Tribunal de grande instance de Toulouse, 1re chambre civile, 26 février 2015, n° 11/02724

  • Compteur·
  • Alimentation en eau·
  • Lot·
  • Installation·
  • Assemblée générale·
  • Copropriété·
  • Coûts·
  • Notaire·
  • Préjudice·
  • Eau potable

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Maître Jean-philippe Mariani Et Bruno Lehnisch · LegaVox · 2 janvier 2021
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
TGI Toulouse, 1re ch. civ., 26 févr. 2015, n° 11/02724
Juridiction : Tribunal de grande instance de Toulouse
Numéro(s) : 11/02724

Texte intégral

MINUTE N°  :

JUGEMENT DU : 26 Février 2015

DOSSIER N° : 11/02724

NAC: 54G

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TOULOUSE

[…]

JUGEMENT DU 26 Février 2015

COMPOSITION DU TRIBUNAL Lors des débats et du délibéré

PRESIDENT : Monsieur SERNY, Vice-Président

ASSESSEURS : Monsieur GUICHARD, Vice-Président

Madame Y, Vice-présidente

GREFFIER lors du prononcé :Mme X

DEBATS

Après clôture des débats tenus à l’audience publique du 08 Janvier 2015, le jugement a été mis en délibéré à la date de ce jour

JUGEMENT

Rendu après délibéré ,Contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe, rédigé par Mme Y

Copie revêtue de la formule

exécutoire délivrée

le

à

DEMANDEURS

G H et I Z, demeurant Lieu-dit La Gadelière – 72320 GREEZ SUR ROC et actuellement flete house, Ermington Plymouth -PL 21 9NX (ROYAUME UNI)

représentés par Maître Sarah BRIGHT-THOMAS de la SELARL BRIGHT AVOCATS, avocats au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 363

DEFENDEURS

S.C.I. J, dont le […]

représentée par Maître Valérie PONS-TOMASELLO de la SCP SCP MESSAUD & PONS-TOMASELLO, avocats au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 197

Mme K A, demeurant […]

représentée par Maître Valérie PONS-TOMASELLO de la SCP SCP MESSAUD & PONS-TOMASELLO, avocats au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 197

Me L C, Décédé en cours d’instance, ayant demeuré Avenue du 11 novembre 1918 – […]

Mme P, R-S D venant aux droits de M. L C, son G prédécédé le 11/9/2013 en sa qualité d’héritière de ce dernier, demeurant […]

représentée par Maître Nicolas LARRAT de la SCP SCP LARRAT, avocats au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 175

M. E-O Q C venant aux droits de M. L C décédé le 11/9/2013 en sa qualité d’héritièr de ce dernier, demeurant […]

représenté par Maître Nicolas LARRAT de la SCP SCP LARRAT, avocats au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 175

EXPOSE DU LITIGE :

La sci DANVER a constitué en copropriété ,selon règlement de copropriété du 9 août 1990 , modifié le 21 novembre 2002 , un immeuble situé à Cordes sur Ciel, […] , et elle en a ensuite vendu les lots.

Par acte authentique du 24 octobre 2003, les G Z ont fait l’acquisition des premier, deuxième et troisième étage ,à usage d’habitation et constituant les lots n° 2,3,4 devenus le lot n°11.

S’agissant d’un immeuble ancien organisé en copropriété depuis peu, le compteur d’eau commun ainsi que les installations d’arrivée d’eau se trouvaient au rez-de-chaussée de l’immeuble, dans un lot privatif à usage commercial n’appartenant pas aux G Z.

Les G Z et leurs voisins s’entendaient sur la répartition des charges d’eau à l’amiable.

Par acte authentique du 29 mars 2007, la sci J, représentée par Mme M A en qualité de gérante, a acquis de la SCI DANVER le local commercial situé au rez-de-chaussée de la copropriété.

Un contrat de bail a été signé entre la sci J et Mme A, qui a donc à la fois qualité de locataire de l’immeuble , et de gérante de la sci propriétaire de l’immeuble.

Aux termes du compromis de vente passé le 30 novembre 2006 entre la sci DANVER et la sci J, il était prévu ,à titre de condition suspensive de vente, la mise en place d’un compteur d’eau indépendant concernant l’alimentation en eau potable du lot appartenant aux G Z.

L’acte authentique du 29 mars 2007 précise : “Un compteur d’eau concernant l’alimentation en eau potable du lot n°11 appartenant à M. et Mme Z sera mis en place dans les prochains jours, à la charge du vendeur, ainsi qu’il résulte du devis facture d’un montant de 2.548,35 euros acquitté par le vendeur.”

Ce compteur a été installé, aux frais de la sci DANVER, et avec l’accord des G Z, mais il n’a pas été raccordé à l’appartement des G Z, Mme A refusant tout raccordement passant par son local.

Mme A a coupé l’arrivée d’eau qui passait par son local et qui permettait d’alimenter l’appartement des G Z.

Par acte d’huissier du 16 juillet 2010, les G Z ont saisi le juge des référés pour que la fourniture d’eau soit rétablie.

Par ordonnance du 21 octobre 2010, le juge des référés a rejeté leur demande, au motif qu’elle se heurtait à une contestation sérieuse.

Par actes d’huissier des 20 mai 2011 et 13 juillet 2011, H Z et I N, son épouse, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Toulouse la sci J, M A et Me L C, notaire .

Par conclusions du 17 février 2012 ils ont demandé au juge de la mise en état d’ordonner le rétablissement de l’alimentation en eau de leur appartement, avec une astreinte .

Ils ont demandé aussi une provision, et une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 17 août 2012, le juge de la mise en état a ordonné une expertise confiée à M. INISAN ,et dit que dans l’attente des résultats de l’expertise, il sera ordonné à la sci J et à Mme A de rétablir l’alimentation en eau des G Z, sous astreinte de 30 euros par jour de retard, à compter de l’expiration d’un délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance .

L’alimentation en eau du lot des G B , interrompue depuis le 29 mars 2007, ( à l’exception de la période allant du 1er juin 2008 au 30 septembre 2008 ) a été rétablie en exécution de l’ordonnance le 15 septembre 2012.

Le juge de la mise en état a rejeté la demande de provision aux motifs que:

— les G Z ont été privés d’eau mais ont néanmoins dû payer le coût de l’abonnement et qu’il appartiendra au juge du fond d’établir si leur demande de remboursement formée contre la sci J et Mme A est justifiée, en fonction notamment du point de savoir si une alimentation par l’extérieur était possible et s’ils ont été diligents,

— la responsabilité du notaire, qui n’est intervenu que dans les relations entre la SCI DANVER et la SCI J pour la pose du compteur, se heurte à une contestation sérieuse et qu’il convient de déterminer s’il devait se préoccuper de la façon dont le compteur serait matériellement raccordé à l’appartement des G Z.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 2 avril 2013 , “ en l’état “ , les demandeurs n’ayant pas versé la consignation complémentaire ordonnée par le juge chargé du contrôle des mesures d’instruction le 12 avril 2013.

L ‘expert n’a donc pas répondu aux dires des conseils des parties et renvoie pour ses conclusions à la note aux parties ayant suivi les réunions d’expertise des 26 octobre 2012 et 18 décembre 2012.

Me C étant décédé le […], Mme D sa veuve et M. E -O C son fils , sont intervenus volontairement à la procédure en leur qualité d’héritiers.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du juge de la mise en état du 7 janvier 2015.L’affaire a été plaidée le 8 janvier 2015 et mise en délibéré au 26 février 2015.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Par conclusions signifiées par la voie électronique du 21 mai 2014 M.et Mme Z demandent au tribunal :

— à titre principal :

*de dire que le compteur d’eau installé à l’extérieur l’a été illégalement à défaut de vote des copropriétaires sur les compteurs d’eau et sur l’individualisation des contrats de fourniture d’eau,

*d’interdire à Mme A et la sci J de couper l’alimentation en eau de leur appartement,

* de dire que Mme A , la sci J et Maître C ont commis des fautes engageant leur responsabilité , et de les condamner solidairement à leur payer la somme de 10 000 euros pour le préjudice moral et le préjudice de jouissance , et la somme de 96 399, 57 euros pour le préjudice financier,

— à titre subsidiaire , si le tribunal considère que le compteur d’eau installé à l’extérieur l’a été légalement, de dire que Mme A , la sci J et Me C ont commis des fautes engageant leur responsabilité et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 10 000 euros pour le préjudice moral et le préjudice de jouissance , la somme de 96 399, 57 euros pour le préjudice financier , et les condamner à leur payer le coût des travaux de raccordement du compteur extérieur à leur lot.

Ils demandent la condamnation solidaire de Mme A ,de la sci J et de Me C à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile , et les dépens comprenant le coût de l’expertise judiciaire , avec distraction au profit de la selarl BRIGHT THOMAS, société d’avocats.

Ils soutiennent n’avoir jamais expressément acquiescé à l’installation d’un compteur d’eau individuel, et qu’en tout état de cause cette installation aurait dû être autorisée par l’assemblée générale des copropriétaires ; qu’à défaut elle est illicite , et qu’ils doivent continuer à pouvoir utiliser le compteur commun situé au rez -de-chaussée de la copropriété.

Ils reprochent au notaire rédacteur de l’acte de vente entre la sci DANVER et la sci J de n’avoir pas vérifié l’existence d’une décision des copropriétaires , à Mme A de les avoir privés de l’accès aux parties communes et aux services communs, dont la fourniture d’eau ,et à la sci J de ne pas avoir cherché à faire cesser les agissements de sa locataire.

Par conclusions signifiées par la voie électronique du 3 septembre 2014 la sci J et Mme A demandent au tribunal de débouter les G Z de leurs demandes et de les condamner à leur payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive et la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent :

— qu’il ressort des courriers adressés par les G Z au notaire , de leurs déclarations à l’expert et de leur attitude auprès de Mme A que ceux-ci étaient d’accord pour l’installation de leur compteur séparé à l’extérieur et qu’ils veulent seulement faire supporter à la sci J le coût du raccordement,

— que le déplacement du compteur était possible , et le raccordement par l’extérieur , et que le préjudice invoqué est dû uniquement à leur propre obstination à vouloir passer par le local de Mme A,

— qu’ils ne démontrent pas avoir occupé les lieux quand l’eau était coupée,

— qu’ils ne justifient pas leur préjudice financier et que leurs demandes sont fantaisistes et exorbitantes.

Les défendeurs rappellent qu’ils règlent seuls l’abonnement et la consommation pour l’ensemble de l’immeuble et notamment les Z.

Ils estiment abusive l’action des G Z , qui multiplient les procédures , et les demandes, sans produire de justificatifs.

Par conclusions signifiées par la voie électronique du 23 mai 2014 Mme P D et M. E-O C qui interviennent volontairement en qualité d’héritiers de Me L C , demandent au tribunal de prendre acte de leur intervention volontaire et de la dire recevable , de débouter les G Z de leur demande ,et de les condamner à leur payer la somme de 2000 euros pour procédure abusive , la somme de 4000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , et les dépens avec distraction au bénéfice de la scp d’avocats LARRAT.

Ils soutiennent que les demandeurs ne rapportent ni la preuve de la faute du notaire, ni celle de la réalité d’un préjudice , et qu’ils ne démontrent pas l’existence d’un lien de causalité entre les deux.

Ils font valoir que la copropriété ne comprend que deux copropriétaires, qui étaient en 2007 les G Z et la sci DANVER , et que dès lors que les G Z ont accepté expressément par courrier du 12 mars 2007 la mise en place d’un compteur d’eau individuel, et qu’ils y ont acquiescé aux termes de l’acte du 29 mars 2007, même s’il n’y a pas eu autorisation de la copropriété , l’absence d’opposition des copropriétaires lors de la réalisation des travaux vaut ratification et exclue la possibilité pour les G B d’en discuter la légalité ; que leur acquiescement a été ferme et définitif ,et qu’un refus de voter , en assemblée générale , l’installation d’un compteur individuel ,aurait constitué un refus abusif.

Ils soutiennent que les préjudices allégués par les G Z sont exclusivement imputables à leur décision de ne finalement pas satisfaire à leur engagement d’assumer le coût du raccordement de leur compteur individuel et de rechercher par tous moyens à obtenir la prise en charge de ce coût par d’autres.

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile le tribunal renvoie pour un ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions qu’elles ont déposées aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l’installation du compteur d’eau divisionnaire:

L’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis énonce que ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires d’une part l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes, et d’autre part les décisions concernant l’installation de compteurs d’eau froide divisionnaires .

Aux termes de l’article 26 de la même loi, les demandes d’individualisation des contrats de fourniture d’eau doivent être approuvées à la majorité des deux tiers par l’assemblée générale des copropriétaires.

Il est acquis que le compromis de vente passé le 30 novembre 2006 entre la sci DANVER , copropriétaire , et la sci J, mentionne à titre de condition suspensive la pose par les autres copropriétaires, M. et Mme Z, d’un compteur d’eau divisionnaire.

M.et Mme Z soutiennent ne pas avoir donné leur accord à l’installation d’un compteur d’eau divisionnaire.

L’écrit qu’ils ont signé le 12 mars 2007 , et adressé au gérant de la sci DANVER , ainsi qu’au notaire rédacteur du compromis de vente ,démontre cependant qu’ils ont bien “autorisé la sci DANVER à procéder à la pose du compteur d’eau au 12 rue st Michel 81170 à leur frais”.

L’acte authentique du 29 mars 2007 modifie l’état descriptif de division puisque les lots 1,2,3,4, le premier appartenant à la sci DANVER et les trois autres aux G Z , deviennent les lots 10 ( sci J ) et 11 ( les G B ) et mentionne qu’un compteur d’eau concernant l’alimentation en eau potable du lot n° 11 sera mis en place aux frais du vendeur , soit de la sci DANVER , selon devis – facture du 7 mars 2007 de 2548, 35 euros.

Cette somme a bien été réglée par la sci DANVER et le compteur divisionnaire a bien été installé , à l’extérieur de l’immeuble, sans qu’il soit néanmoins procédé au raccordement avec le lot des Z.

La procuration donnée par M.et Mme Z à l’étude de Me C notaire rédacteur de l’acte authentique de vente entre la sci DANVER et la sci J, porte sur la modification de l’état de division et du règlement de copropriété , actes dont il est dit qu’ils seront dressés aux frais du vendeur M. RUSSO, gérant de la sci DANVER .

La mention de l’acte qui a été barrée , ainsi que le relève le demandeur, porte seulement sur la prise en charge par les G Z du coût de la pose du compteur d’eau divisionnaire.

En cours d’expertise judiciaire , M. Z a indiqué à l’expert qu’un accord verbal était intervenu entre lui et M. RUSSO ,selon lequel les frais d’installation du compteur, et ceux du raccordement , seraient partagés entre eux par moitié.

Il ressort de ces éléments que M. et Mme Z ont bien donné leur accord pour l’installation d’un compteur d’eau froide divisionnaire alimentant leur lot n° 11 ,et également accepté de prendre en charge le coût du raccordement à leur appartement.

Mme D et M. C soutiennent que les travaux faits sans autorisation par un copropriétaire peuvent faire l’objet d’une ratification tacite , et que celle-ci résulte de ce que ni les G Z, ni la sci DANVER, ne se sont opposés aux dits travaux.

Aux termes de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 , l’installation d’alimentation en eau potable appartient aux parties communes.

Il résulte des dispositions de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 que l’autorisation donnée à un copropriétaire, d’effectuer à ses frais des travaux affectant les parties communes , suppose nécessairement une délibération de l’assemblée générale des copropriétaires .

La jurisprudence rappelle qu’en application de ce texte, l’autorisation donnée par l’assemblée générale des copropriétaires doit être expresse , et elle ne retient l’existence d’une ratification implicite, par l’assemblée générale des copropriétaires, des travaux illicites, car non autorisés ,réalisés sur les parties communes, que si la dite assemblée générale a pris la décision de ne pas exercer de poursuites contre le copropriétaire fautif.

Aucune ratification implicite ne peut donc être le fait d’un seul copropriétaire.

Les travaux d’installation d’un compteur d’eau divisionnaire pour le lot n° 11 de la copropriété , réalisés par la sci DANVER , copropriétaire , sans autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires, sont par conséquent illicites, peu important que M.et Mme Z ne s’y soient pas opposés.

L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 , comme le règlement de copropriété , énoncent que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties communes , sans faire obstacle aux droits des autres copropriétaires.

Le réseau d’alimentation en eau appartenant aux parties communes, M. et Mme Z , copropriétaires , ne peuvent être privés de son usage et doivent , à défaut d’autorisation par l’assemblée générale des copropriétaires de la pose d’un compteur divisionnaire , continuer à bénéficier du compteur commun.

Il est fait injonction par conséquent à Mme A et à la sci J de laisser à M. et Mme Z l’usage du compteur d’eau commun , toute coupure volontaire d’eau de leur part constituant une faute engageant leur responsabilité.

Il appartiendra à la sci J de se retourner si elle l’estime utile contre son vendeur la sci DANVER, qui s’est engagée à la réalisation de travaux non autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires.

Sur les fautes de la sci J , de Mme A et de Me C.

Il apparaît que le notaire rédacteur de l’acte du 29 mars 2007 y a inséré la mention de la pose d’un compteur d’eau divisionnaire , sans avoir vérifié que cette installation avait fait l’objet d’une délibération de l’assemblée générale des copropriétaires autorisant les travaux à effectuer.

Ce faisant, Me C a commis une faute, dans les termes de l’article 1382 du Code civil.

M. et Mme Z n’établissent cependant pas l’existence d’un lien de causalité entre cette faute et le préjudice invoqué.

Il est en effet acquis qu’ils ont donné leur accord à la pose d’un compteur d’eau extérieur , et qu’ils ont aussi accepté de prendre en charge les frais de raccordement à leur lot.

La sci DANVER a satisfait aux obligations résultant pour elle de l’acte du 29 mars 2007 et réglé le coût de pose du compteur divisionnaire.

M. et Mme Z n’ont quant à eux plus voulu réaliser et prendre en charge le coût des travaux de raccordement à leur lot, dès lors que l’architecte des bâtiments de France s’est opposé à un raccordement qui soit visible à l’extérieur de l’immeuble par remontée sur la façade.

Ils ne peuvent donc pas reprocher au notaire le fait que le raccordement à leur lot n’a pas eu lieu , alors que la réalisation de celui-ci relève de leur propre initiative , ainsi que l’a déjà relevé le juge de la mise en état dans son ordonnance du 17 août 2012.

Les défendeurs produisent en outre un écrit de la mairie de Cordes sur Ciel du 1er août 2012, indiquant que le raccordement est possible , sans tuyaux apparents à l’extérieur par dépavage et repavage après implantation de la canalisation à l’extérieur de l’immeuble, sous les pavés ; que la canalisation devra être enterrée , et remonter vers la porte d’entrée de l’appartement sans être vue du domaine public.

Le seul coût de ce raccordement , à le supposer plus élevé que celui réglé par la sci DANVER pour l’installation du compteur , ce que M. et Mme Z ne démontrent pas , ni même ne soutiennent , ne constitue pas un préjudice pour M. et Mme Z , dès lors qu’ils n’ont posé aucune condition sur ce point.

Le fait que le notaire n’ait pas vérifié que l’assemblée générale des copropriétaires avait autorisé les travaux de pose d’un compteur individuel est donc sans conséquence pour les G Z.

Leurs demandes formées à l’encontre de Mme D et de M. C en qualité d’héritiers de Me C sont rejetées.

Il est acquis aux débats que Mme A , locataire de la sci J dont elle est par ailleurs la gérante , a coupé l’arrivée d’eau du lot des G Z et n’a fait raccorder le réseau d’eau potable de l’appartement de M. et Mme Z qu’en exécution , laquelle était prononcée sous astreinte , de l’ordonnance prononcée par le juge de la mise en état le 17 août 2012.

Quoiqu’elle soutienne dans ses écritures avoir coupé l’eau en 2010 , Mme A a indiqué à l’expert judiciaire qu’elle avait procédé à cette coupure dès son entrée dans les lieux, et qu’il s’agissait d’une condition d’acquisition du local.

Elle a également indiqué que le bail locatif conclu entre elle et la sci J était daté du 29 mars 2007 : la coupure est donc intervenue en avril 2007.

Après avoir saisi le conciliateur de la République, et adressé deux mises en demeure de rétablir l’alimentation en eau, M. et Mme Z ont saisi la juridiction des référés qui a rejeté leur demande , puis à nouveau le juge de la mise en état qui a enjoint le 17 août 2012 à Mme A et à la sci J de rétablir l’alimentation en eau des G Z.

Mme A, en coupant l’alimentation d’eau des G Z alors que le raccordement séparé de leur appartement n’était pas réalisé , a commis à leur égard une faute dans les conditions de l’article 1382 du Code civil.

Leur préjudice , qui consiste en une privation d’eau potable courante , est caractérisé, quelle qu’ait été leur fréquence d’occupation des lieux , et il ne peut leur être reproché d’avoir résilié en 2010 l’abonnement d’eau ,celui-ci étant devenu , du fait de la coupure de l’alimentation ,sans objet.

La sci J, copropriétaire , et bailleur de Mme A , devait veiller au respect par celle-ci des dispositions légales et du règlement de copropriété , et l’article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs lui faisait obligation” d’utiliser sauf motif légitime , les droits dont il disposait en propre , pour faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes occupant les locaux loués.”

La sci J ne peut invoquer comme constituant un motif légitime l’existence d’un compteur divisionnaire , alors que l’installation de ce compteur, réalisée sans autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires, est illicite.

Elle a donc elle aussi commis une faute dans les termes de l’article 1382 du Code civil à l’égard de M. et Mme Z.

Sur les préjudices de M. et Mme Z :

Les défendeurs soutiennent que M. et Mme Z n’ont pas subi de préjudice de jouissance du fait de la coupure d’eau , mais la sci J et Mme A relèvent que les demandeurs ne rapportent pas la preuve de leur occupation des lieux de 2007 à 2012 tandis que Mme D et M. C affirment que les G Z “ n’ont jamais cessé d’occuper effectivement le bien litigieux “ et en déduisent qu’ils en ont donc joui.

M. et Mme Z produisent des factures d’électricité attestant d’une consommation , de décembre 2008 à juin 2009 , à Cordes sur Ciel .

La facturation varie dans son montant, et ne résulte donc pas du seul coût de l’abonnement.

La présence de M. et Mme Z dans l’appartement sur la période susvisée est donc démontrée.

Si cette facturation est d’un montant peu élevé , ainsi que le relèvent les défendeurs, il n’en demeure pas moins que l’absence d’eau a rendu , même pour quelques heures, l’occupation des lieux extrêmement difficile , et qu’elle n’a pu s’effectuer que sur de courtes périodes.

L’alimentation en eau constitue un élément de confort essentiel à l’usage d’un local d’habitation.

M. et Mme Z ont donc été privés de la jouissance de leur appartement , non alimenté en eau , pendant plus de quatre ans puisque d’avril 2007 à septembre 2012 à l’exception de la période allant du 1er juin 2008 au 30 septembre 2008.

Leur préjudice sera justement évalué à la somme de 10 000 euros.

M. et Mme Z invoquent aussi un préjudice financier , résultant de ce qu’ils n’ont pu mettre en vente leur appartement et de ce qu’il a subi depuis 2008 une perte de valeur , et ils réclament encore le montant des loyers qu’ils n’ont pu percevoir , ainsi que le remboursement du coût des trajets qu’ils ont effectué entre Cordes sur Ciel et leur résidence sise dans la Sarthe , jusqu’en 2012, puis des trajets entre Cordes sur Ciel et leur résidence anglaise , à compter de 2012.

Ils demandent le remboursement des loyers qu’ils acquittent au Royaume Uni , et celui des factures d’eau et d’électricité correspondant à leurs temps de présence à Cordes sur Ciel.

M. et Mme Z produisent l’attestation d’un agent immobilier dont il résulte qu’ils ont eu l’intention, en 2008 , de vendre leur appartement .

Si l’absence d’alimentation en eau empêchait en effet de réaliser une vente de l’immeuble, M. et Mme Z ne rapportent pas la preuve que cette vente serait en tout état de cause intervenue.

Ils invoquent à titre de préjudice la différence existant entre la valeur estimée de leur appartement en 2008 soit 179 000 euros et la valeur estimée en 2014 soit 130 000 euros, tout en attribuant cependant eux-mêmes cette baisse de valeur à la survenance en 2008 d’une crise immobilière, et sans rapporter la preuve que la vente de l’immeuble serait intervenue avant que ne se réalisent les effets de cette crise.

Ils ne justifient d’aucune réelle intention de louer leur bien.

Les trajets qu’ils ont accompli entre leurs lieux d’habitation successifs et Cordes sur Ciel ont eu pour objet ,selon leurs dires mêmes, l’entretien de l’immeuble , qui est lié à sa seule propriété.

Les déplacements en lien avec le litige , soit notamment la présence aux réunions d’expertise, sont pris en compte dans la demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le loyer que M. et Mme Z acquittent en Angleterre est sans lien avec le litige, comme leur départ de France, puisqu’ils disposent d’une autre résidence dans la Sarthe.

Les factures d’électricité correspondent à des consommations dont ils ont bénéficié .

Seuls les paiements de factures éditées par la SAUR et correspondant au coût de l’abonnement en eau de 2007 à 2010 , pour un total de 834,30 euros constituent un préjudice , dès lors que M. et Mme Z étaient privés d’alimentation en eau.

Le coût du raccordement du compteur extérieur à leur lot incombe en l’état à M. et Mme Z, puisque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas autorisé la pose du dit compteur , et que la sci DANVER , qui s’était uniquement engagée à payer les frais de l’installation du compteur , a effectué ce règlement.

La sci J et Mme A sont solidairement condamnées à payer à M. et Mme Z :

— la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance ,

— la somme de 834,30 euros au titre de l’abonnement d’eau de 2007 à 2010,

Le surplus de la demande de M. et Mme Z est rejeté.

Les demandes formées par la sci J et Mme A , ainsi que par Mme D et M. C en dommages-intérêts pour procédure abusive sont rejetées , le tribunal faisant droit partiellement aux demandes de M. et Mme Z .

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

La sci J et Mme A sont solidairement condamnées à payer à M. et Mme Z la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile , outre les dépens qui comprendront le coût de l’expertise judiciaire et les frais de la procédure de référé.

Les G Z seront condamnés à payer à Mme D et M. C la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre sont admis au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile .

Sur l’exécution provisoire:

L’exécution provisoire , compatible avec la nature de l’affaire , est ordonnée compte tenu de l’ancienneté du litige .

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal , statuant publiquement , en premier ressort, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe ,

DIT ILLICITES les travaux d’installation d’un compteur d’eau divisionnaire pour le lot n° 11 de la copropriété , réalisés par la sci DANVER , copropriétaire , sans autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires ,

ENJOINT à Mme A et à la sci J de laisser à M. et Mme Z l’usage du compteur d’eau commun,

REJETTE les demandes formées par M. et Mme Z à l’encontre de Mme D et M. C intervenus volontairement à l’instance en qualité d’héritiers de Me C, notaire,

RETIENT la faute de la sci J et de Mme A,

CONDAMNE solidairement la sci J et Mme A à payer à M. et Mme Z:

— la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance ,

— la somme de 834,30 euros au titre de l’abonnement d’eau de 2007 à 2010,

REJETTE le surplus des demandes de M. et Mme Z,

REJETTE les demandes formées par la sci J et Mme A , ainsi que par Mme D et M. C à l’encontre de M. et Mme Z en dommages-intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNE solidairement la sci J et Mme A à payer à M. et Mme Z la somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. Et Mme Z à payer à Mme D et M. C, intervenus volontairement à l’instance en qualité d’héritiers de Me C, notaire, la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE solidairement la sci J et Mme A à payer les dépens qui comprendront le coût de l’expertise judiciaire et les frais de la procédure de référé,

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ,

ORDONNE l’exécution provisoire.

Le greffier, Le Président,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Toulouse, 1re chambre civile, 26 février 2015, n° 11/02724