Tribunal de grande instance de Paris, 17e chambre corr, 24 janvier 2017

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 17e ch. corr, 24 janv. 2017
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris

Sur les parties

Texte intégral

Selon l’ordonnance rendue le 1er septembre 2015 par l’un des juges d’instruction de ce siège, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 10 avril 2014 par Monsieur X., Monsieur Y. et Monsieur Z. ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour y répondre :

Monsieur Y.

– d’avoir à Paris, en tout cas sur le territoire national, le 15 janvier 2014, en tous cas depuis temps non couvert par la prescription, commis le délit de diffamation publique envers un particulier, en étant le directeur de publication de l’AFP et de la dépêche comportant des propos ci-après repris dans le corps du présent jugement, susceptibles de porter atteinte à l’honneur ou à la considération de Monsieur X., faits prévus et réprimés par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1 et 45 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Monsieur Z.

– d’avoir à Paris, en tout cas sur le territoire national, le 15 janvier 2014, en tous cas depuis temps non couvert par la prescription, commis le délit de diffamation publique envers un particulier, en étant le directeur de publication des « brèves AFP » reprises sur le site internet du club du Biarritz Olympique Pays Basque accessible à l’adresse www.bo-pb.com, comportant les propos ci-dessus ci-après repris dans le corps du présent jugement, susceptibles de porter atteinte à l’honneur ou à la considération de Monsieur X., faits prévus et réprimés par les articles 23 alinéa 1, 29 alinéa 1, 32 alinéa 1 et 45 de la loi du 29 juillet 1881.

A l’audience du 10 novembre 2015, l’affaire a été renvoyée au 1er février 2016 pour y être plaidée sur les incidents de nullité annoncés en défense, puis aux 4 avril 2016,

6 juin 2016 et 5 septembre 2016 pour relais, et au 5 décembre 2016 pour plaider sur le fond.

A l’audience du 1er février 2016, avant tout débat au fond les deux prévenus ont fait plaider par leurs conseils des conclusion de nullité de la plainte avec constitution de partie civile et du réquisitoire introductif au visa de l’article 50 de la loi du 29 juillet 1881.

Après avoir entendu sur les moyens soutenus la réplique de la partie civile et les réquisitions du ministère public, la défense ayant eu la parole en dernier, le tribunal, après en avoir délibéré, a décidé de rendre un jugement séparé et a mis cette décision en délibéré à l’audience du 29 mars 2016.

Par jugement contradictoire du 29 mars 2016, le tribunal a rejeté l’exception de nullité et a renvoyé l’affaire aux audiences des 6 juin 2016 et 5 septembre 2016, pour relais, et du 5 décembre 2010,pour plaider sur le fond.

DEBATS

A cette dernière date, à l’appel de la cause la présidente a constaté que les parties étaient représentées par leurs conseils, puis elle a donné lecture de l’acte qui a saisi le tribunal.

Les débats se sont tenus en audience publique.

Après lecture de la prévention, la présidente a instruit l’affaire, rappelé les faits et la procédure.

Puis le tribunal a entendu dans l’ordre prescrit par la loi :

• Me Bem, conseil de la partie civile, en ses demandes et plaidoirie ;

• le représentant du ministère public en ses réquisitions ;

• Me Ouhioun pour Monsieur Y., prévenu, en ses moyens de défense et plaidoirie ;

• Me Attias, pour Monsieur Z., prévenu, en ses moyens de défense et plaidoirie ;

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et la présidente, dans le respect de

l’article 462, alinéa 2, du code de procédure pénale, a informé les parties que le jugement serait prononcé le 17 janvier 2017, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 24 janvier 2017.

A cette date, la décision suivante a été rendue :

DISCUSSION

Le 10 avril 2014, Monsieur X., se présentant comme fondateur et dirigeant de la société Fanatick- Groupe Passion Voyage-Passion Events déposait plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction de ce tribunal à la suite de la parution de la dépêche suivante de l’Agence France Presse (AFP) du 14 janvier 2014 dont certains passages, selon lui, portaient atteinte à son honneur et sa considération, les propos incriminés étant soulignés dans le texte de la dépêche, reproduit ci-dessous :

« L’entrepreneur soupçonné de s’être livré à des opérations de blanchiment d’argent en achetant des billets des matches du XV de France aurait été victime d’extorsion de la part du malfaiteur Monsieur V. interpellé hier,a indiqué une source proche du dossier. Cet homme d’affaires parisien, Monsieur X., propriétaire des entreprises Fanatik et Passion Events qui revendaient des places achetées à la Fédération Française pour ces matches, est également soupçonné d’avoir organisé d’importantes opérations d’escroqueries à la taxe carbone. La victime, frappée à plusieurs reprises, a fini par dénoncer ses racketteurs pour des violences, notamment pour l’avoir mis dans un coffre de voiture. Monsieur V. a été arrêté à Ventabren (Bouches-Du-Rhône) dans le cadre d’une vague d’interpellations de 11 personnes dans les Bouches-Du-Rhône et la région parisienne, pour extorsion de fonds en bande organisée et blanchiment d’argent. »

La plainte indiquait que les passages soulignés étaient mensongers et que cette dépêche avait été publiée in extenso sur le site internet du Club Biarritz Olympique Pays Basque (BOPB) ce que confirmait un constat d’huissier en date du 24 mars 2014, puis reprise dans des articles publiés notamment sur les sites internet du Monde (15, 16 et 17 janvier 2014), du Parisien (14, 17 et 18 janvier 2014) de l’Express (18 janvier 2014), de 20 Minutes (14 et 18 janvier 2014) et de Libération (16, 17 et 18 janvier 2014).

Une information judiciaire était ouverte le 26 septembre 2014 et les investigations menées sur commission rogatoire par la brigade de répression de la délinquance contre la personne établissaient que la dépêche datait du 15 janvier 2014 et non du 14 janvier et que le directeur de publication de l’AFP était Monsieur Y. S’agissant du site internet du BOPB, deux directeurs de publication étaient identifiés : Monsieur W., en tant que président du club, et Monsieur Z., directeur de la communication de l’entreprise Capgemini France qui dans le cadre d’un contrat de parrainage de club sportif finançait le site internet du club. En vertu de ce contrat, Monsieur Z. était le responsable de la gestion du contenu rédactionnel, visuel et sonore du site internet du BOPB. Lors de son audition par les services d’enquête, il expliquait que Capgemini avait un contrat avec l’AFP pour que celle-ci envoie par flux automatique les dépêches liées au rugby, contrat stipulant que le contenu était sous l’entière responsabilité de l’AFP. Il précisait que Capgemini n’avait aucun droit pour modifier les dépêches. Le prestataire technique informatique et le web master, contactés, confirmaient l’impossibilité de modifier ces dépêches, envoyées automatiquement.

Le 4 mars 2015, Monsieur Y. et Monsieur Z., qui maintenait devant le juge d’instruction ses déclarations faites aux services d’enquête, étaient mis en examen. Par ordonnance en date du 1er septembre 20l5, ils étaient renvoyés devant le Tribunal Correctionnel du chef de diffamation publique envers un particulier, le premier en sa qualité de directeur de publication de l’AFP et de la dépêche litigieuse et le second en qualité de directeur de publication des « brèves AFP » reprises sur le site internet du club du Biarritz Olympique Pays Basque.

A l’audience, la partie civile sollicitait la condamnation de Monsieur Y. à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de préjudice moral, de Monsieur Z. à lui verser la somme de 30.000 euros du même chef et la condamnation de chacun à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

Le Ministère public requérait, en application de l’article 6-I, point 2, de la LCEN, la relaxe de Monsieur Z., simple hébergeur des dépêches n’ayant pas été saisi par la victime des propos de demande de modification du site, et la condamnation de Monsieur Y. ; ayant diffusé des propos diffamatoires et n’excipant pas de sa bonne foi.

L’avocat de Monsieur Z. plaidait la relaxe de son client au motif qu’en qualité d’hébergeur, il n’avait pas connaissance du caractère illicite de l’information diffusée, publiée sur le site internet du club par un flux really simple syndication (RSS), qui implique une transmission automatique et non filtrée.

L’avocate de Monsieur Y. indiquait ne pouvoir plaider la relaxe au sujet des escroqueries et du blanchiment allégués, la base factuelle étant insuffisante sur ce point. Elle soulignait qu’une dépêche rectificative avait été éditée très peu de temps après la première dépêche et posait la question du caractère diffamatoire des propos évoquant la qualité de victime d’une tentative d’extorsion.

SUR L’ACTION PUBLIQUE :

Sur le caractère diffamatoire des propos :

Il sera rappelé que :

– l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ;

– il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure – caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait- et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée ;

– l’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises ;

– la diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

En l’espèce, il ressort des deux premiers propos poursuivis que Monsieur X. est soupçonné de s’être livré à des opérations de blanchiment d’argent en achetant des billets des matches du XV de France et d’avoir organisé d’importantes opérations d’escroqueries à la taxe carbone.

Il s’agit de faits précis, pouvant faire l’objet d’un débat sur la preuve de leur vérité et attentatoires à son honneur et à sa considération, s’agissant de l’imputation d’infractions pénales.

Ainsi, ces propos présentent un caractère diffamatoire.

Si la dépêche désigne Monsieur X. comme ayant été victime d’une tentative d’extorsion par des racketteurs qui l’auraient frappé et mis dans un coffre de voiture, ces faits ne sont pas attentatoires à son honneur et à sa considération en ce qu’il est désigné comme victime de ces faits, non comme leur auteur.

Sur la culpabilité de Monsieur Z.

Aux termes de l’article 6-I LCEN, point 2, l’activité d’hébergement est définie comme celle des personnes physiques ou morales qui assurent même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services.

La responsabilité de l’hébergeur ne peut être engagée que si, ayant connaissance du caractère illicite de l’information diffusée, il n’a pas agi pour la retirer, ou ne l’a pas fait de façon prompte (article 6-I LCEN, point 3).

En l’espèce, Monsieur Z. était alors codirecteur de la publication du site du BOPB, et ce site disposait d’un flux RSS, automatique, alimenté par l’AFP à partir d’informations relatives au monde du rugby, sans que Monsieur Z. puisse contrôler le flux d’informations. Il était donc hébergeur des contenus envoyés par l’AFP.

Monsieur Z. n’a pas eu connaissance du caractère illicite des informations et aucune demande de retrait de l’information n’a été faite.

Sa responsabilité pénale ne peut être engagée et il sera renvoyé des fins de la poursuite.

Sur la culpabilité et la peine de Monsieur Y. :

Monsieur Y., directeur de la publication de l’AFP lors de la diffusion de la dépêche incriminée, n’ayant pas fait d’offre de preuve ni fait valoir l’exception de bonne foi, il sera déclaré coupable des faits qui lui sont reprochés pour les propos suivants :

« L’entrepreneur soupçonné de s’être livré à des opérations de blanchiment d’argent en achetant des billets des matches du XV de France »,

« Cet homme d’affaires parisien, Monsieur X., propriétaire des entreprises Fanatik et Passion Events qui revendait des places achetées à la Fédération Française pour

ces matches, est également soupçonné d’avoir organisé d’importantes opérations d’escroqueries à la taxe carbone. »

Il convient de le condamner pour ces propos à une amende de 500 euros intégralement assortie du sursis simple au regard de son casier judiciaire qui ne portait trace d’aucune condamnation à l’époque des faits.

Il sera renvoyé des fins de poursuite pour les autres propos poursuivis, qui ne sont pas diffamatoires.

SUR L’ACTION CIVILE :

Monsieur X. est recevable en sa constitution de partie civile, mais il doit être débouté de ses demandes à l’encontre de Monsieur Z. en raison de la relaxe prononcée.

Monsieur X. indique à l’audience avoir tout perdu à la suite de ces propos diffamatoires.

Toutefois, faute d’élément permettant d’apprécier concrètement l’étendue du dommage et compte tenu de la publication par l’AFP, peu de temps après la diffusion de la dépêche litigieuse, d’un communiqué rectificatif, il conviendra de condamner Monsieur Y. à verser à Monsieur X., qui ne justifie que d’un préjudice de principe, un euro en réparation de son préjudice moral et la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

DÉCISION

Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire à l’égard de Monsieur Y. et Monsieur Z., prévenus (article 411 du code de procédure pénale), et de Monsieur X., partie civile (article 424 du code de procédure pénale) :

Renvoie Monsieur Z. des fins de la poursuite ;

Déclare Monsieur Y. coupable du délit de diffamation publique envers particulier, commis sur le territoire national le 15 janvier 2014, pour les propos suivants :

« L’entrepreneur soupçonné de s’être livré à des opérations de blanchiment d’argent en achetant des billets des matches du XV de France »,

« Cet homme d’affaires parisien, Monsieur X., propriétaire des entreprises Fanatik et Passion Events qui revendaient des places achetées à la Fédération Française pour ces matches, est également soupçonné d’avoir organisé d’importantes opérations d’escroqueries à la taxe carbone. »

Le relaxe pour le surplus des propos poursuivis au titre du délit de diffamation publique envers un particulier ;

En répression :

Condamné Monsieur Y. à la peine de CINQ CENTS EUROS (500€) d’amende ;

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal :

Dit qu’il sera sursis totalement à l’exécution de cette peine dans les conditions prévues par ces articles ;

L’avertissement prévu à l’article 132-29 du code pénal n’a pu être donné au condamné absent au prononcé ;

Reçoit Monsieur X. en sa constitution de partie civile ;

Le déboute de ses demandes envers Monsieur Z. du fait de la relaxe prononcée ;

Condamne Monsieur Y. à payer à Monsieur X. UN EURO (1€) à titre de dommages et intérêts et la somme de DEUX MILLE EUROS (2000€) sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

En application de l’article 1018 A du code général des impôts, la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 127 euros dont est redevable Monsieur Y.

Par le présent jugement le condamné est informé qu’en cas de paiement du droit fixe de procédure dans le délai d’un mois à compter de la date où il a eu connaissance du jugement, il bénéficie d’une diminution de 20% sur la totalité de la sommé à payer.

Il est également informé de la possibilité pour la partie civile, non éligible à la CIVI, de saisir le SARVI, s’il ne procède pas au paiement des dommages intérêts auxquels il a été condamné dans le délai de 2 mois à compter du jour où la décision est devenue définitive ;

et le présent jugement ayant été signé par le président et la greffière.

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