ou de places de stationnement ; location de véhicules, de bateaux ou de chevaux ; services de taxis ; réservation pour les voyages ; entreposage de supports de données ou de documents stockés électroniquement.

Il résulte des pièces produites aux débats que les sites internet www.O.com, et www.O.org par le biais desquels sont commercialisés les services de location de scooter proposés sous la marque O, sont actifs sans discontinuer au moins depuis mars 2008, date à laquelle un reportage sur ce service a été diffusé sur la chaîne M6, ce qui n’est pas contesté en demande. La marque litigieuse était donc exploitée conformément aux services pour lesquels elle a été déposée depuis plus de cinq ans lors de la délivrance de l’assignation en juillet 2014.

La Ville de Paris soutient pour autant ne pas en avoir eu connaissance des exploitations litigieuses avant le mois de novembre 2010.

Cependant, le tribunal relève que les services proposés sous la marque O sont commercialisés par l’intermédiaire de deux sites internet, par définition accessibles sur tout le territoire français et notamment à Paris; qu’ils concernent la location de scooters, véhicules essentiellement urbains et s’inscrivant donc dans un secteur d’activité proche de celui du VELIB'; que la Ville de PARIS allègue de plus l’existence dès 2007 d’un projet de développement d’un service O’ à l’image du VELIB'; qu’elle exerce en outre une particulière vigilance à l’égard de ses marques, notamment celles liées aux transports urbains, ainsi qu’il résulte des multiples oppositions qu’elle a formées à l’enregistrement de marques associant un terme désignant un véhicule au suffixe “LIB”; que dans le cadre de sa volonté revendiquée d’étendre le système VELIB’ à d’autres véhicules urbains, elle a également procédé le 25 février 2008 au dépôt de la marque AUTOLIB’ et a nécessairement fait preuve à cette occasion d’une attention particulière aux services existants dans des secteurs voisins; qu’elle n’explicite pas les circonstances dans lesquelles elle aurait finalement et soudainement eu connaissance de la commercialisation de l’offre O en novembre 2010; que sa qualité de professionnel du secteur du transport urbain établit au contraire qu’elle ne pouvait ignorer l’exploitation de cette marque au moins depuis mars 2008, date à laquelle l’exploitation était suffisamment développée pour qu’une chaîne nationale y consacre un reportage.

L’assignation a été délivrée les 16 et 17 juillet 2014, soit postérieurement à l’expiration du délai de cinq ans.

En conséquence, la Ville de PARIS sera déclarée irrecevable à agir à l’encontre de la société OLKY INTERNATIONAL SA en nullité du dépôt de la marque verbale française O n°073529711 et en contrefaçon du fait de l’exploitation de ladite marque pour les produits et services visés aux classes 12, 36 et 39 sur le fondement des article L713-3 du code de la propriété intellectuelle.

La demande en contrefaçon par la réservation des noms de domaine O.com et O.org, déposés par les sociétés OLKYMOTOR P et OLKYMOTOR Luxembourg est irrecevable en l’absence de mise en cause des titulaires de ces noms de domaine.

Enfin, les demandes liées à l’usage de la dénomination sociale O P et du sigle O, qui sont le fait de la société O P d’une part et de la société OLKYRENT SA d’autre part, sont également irrecevables comme étant liées directement à l’action en contrefaçon de la marque O et comme constituant des usages du signe protégé effectués avec l’accord du titulaire de la marque.

La forclusion étant acquise s’agissant des demandes fondées sur l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, il n’y a pas lieu d’examiner la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action de la Ville de PARIS.

Sur l’atteinte à la renommée de la marque française

La Ville de PARIS soutient par ailleurs, sur le fondement de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle, qu’elle est victime d’une atteinte à la renommée de sa marque verbale française VELIB’à raison du dépôt et de l’exploitation de la marque française « O » N°07 3 529 711, de l’exploitation des noms de domaine « O.com » et « O.org », de la dénomination sociale O P et du sigle commercial O en ce que les défenderesses ont usé d’un signe similaire dans le but de créer dans l’esprit du consommateur une association avec celle-ci et ainsi tirer un bénéfice indu de sa réputation et de son prestige. Elle fait valoir que le service VELIB’ a joui d’une notoriété exceptionnelle dès son lancement en juillet 2007 et avait ainsi acquis avant le dépôt de la marque litigieuse une incontestable renommée sur tout le territoire national attestée par les nombreux articles de presse publiés entre juillet et octobre 2007; que compte tenu du degré de similitude entre les marques en conflits et de l’identité des produits qu’elles couvrent, le dépôt et l’exploitation du signe incriminé ont permis aux société défenderesses se placer dans le sillage de la marque renommée VELIB’ et de bénéficie ainsi, sans aucune compensation financière, des efforts promotionnels entrepris par la Ville de PARIS.

Les défenderesses soutiennent que la marque VELIB’ n’est pas devenue notoire instantanément dès l’année 2007 mais que cette notoriété s’est installée dans le temps après pratiquement 7 années complètes d’activité et que durant cette période, elles ont développé leur activité sous la marque « O » sans que l’une ou l’autre des parties en subissent des conséquences dommageables. Elles contestent par ailleurs la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit qui se rattachent à deux moyens de transport distincts.

L’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que:« La reproduction ou l’imitation d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière ».

La protection accordée aux marques renommées s’applique dès lors que le signe litigieux est identique ou similaire à la marque antérieure et susceptible de porter préjudice au propriétaire de la marque renommée ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.

Sur la recevabilité des demandes fondées sur l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle

Les défendeurs n’opposent pas de fin de non recevoir spécifique s’agissant des demandes fondées sur l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle.

Or les dispositions relatives à la forclusion pour tolérance sont sans application s’agissant des demandes fondées sur le régime de protection spécial des marques renommées. Quant à la prescription, ce régime est

soumis à au délai de droit commun de cinq ans prévu à l’article 2224 du code civil, de sorte que les demandes de ce chef sont parfaitement recevables s’agissant des exploitations commises dans les cinq années précédant l’assignation, soit à compter du 16 juillet 2009.

Sur la renommée de la marque VELIB'

Pour dire une marque renommée il ne suffit pas qu’elle soit connue mais il faut démontrer qu’elle a atteint un degré de connaissance auprès du public qui fera un lien immédiat entre le signe et la marque.

La preuve de la renommée doit être apportée par celui qui invoque ce régime et est appréciée en se plaçant à la date des exploitations du signe litigieux, qui en l’espèce remontent à octobre 2007, date du dépôt de la marque O par la société OLKY INTERNATIONAL.

Le public concerné est, s’agissant de service de consommation courante, le grand public sur le territoire français.

Le niveau de reconnaissance de la marque s’apprécie en fonction de la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisées par l’entreprise pour la promouvoir .

Pour établir la renommée d’une marque, il faut donc apporter au débat des éléments qui attestent :

*du nombre d’utilisation du service pendant une certaine période, en l’espèce entre juillet et octobre 2007,

*le chiffre d’affaires correspondant,

*l’ampleur du budget publicitaire justifié par les investissements publicitaires sur la même période,

*les résultats éventuels des enquêtes de notoriété qui précisent où le consommateur français place la marque parmi les marques les plus appréciées et connues,

*des parutions ou articles consacrés à la marque,

*les opérations de partenariats ou de mécénat éventuelles,

*éventuellement des décisions de justice

Il est constant qu’en octobre 2007 la marque VELIB’ était exploitée depuis moins de trois mois, le service éponyme ayant été inauguré le 15 juillet 2007, et exclusivement à Paris. Il proposait alors 11000 bicyclettes en libre-service réparties sur 750 stations. S’il résulte des pièces produites en demande (notamment la revue de presse du 17 juillet au 14 octobre 2007 sur le lancement de Velib – pièce 37) que ce service a rencontré un succès immédiat auprès du public parisien et a bénéficié d’une couverture presse importante, la Ville de PARIS ne produit aucun renseignement sur le budget publicitaire consacré à son lancement ni aucune pièce comptable établissant avec certitude le nombre d’utilisateurs du service ou le chiffre d’affaire généré par celui-ci dans les mois ayant suivi son lancement, ni aucune enquête sur la notoriété de la marque dans l’ensemble du territoire français et non seulement à Paris.

Au surplus, même à supposer la notoriété ainsi que la similarité des signes VELIB’ et O établies, il incombe au demandeur de rapporter la preuve que l’imitation d’une marque dont il est propriétaire et qui jouit d’une renommée pour des produits ou services similaires porte ou risque de porter atteinte au caractère distinctif de cette marque. En l’espèce, en l’absence d’exploitation par la Ville de Paris d’un service de mise à disposition en libre-service de scooters, il n’est pas établi que l’exploitation du signe O diminue dans l’esprit du consommateur le pouvoir d’attraction de la marque VELIB’ ou n’exerce une influence négative sur cette dernière.

La Ville de PARIS ne démontrant pas la renommée de sa marque au moment du dépôt litigieux sera déboutée de sa demande fondée sur l’article L713-5 du code de la propriété intellectuelle.

Sur la concurrence déloyale et les agissements parasitaires

La Ville de PARIS reproche également à l’ensemble des défendeurs des actes de concurrence déloyale et de parasitisme caractérisés par:

— l’imitation par les noms de domaine “O.org” et “O.com” de ceux dénommés “velib.fr”, “velib.org”, “velib.info” et “velib.eu” antérieurement réservés par elle le 28 février 2007 et exploités via le site internet accessible aux adresses velib.paris et velib.paris.fr;

— l’adjonction d’une apostrophe finale dans la communication commerciale des défendeurs, notamment la plaquette commerciale O’ téléchargeable sur les sites adverses et les documents commerciaux;

— la reprise sur le site litigieux d’un visuel reprenant les codes graphiques du VELIB.

Elle soutient que l’intention des défendeurs de tirer indûment profit de la notoriété du système VELIB est confirmée par la proximité entre la date de lancement du VELIB’ (juillet 2007) d’une part et le dépôt de la marque O et du nom de domaine O.com (octobre 2007) d’autre part, ainsi que par l’offre à la location de scooters électriques à l’instar de ce qui a été envisagé dès 2007 pour le projet O’ de la Ville de Paris.

Les défendeurs n’ont pas spécifiquement conclu sur ce point.

Sur ce

En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un signe qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté d’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée.

Le parasitisme, qui s’apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d’un savoir-faire ou d’un travail intellectuel d’autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.

La Ville de PARIS invoque au soutien de sa demande cumulative et non subsidiaire en concurrence déloyale et parasitaire l’imitation des noms de domaine “Velib.fr”, “Velib.org”, […] et “velib.eu” par les noms de domaine “O.com” et “O.org” et la captation de ses investissements du fait de l’adjonction d’une apostrophe finale au signe O et de la reprise de la charte graphique du VELIB’ sur un visuel de promotion du service O.

Ce faisant, elle oppose des actes matériels distincts de ceux soutenant sa demande de contrefaçon.

Toutefois, il a déjà été rappelé que la réservation des noms de domaine O.com et O.org est le fait des sociétés OLKY MOTOR P et OLKY MOTOR Luxembourg qui ne sont pas dans la cause. S’agissant de l’exploitation de ces noms de domaine, dont ils ne peut être contesté qu’elle est à tout le moins imputable aux sociétés O P et OLKYRENT SA qui exploitent conjointement les sites accessibles via ces adresses, le tribunal relève que les radicaux des noms de domaine en litige sont :

— visuellement distincts: le radical VELIB se compose de 5 lettres , le radical O est quant à lui composé de 8 lettres dont seules les trois dernières sont communes avec le premier;

— phonétiquement différents: s’ils sont tous deux bisyllabiques, les syllabes d’attaque, auxquelles le consommateur prête généralement une plus grande attention, sont distinctes ([vel] et [I]) de sorte que l’impression phonétique d’ensemble est également distinct;

— Intellectuellement éloignés: s’ils ont la même construction associant le diminutif d’un moyen de transport au suffixe “Lib” évoquant l’idée de liberté, ils font référence à deux types de véhicules bien distincts, le vélo pour l’un et le scooter pour l’autre.

Il s’en déduit que l’internaute d’attention moyenne ne peut lorsqu’il accède aux sites litigieux les confondre avec ceux de la Ville de Paris ou en attribuer l‘origine et/ou l’exploitation à cette dernière.

Concernant l’adjonction d’une apostrophe finale au signe O, il n’est pas contesté qu’elle figurait bien sur la version des sites litigieux en 2010 (pièce 24) et a été supprimée de la plupart des pages du site O.com à réception de la mise en demeure adressée en novembre 2010 par la Ville de Paris. Il est par ailleurs établi par le procès-verbal

de constat établi le 18 décembre 2013 (pièce 29) que cet élément de ponctuation accolé au signe O ne figure plus désormais que sur des documents nécessitant de la part des internautes une démarche active (téléchargement de la plaquette commerciale et sollicitation d’une offre de contrat pour obtenir un exemplaire des conditions générales et particulières), de sorte que le risque de confusion, à le supposer existant, serait au demeurant nécessairement limité.

L’adjonction de cet élément de ponctuation au signe litigieux est insuffisante à faire naître dans l’esprit du consommateur un risque de confusion avec le service VELIB’ proposé par la Ville de PARIS au regard d’une part de l’absence de similitude visuelle, phonétique et intellectuelle des signes auxquels il est accolé, et en l’état d’autre part de la différence très nette entre les services proposés de part et d’autre, visant d’un côté la mise à disposition de vélos en libre-service à Paris dans le cadre d’une location de très courte durée, sans solution de financement, et d’autre part des solutions de location de scooter pour des durées plus longues adossées à des solutions de financement du véhicule, de son assurance et de son entretien.

De plus, ce signe de ponctuation, accolé à des signes non similaires, est à lui seul dénué de caractère distinctif . Il ne peut donc constituer une valeur économique individualisée dont la reproduction constituerait un fait dommageable sanctionnable au titre du parasitisme. L’intention de défendeurs de tirer indûment profit de ce fait des investissements accomplis par la Ville de Paris pour le lancement du VELIB’ n’est dès lors pas établie.

Quant à l’imitation alléguée de la charte graphique du Velib’ dans un visuel ayant figuré sur les sites litigieux, qui serait constituée par la reprise du code couleur et du caractère incurvé des lettres, il n’est produit aucun élément permettant au tribunal de connaître précisément l’époque et la durée pendant laquelle ce visuel aurait été utilisé (les conclusions des défendeurs se contentant à cet égard de faire référence à un visuel utilisé “à cette époque [du dépôt]” (page 2 de leurs conclusions) soit en octobre 2007). Le signe O.com y figure au demeurant accolé à l’image d’un scooter et au dessus de la mention “le I en toute liberté” de sorte que le risque de confusion est inexistant. De plus, les nuances des couleurs utilisées sont différentes, tout comme la disposition des caractères, ce qui ne permet pas de démontrer l’intention des exploitants du site de profiter ainsi indûment de la notoriété du VELIB'.

Le fait de proposer des scooters électriques à la location est enfin exclusif de toute faute par les défendeurs, ce mode d’alimentation de véhicule étant devenu particulièrement commun et a naturellement vocation à s’inscrire dans une activité de location de scooters, peu important que la Ville de Paris ait pour projet de proposer en libre-service des véhicules similaires.

Aussi, ni faute ni déloyauté ou recherche de profit indu ne pouvant être imputé aux sociétés défenderesses, les demandes de la Ville de PARIS, au titre de la concurrence déloyale et parasitaire seront rejetées.

Sur les demandes reconventionnelles

1. sur la nullité de la marque O PARIS (n°1 3 883 843)

Fondant leurs demandes sur l’article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, la totalité des défendeurs sollicitent à titre reconventionnel la nullité partielle (en classe 12,36,39) de la marque O PARIS n°11 3 883 843 déposée le 22 décembre 2011 par la Ville de PARIS faisant valoir que cette marque a été déposée en fraude de leurs droits et que l’adjonction de la mention PARIS ne peut suffire à supprimer la ressemblance entre les deux signes. Ils ajoutent que le dépôt de cette marque et l’utilisation dans la presse de la marque O à l’occasion des élections municipales de 2014 pour évoquer la mise en place d’un service de location de scooter par la Ville de Paris ont entraîné un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen portant préjudice aux titulaires des droits exclusifs sur la marque.

En réponse, la Ville de PARIS soulève l’irrecevabilité des demandes en raison de la nullité de la marque première O et conclut à leur mal fondé en l’absence de fondement juridique à la demande, de démonstration du caractère frauduleux du dépôt et de comparaison des produits et services des classes pour lesquelles la nullité est demandée. Elle ajoute au surplus que le service O’ n’ayant pas encore été lancé par la Ville de PARIS, aucune exploitation de ce signe dans la vie des affaires ne peut leur être imputée.

Sur ce

Contrairement à ce qu’allègue la Ville de PARIS, les défendeurs fondent explicitement leur demande en nullité sur l’article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle qui dispose:”est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4. Le ministère public peut agir d’office en nullité en vertu des articles L. 711-1, L. 711-2 et L. 711-3. Seul le titulaire d’un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l’article L. 711-4. Toutefois, son action n’est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s’il en a toléré l’usage pendant cinq ans. La décision d’annulation a un effet absolu.”

L’article L711-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment :

a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ;

b) A une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;

c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;

d) A une appellation d’origine protégée ou à une indication géographique ;

e) Aux droits d’auteur ;

f) Aux droits résultant d’un dessin ou modèle protégé ;

g) Au droit de la personnalité d’un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image ;

h) Au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale.

La marque O PARIS n°11 3 883 843 a été déposée le 22 décembre 2011 par la Ville de PARIS pour désigner des produits et des services en classes 1 à 45 . Elle a été enregistrée le 13 avril 2012.

Les défendeurs invoquent la nullité de la marque pour indisponibilité du signe en raison de l’atteinte porté au droit antérieur constitué par la marque O n°07 3 529 711.

Conformément à l’article L.714-3 alinéa 3 susvisé, seul le titulaire de cette antériorité peut agir en nullité. En l’espèce, en l’absence de publication de la cession des droits sur la marque invoquée par les défendeurs, seule la société OLKY INTERNATIONAL est dès lors recevable à ce titre.

Pour être déclarée nulle, la marque seconde doit constituer la contrefaçon par reproduction ou par imitation de la marque antérieure.

Aux termes de l’article L 713-3 du code de propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public :

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;

b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.

Le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et

conceptuelle des marques en cause être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

En l’espèce, la marque O PARIS désigne notamment des produits et services identiques ceux visés à l’enregistrement de la marque première, à savoir :

Classe 12 Véhicules : appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ; moteurs pour véhicules terrestres ;amortisseurs de suspensions pour véhicules ; carrosseries ; chaînes antidérapantes ; châssis ou parechocs de véhicules ; stores (pare-soleil) pour automobiles ; ceintures de sécurité pour sièges de véhicules ; véhicules électriques ; caravanes ; tracteurs ; vélomoteurs ; cycles ; cadres, béquilles, freins, guidons, jantes, pédales, pneumatiques, roues ou selles de cycles ; poussettes ; chariots de manutention ;

Classe 36: Assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières ; caisses de prévoyance ; banque directe ; émission de chèques de voyage ou de cartes de crédit ; estimations immobilières ; gérance de biens immobiliers ; services de financement; analyse financière ; constitution ou investissement de capitaux ;

consultation en matière financière ; estimations financières (assurances, banques, immobilier) ; placement de fonds ;

Classe 39: Transport ; emballage et entreposage de marchandises ; organisation de voyages ; informations en matière de transport ; distribution de journaux ; distribution des eaux ou d’énergie ; remorquage ; location de garages ou de places de stationnement ; location de véhicules, de bateaux ou de chevaux ; services de taxis ; réservation pour les voyages ; entreposage de supports de données ou de documents stockés électroniquement.

S’agissant de la comparaison des signes, il y a lieu de relever que dans les deux marques, le terme “O” constitue l’élément distinctif et dominant. Le terme “paris” adjoint en seconde place dans la marque seconde est en effet purement descriptif de la zone géographique où le service envisagé a vocation à être exploité.

Ainsi, la marque seconde reproduit intégralement l’élément dominant de la marque première et ne s’en distingue qu’en y associant un élément descriptif,. Il en résulte nécessairement entre les signes une similitude sur un plan tant phonétique que visuel et conceptuel, de nature à générer un risque de confusion pour le consommateur qui sera fondé à croire qu’il existe une affiliation entre ces marques, le conduisant à attribuer aux produits et services qu’elles désignent une même origine.

Il convient en conséquence de prononcer la nullité de la marque verbale française O PARIS n°11 3 883 843 pour les produits et services visés ci-dessus.

2. Sur la contrefaçon

Les défendeurs allèguent d’un préjudice subi du fait de la contrefaçon de la marque verbale française O n° n°07 3 529 711 par la marque O PARIS n°11 3 883 843 et sollicitent l’allocation à leur profit de la somme globale de 50 000 €.

La répression des atteintes aux marques suppose que soient caractérisés, outre un usage non autorisé d’un signe identique ou similaire à la marque antérieure pour des produits ou des services identiques ou similaires susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final la provenance du produit ou du service désigné par celle-ci, un usage de la marque dans la vie des affaires.

La Cour de Justice de l’Union, dans un arrêt Arsenal football club du 12 novembre 2012 a ainsi dit pour droit que l’usage d’une marque intervient dans la vie des affaires dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique.

Il en résulte que, pour ouvrir un droit à réparation au bénéfice du titulaire d’un droit antérieur, la marque seconde doit faire l’objet de manière effective d’actes d’exploitation sur le marché.

En l’espèce, il est constant que le service envisagé par la Mairie de Paris sous la marque O’ n’est pas encore effectif, seuls des actes préparatoires ayant été jusqu’à présent accomplis, notamment le lancement en octobre 2013 d’une étude de faisabilité d’un tel projet.

Dès lors, en l’absence d’usage de la marque O PARIS dans la vie des affaires, la contrefaçon ne sera pas retenue et les demandes indemnitaires des défendeurs à ce titre seront rejetées.

3. Sur la procédure abusive et l’amende civile

Les défendeurs sollicitent la condamnation de la Ville de PARIS à un amende civile sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement à leur profit de la somme de 15 000 € de dommages et intérêts en raison du caractère particulièrement abusif de la procédure, affirmant que la ville de PARIS ne pouvait se méprendre sur l’issue de la procédure intentée et a agi de manière intentionnellement maligne.

La Ville de PARIS réplique que la preuve de la légèreté blâmable ou de la malice qui leur sont imputées n’est aucunement rapportée et que sa procédure était parfaitement justifiée.

En application de l’article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur équipollente au dol, circonstances qui ne sont aucunement établies en l’espèce.

Par ailleurs, les défendeurs ne démontrent pas non plus avoir subi un préjudice distinct des frais qu’ils ont dû exposer dans le cadre de la présente instance, lesquels seront indemnisés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, les parties n’ont pas qualité à solliciter le prononcé d’une amende civile.

Les demandes à ce titre seront en conséquence rejetées.

Sur les demandes accessoires et les dépens

Succombant au litige, la Ville de PARIS, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à supporter les entiers dépens de l’instance ainsi qu’à payer, en application de l’article 700 du même code, la somme de 1500 € à chacun des défendeurs.

Au regard de la nature et de la solution du litige, l’exécution provisoire du jugement ne sera pas ordonnée en application de l’article 515 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré,

Déclare irrecevable l’intégralité des demandes de la Ville de PARIS formulées à l’encontre de Monsieur A X;

Rejette les demandes de mise hors de cause des sociétés OLKY INTERNATIONAL SA, F G, H I;

Dit que le dépôt de la marque verbale française O n°073529711 par la société OLKY INTERNATIONAL SA n’est pas frauduleux;

Déclare irrecevables comme forcloses les demandes de la Ville de PARIS en nullité de la marque verbale française O n°073529711 et en contrefaçon de sa marque VELIB’ du fait du dépôt et de l’exploitation de la marque O, de la réservation des noms de domaine “O.com” et “O.org” et de l’usage de la dénomination sociale O P et du sigle O,

Déclare recevables les demandes de la Ville de PARIS fondées sur l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle,

Déboute la Ville de PARIS de ses demandes fondées sur l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle ainsi qu’au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

Prononce la nullité de la marque verbale française O PARIS n°11 3 883 843 déposée le 22 décembre 2011 par la Ville de PARIS pour les produits et services suivants:

Classe 12 Véhicules : appareils de locomotion par terre, par air ou par eau ; moteurs pour véhicules terrestres ;amortisseurs de suspensions pour véhicules ; carrosseries ; chaînes antidérapantes ; châssis ou parechocs de véhicules ; stores (pare-soleil) pour automobiles ; ceintures de sécurité pour sièges de véhicules ; véhicules électriques ; caravanes ; tracteurs ; vélomoteurs ; cycles ; cadres, béquilles, freins, guidons, jantes, pédales, pneumatiques, roues ou selles de cycles ; poussettes ; chariots de manutention ;

Classe 36: Assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières ; caisses de prévoyance ; banque directe ; émission de chèques de voyage ou de cartes de crédit ; estimations immobilières ; gérance de biens immobiliers ; services de financement; analyse financière ; constitution ou investissement de capitaux ; consultation en matière financière ; estimations financières (assurances, banques, immobilier) ; placement de fonds ;

Classe 39: Transport ; emballage et entreposage de marchandises ; organisation de voyages ; informations en matière de transport ; distribution de journaux ; distribution des eaux ou d’énergie ; remorquage ; location de garages ou de places de stationnement ; location de véhicules, de bateaux ou de chevaux ; services de taxis ;

réservation pour les voyages ; entreposage de supports de données ou de documents stockés électroniquement.

Ordonne la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI, à l’initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ;

Déboute les sociétés OLKY INTERNATIONAL SA, OLKYRENT SA, F G, H I et O P et Monsieur A X de leurs demandes de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon de la marque O n°073529711;

Déboute les sociétés OLKY INTERNATIONAL SA, OLKYRENT SA, F G, H I et O P et Monsieur A X de leurs demandes d’indemnisation au titre de la procédure abusive;

Dit n’y avoir lieu à prononcer d’amende civile à l’encontre de la Ville de PARIS,

Rejette les demandes de la Ville de PARIS au titre des frais irrépétiblesྭ;

Condamne, en application de l’article 700 du code de procédure civile, la Ville de PARIS à payer aux sociétés OLKY INTERNATIONAL SA, OLKYRENT SA, F G, H I et O P ainsi qu’à Monsieur A X la somme de 1500 € chacun;

Condamne la Ville de PARIS à supporter les entiers dépens de l’instance;

Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du jugement.

Fait et jugé à Paris le 25 Février 2016

Le Greffier Le Président

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 1re section, 25 février 2016, n° 14/10786