Tribunal Judiciaire de Paris, 6 novembre 2020, n° 20:54799

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 6 nov. 2020, n° 20:54799
Numéro(s) : 20:54799

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE DE PARIS

N° RG 20/54799 -

N° Portalis

352J-W-B7E-CSR AI

BR/Nᵒ:1

Assignation du : 10 Août 2020

JUG EMENT rendu le 06 novembre 2020

en état de référé (article 487 du Code de procédure civile) par le Tribunal judiciaire de PARIS, composé de :

Z A, Juge

Marie DEBUE, Vice-Présidente Thomas CIGNONI, Juge

assistés de T U, Faisant fonction de G reffier,

dans l’instance opposant :

LE CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS […] représenté par Maître Q R S de la SELAS SELAS R S CA HEN TREMBLAY & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #R0109

LA CAISSE NATIONALE DE L’ASSURANCE MALADIE

[…]

[…] représentée par Maître Thomas LAMBARD de la SELEURL SELARLU THOMAS LAMBARD, avocats au barreau de PARIS – #K0112

à:

LA SOCIETE DR. P AU SCHEIN GMBH

[…] représentée par Me Malka MARCINKOWSKI, avocat au barreau de PARIS -

#P0261

LA S.A.S. DOCTEURSECU […] représentée par Me Alizée BARBIER, avocat au barreau de PARIS, Me Marina DA CUNHA, avocat au barreau de MARSEILLE – […]

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INTERVENANTES VOLONTAIRES

LA CAISSE CENTRALE DE LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE

[…]

[…]

[…] représentée par Me Audrey UZEL, avocat au barreau de PARIS – #B0713

LA FÉDÉRATION NATIONALE DE LA MUTUALITÉ FRANÇAISE […] représentée par Me F MAISONNEUVE, avocat au barreau de PARIS -

#D1568

DÉBATS

A l’audience du 24 Septembre 2020 présidée par Z A, Juge, tenue publiquement, assisté de Fabienne CLODINE-FLORENT, Greffier,

LE TRIBUNAL

Par actes du 24 janvier 2020, le CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS (ci-après le « CNOM ») a assigné la société SARL de droit allemand DR. P AU SCHEIN GmbH (ci-après la société « DR. P ») et la société SAS DOCTEURSECU devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris.

Par acte distinct du 27 janvier 2020, la CAISSE NATIONALE DE L’ASSURANCE MALADIE a assigné la société SARL de droit allemand DR. P AU SCHEIN GmbH et la société SAS DOCTEURSECU devant ce même juge.

Appelé à l’audience, les parties ont comparu représentées par leurs conseils respectifs. La CAISSE CENTRALE DE LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE et la FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE

FRANCAISE ont comparu volontairement dans les deux affaires.

Celles-ci n’ont pu être appelées à la date prévue en raison du confinement ordonné dans les circonstance de l’épidémie de Covid 19.

Les parties ont pu communiquer avec le tribunal par courriel pendant le confinement. Il a été ainsi proposé aux parties de juger le dossier selon la procédure sans audience, ce que celles-ci ont unanimement refusé.

Les affaires ont été inscrites prioritairement au rôle à la levée du confinement décidée par les autorités sanitaires et les parties convoquées à une nouvelle audience.

Les parties ont, par courriels, unanimement indiqué « ne pas s’opposer » au renvoi sollicité par l’une des défenderesses.

Les deux affaires ont fait l’objet d’une mesure de radiation par mention aux dossiers le 11 mai 2020 en raison du défaut de diligence des demandeurs.

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La réinscription au rôle a été sollicitée par les demandeurs et les deux dossiers appelés à l’audience du 24 septembre 2020 où les parties ont toutes comparu.

Les dossiers ont été joints à l’audience et la formation collégiale du tribunal judiciaire statuant en état de référé réunie, après recueil des observations des parties. A l’audience du 24 septembre 2020, le CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MEDECINS comparait représenté par son conseil, il demande au tribunal

de :

1. < En ce qui concerne la société Dr. P A U-Schein GmbH

A titre principal :

●ordonner la fermeture immédiate du site www.arretmaladie.fr ;

A titre subsidiaire :

• faire interdiction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de faire figurer sur le site www.arretmaladie.fr toute mention énonçant que les téléconsultations

réalisées par son intermédiaire sont prises en charge par l’Assurance Maladie;

•faire injonction à la société Dr. P AU-Schein GmbH de maintenir la mention sur le site www.arretmaladie.fr que les téléconsultations réalisées par son intermédiaire ne sont pas prises en charge par l’Assurance Maladie;

• faire interdiction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de faire figurer sur le site www.arretmaladie.fr toute mention faisant directement ou indirectement référence à un droit, pour l’assuré, d’obtenir un arrêt de travail; faire injonction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de mentionner

de manière claire et apparente sur le site www.arretmaladie.fr que les arrêts de travail ne peuvent être prescrits que dans le cadre d’une démarche thérapeutique et si leur nécessité est constatée par le médecin, dans le respect de ses obligations déontologiques ; faire injonction à la société Dr. P AU-Schein GmbH de mentionner

de manière apparente sur le site www.arretmaladie.fr l’objet de la prestation fournie par le site ainsi que ses modalités de rémunération ;

●faire interdiction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de mentionner sur le site www.arretmaladie.fr que les téléconsultations réalisées par son entremise donneront lieu à la délivrance de feuilles de soins ;

•faire interdiction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de transmettre des feuilles de soins aux consommateurs ;

●faire injonction à la société Dr. P AU-Schein GmbH de mettre le site www.arretmaladie.fr en conformité avec l’article L.1111-8 du code de la santé publique et le Règlement n°2016/679 du 27 avril 2016; faire injonction à la société Dr. P AU-Schein GmbH de mettre son site www.arretmaladie.fr en conformité avec les obligations déontologiques des médecins, notamment :

-l’indépendance professionnelle du médecin prévue à l’article R.4127-5 du code de la santé publique,

-le libre choix du praticien prévu à l’article R.4127-6,

-la liberté de prescription du médecin prévue à l’article R.4127-8,

-l’information du public prévue à l’article R.4127-13,

-l’interdiction de publicité prévue à l’article R.4127-19,

-les règles relatives à l’usage du nom et de la qualité de médecin prévues à l’article R.4127-20,

-l’interdiction de partage d’honoraires entre médecins prévue à l’article R.4127-22,

-l’interdiction de délivrer des certificats de complaisance prévue à l’article R.4127-28,

-l’interdiction des fraude et abus de cotation prévue à l’article R.4127-29,

-le principe de qualité des soins délivrés prévu à l’article R.4127-32,

-le principe du diagnostic élaboré avec le plus grand soin prévu à l’article R.4127-33,

-le principe d’information du patient prévu à l’article R.4127-35,

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-le respect des règles relatives aux honoraires du médecin prévu par l’article R.4127-53,

-le respect des obligations déontologies prévu à l’article R.4127-95 du code de la santé publique ;

2. En ce qui concerne la société DocteurSecu

A titre principal :

●ordonner la fermeture immédiate du site www.docteursecu.fr ;

A titre subsidiaire : faire interdiction à la société Docteursecu de mentionner sur le site www.docteursecu.fr que les téléconsultations réalisées par son entremise sont prises en charge par l’Assurance Maladie;

●faire injonction à la société Docteursecu de mentionner sur le site www.docteursecu.fr que les téléconsultations réalisées par son entremise ne sont pas prises en charge par l’Assurance Maladie, à moins que le patient ait été orienté initialement par son médecin traitant, quand la consultation n’est pas réalisée avec ce dernier et que le patient soit connu du médecin consultant ou que le recours aux téléconsultations a été effectué dans le cadre d’une organisation territoriale dans les conditions définies à l’article 28.6.1.2 de la Convention;

•faire injonction à la société Docteursecu de mentionner de manière très apparente sur le site www.docteursecu.fr l’objet de la prestation fournie par le site ainsi que ses modalités de rémunération;

●faire interdiction à la société Docteursecu de mentionner sur le site www.docteursecu.fr que des intervenants sont médecins ou de les identifier en usant du titre « Dr. » quand ces intervenants ne sont pas inscrits à l’ordre des médecins ; faire interdiction à la société Docteursecu de mentionner sur le site www.docteursecu.fr que les téléconsultations réalisées par son entremise donneront lieu à la délivrance de feuilles de soins, à moins que le patient ait été orienté initialement par son médecin traitant, quand la consultation n’est pas réalisée avec ce dernier et que le patient soit connu du médecin consultant ou que le recours aux téléconsultations a été effectué dans le cadre d’une organisation territoriale dans les conditions définies à l’article 28.6.1.2 de la Convention; faire interdiction à la société Docteursecu de transmettre des feuilles de soins, à moins que le patient ait été orienté initialement par son médecin traitant, quand la consultation n’est pas réalisée avec ce dernier et que le patient ait été connu du médecin consultant ou que le recours aux téléconsultations a été effectué dans le cadre d’une organisation territoriale dans les conditions définies à l’article 28.6.1.2 de la Convention;

• faire injonction à la société Docteursecu de mettre le site www.docteursecu.fr en conformité avec l’article L.1111-8 du code de la santé publique et le Règlement n°2016/679 du 27 avril 2016; faire injonction à la société Docteursecu de mettre son site

● www.docteursecu.fr en conformité avec les obligations déontologiques des médecins ;

3. En tout état de cause

• rejeter la demande reconventionnelle de la société DOCTEURSECU;

assortir les condamnations prononcées d’une astreinte de 5.000 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de l’ordonnance à intervenir;

• ordonner la publication de l’ordonnance à intervenir, in extenso ou par extrait,

sur la page d’accueil des sites internet www.arretmaladie.fr et www.docteursecu.fr ainsi que dans trois journaux ou revues périodiques aux choix du Conseil national de l’Ordre des médecins et aux frais des défendeurs, à concurrence de 3.000 euros par insertion;

• condamner in solidum les sociétés Dr. P AU-Schein GmbH et Docteursecu à verser au Conseil national de l’Ordre des médecins la somme de

25.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ».

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A cette même audience du 24 septembre 2020, la CAISSE NATIONALE DE L’ASSURANCE MALADIE comparait représentée par son conseil, elle demande au tribunal de :

1. « En ce qui concerne la société Dr. P AU-Schein GmbH

A titre principal :

●ordonner la fermeture immédiate du site www.arretmaladie.fr ;

A titre subsidiaire :

• faire interdiction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de faire figurer sur le site www.arretmaladie.fr toute mention énonçant que les téléconsultations réalisées par son intermédiaire sont prises en charge par l’Assurance Maladie; faire injonction à la société Dr. P AU-Schein GmbH de maintenir● la mention sur le site www.arretmaladie.fr que les téléconsultations réalisées par son intermédiaire ne sont pas prises en charge par l’Assurance Maladie ;

• faire interdiction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de faire figurer sur le site www.arretmaladie.fr toute mention faisant directement ou indirectement référence à un droit, pour l’assuré, d’obtenir un arrêt de travail ; faire injonction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de mentionner de manière claire et apparente sur le site www.arretmaladie.fr que les arrêts de travail ne peuvent être prescrits que dans le cadre d’une démarche thérapeutique et si leur nécessité est constatée par le médecin, dans le respect de ses obligations déontologiques ; faire injonction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de mentionner de manière apparente sur le site www.arretmaladie.fr l’objet de la prestation fournie par le site ainsi que ses modalités de rémunération ;

●• faire interdiction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de mentionner sur le site www.arretmaladie.fr que les téléconsultations réalisées par son entremise donneront lieu à la délivrance de feuilles de soins ;

•faire interdiction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de transmettre des feuilles de soins aux consommateurs ; faire injonction à la société Dr. P AU-Schein GmbH de mettre le

site www.arretmaladie.fr en conformité avec l’article L.1111-8 du code de la santé publique et le Règlement n°2016/679 du 27 avril 2016;

•faire injonction à la société Dr. P AU-Schein GmbH de mettre son site www.arretmaladie.fr en conformité avec les obligations déontologiques des médecins, notamment;

2. En ce qui concerne la société DocteurSecu

A titre principal:

●ordonner la fermeture immédiate du site www.docteursecu.fr ;

●faire injonction à la société Docteursecu de procéder à la rétrocession du nom de domaine au profit de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie ;

●à tout le moins, ordonner qu’il soit procédé à la radiation du nom de domaine www.docteursecu.fr ;

A titre subsidiaire : faire interdiction à la société Docteursecu de mentionner sur le site www.docteursecu.fr que les téléconsultations réalisées par son entremise sont prises en charge par l’Assurance Maladie;

•faire injonction à la société Docteursecu de mentionner sur le site www.docteursecu.fr que les téléconsultations réalisées par son entremise ne sont pas prises en charge par l’Assurance Maladie, à moins que le patient ait été orienté initialement par son médecin traitant, quand la consultation n’est pas réalisée avec ce dernier et que le patient soit connu du médecin consultant ou que le recours aux téléconsultations a été effectué dans le cadre d’une organisation territoriale dans les conditions définies à l’article 28.6.1.2 de la Convention;

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•faire injonction à la société Docteursecu de mentionner de manière très apparente sur le site www.docteursecu.fr l’objet de la prestation fournie par le site ainsi que ses modalités de rémunération; faire interdiction à la société Docteursecu de mentionner sur le site

www.docteursecu.fr que des intervenants sont médecins ou de les identifier en usant du titre « Dr. » quand ces intervenants ne sont pas inscrits à l’ordre des médecins ; faire interdiction à la société Docteursecu de mentionner sur le site

www.docteursecu.fr que les téléconsultations réalisées par son entremise donneront lieu à la délivrance de feuilles de soins, à moins que le patient ait été orienté initialement par son médecin traitant, quand la consultation n’est pas réalisée avec ce dernier et que le patient soit connu du médecin consultant ou que le recours aux téléconsultations a été effectué dans le cadre d’une organisation territoriale dans les conditions définies à l’article 28.6.1.2 de la Convention; faire interdiction à la société Docteursecu de transmettre des feuilles de soins,

à moins que le patient ait été orienté initialement par son médecin traitant, quand la consultation n’est pas réalisée avec ce dernier et que le patient ait été connu du médecin consultant ou que le recours aux téléconsultations a été effectué dans le cadre d’une organisation territoriale dans les conditions définies à l’article 28.6.1.2 de la Convention;

●faire injonction à la société Docteursecu de mettre le site www.docteursecu.fr en conformité avec l’article L.1111-8 du code de la santé publique et le Règlement n°2016/679 du 27 avril 2016; faire injonction à la société Docteursecu de mettre son site www.docteursecu.fr en conformité avec les obligations déontologiques des médecins ;

3. En tout état de cause

assortir les condamnations prononcées d’une astreinte de 5.000 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de l’ordonnance à intervenir; ordonner la publication de l’ordonnance à intervenir, in extenso ou par extrait,

sur la page d’accueil des sites internet www.arretmaladie.fr et www.docteursecu.fr ainsi que dans trois journaux ou revues périodiques aux choix de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie et aux frais des défendeurs,

à concurrence de 3.000 euros par insertion;

• condamner in solidum les sociétés Dr. P AU-Schein GmbH et Docteursecu à verser à la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie la somme de

25.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ».

A cette même audience, la CAISSE CENTRALE DE LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE comparait représentée par son conseil, elle demande au juge des référés de :

recevoir son intervention volontaire,●

1. En ce qui concerne la société Dr. P :

ordonner la fermeture immédiate du site www.arretmaladie.fr,●

Subsidiairement,

●faire injonction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de mentionner sur le site www.arretmaladie.fr que les téléconsultations réalisées via les plateformes coopérantes vers lesquelles il renvoie ne sont pas prises en charge par l’Assurance Maladie, à moins que le patient n’ait été orienté initialement par son médecin traitant, quand la consultation n’est pas réalisée avec ce dernier, et que le patient soit connu du médecin consultant ou que le recours aux téléconsultations a été effectué dans le cadre d’une organisation territoriale dans les conditions définities à l’article 28.6.1.2 de la Convention,

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faire injonction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de modifier ses

conditions générales de vente en supprimant toute référence à un éventuel remboursement par l’Assurance Maladie,

• faire injonction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de modifier ses relations contractuelles avec les médecins téléconsultants en supprimant notamment tout flux financier entre eux pour ce qui est des téléconsultations, faire injonction à la société Dr. P A U-Schein GmbH de mettre fin à toute

proposition de téléconsultation par WhatsApp et de garnatir la mise en relation entre le patient et le médecin par une plateforme sécurisée de téléconsultation, conforme au RGPD et recommandations en vigueur,

2. En ce qui concerne la société DocteurSecu:

ordonner la fermeture immédiate du site www.docteursecu.fr,

Subsidiairement,

●faire injonction à la société DocteurSécu de supprimer la phrase selon laquelle

< les conditions d’une téléconsultation sont identiques à celle d’une consultation classique » suivant lien url figurant à ses écritures et d’abandonner le domaine www.docteursecu.fr, faire injonction à la société DocteurSécu de cesser, par l’intermédiaire de ses

médecins, d’accepter toute rétrocession d’honoraires par la société Dr. P AU-Schein GmbH, faire injonction à la société DocteurSécu d’indiquer sur son site le prix des

téléconsultations,

●• faire injonction à la société DocteurSécu de cesser tout prélèvement effectif avant que l’acte de téléconsultation ne soit réalisé, faire injonction à la société DocteurSécu de cesser d’imposer au consommateur

des modes particuliers de paiement, faire injonction à la société DocteurSécu de démontrer les conditions de sécurité des données dans lesquelles elle assure les consultations, et à cet égard, de fournir l’analyse d’impact relative à la protection des données,

3. En tout état de cause,

●assortir les condamnations prononcées d’une astreinte de 3 000 euros par jour de retard et par infraction constatée à compter de l’ordonnance à intervenir,

• ordonner la publication de l’ordonnance à intervenir, in extenso ou par extrait, sur la page d’accueil des sites internet www.docteursecu.fr, et www.arretmaladie.fr, ainsi que dans trois journaux ou revues périodiques nationaux et aux frais des défendeurs, condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme de 3 000 euros

sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Aux termes de leurs conclusions respectives, déposées à l’audience, et de leurs explications orales communes le CNOM, la CNAM et à la CAISSE CENTRALE DE LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE soutiennent qu’ils ont connaissance des sites en litige depuis janvier 2020; que plusieurs constats d’huissier sont produits pour justifier du contenu de ces sites ;

Que, selon eux, le site arretmaladie.fr propose la délivrance d’arrêts maladie en ligne d’une manière qu’ils décrivent comme instantanée ; que le processus repose sur un «< formulaire de préparation à la téléconsultation » par lequel le patient choisit une pathologie dans une liste sur le fondement duquel un médecin dresse un arrêt maladie présenté comme «< automatique » ; que la page d’accueil du site et la « foire aux questions » ont précisé une possibilité de remboursement variant de 30% à 100% du tarif de la téléconsultation selon plusieurs situations; que le fondateur du site revendique pour l’activité française de la société un taux délivrance d’arrêts maladie de 97%; que des procédures seraient en cours en Allemagne pour des infractions aux règles sur les produits thérapeutiques et de concurrence; que les téléconsultations sont réalisés d’après eux via l’application WhatsApp ;

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Qu’ils précisent que le site docteursecu.fr organise des téléconsultations via son site; qu’il a fonctionné en partenariat avec le site arretmaladie.fr mettant à sa disposition, en apparence plusieurs médecins, en réalité un seul, le docteur B C ; qu’une relation de conseil existe d’après leur analyse entre les deux sociétés défenderesses; que des discussions en ligne sont possibles sur le site docteursecu.fr avec des assistants médicaux dits « Dr» qui seraient selon eux des médecins étrangers ne pouvant exercer en France, notamment malgaches;

Ils considèrent que les modifications successives de l’état des sites internet l’ont été pour les besoins de la cause ; que la CNAM fonde à ce titre des demandes subsidiaires d’interdiction de rétablissement des mentions qu’elle estime supprimées au cours de la procédure;

Le CNOM explique que sa demande est recevable selon les articles L. 4122-1 et L. 4122-2 du code de la santé publique et la décision du Conseil d’Etat dite Bouguen » du 2 avril 1943, au Recueil ; qu’il sera renvoyé à ses écritures sur

ce point;

La CNAM explique que son action est recevable sur le fondement de l’article L. 221-1 du code de la sécurité sociale; qu’il sera renvoyé à ses écritures sur ce point;

Le CNOM, la CNAM et à la CAISSE CENTRALE DE LA MUTUALITE

SOCIALE AGRICOLE exposent que le contenu des sites litigieux génère plusieurs troubles manifestement illicites, qu’il convient de faire cesser, conformément aux dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, ainsi :

1. Ils présentent des moyens fondés sur la méconnaissance des règles de la profession de médecin et de sa déontologie par les défenderesses :

*Ils disent qu’en droit, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, les articles R. 4127-13, R. 4127-19 et R. 4127-20 du code de la santé publique et la jurisprudence du Conseil d’Etat font en substance interdiction aux médecins d’exercer leur profession comme un commerce en particulier en prohibant l’utilisation de procédés de publicité ou du nom du médecin à cette fin ; que le décret n°2020-73 du 31 janvier 2020 prévoit que seuls les médecins de l’ARS peuvent délivrer un arrêt de travail en cas de suspicion de contamination au Covid 19;

Qu’en l’espèce, ils exposent que la consultation réalisée pour les besoins de la cause sur le site docteursecu.fr avec le docteur B C a duré 7 minutes; que le site a mentionné « téléconsultation adulte remboursable 15 minutes 25 euros » ; que ces circonstances leur font considérer que la délivrance d’un arrêt maladie prime sur le soin ;

Qu’en l’espèce, ils soutiennent que le site arretmaladie.fr mentionne < consultez un médecin sans vous déplacer » ; qu’une vidéo sur le site a pu dire au patient de ne pas «perdre [son] temps » à aller dans le cabinet d’un médecin déconsidérant, selon eux, le rôle du médecin et sa déontologie; que cette même vidéo fait état de l’envoi de l’arrêt maladie « rapidement » ; que l’utilisation d’un reçu mentionnant les mots « votre commande » démontre, selon eux, le caractère commercial de la démarche ;

Qu’en l’espèce, il font valoir que le site arretmaladie.fr a proposé à partir du 27 février 2020 une offre permettant à toute personne d’obtenir un arrêt maladie pouvant aller jusqu’à 14 jours outre l’envoi gratuit d’un « thermomètre clinique

et d’un « masque respiratoire » ;

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*Ils ajoutent en droit que les articles R. 4127-32, R. 4127-33, R. 4127-35 du code de la santé publique prévoient que le médecin assure personnellement des soins « consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science » et conseille au patient une information « loyale, claire et appropriée sur son état » ; que l’article R. 4127-28 de ce même code prohibe la délivrance de certificats médicaux de complaisance ;

Qu’en l’espèce d’après eux, les médecins sont incités à délivrer des certificats médicaux de complaisance ce qu’ils considèrent comme une infraction à leurs règles déontologiques ; qu’un constats d'huissier daté du 27 février 2020 a abouti à la délivrance d’un constat par un médecin différent de celui qui a réalisé la consultation, selon leur argument;

*Il soutiennent encore qu’en droit les articles R. 4127-5, R. 4127-8, R. 4127-95 du code de la santé publique prévoient que le médecin est indépendant, ce qui participe de sa liberté de choix; que cette indépendance est inaliénable en particulier quand le médecin est lié par un contrat prévoyant son emploi;

Qu’en l’espèce, ils estiment que l’indépendance des médecins est atteinte par le nom même du site arretmaladie.fr incitant à la délivrance d’arrêts maladie; que de telles circonstances poussent selon eux les praticiens à enfreindre leurs règles déontologiques; qu’il font valoir que des échanges de « sms » avec le médecin de la plate-forme démontreraient cet état de fait;

*Ils soutiennent qu’en droit, l’article L. 162-2 du code de la sécurité sociale prévoit le paiement direct des honoraires par le malade; que les articles R. 4127-22, R. 4127-29, R. 4127-53 du code de la santé publique interdisent le partage d’honoraires, prévoient que les honoraires sont fixés avec «tact et mesure » et ne peuvent être réclamés qu’à l’occasion d’actes réellement effectués même s’ils relèvent de la télémédecine ; que l’article L. 4113-5 du code de la santé publique défend le partage d’honoraires avec une personne ne remplissant pas les conditions requises pour l’exercice de la profession, l’article L. 4163-3 du même code prévoyant des sanctions pénales en cas d’infraction; que l’article R. 4127-6 de ce même code prévoit pour le patient la liberté de choix du médecin ;

Qu’en l’espèce ils expliquent que la consultation prévue par le site arretmaladie.fr est réglée par l’intermédiaire du site « Paypal » ou par carte bancaire ; que la société Dr. P ne rapporte pas la preuve de ce que le patient paye directement le médecin et facture elle-même la consultation; que ces circonstances aboutissent à un paiement qu’ils considèrent détaché de l’acte réellement effectué, cette disposition s’interprétant, selon eux, comme imposant un paiement postérieur à la consultation et imposé au patient; qu’ils ajoutent que ces faits révèlent un partage d’honoraires prohibé avec une personne qui n’est pas médecin ; que seuls deux médecins étant disponibles sur le site arretmaladie.fr, la liberté de choix, dont bénéficie le patient, est méconnue ; que la rémunération du médecin de 200 euros à l’heure suppose huit rendez-vous par heure pour être rentable, soit un rendez-vous de 8 minutes en moyenne ;

Qu’en l’espèce, s’agissant du site docteursecu.fr ils indiquent que les conditions tarifaires de la consultation ne sont pas prévues alors qu’elles devaient être connues du patient avant la consultation ;

Ils disent enfin qu’en droit l’article 66 de la Convention médicale fait, selon leur analyse, interdiction au médecin de délivrer une feuille de soins lorsque celui-ci réalise des actes ou prestations non remboursables ;

Qu’en l’espèce, l’acte en cause ne peut aboutir à la délivrance d’une feuille de soin; qu’il est indifférent que les sociétés ne soient pas soumises au code de déontologie médicale;

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2. Ils présentent ensuite des moyens tirés de ce qu’ils qualifient de pratiques commerciales trompeuses :

Ils exposent qu’en droit les articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation définissent les pratiques commerciales déloyales, qui sont interdites;

Ils expose qu’en droit les dispositions précitées du code de la santé publique, en particulier ses articles R. 4127-13, R. 127-19 et R. 4127-20, par l’existence de mécanismes de publicité interdits, constitue une concurrence déloyale; que la jurisprudence judiciaire qualifie de faute civile la méconnaissance par un tiers des obligations déontologiques d’une profession, en particulier en cas de concurrence déloyale; qu’ils citent plusieurs décisions de la Cour de cassation retenant cette qualification juridique, au cas particulier pour des actes de médecine esthétique capillaire, des chirurgiens dentistes ou pour une société nommément citée dans une espèce qu’ils considèrent comparable ;

Qu’en l’espèce, ils estiment que les sites présentent l’arrêt maladie comme «< un droit » découlant d’un processus instantané; qu’une telle présentation est, d’après eux, trompeuse pour le public; que le médecin n’a pas la possibilité de prescrire des arrêts de travail supérieurs à trois jours méconnaissant son indépendance; que la défense de la société Dr. P présentant son site comme répondant à des symptômes simples méconnait la complexité de l’acte médical et le rôle du médecin ; que le nom du site docteursecu.fr incluant

< docteur » cette qualification est trompeuse d’après eux car les médecins intervenant sur le site ne seraient pas habilités à exercer en France ; qu’en mentionnant < sécu » il trompe également le public en se prévalant d’un lien officiel avec l’Assurance maladie ;

Ils font valoir qu’en droit l’article 28.6.1.2 tel qu’interprété par une décision du Conseil d’Etat du 29 mai 2019 a exclu les conventions d’ampleur nationale ; qu’une validation des organisations territoriales est faite par la commission paritaire locale ou régionale ; que cette organisation doit selon leur développements reposer sur « une organisation locale composée essentiellement de praticiens procédant à des consultations physiques » ;

Qu’en l’espèce ils qualifient le site docteursecu.fr de mensonger en décrivant des conditions de remboursement qui ne correspondent pas à ce dispositif ;

Qu’en l’espèce, et au surplus, ils ajoutent que les frais engendrés par les consultations, si elles sont remboursées, deviennent des paiements indus qu’ils qualifient de dommage imminent;

3. Ils développent enfin des moyens tirés de la méconnaissance du règlement européen 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 sur la protection des données (ci-après le « RGPD »), de la législation sur la conservation des données de santé et des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) ainsi que du CNOM :

Ils soutiennent qu’en droit l’article 35 du RGPD et la délibération de la CNIL du 11 octobre 2018, prévoient des « mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau de sécurité adapté au risque » ainsi qu’une analyse d’impact à cette fin ; que l’article 13 du RGPD exige que diverses mentions obligatoires apparaissent sur les sites; que l’article R. 1112-7 du code de la santé publique oblige à la conservation des données de santé pendant 20 ans que l’article 79 du RGPD leur permet d’agir directement en cas de méconnaissance de celui-ci sans saisine préalable de la CNIL ;

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Qu’en droit l’article L. 1111-8 du code de la santé publique prévoit un hébergement des données de santé chez un hébergeur certifié ce dont doit attester un certificat de conformité; que la jurisprudence du tribunal de grande instance de Paris considère que la circonstance que l’hébergeur ne soit pas certifié quand sont collectées des données personnelles est constitutive d’un trouble manifestement illicite : que les recommandations du CNOM et celles de la HAS prévoient notamment le recours à une plateforme sécurisée ;

Qu’en l’espèce, s’agissant du site arretmaladie.fr, ils estiment que le recours à la messagerie < WhatsApp » ne garantit pas cette sécurité; qu’en outre les données de santé sont stockées sur un site de la société « Gandi » et non du service

< Amazon Web Services », certifié, ce qui crée selon eux un risque méconnaissant les dispositions précitées ; que l’application arret maladie.web.app n’est pas hébergée par ce même service mais par la société

< Fastly » qui n’est pas non plu certifiée selon eux ; que la société « Amazon Web Services » conteste de la même manière héberger les sites litigieux ;

Qu’en l’espèce, s’agissant du site docteursecu.fr ils estiment que celui-ci est hébergé par la société « Infomaniak Network », non certifiée ; que la circonstances que la téléconsultation soit réalisée sur un site de la société

< Amazon Web Services » est sans conséquence, car les données sont aussi collectées sur le site ; que l’étude d’impact est un document technique ne méconnaissant pas le secret des affaires selon eux; que la CNIL prévoit dans la délibération qu’ils citent la possibilité de publier tout ou partie de l’étude d’impact; qu’en indiquant supprimer les données de santé au bout d’une semaine sur son site, la société Dr. P méconnaitrait ses obligations de conservation issues des textes qu’ils citent.

A cette même audience, la FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE comparait représentée par son conseil, elle demande au tribunal de:

• recevoir son intervention volontaire,

●lui donner acte qu’elle s’en rapport à la justice sur les mérites des demandes formulées par la CNAM,

●• condamner in solidum les défenderesses à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que son intervention volontaire est recevable sur le fondement des articles 325 et 330 du code de procédure civile et rappelle qu’elle regroupe 563 mutuelles dont 283 mutuelles de santé ; que même en l’absence de remboursement par l’Assurance Maladie, des frais pourraient être facturés par les mutuelles ce qui justifie selon son analyse son intervention à la présente instance.

A cette même audience, la la société SARL de droit allemand DR. P AU

SCHEIN GmbH comparait représentée par son conseil, elle demande au tribunal de:

• déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la CAISSE CENTRALE DE

LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE,

• déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la FEDERATION

NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE,

●• rejeter les demandes des demandeurs et intervenantes volontaires, rejeter les demandes reconventionnelles de la société DocteurSécu dirigée contre elle,

• subsidiairement, dire n’y avoir lieu à référé,

●ordonner le renvoi de l’affaire devant le juge du fond en application des dispositions de l’article 837 du code de procédure civile,

• condamner le CNOM à lui payer la somme de 12 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

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condamner solidairement la CNAM, la CAISSE CENTRALE DE LA

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE et la FEDERATION NATIONALE DE

LA MUTUALITE FRANCAISE à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

La société Dr. P soutient que l’article L. 6316-1 du code de la santé publique définit et autorise la télémedecine en France; que son site internet répond à des nécessités pratiques en empêchant aux patients d’aggraver leurs symptômes en se déplaçant et en offrant aux médecins un outil de rationalisation pour les pathologies simples ; qu’elle cite plusieurs articles de presse démont on elle cet état fait et que le site ne permet pas une délivrance automatique d’arrêts maladie ; qu’elle précise que son site indique explicitement que la téléconsultation n’est pas remboursée et qu’aucune feuille de soin n’est délivrée ; qu’elle décrit un processus où le patient peut indiquer une pathologie par deux formulaires en ligne, choisit un créneau horaire pour voir le médecin et que celui-ci lors du rendez-vous délivre ou non un arrêt maladie s’il l’estime nécessaire; que ces arrêts sont limités à trois jours et sont au maximum de quatre par an espacés de trois semaines selon elle, le patient étant

< bloqué » par le site dans le cas contraire ;

La société explique qu’elle a immédiatement réagi à la suite des mises en demeure de la CNAM et du CNOM pour se conformer au droit français et considère que les assignations n’ont pas tenu compte de ses ajustements ; qu’elle fait valoir que les pages relatives au coronavirus sont supprimées, que le site indique que la téléconsultation n’est pas remboursable car hors du parcours de soin et ne fait pas l’objet d’une feuille de soins, que son site ne fait pas mention d'« droit » pour le patient à obtenir un arrêt maladie, soumis à l’appréciation du médecin, qu’il décrit que son service est la mise en relation avec le médecin pour obtenir l’avis de celui-ci, que les 25 euros de la consultation sont versés directement au médecin, que le site ne méconnait pas, d’après elle, les règles relatives au partage d’honoraires et aux obligations déontologiques des médecins ;

La société soutient que la FNMF n’expose aucun frais en raison du caractère non remboursable de sa prestation, sans feuille de soins, et de la limite des arrêts maladie à trois jours couvrant le délai de carence de l’assurance maladie ; qu’elle n’a donc pas intérêt à agir selon elle;

Elle soutient que la CAISSE CENTRALE DE LA MSA n’est pas recevable en son intervention volontaire sur le fondement des articles 122, 325 et 330 du code de procédure civile pour les mêmes motifs que précités au sujet de la FNMF;

La société Dr. P estime qu’aucun trouble manifestement illicite n’est démontré par les demandeurs, ainsi :

En droit elle soutient que l’article 835 du code de procédure civile et la jurisprudence de la Cour de cassation disent que le trouble manifestement illicite doit être apprécié au jour où le juge statue ; qu’aucune mesure ne peut être prononcée si le trouble a pris fin; que les conditions ne sont pas réunies pour permettre au juge des référés, juge de l’évidence, de statuer, notamment en raison des problématiques complexes posées par l’affaire ;

1. Elle expose tout d’abord que son site ne méconnait pas la déontologie de la profession de médecin :

Qu’en droit, elle se prévaut de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment un arrêt du 4 mai 2017 et une ordonnance du 23 octobre 2018, sur le fondement de l’article 56 du traité sur le fonctionnement de

l’Union européenne et de la directive 2000/31/CE; qu’elle interprète ces décisions comme s’opposant à une réglementation nationale interdisant de manière générale et absolue toute forme de publicité pour promouvoir l’exercice d’une profession réglementée comme les médecins ;

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Qu’en droit elle considère que les articles R. 4127-13, R. 4127-19 et R. 4127-20 du code de la santé publique interdisent d’exercer la médecine comme un commerce mais que l’alinéa 2 de l’article R. 4127-19, qui interdit la publicité, doit être écarté comme contraire au droit de l’Union européenne; que la jurisprudence du Conseil d’Etat et une décision de l’Autorité de la concurrence démontrent, selon elle, la validité de son raisonnement ;

Qu’en droit, elle considère que les articles R. 4127-28, R. 4127-32 et R. 4127-35 du code de la santé publique interdisent au médecin de délivrer des certificats

médi de complaisance ; qu’elle se réfère aux articles R. 4127-22, R. 4127 29 et R. 4127-53 du même code s’agissant du système de facturation des médecins, aux articles R. 4127-5, R. 4127-8 et R. 4127-95 du même code s’agissant de leur indépendance professionnelle, aux articles L. 162-4 et L. 161 33 du code de la sécurité sociale ainsi qu’à l’article 66 de la convention nationale s’agissant de l’émission de feuilles de soins pour les actes remboursés, et à l’article R. 4127-6 du code de la santé publique pour la liberté de choix du médecin; que son analyse de la jurisprudence judiciaire exclut que le code de déontologie médicale lui soit applicable et relève de la responsabilité personnelle des médecins ;

Qu’en l’espèce, elle estime que son site arretmaladie.fr ne méconnait pas l’interdiction d’exercer la médecine comme un commerce; que celui-ci indique que l’acte n’est pas remboursé ; que la vidéo de présentation n’est pas sur le site ; que les offres relatives au Covid 19 ne sont pas supprimées ; que le site est précis sur le caractère non automatique de la délivrance de l’arrêt maladie comme sur la liberté de choix du médecin ; que son nom n’a pas pour but d’inciter à la délivrance de ces actes mais à cibler ce qu’elle considère être un motif de consultation du médecin parmi d’autres; que le mot « commande » ne méconnait pas non plus cette déontologie; que le site a évolué depuis son lancement au point d’être à ce jour inaccessible;

Qu’en l’espèce les médecins exerçant par son site ne délivrent pas de certificats médicaux de complaisance selon elle; que la téléconsultation se pratique selon les règles de l’art; qu’un article d’Europe 1 démontre cet état de fait d’après son analyse; que l’indépendance du médecin n’est pas méconnue puisque lui seul décide de délivrer ou non l’arrêt maladie à l’issue de la téléconsultation ; que les griefs fondés sur la méconnaissance des règles sur le partage d’honoraires sont erronés selon elle car reposant sur des affirmations, le médecin payant directement le patient; que l’Assurance Maladie n’aurait rient à payer d’après elle car l’arrêt maladie, d’une durée de trois jours, correspond au délai de carence de cette même durée ; qu’une redirection existe vers l’annuaire du CNOM garantissant la liberté de choix du médecin ;

2. Elle expose qu’elle ne commet aucune pratique commerciale déloyale

Qu’en droit, elle se réfère à ses moyens précédemment exposés sur la méconnaissance du droit de l’Union eu éenne; que l’article 121-1 du code de la consommation et l’article 28.6.1.1 de la convention nationale constituent ce qu’elle nomme une « base juridique floue » ; que les conditions des articles L. 121-2 et L. 121-3 du même code ne sont pas réunies selon elle; que les conditions de la concurrence déloyale procèdent de celles de la responsabilité civile définies par l’article 1240 du Code civil;

Qu’en l’espèce, elle dit que son site ne vend pas des arrêts maladie et n’en fait pas la promotion; que la délivrance éventuelle de celui-ci relève de la responsabilité du médecin; que plusieurs mentions sur son site et ses conditions générales rappellent, selon elle, cet état de fait; qu’elle se réfère à ses moyens de fait détaillés au 1. sur ce point; que le médecin vérifie la concordance entre les symptomes indiqués dans le questionnaire et les explications du patient lors de la téléconsultation pour prendre sa décision sur la délivrance de l’arrêt maladie ; qu’elle indique limiter son service à des consultations pour des cas simples et sans gravité ;

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Qu’en l’espèce, la téléconsultation ne relève pas du parcours de soins ; que l’aléa de l’obtention d’un arrêt maladie est annoncé par de nombreuses mentions sur son site ; que le taux de 97% de délivrance d’arrêts maladie date du 20 janvier 2020, et ne s’assimile pas à 100% ; que le paiement des 25 euros se fait au médecin, sans partage d’honoraires, qui peut librement être choisi selon elle par le patient se référant à l’annuaire du CNOM dont le lien est d’après elle sur son site; que les conditions de la concurrence déloyale ne sont, selon elle, pas réunies ni démontrées.

3. La société Dr. P soutient fin que son site ne méconnait pas les dispositions du règlement européen 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 sur la protection des données, les recommandations du CNOM et de la Haute autorité de santé

Qu’en droit elle se réfère à la compétence de la CNIL et exclut celle du juge des référés; qu’à tout le moins l’avis de la CNIL devrait être demandé ; que la CNAM n’a pas qualité pour agir n’étant pas l’un des utilisateurs du site communiquant ses données ; que seule une demande de communication de l’analyse d’impact est formulée ; que des mentions sur son site le rendent conforme aux exigences de l’article 13 du RGPD; que les recommandations citées du CNOM et de la Haute autorité de santé n’ont pas force obligatoire selon elle;

Qu’en l’espèce, la preuve n’est, d’après son argument, pas rapportée que l’application WhatsApp ne présente pas des garanties suffisantes; que le gouvernement a autorisé cette application pendant la crise du Covid 19 ; que la Fédération des médecins de France l’utilise ; que les demandeurs confondent l’hébergement du nom de domaine et l’hébergement du contenu du site; que son nom de domaine est hébergé hors du service « Amazon Web Services » ; que son nom de domaine est en tout état de cause hébergé désormais par ce service ; que les données sont gérées sur le site arret-maladie.web.app hébergé auprès de Google, qui est certifié ;

Qu’en tout état de cause elle ajoute que la CNAM ne justifie pas de la certitude de son préjudice pour caractériser un dommage imminent; qu’elle ne chiffre pas son préjudice; que les demandes de la société Docteursecu sont infondées car aucun lien n’existe entre leurs sites.

A cette même audience, la société SAS DOCTEURSECU comparait représentée par son conseil, elle demande au tribunal de :

• rejeter les demandes des demandeurs et intervenantes volontaires,

●condamner la CNAM à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de provision sur indemnisation de son préjudice, condamner la société Dr. P AU-Schein GmbH à lui payer la somme de

10 000 euros à titre de provision sur indemnisation de son préjudice,

●ordonner la publication de la décision à intervenir afin de lui permettre de « rétablir son honneur et sa notoriété auprès des médias et du public,

●subsidiairement, condamner la société Dr. P A U-Schein GmbH à la garantir de l’ensemble des condamnations auxquelles elle pourrait se voir condamner, limiter toute condamnation envers elle à une injonction de modification ou de rectification de son site sous astreinte, débouter la CNAM et le CNOM de leurs demandes respectives fondées sur

l’article 700 du code de procédure civile, à tout le moins exclure la solidarité entre les défendeurs pour cette condamnation,

●condamner solidairement la CNAM et les intervenants volontaires à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

●condamner le CNOM à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamner le CNOM, la CNAM et les intervenants volontaires aux dépens.

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La société DOCTEURSECU soutient que son activité de télémédecine est conforme à la législation en vigueur; que ses assistants médicaux se limitent à aider les utilisateurs du site dans leur navigation ; que seuls les médecins habilités procèdent à la téléconsultation ; qu’elle a adressé une demande à l’Agence régionale de santé pour l’informer de sa création ; que sa démarche lutte, selon elle, contre les zones à faible densité médicale et pour diminuer le recours aux urgences; qu’elle a, d’après ses explications, immédiatement sollicité la société Dr. P pour rompre les hyperliens ayant existé vers son site; qu’elle a réagi par une politique de communication pour se départir de celle-ci; qu’elle a procédé aux modifications demandées par les mises en demeure qu’elle a reçu ;

Elles explique que les demandes dirigées contre elle ne sont pas connexes à celles dirigées contre la société Dr. P; que les conditions du référé ne sont pas réunies; ; que le constat d’huissier du 5 janvier 2020 est irrégulier car réalisé en Canada par un tiers et un huissier à Paris; qu’en outre cet acte doit être écarté selon son analyse car il contrevient aux règles relatives à la loyauté de la preuve issues de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

Elle soutient qu’en droit l’article L. 121-1 du code de la consommation définit la pratique commerciale trompeuse ; que l’article 28.6.1.2 de la Convention ne fixe aucune organisation territoriale pour le recours au médecin traitant ; qu’en l’espèce son site précise cette distinction; qu’en outre les organisations territoriales de santé ne sont pas en place aujourd’hui ;

Elle expose qu’en droit l’article L. 121-5 du code de la consommation définit la pratique commerciale trompeuse ; que l’article L. 6316-2 du code de la santé publique définit le télésoin ; qu’en l’espèce ses échanges écrits avec la société Dr. P permettent d’établir, selon son argument, que lesdites pratiques n’ont pas été commises pour son compte mais pour celui de cette dernière société avec laquelle elle n’a aucune communauté d’intérêts; que le consommateur n’est pas trompé sur les caractéristiques essentielles de son offre car certains ont été effectivement remboursés et que les autres étaient informés des modalités de remboursement; que les assistants médicaux qu’elle emploi sont des auxiliaires médicaux réalisant des activités de télésoin ; qu’elle vérifie que ses médecins soient inscrits en France ; qu’elle indique sur sa première page n’être pas un service de l’Assurance Maladie; que la marque « La Sécu » n’est pas déposée près de l’INPI s’agissant de la télécommunication;

La société DOCTEURSECU précise que la jurisprudence judiciaire exclut l’opposabilité des règles déontologiques, au cas présent celles du médecin, aux tiers; qu’en l’espèce elle n’interfère pas dans la médecine et met à disposition des médecins un outil de téléconsultation ;

Elle ajoute qu’en droit elle estime n’avoir pas méconnu l’article R. 4127-19 du code de la santé publique; que l’interdiction de la public é est contraire au droit de l’Union européenne tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et illustré par une décision de l’Autorité de la concurrence du 15 janvier 2019;

Elle se prévaut des dispositions des artciles R. 4127-7 et R. 4127-47 pour dire que la continuité des soins lui impose de pouvoir traiter les patients se rendant sur son site, y compris s’ils proviennent par hyperlien et malgré elle, du site arretmaladie.fr; qu’en outre elle considère que la méconnaissance alléguée des obligations déontologiques n’est pas démontrée car les arrêts maladie n’ont pas été systématiquement délivrés; que les médecins sont rémunérés directement par les patients; elle-même, leur facturant un forfait de prestation;

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La société DOCTEURSECU soutient que les données de santé sont hébergées par la société < Amazon Web Services » ; qu’elle ne réalise pas ses consultations par Whatsapp mais via une application < Software as a Service » plus sécurisée ; qu’elle ne méconnait pas le RGPD mais se refuse à communiquer contradictoirement son étude d’impact qui contient selon elle des éléments stratégiques pour son activité; que les chat de discussion ont été supprimés et ne contenaient aucune donnée de santé en tout état de cause d’après elle; qu’elle estime qu’aucun dommage imminent ne peut lui être imputé et rappelle que le ministère de la santé la gratifie d’une note maximale pour la sécurité de sa solution informatique ;

Elle estime qu’elle a été trompée par des manoeuvres de la société Dr. P, qui a utilisé des hyperliens vers son site sans son autorisation ; qu’elle considère que la médiatisation de l’activité du site arretmaladie.fr lui a causé un préjudice, son image étant dégradée ; qu’en outre, elle considère que le CNOM a adressé à plusieurs médecins travaillant avec elle des courriers de mise en garde, poussant ceux-ci à cesser d’utiliser ses services, justifiant, selon elle, de faire droit à sa demande de provision.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l’audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.

La décision a été mise en délibéré au 6 novembre 2020 par mise à disposition au greffe.

SUR CE

L’article 6 paragraphe I, 8°, de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose que « l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1, toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne (…)».

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile « le président du tribunal judiciaire [peut] toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. / Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [il peut] accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

L’existence d’un trouble manifestement illicite s’apprécie au moment où le juge statue.

1. Recevabilité

Il sera constaté à titre liminaire que le CNOM a intérêt à agir sur le fondement des articles L. 4121-2 et L. 4122-1 du code de la santé publique afin de défendre l’intérêt collectif de la profession médicale.

La CNAM a intérêt à agir sur le fondement de l’article L. 221-1 du code de la sécurité sociale définissant son objet.

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La CAISSE CENTRALE DE LA MSA est recevable en son intervention volontaire conformément à l’article 330 du code de procédure civile, celle-ci contribuant à la mise en œuvre par l’Assurance Maladie de la politique de santé ainsi qu’à l’organisation du système de soins conformément à l’article L. 723-12 1 du code rural et de la pêche maritime.

La FNMF justifie de la même manière d’un intérêt à agir pouvant exposer des frais en cas de délivrance d’arrêts maladie injustifiés; la limitation à trois jours de ces actes ne relevant que d’une pratique alléguée par la société DR. P.

2. Faits pertinents

En l’espèce, l’activité des deux sites internet litigieux est décrite par plusieurs constats d’huissiers :

2.1 Le procès-verbal de constat du 5 janvier 2020

Par acte du 5 janvier 2020, Maître D E, huissier de justice, constate que le site arretmaladie.fr est en activité. Monsieur F X, tiers, l’assiste en naviguant sur le site.

Contrairement à ce que soutient la société DOCTEURSECU, aucun élément ne permet de démontrer que ce constat a été établi hors de France ou de manière irrégulière.

La demande tendant à l’écarter des débats est donc rejetée.

Lapage d’accueil du site mentionne « Arrêt maladie sans se déplacer, En ligne en pdf, Rapide et fiable, Remboursable (sous conditions) ».

La page présente trois étapes : « 1. remplissez le questionnaire, 2. Faites un appel vidéo avec notre médecin, 3 Recevez votre arrêt maladie ». La même page indique que le médecin « appellera dés que possible pour un court appel vidéo »>.

Suit un onglet < Demander un arrêt maladie » qui permet d’accéder à une liste pouvant être qualifiée de pathologies « coup de froid, stress, douleurs menstruelles, gastro-entérite (…) ». Monsieur X clique sur « coup de froid »>.

Il est redirigé vers le site docteursecu.fr.

Il rempli, ainsi qu’il y est invité, un questionnaire détaillé sur ce même site portant sur ses symptômes, ses antécédents médicaux et son suivi médical antérieur. Il renseigne dans une catégorie prévue à cet effet ses coordonnées et son numéro de sécurité sociale et valide le formulaire.

Une nouvelle page s’affiche mentionnant un lien lui permettant de prendre

< rendez-vous avec un médecin généraliste ».

Il est redirigé vers le site app.docteursecu.fr.

Suit une liste de trois « médecins généralistes » dont le docteur B C, que Monsieur X sélectionne.

Il se voir proposer deux types de rendez-vous, adulte ou enfant, tous deux

< remboursables », suivant mention, et durant « 15 minutes ». Le prix affiché est respectivement de 25 euros et 30 euros. Le système est décrit comme

< totalement sécurisé et crypté ». Le tiers choisit celle pour adulte et un rendez vous à 21h00.

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Il sélectionne un mode de paiement < Paypal », Monsieur X rentre ses coordonnées bancaires, est remercié par une fenêtre lui présentant un lien vers

< la salle d’attente virtuelle ». Une facture lui est simultanément adressée par mail au nom de Docteursecu d’un montant de 25 euros.

Un numéro de téléphone mobile le joint sans qu’une conversation ne débute. Monsieur X envoie deux sms décrivant ses symptômes sans réponse. Rappelant le numéro, il discute avec le médecin pendant 7 minutes.

Un mail daté du 5 janvier 2020, que l’huissier reçoit pourtant à 22h17, après avoir débuté ses opérations à 20h41 comprend : une ordonnance prescrivant des médicaments, un certificat d’arrêt de travail pour le 6 janvier 2020 et une feuille de soins vierge à l’exception des coordonnées du médecin et de la mention « TCG » facturée 25 euros.

Sollicité par mail du tiers pour connaître les modalités de remboursement, le médecin ne répond pas.

Par acte distinct du 15 janvier 2020, Maître D E, huissier de justice, constate que le site arretmaladie.fr à la date du 7 janvier, suivant archivage informatique, reprenait les mêmes mentions que précédemment décrites jusqu’au basculement sur le site docteursecu.fr.

2.2 Le procès-verbal de constat du 27 février 2020 et les constats relatifs à l’état du site arretmaladie.fr

Par acte du 27 février 2020, Maître D E, huissier de justice, constate que le site arretmaladie.fr est en activité et observe la navigation de Madame G Y, tiers, qui l’assiste.

Celui-ci mentionne désormais sur sa page d’accueil « Consultez un médecin sans vous déplacer, acte médical valide, confidentiel et sécurisé, 25 € non remboursable hors parcours de soins »>.

La page présente trois étapes: < 1. remplissez le questionnaire, 2 téléconsultez un médecin, 3 obtenez l’avis d’un médecin ». La même page indique désormais que la consultation en ligne est « 25€ non remboursable » et que le médecin « à l’issue de la téléconsultation pourra délivrer un arrêt maladie s’il le juge nécessaire (3 jours max) »>.

En sus de l’onglet « Commencer maintenant » qui remplace l’onglet « Demander un arrêt maladie », un onglet « Quarantaine (COVID-19) 0€ existe ».

Suit un questionnaire hébergé sur le site arretmaladie.fr demandant de décrire des symptômes relatifs au Covid 19 ainsi que l’infection éventuelle de

< collaborateurs ou clients au sein de votre entreprise »>.

Madame Y le renseigne et le valide puis se voit proposer un lien « pour préparer Whatsapp à recevoir la consultation vidéo », lui permettant d’envoyer un message et de se faire rappeler par un médecin.

Madame Y est d’abord redirigée vers le site api.whatsapp.com_ puis vers le site arretmaladie.fr, où elle est amenée à sélectionner une pathologie parmi une liste. Elle sélectionne « Gastro-entérite ».

Elles est redirigée vers le site arretmaladie.web.app ou elle est invitée à renseigner de nombreuses catégories indiquant ses symptômes, son ressenti sur sa capacité à travailler et dans combien de temps elle s’estimera apte au travail. Elle ajoute, in fine, son numéro de sécurité sociale et ses coordonnées.

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Elle est invitée à payer 25 euros ce qu’elle fait. Une page apparaît en petits caractères où figure un lien vers l’annuaire des professionnels de santé de l’assurance maladie. Elle est, au même moment, contactée par un numéro mobile sur l’application Whatsapp sur son téléphone. L’appel dure moins de cinq minutes.

Un lien lui est envoyé le soir même pour télécharger un arrêt maladie à réception d’un « sms ». Une facture lui est adressée au nom de la société DR. P.

Le lendemain, un lui est envoyé mentionnant le mêm lien lui permettant de télécharger un arrêt de travail signé par le docteur H I pour une durée de un jour.

Un précédent procès-verbal de constat d’huissier du 12 février 2020, réalisé par Maître J K à la demande de la société DR. P réalise des constatations identiques à l’exception du site recevant les déclarations des partients sur les symptômes, qui est alors arremaladie.fr et non arretmaladie.web.app.

Ce constat relève par ailleurs un lien du site vers l’annuaire du CNOM et des captures d’écran des conditions générales du site.

Un procès-verbal de constat d’huissier daté des 4 et 5 mai 2020, réalisé par Maître L M, décrit un fonctionnement en partie similaire du site arretmaladie.fr ne permettant pas de remettre en cause les précédentes constatations. Le questionnaire permettant d’indiquer les symptômes et antécédents médicaux est encore renseigné sur le site arretmaladie.fr.

2.3 Le procès-verbal de constat du 7 mai 2020 relatif à l’état du site docteursecu.fr

Par acte du 7 mai 2020, Maître H N, huissier de justice, effectue la recherche < docteursecu » sur le site google.fr. Le site y est référencé comme

< consultez un professionnel de santé 7/7, consultation avec un professionnel de santé accessible en ligne ».

Sur le site docteursecu.fr, l’huissier relève que la page d’accueil mentionne les mots < consultez un médecin en vidéo / consultation médicale en ligne depuis votre ordinateur ou sur votre smartphone »>.

Le site précise que tous ses médecins sont « diplômés en France et inscrits à l’ordre des médecins ». Une indication écrite précise que la téléconsultation est possible en cas de suspicion de coronavirus et que celle-ci est « 100% remboursable ».

Le site prévoit trois étapes :

1. « je recherche mon médecin traitant ou un autre praticien disponible en ligne », il est possible de discuter avec « nos assistants médicaux pour vous aider lors de la prise de rendez-vous et dans la préparation de votre téléconsultation »,

2. < je réalise ma téléconsultation avec mon médecin traitant ». Il est précisé que

< [vous] pouvez récupérer ensuite vos documents (ordonnance, feuille de soins…) sur votre espace sécurisé ».

3. < ma téléconsultation peut être remboursée (…) la situation de votre prise en charge dépend de votre situation dans le parcours de soins coordonnés »

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Une précision est ajoutée sous ces lignes pour dire que si la consultation n’est pas éligible au remboursement, alors le tarif est fixe et ne sera pas remboursé. Une fenêtre est ouverte sur le site permettant de renseigner le nom et le prénom de l’utilisateur.

En cliquant sur l’onglet « rechercher un professionnel de santé » l’huissier est redirigé vers le site app.docteursecu.fr. Une liste de médecins s’affiche.

Le procès-verbal décrit ensuite plusieurs pages du site docteursecu.fr relatives au coronavirus. chève en cliquant sur un onglet « je suis médec » qui permet à l’utilisateur de s’inscrire ou de se connecter à un espace sur le site manager.docteusecu.fr

Plusieurs articles de presse circonstanciés décrivent un fonctionnement similaire à celui décrit par les constats d’huissiers.

Par deux courriers du 9 janvier 2020, la CNAM met en demeure la société DOCTEURSECU et la société DR. P de procéder respectivement au retrait du site docteursecu.fr et arretmaladie.fr.

Par courriels en réponse du jour même et du 10 janvier 2020, Monsieur O P, gérant de la société DR. P, indique avoir « supprimé toutes les informations sur l’ensemble du site concernant le remboursement » et avoir ajouté des mentions pour rappeler que le médecin décide de prescrire ou non l’arrêt.

Par courrier de son avocat du 10 janvier 2020, la société DOCTEURSECU présente une argumentation juridique, conteste avoir autorisé le lien vers son site depuis arretmaladie.fr et décrit son activité comme une « plateforme de téléconsultation qui permet d’apporter un support aux médecins qui souhaitent la pratiquer ». Ce courrier mentionne l’existence de médecins étrangers agissant comme « assistants » et s’engage à ne plus faire précéder leurs noms des initiales

< Dr »>.

A l’audience, les parties expliquent que l’état des sites internet a évolué depuis l’assignation, si bien que les sites internet seraient aujourd’hui inutilisables selon la société DR. P qui, devant le tribunal, démontre que sa page d’accueil est inutilisable.

Cet état de fait est contesté. Dans ses écritures, la CNAM fait principalement état de modifications tenant :

-pour le site arretmaladie.fr, à la suppression de mention de promesses de remboursement et d’incitation à l’obtention d’un arrêt maladie, d’une offre relative au Covid 19 ainsi qu’à l’ajout de mentions exigées par l’article 13 du RGPD,

-pour le site docteursecu.fr, à la suppression de mentions relatives à la feuille de soins et au remboursement corrélatif par l’Assurance Maladie.

Ces circonstances, non contestées, seront retenues comme établies. Il en va de même des liens entre les sites arretmaladie.fr et docteursecu.fr, ayant existé sous forme de renvois ou d’hyperliens, qui sont considérés comme inexistants au jour du présent jugement.

En l’absence d’autres éléments de preuve plus récents permettant de décrire l’état actuel des sites internet, il convient de se rapporter aux constats d’huissier des 12 février 2020, 27 février 2020, 4 et 5 mai 2020 pour le site arretmaladie.fr et à celui du 7 mai 2020 pour le site docteursecu.fr ainsi qu’au premier constat du 5 janvier 2020 pour les éléments qui n’ont pas été vérifiés lors des constats postérieurs.

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3. La méconnaissance des règles applicables à la télémédecine

Aux termes de l’article L.6316-1 du code de la santé publique : « la télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport un professionnel médical avec un ou plusieurs professionnels de santé, entre eux ou avec le patient et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient. / Elle permet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d’effectuer une surveillance de l’état des patients. / La définition des actes de télémédecine ainsi que leurs conditions de mise en œuvre sont fixées par décret »>.

Selon l’article R. 6316-1 de ce même code : « relèvent de la télémédecine définie à l’article L. 6316-1 les actes médicaux, réalisés à distance, au moyen d’un dispositif utilisant les technologies de l’information et de la communication. Constituent des actes de télémédecine : / 1° La téléconsultation, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation. Les psychologues mentionnés à l’article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social peuvent également être présents auprès du patient; (…) »

3.1 La protection de l’intérêt des assurés sociaux, de la santé publique, du respect de la liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins

Aux termes de l’article L. 162-2 du code de la sécurité sociale « dans l’intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, la liberté d’installation du médecin, sauf dispositions contraires en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 71-525 du 3 juillet 1971 ».

Aux termes de l’article L. 4113-5 du code de la santé publique « il est interdit à toute personne ne remplissant pas les conditions requises pour l’exercice de la profession de recevoir, en vertu d’une convention, la totalité ou une quote part des honoraires ou des bénéfices provenant de l’activité professionnelle d’un membre de l’une des professions régies par le présent livre. Cette disposition ne s’applique pas à l’activité de télémédecine telle que définie à l’article L. 6316-1 et aux coopérations entre professionnels de santé prévues aux articles L. 4011-1 à L. 4011-4. / Cette interdiction ne fait pas obstacle à l’application des dispositions de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ».

La télémédecine, lorsqu’elle met en rapport un professionnel médical et un patient, ne peut régulièrement s’exercer que dans le respect de la déontologie propre à cette profession.

S’agissant de la profession de médecin, l’organisation de l’activité de télémédecine n’est régulière que lorsqu’elle se conforme aux principes déontologiques mentionnés aux articles. L. 4127-1 et R. 4127-1 et suivants du code de la santé publique qui ne sont pas opposables aux tiers.

L’interdiction du partage d’honoraires, protectrice de la rémunération de l’activité médicale, ne s’applique pas à l’activité de télémédecine.

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Un tel partage ne peut toutefois légalement intervenir lorsque ses modalités d’organisation méconnaissent les principes déontologiques fondamentaux protégeant l’intérêt des assurés sociaux et la santé publique, en particulier le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade, définis à l’article L. 162-2 du code de la santé publique et opposables aux sociétés organisant cette activité.

En l’espèce, la société DR. P, par le site arretmaladie.fr, organise un système de mise en relation numérique éphémère entre un médecin et un patient ayant pour seul objet d’établir un avis médical sur la délivrance d’un arrêt de travail, sporadiquement refusé.

Celle-ci reconnaît à l’audience que son activité, économique, cible ce qu’elle considère être un motif de consultation du médecin parmi d’autres : l’obtention d’un arrêt de travail pour des pathologies sans gravité aux yeux du patient.

Le nom de domaine du site « arretmaladie.fr » permet d’établir sans ambiguïté cet objet et invite nécessairement les médecins à apprécier avec souplesse les motifs permettant de délivrer des certificats, qui peuvent être qualifiés de complaisants.

Les médecins apparaissent dans ce cadre soumis à un impératif de rentabilité et d’examen superficiel, ce dont atteste la courte durée des appels, ici réalisés par téléphone et non par visio-conférence. De fait, la société DR. P revendique la limitation à trois jours des certificats d’arrêt de travail délivrés par les médecins partenaires de son site.

En outre, la rémunération du médecin est facturée par la société au patient. La destination de ces fonds est, en l’état des éléments de la cause, inconnue.

A lui seul, ce système et la protection de la rémunération du médecin qu’il peut, ou non, préserver, est indifférent s’agissant d’une activité de télémédecine.

Ajouté à la célérité de la consultation, à l’impératif de rentabilité, et au caractère erratique de la consultation, ce mode de rémunération contrevient aux principes de liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins ainsi qu’aux principes déontologiques fondamentaux que sont la liberté de prescription du médecin et le paiement direct des honoraires par le malade.

Ces circonstances constituent un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

En l’espèce, la société DOCTEURSECU organise par son site du même nom un système de mise en relation entre un patient et un professionnel de santé sous la forme d’une téléconsultation préparée à l’aide d’outils numériques.

Les utilisateurs du site sont invités, avant d’entrer en contact avec le médecin, et à renseigner un questionnaire détaillé sur leur état de santé. Ils peuvent être conseillés via une fenêtre de discussion, « un chat », par ce que la société nomme des « assistants médicaux ».

Il ressort des éléments de la cause que ces assistants sont en réalité des professionnels de santé étrangers, pouvant être médecins mais n’étant pas autorisés à exercer en France.

Sauf à méconnaître les règles relatives à la protection des données de santé, ainsi qu’il sera détaillé ci-après, l’existence d’un questionnaire de préparation ne peut en elle-même être contraire aux principes déontologiques fondamentaux précités.

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Le site en litige organise toutefois une relation avec le médecin reposant, selon ses conditions générales, en partie sur les « informations fournies par les utilisateurs » pouvant être limitées par le questionnaire et influencées par des

< assistants médicaux » non habilités à exercer la médecine en France.

Ces circonstances contreviennent aux principes de liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins ainsi qu’aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin et le secret professionnel.

Ces circonstances constituent un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

3.2. Le cadre territorial de la télémédecine

La convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’Assurance Maladie, signée le 25 août 2016, est approuvée par arrêté du ministre de la santé du 20 octobre 2016. Elle organise à son article 28.6 le recours aux actes de télémédecine, l’article 28.6.1 organise la téléconsultation qui est l’une de ses modalités.

Il est constant que ces dispositions définissent le domaine de la téléconsultation comme reposant sur une organisation territoriale, dont il résulte clairement de la convention qu’elle ne peut être d’ampleur nationale. Elle doit être fondée, même dans le cas régi par le point 28.6.1.2 où il est dérogé au principe de téléconsultation par le médecin traitant, sur une organisation locale composée essentiellement de praticiens procédant à des consultations physiques, sans que puisse être exclu entièrement le recours à d’autres patriciens ou spécialistes installés hors du territoire concerné. La téléconsultation ne peut, dans la perspective de la convention, qu’être délivrée accessoirement à une activité principale de consultation réelle, pour suppléer notamment à l’absence de praticiens, ou à la difficulté du patient de se déplacer, et si elle peut, à titre dérogatoire, concerner des patients sans médecin référent, c’est dans la perspective qu’ils puissent en trouver un, et donc principalement au bénéfice de patients domiciliés dans le territoire concerné.

En l’espèce, les deux sites litigieux apparaissent détachés de l’organisation territoriale définie par ces dispositions.

Les médecins peuvent ainsi librement, par l’intermédiaire de ces sites, donner consultation, prescrire des soins et délivrer des arrêts de travail de manière indépendante de l’organisation territoriale prévue par la réglementation précitée, qui est donc méconnue avec l’évidence requise en référé.

Ces circonstances constituent un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

4. La protection des données de santé

4.1 Les dispositions du règlement européen 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 sur la protection des données

Vules articles 13 et 77 du règlement européen 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 sur la protection des données,

L’article 9 du même règlement < traitement portant sur des catégories particulières de données à caractère personnel » dispose que « le traitement des données à caractère personnel qui révèle l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale, ainsi que le traitement des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique sont interdits (…)».

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L’article 35 de ce même règlement « analyse d’impact relative à la protection des données » dispose que « 1. Lorsqu’un type de traitement, en particulier par le recours à de nouvelles technologies, et compte tenu de la nature, de la portée, du contexte et des finalités du traitement, est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques, le responsable du traitement effectue, avant le traitement, une analyse de l’impact des opérations de traitement envisagées sur la protection des données à caractère personnel. Une seule et même analyse peut porter sur un ensemble d’opérations de traitement similaires qui présentent des risques élevés similaires. 2. Lorsqu’il effectue une analyse d’impact relative à la protection des données, le responsable du traitement demande conseil au délégué à la protection des données, si un tel délégué a été désigné.

3. L’analyse d’impact relative à la protection des données visée au paragraphe 1 est, en particulier, requise dans les cas suivants: (…) b) le traitement à grande échelle de catégories particulières de données visées à l’article 9, paragraphe 1, ou de données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales et à des infractions visées à l’article 10; (…), 7. L’analyse contient au moins:

a) une description systématique des opérations de traitement envisagées et des finalités du traitement, y compris, le cas échéant, l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement; b) une évaluation de la nécessité et de la proportionnalité des opérations de traitement au regard des finalités; c) une évaluation des risques pour les droits et libertés des personnes concernées conformément au paragraphe 1; et d) les mesures envisagées pour faire face aux risques, y compris les garanties, mesures et mécanismes de sécurité visant à assurer la protection des données à caractère personnel et à apporter la preuve du respect du présent règlement, compte tenu des droits et des intérêts légitimes des personnes concernées et des autres personnes affectées (…) »

Par délibération n°2018-327 du 11 octobre 2018, la Commission nationale de l’informatique et des libertés décide « de l’adoption de la liste annexée à la présente délibération portant sur les types d’opérations de traitement pour lesquelles une analyse d’impact relative à la protection des données est requise. Cette liste a un caractère non-exhaustif. Conformément à l’article 35.1 du

RGPD, une AIPD devra être réalisée dès lors que le traitement est susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques. Cette liste est basée sur les lignes directrices du CEPD relatives à l’analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD) qu’elle vient compléter et préciser pour des traitements spécifiques »>.

L’annexe à cette décision mentionne parmi la liste des types d’opérations de traitement pour lesquelles une analyse d’impact relative à la protection des données est requise le « traitements de données de santé mis en œuvre par les établissements de santé ou les établissements médico-sociaux pour la prise en charge des personnes (…) [et le] traitements des données de santé nécessaires à la constitution d’un entrepôt de données ou d’un registre (…) ».

Selon l’article 9 du code de procédure civile « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Ainsi que l’exprime clairement l’article 77 précité, la compétence de l’autorité de contrôle s’exerce sans préjudice de tout autre recours, notamment juridictionnel.

Le moyen tiré de la méconnaissance du règlement en l’absence d’une saisine préalable de la CNIL ne saurait donc être écarté comme le soutiennent les défenderesses.

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Il est constant que les données traitées par les sites litigieux sont des données de santé, visées par l’article 9 du règlement, prenant notamment la forme de descriptions par les patients de leurs symptômes, antécédents médicaux et situations personnelles.

De telles données sont nécessairement soumises à l’étude d’impact visée par l’article 35 du règlement. Les questionnaires décrits par les pièces versées aux débats sont particulièrement détaillés à cette fin.

Les griefs tirés de l’article 13 du même règlement ont fait l’objet de modifications de la part des sites internet, de sortes qu’il n’est pas établi avec l’évidence requise en référé que les données de santé sont, en l’espèce, communiquées sans le consentement du patient.

La charge de la preuve de cet état de fait repose toutefois sur les demandeurs à l’action qui ne justifient pas de l’absence de l’étude d’impact qu’ils allèguent, par exemple en démontrant avoir sollicité la Commission nationale de l’informatique et des libertés à cette fin.

Faute de preuve, le moyen manque en fait et sera écarté.

4.2 Les dispositions du code de la santé publique

Selon l’article L. 1111-8 du code de la santé publique « I.-Toute personne qui héberge des données de santé à caractère personnel recueillies à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic, de soins ou de suivi social et médico social, pour le compte de personnes physiques ou morales à l’origine de la production ou du recueil de ces données ou pour le compte du patient lui-même, réalise cet hébergement dans les conditions prévues au présent article. / L’hébergement, quel qu’en soit le support, papier ou numérique, est réalisé après que la personne prise en charge en a été dûment informée et sauf opposition pour un motif légitime. / La prestation d’hébergement de données de santé à caractère personnel fait l’objet d’un contrat. II.-L’hébergeur de données mentionnées au premier alinéa du I sur support numérique est titulaire d’un certificat de conformité. S’il conserve des données dans le cadre d’un service d’archivage électronique, il est soumis aux dispositions du III. / Ce certificat est délivré par des organismes de certification accrédités par l’instance française d’accréditation ou l’instance nationale d’accréditation d’un autre Etat membre de l’Union européenne mentionnée à l’article 137 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de

l’économie. / Les conditions de délivrance de ce certificat sont fixées par décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et des conseils nationaux de l’ordre des professions de santé. (…) ».

L’article R. 1111-8-8 du même code précise que « l’activité d’hébergement de données de santé à caractère personnel mentionnée au I de l’article L. 1111-8 consiste à hé ger les données de santé à caractère rsonnel recueillies à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic, de soins ou de suivi social et médico-social : / 1° Pour le compte de personnes physiques ou morales, responsables de traitement au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, à l’origine de la production ou du recueil de ces données ; / 2° Pour le compte du patient lui-même. / Toutefois, ne constitue pas une activité d’hébergement au sens de l’article L. 1111-8, le fait de se voir confier des données pour une courte période par les personnes physiques ou morales, à l’origine de la production ou du recueil de ces données, pour effectuer un traitement de saisie, de mise en forme, de matérialisation ou de dématérialisation de ces données.

/ II. – Les responsables de traitement mentionnés au 1° du I, qui confient l’hébergement de données de santé à caractère personnel à un tiers, s’assurent que celui-ci est titulaire du certificat de conformité mentionné au II de l’article L. 1111-8 ».

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Aux termes de l’article R. 1111-8-9 du même code « est considérée comme une activité d’hébergement de données de santé à caractère personnel sur support numérique au sens du II de l’article L. 1111-8, le fait d’assurer pour le compte du responsable de traitement mentionné au 1° du I de l’article R. 1111-8-8 ou du patient mentionné au 2° du I de ce même article, tout ou partie des activités suivantes :

1° La mise à disposition et le maintien en condition opérationnelle des sites physiques permettant d’héberger l’infrastructure matérielle du système d’information utilisé pour le traitement des données de santé ;

2° La mise à disposition et le maintien en condition opérationnelle de l’infrastructure matérielle du système d’information utilisé pour le traitement de données de santé ;

3° La mise à disposition et le maintien en condition opérationnelle de l’infrastructure virtuelle du système d’information utilisé pour le traitement des données de santé ;

4° La mise à disposition et le maintien en condition opérationnelle de la plateforme d’hébergement d’applications du système d’information ;

5° L’administration et l’exploitation du système d’information contenant les données de santé ;

6° La sauvegarde des données de santé ».

L’article R. 1111-8-10 du code de la santé publique, qui suit, établit une procédure d’agrément par le ministre de la santé précisée par le décret 2018-137 du 26 février 2018. La liste est communiquée sur le site internet de l’A gence du numérique de santé.

Selon l’article R. 6316-3 du code de la santé publique, « chaque acte de télémédecine est réalisé dans des conditions garantissant : 1° a) L’authentification des professionnels de santé intervenant dans l’acte ; b) L’identification du patient;

c) L’accès des professionnels de santé aux données médicales du patient nécessaires à la réalisation de l’acte ;

2° Lorsque la situation l’impose, la formation ou la préparation du patient à l’utilisation du dispositif de télémédecine ».

L’article R. 6316-10 de ce même code dispose que « les organismes et les professionnels de santé utilisateurs des technologies de l’information et de la communication pour la pratique d’actes de télémédecine s’assurent que l’usage de ces technologies est conforme aux dispositions prévues au quatrième alinea de l’article L. 1111-8 du code de la santé publique relatif aux modalités d’hébergement des données de santé à caractère personnel. / Le consentement exprès de la personne, prévu au premier alinéa de ce même article L. 1111-8, peut être exprimé par voie électronique ».

A titre liminaire, en l’état des pièces produites, la présente juridiction ne dispose pas des éléments de fait permettant de dire ou d’infirmer que l’application

< Whatsapp » ne permet pas des échanges sécurisés comme le soutiennent les demanderesses, ce moyen sera donc écarté en l’absence de preuve.

En l’espèce, les sociétés défenderesses indiquent que leurs serveurs sont hébergés par « Amazon Web Services » dont il n’est pas contesté qu’il est un hébergeur certifié.

Un document produit par la société DOCTEURSECU nommé « architecture technique » désigne ce même hébergeur. Une facture de la société « AWS » est produite pour un montant résiduel.

Les documents techniques produits par les demandeurs, nommés « extraits Whois » permettent d’établir que :

-le site arretmaladie.fr est hébergé par « GANDI », son serveur est situé en Israël,

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-le site arretmaladie.web.app est hébergé par « FASTLY », son serveur est situé aux Etats-Unis,

-le site docteursecu.fr est hébergé par « INFOMANIAK NETWORK SA », son serveur est situé en Suisse,

Les modalités d’hébergement du site app.docteursecu.fr.app sont, en l’état, inconnu.

Contrairement au moyen de défense de la société DR. P, il n’est pas démontré que l’hébergement des données et l’hébergement du nom de domaine soient distincts au cas d’espèce

Joint par la CNAM, l’avocat de la société « Amazon Web Services » explique que ce service n’héberge pas les données des sites arretmaladie.fr et docteursecu.fr.

Ce courrier annexe deux extraits «< Whois » dont l’un mentionne un hébergeur certifié, GOOGLE, sans qu’il soit possible d’interpréter ce document comme garantissant cet hébergement l’absence de mention des sites en litige.

Le service < Amazon web services » est un hébergeur certifié par le décret n°2018-137 du 26 février 2018. Les autres hébergeurs cités ci-avant ne le sont pas.

Sur le site arretmaladie.fr et le site arretmaladie.web.app qui en est le prolongement, les utilisateurs sont invités à renseigner de nombreux éléments relatifs à leur état de santé et leurs antécédents médicaux. Ces sites hébergent donc des données de santé à caractère personnels visés par les dispositions précitées.

Leur hébergement est réalisé auprès d’hébergeurs non certifiés en méconnaissance manifeste de ces mêmes dispositions ce qui constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

Sur le site docteursecu.fr et le site app.docteursecu.fr.app qui en est le prolongement, de la même manière, les utilisateurs sont invités à renseigner de nombreux éléments relatifs à leur état de santé et leurs antécédents médicaux.

Ces sites hébergent donc des données de santé à caractère personnels visés par les dispositions précitées.

Les modalités d’hébergement du site app.docteursecu.fr.app sont inconnues. Toutefois, il ressort du premier constat d’huissier précité que le questionnaire sur lequel reposent les données de santé est hébergé sur le site docteursecu.fr

Leur hébergement est réalisé auprès d’hébergeurs non certifiés en méconnaissance manifeste de ces mêmes dispositions ce qui constitue un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.

-000

Les troubles manifestement illicites constatés, qui exposent les données de santé des utilisateurs et méconnaissent la protection des assurés sociaux et de la santé publique sont graves.

Les modifications nécessaires des sites litigieux pour éventuellement se conformer au cadre législatif précité sont incertaines tant sur le plan technique que sur la pérennité des modifications.

En conséquence, et sans qu’il soit besoin de statuer sur le surplus des moyens, présentés, il sera fait droit aux demandes principales et procédé à la fermeture des sites sous astreinte fixée dans les conditions du dispositif.

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5. Les demandes reconventionnelles de la société Docteur secu

Les demandes de la société DOCTEURSECU sont indemnitaires et reposent sur

l’identification d’un fait, soit de la société DR. P, soit du CNOM, lui causant un dommage allégué.

L’appréciation de cette qualification juridique relève, pour chacune des demandes reconventionnelles au regard des pièces produites, de l’appréciation des conditions de la responsabilité civile, ce qui préjudicie au fond. Elles sont donc sérieusement contestables.

La société DOCTEURSECU étant également condamnée pour les activités de son site, sa demande de garantie ne remplit pas les conditions fixées par l’article 835 du code de procédure civile.

Il est dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles.

6. Les demandes accessoires

Les conditions de l’article 837 du code de procédure civile n’apparaissent pas réunies et il est dit n’y avoir lieu à ordonner le renvoi devant le juge du fond.

Les conditions de la publication de la décision dans les organes de presse n’apparaissent pas réunies.

La demande de rétrocession de nom du domaine « docteursecu.fr » et celle de radiation de ce nom de domaine se heurtent à l’inscription de la marque « La Sécu » près de l’INPI qui est incertaine s’agissant de la télécommunication ainsi que le soulève la société DOCTEURSECU en défense. La demande est donc sérieusement contestable, il n’y a lieu à référé la concernant.

La société DOCTEURSECU et la société DR. P, parties perdantes, sont condamnées aux entiers dépens.

La complexité du présent litige et les échanges nombreux entre les parties, y compris en période de confinement, justifient de faire droit au demandes fondées sur l’article 700, en équité à défaut d’aucun justificatif, de la manière suivante :

-3 000 euros pour la CAISSE CENTRALE DE LA MSA,

-10 000 euros pour la CNAM,

-10 000 euros pour le CNOM.

Ces sommes seront payées par moitié par la société DR. P et la société DOCTEURSECU tenues in solidum.

La demande de la Fédération nationale de la mutualité française est limitée en équité à la somme de 1 500 euros, celle-ci n’ayant formé aucune prétention spécifique et s’en rapportant à la justice en soutenant les demandes principales.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement par jugement en état de référé, mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Reçoit la FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE et la CAISSE CENTRALE DE LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE en leurs interventions volontaires,

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Rejette la demande de la société DOCTEURSECU tendant à écarter des débats le procès-verbal de constat de Maître E, huissier de justice, du 5 janvier 2020,

Dit n’y avoir lieu à renvoi devant le juge du fond dans les conditions de l’article 837 du code de procédure civile,

Renvoie les parties à se pourvoir au fond ainsi qu’elles en aviseront, mais dès à présent par provision :

Ordonne à la société DR. P AU SCHEIN GmbH de procéder à la fermeture définitive du site arretmaladie.fr dans un délai de 24 heures à compter de la signification du présent jugement, puis sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard pendant un délai maximal de quatre mois en cas d’inexécution,

Ordonne à la société SAS DOCTEUR SECU de procéder à la fermeture définitive du site docteursecu.fr dans un délai de 24 heures à compter de la signification du présent jugement, puis sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard pendant un délai maximal de quatre mois en cas d’inexécution,

Dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus

Dit n’y avoir lieu à ordonner la publication de la décision,

Condamne in solidum la société DR. P AU SCHEIN GmbH et la société SAS DOCTEUR SECU à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile:

-la somme de 3 000 euros à la CAISSE CENTRALE DE LA MUTUALITE

SOCIALE AGRICOLE,

-la somme de 10 000 euros à la CAISSE NATIONALE DE L’ASSURANCE

MALADIE,

-la somme de 10 000 euros au CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES

MEDECINS,

-la somme de 1 500 euros à la FEDERATION NATIONALE DE LA

MUTUALITE FRANCAISE,

Condamne in solidum la société DR. P AU SCHEIN GmbH et la société SAS DOCTEUR SECU au paiement des dépens.

Fait à Paris le 6 novembre 2020,

Le greffier, Le Président,

[…] T U Z A

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Tribunal Judiciaire de Paris, 6 novembre 2020, n° 20:54799