Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 30 septembre 2021, n° 20/11597

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 30 sept. 2021, n° 20/11597
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 20/11597
Décision précédente : Tribunal de commerce de Toulon, 11 novembre 2020, N° 2020J00268
Dispositif : Autre décision ne dessaisissant pas la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT AVANT DIRE DROIT

DU 30 SEPTEMBRE 2021

EXPERTISE

N° 2021/286

N° RG 20/11597 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGR42

S.A.R.L. ALEXIANE

C/

S.A. AXA X CSE IARD

S.A. AXA X IARD

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pascal ALIAS

Me Pierre-Yves IMPERATORE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 12 Novembre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 2020J00268.

APPELANTE

S.A.R.L. ALEXIANE, demeurant […]

représentée par Me Pascal ALIAS de la SELAS ALIAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

assistée de Me Jean-Louis LAGADEC de la SELARL CABINET LAGADEC, avocat au barreau de TOULON

INTIMEES

S.A. AXA X CSE IARD, demeurant […]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Pascal ORMEN de la SELARL BOUCKAERT ORMEN PASSEMARD & AUTRES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Anne-Sophie ROUSSELIN, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A. AXA X IARD, demeurant […]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Pascal ORMEN de la SELARL BOUCKAERT ORMEN PASSEMARD & AUTRES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Anne-Sophie ROUSSELIN, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 17 Juin 2021 en audience publique devant la cour composée de :

Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente (rapporteur)

Mme Béatrice MARS, Conseiller

Mme Florence TANGUY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Septembre 2021,

Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SARL Alexiane exploitant un fonds de commerce de restaurant à l’enseigne Le Patio à La Crau 83260 a souscrit le 5 décembre 2019 auprès de la société d’assurance Axa X IARD, un contrat multirisque professionnelle n°10567625404 régi par les Conditions Générales n°690200Q, incluant une garantie « protection financière ».

Suite à l’arrêté publié au Journal Officiel sous le n°0064 le 15 mars 2020 portant « diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus COVID-19 », édictant notamment l’interdiction pour les restaurants et débits de boissons d’accueillir du public du 15 mars 2020 jusqu’au 15 avril 2020, prorogée jusqu’au 2 juin 2020 par décret n°2020-423 du 14 avril 2020, la société Alexiane a effectué une déclaration de sinistre auprès de la société Axa le 30 juin 2020.

Par courriers du 3 juillet et du 3 août 2020, la société Axa X IARD a refusé de garantir le sinistre invoquant le fait que la garantie perte d’exploitation ne pouvait pas s’appliquer en raison d’une clause d’exclusion figurant dans le contrat. Néanmoins l’assureur a réglé à la SNC Art Invest la somme de 8 000 euros au titre de 'geste commercial'.

Par acte du 25 septembre 2020, la SARL Alexiane a fait assigner la SA Axa X IARD devant le Tribunal de commerce de Toulon aux fins de voir indemniser ses pertes d’exploitation.

Par jugement en date du 12 novembre 2020 le Tribunal de commerce de Toulon a :

Dit que la SARL Alexiane a fait l’objet d’une décision de fermeture administrative provisoire et totale de son établissement professionnel qui s’est imposée à elle à compter du 14 mars 2020, et qui est la conséquence d’une maladie contagieuse présentant un caractère épidémique,

Dit que la clause d’exclusion contractuelle contestée par la SARL Alexiane ne prive pas de sa substance l’obligation essentielle de la SA Axa X IARD et de la SA Axa X CSE IARD dans le cadre de l’exécution du contrat d’assurance conclu,

Dit que la clause d’exclusion contractuelle contestée par la SARL Alexiane présente un caractère formel et limité,

Débouté la SARL Alexiane de sa demande en condamnation de la SA Axa X IARD et de la SA Axa X CSE IARD-Gestion sinistres IARD à lui verser une indemnité provisionnelle d’un montant de 73.683 €,

Débouté la SARL Alexiane de sa demande en condamnation de la SA Axa X IARD et de la SA Axa X CSE IARD-Gestion sinistres IARD & paiement de la somme de 10.000 € au titre des préjudices commerciaux et moraux allégués,

Dit n’y avoir pas lieu à condamnation au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

Laissé à la charge de la SARL Alexiane les entiers dépens liquidés à la somme de 94,34 € T.TC, dont T.V.A 15,72€, (non compris les frais de citation).

La SARL Alexiane a relevé appel de ce jugement le 25 novembre 2020.

Dans ses dernières conclusions en date du 10 juin 2021, la SARL Alexiane demande à la cour de :

Constater et juger qu’Axa X a notifié des conclusions et communiqué des pièces après que l’ordonnance de clôture ait été rendue.

Dire et juger qu’Axa X ne justifie pas d’une cause grave.

Débouter Axa X de sa demande de révocation de l’ordonnance de clôture.

Rejeter les conclusions notifiées par Axa X le 9 juin 2021 à 10h07 et le 09/06/2021 à 10h31.

Rejeter les pièces communiquées sous bordereaux par Axa X le 09/06/2021 à 10h07 et le 09/06/2021 à 10h31.

Vu la police d’assurances,

Vu les articles L 112-3 et L 113-2 du Code des Assurances,

Vu les articles 1103, 1104, 1193, 1170 du Code Civil,

Vu les articles 1190 anciens et 1191 du Code Civil,

Réformer dans son entier le jugement du 12 novembre 2020.

Déclarer non écrite et /ou abusive la clause d’exclusion opposée à l’assurée et pour manquement à son devoir d’information et de Conseil.

Condamner la société Axa au paiement de la somme de 73.683 'uros au titre de la perte d’exploitation subie du 15 mars 2020 au 31 mai 2020.

Condamner la Société Axa au paiement de la somme de 74.803 'uros au titre de la perte d’exploitation pour la période du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020.

Réserver les droits de la SARL Alexiane au titre de ses pertes d’exploitation pour les périodes postérieures au 31 décembre 2020, dans la limite des garanties contractuelles.

Condamner la société Axa au paiement de la somme 10.000 'uros en réparation de ses préjudices commercial et moral.

Subsidiairement,

Pour le cas où la cour ne serait pas suffisamment éclairée sur l’étandue des préjudices relatifs aux pertes d’exploitation de la société Alexiane,

Condamner la Société Axa, à titre provisionnel, au paiement de la somme de 60.000 'uros à valoir sur ses préjudices.

Désigner tel expert qu’il plaira à la Cour, aux frais avancés de la Compagnie Axa, avec pour mission :

— Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par la Société Alexiane et son expert-comptable, accompagnée des bilans et comptes d’exploitation sur les trois dernières années,

— Entendre les parties, ainsi que tous sachants,

— Examiner les pertes d’exploitation garanties contractuellement par le contrat d’assurance,

— Donner son avis sur le montant des pertes d’exploitations consécutives à la baisse ou à la perte du chiffre d’affaires causé par l’interruption ou par réduction de l’activité, de la marge brute (chiffre d’affaires, moins marge variable, incluant les charges salariales et les économies réalisés).

Condamner la société Axa au paiement de la somme de 5.000 'uros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la Société Axa aux entiers dépens, ceux d’appels distraits au profit de Maître Alias, aux offres de droit.

Dans leurs dernières conclusions en date du 9 juin 2021 la SA Axa X IARD et la SA Axa X CSE IARD demandent à la cour de :

Vu l’article 564 du code de procédure civile ;

Vu les articles 1103, 1170, 1171 et 1188 et suivants du Code civil ;

Vu l’article L 113-1 du Code des assurances ;

Révoquer l’ordonnance de clôture rendue le 9 juin 2021 ;

A Titre principal,

Juger que l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie est assortie d’une clause d’exclusion, qui est applicable en l’espèce ;

Juger que cette clause d’exclusion répond au caractère formel et limité de l’article L. 113-1 du Code des assurances de l’article L. 113-1 du Code des assurances ;

Juger que la clause d’exclusion ne vide pas l’extension de garantie de sa substance et qu’elle ne prive pas l’obligation essentielle d’Axa X IARD de sa substance ;

En conséquence :

Débouter la société Alexiane de sa demande de condamnation à l’encontre d’Axa X IARD ;

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau sur la demande de condamnation au titre du devoir d’information et de conseil

Déclarer la société Alexiane irrecevable et en tout cas non fondée en sa demande de condamnation, et l’en débouter ;

A Titre subsidiaire

Si par extraordinaire le Tribunal estimait que la garantie d’Axa X LARD était mobilisable ou qu’elle aurait engagé sa responsabilité en l’espèce :

Juger que la preuve du montant des pertes d’exploitation correspondant à l’indemnité sollicitée n’est pas rapportée ;

En conséquence :

Débouter la société Alexiane de sa demande de condamnation formulée à rencontre d’Axa X IARD

Désigner tel Expert qu’il plaira à la Cour, aux frais avancés par l’Appelante, avec pour mission de :

— Se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par l’Appelante et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d’exploitation sur les trois dernières années, ainsi que le détail de ses comptes au titre de l’année 2020 ;

— Entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l’issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

— Examiner les pertes d’exploitation garanties contractuellement par le contrat d’assurance, sur

une période maximum de trois mois par sinistre et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable ;

— Donner son avis sur le montant des pertes d’exploitation consécutives à la baisse du chiffre d’affaires causée par l’interruption ou la réduction de l’activité, de la marge brute (chiffre d’affaires ' charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées ;

— Donner son avis sur le montant des aides/subventions d’Etat perçues par l’Assurée ;

— Donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l’évolution de l’activité et des facteurs externes et internes susceptibles d’être pris en compte pour le calcul de la réduction d’activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédées le 15 mars 2020.

En tout état de cause

Déclarer irrecevable la demande de condamnation pour résistance abusive de la société Alexiane et, l’en débouter ;

— Condamner la société Alexiane à payer à Axa X IARD la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix en Provence, représentée par Maître Pierre-Yves Imperatore, avocat aux offres de droit.

Par conclusions de procédure notifiées le 15 juin 2021 la SA Axa X IARD et la SA Axa X CSE IARD demandent à la cour de :

Révoquer l’ordonnance de clôture prononcée le 9 juin 2021.

Déclarer recevables les conclusions et pièces n°5q et j notifiées par les sociétés Axa X IARD et Axa X CSE IARD le 9 juin 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la Cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que les 'juger que’ ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture

La SA Axa X IARD a sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture et la SARL Alexiane s’y oppose.

Cette demande est motivée par la communication de décisions de justice rendues en mai et juin 2021 et la reprise de l’argumentation des juges par la SA Axa X IARD dans ses conclusions.

La communication de décisions de justice rendues récemment, constituant la jurisprudence actuelle,

est utile aux débats, et la révocation de l’ordonnance de clôture doit être prononcée pour mettre dans le débat l’argumentation juridique des tribunaux et cours d’appel de X, avec une nouvelle clôture fixée au jour de l’audience.

Sur la validité de la clause d’exclusion

Les conditions particulières du contrat n°10567625404 souscrit le 5 décembre 2019 auprès de la société d’assurance Axa X IARD par la SARL Alexiane prévoit en page 9 une garantie spécifique étendue aux pertes d’exploitation subies suite à une fermeture administrative ainsi rédigée :

La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous même

2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication.

Elle est suivie de la clause d’exclusion suivante :

Sont exclues les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

La SNC Alexiane soutient que cette clause d’exclusion est une clause qui n’est pas formelle et limitée car susceptible d’interprétation, notamment concernant le terme « épidémie», qui n’est pas clairement défini dans le contrat et nécessite une interprétation. Elle ajoute que toute interprétation du contrat se fait en faveur de l’assuré, au visa des articles 1190 du code civil et L 211-1 du code de la consommation.

Elle argue que subordonner l’octroi de la garantie perte financière au cas de fermeture administrative pour épidémie, à l’absence de fermeture d’un autre établissement le département aboutit à dénuer de toute portée l’obligation principale de l’assureur d’avoir à garantir un événement aléatoire.

Elle en conclut que cette clause d’exclusion est illicite et/ou abusive et doit être déclarée non-écrite.

L’assureur réplique que cette clause est parfaitement licite car elle est claire, formelle et limitée, en ce que la fermeture d’un autre établissement dans le département pour la même cause ne permet pas de mobiliser la garantie ; cette clause interdit toute interprétation en faveur de l’assuré, à peine de dénaturation.

L’article L.113-1 du code des assurances prévoit que, sous peine de nullité, la clause d’exclusion contenue dans la police doit être formelle et limitée. Et aux termes des articles 1189 et 1190 du code civil, les clauses du contrat doivent s’interpréter les unes par rapport aux autres dans un principe de cohérence et d’économie générale du contrat, cette interprétation devant se faire dans le doute en faveur de l’assuré.

L’article 1108 du code civil, applicable à la présente instance, définit le contrat aléatoire comme celui dont les parties acceptent de faire dépendre les effets d’un évènement incertain.

Contrairement à ce que soutient la SA Axa X IARD, il importe peu que le co-contractant soit un

restaurateur averti en matière de risques de toxi-infections alimentaires et de périls sanitaires, la nature et la portée des garanties incluses dans le contrat d’assurance doivent être claires, limitées et compréhensibles pour celui qui contracte. Les clauses d’exclusion doivent être formelles et limitées, et doivent se référer à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées qui excluent toute interprétation, de façon à permettre à l’assuré de connaître exactement l’étendue de la garantie qu’il souscrit.

La SA Axa X IARD soutient que l’ambiguïté alléguée par son assuré sur la compréhension du terme 'épidémie’ ne saurait affecter le caractère formel de la clause d’exclusion puisque la couverture de ce risque est soumise à une seule limitation qui est clairement exprimée dans la clause d’exclusion, dans laquelle le terme « épidémie » ne figure pas, et qui n’opère aucune distinction selon la nature et l’étendue de l’épidémie concernée. Selon l’assureur, le débat sur la notion d’épidémie serait dépourvu de pertinence puisque c’est la fermeture ' collective’ qui est exclue et la fermeture 'individuelle’ qui est garantie, quelle que soit la nature de l’épidémie. La SA X IARD ajoute qu’il faut retenir une définition au sens le plus large de l’épidémie pour offrir à l’assuré un vaste périmètre de garantie.

La SNC Art Invest soutient qu’une fermeture administrative pour cause d’épidémie est impossible, car aucun texte de droit public n’autorise une fermeture administrative individuelle pour épidémie, les seules fermetures individuelles pouvant être prononcées correspondent à des mesures prises à titre de sanctions à des manquements à règlementation, et sont nécessairement individuelles.

La clause d’exclusion qui fait référence à la clause de garantie en ce qu’elle vise une cause identique, ne peut être dissociée de cette dernière, et, même si elle ne figure pas dans la clause d’exclusion, la notion d’épidémie, dont l’ambiguïté est soulevée par l’assurée et qui est employée dans la clause de garantie, affecte nécessairement le caractère formel de cette clause puisqu’elle est un élément constitutif de l’exclusion de garantie dont l’application est revendiquée par l’assureur.

La « cause identique » visée par la clause d’exclusion renvoie au même événement qui a conduit à la décision de fermeture administrative défini par la clause de garantie, à savoir une maladie contagieuse, un meurtre, un suicide, une épidémie ou une intoxication.

Aucune définition n’est donnée dans le contrat des termes « maladie contagieuse », « épidémie » ou « intoxication ».

Pour définir, au sens contractuel, l’événement que constitue une épidémie, l’assureur fait appel à des définitions de l’Organisation Mondiale de la Santé et de Professeurs épidémiologistes et infectiologues, en soutenant que la jurisprudence, pour définir un terme contenu dans un contrat d’assurance, fait application de la définition strictement juridique ou technique d’un terme et non pas de son 'sens-courant'.

L’étymologie du mot épidémie provient du grec : épi : sur, qui se superpose à, et dêmos : le peuple, qui signifie « qui circule dans le peuple ». Son analyse sémantique permet d’évoquer un événement qui circule dans une grande étendue de population.

La définition du dictionnaire Larousse est : « Développement et propagation rapide d’une maladie contagieuse, le plus souvent d’origine infectieuse, dans une population ».

Le Petit Robert la définit ainsi : « Apparition et propagation d’une maladie infectieuse contagieuse qui frappe en même temps et en un même endroit un grand nombre de personne ».

La définition du Dictionnaire médical de l’Académie de Médecine, qui rassemble l’ensemble du vocabulaire médical et permet une diffusion, à un vaste public, de la pensée médicale française, est : « Extension à une population d’une maladie infectieuse à transmission interhumaine ».

La définition du mot population dans le dictionnaire Larousse est un : « ensemble des habitants d’un pays, d’une région, d’une ville, etc. »

Il s’infère, tant de l’éthymologie du terme que des définitions qui en sont données en langue française et en vocabulaire médical, que l’épidémie est une propagation d’une maladie infectieuse à transmission interhumaine (contagieuse) à une population c’est-à-dire à un grand nombre de personnes.

Rechercher d’autres définitions scientifiques auprès de Professeurs épidémiologistes et infectiologues et de l’OMS, comme le fait l’assureur, pour démontrer qu’une épidémie peut se manifester auprès d’un petit nombre de personnes dans un espace donné comme un lieu scolaire, de travail ou de vie, démontre la nécessité de l’interprétation du terme épidémie et donc l’absence de caractère formel de la clause litigieuse.

En outre, suite à l’épidémie de Covid-19 la SA Axa X IARD a formalisé un avenant au contrat proposé à ses assurés le 30 septembre 2020 applicable au 1er janvier 2021, aux termes duquel figure une clause d’exclusion de pertes d’exploitation pour causes d’épidémie, de pandémie et d’épizootie, en définissant clairement ces trois termes. Même si, comme le soutient à juste titre l’assureur, la proposition d’un avenant est licite, ce dernier a pour but notamment de donner une définition des causes d’exclusion, démontrant ainsi que la notion de l’événement d’épidémie n’était pas jusque là suffisamment claire et précise.

Ainsi les risques épidémiques évoqués par la SA Axa X IARD susceptibles de ne toucher qu’un seul établissement au sein d’un département et ainsi mobiliser la garantie, comme la listériose, la salmonellose ou la légionellose, qui ne sont pas des maladies transmissibles interhumaines, à l’inverse de la peste, du choléra, de la variole ou de la Covid-19, ne rentrent pas dans le cadre de la définition de l’épidémie ci-dessus. D’autres risques comme la fièvre typhoïde et la gastro-entérite encore évoqués par l’assureur entrent dans le cadre d’un événement déjà garanti en cas de fermeture de l’établissement pour cause de maladies contagieuses.

Comme le souligne à juste titre l’assureur, les trois notions de maladie contagieuse, intoxication et épidémie peuvent se recouper partiellement mais également être dissociées l’une de l’autre. L’importance de la définition d''épidémie’ prend alors tout son sens pour exclure la possibilité qu’une épidémie ne touche qu’un seul établissement dans un département.

Il est inopérant, comme le fait l’assureur, de tenter d’opposer la survenue du risque de fermeture administrative « individuelle » (d’un établissement isolé), qui est plus fréquente, à celle du risque de fermeture administrative « collective », qui jusqu’au 14 mars 2020 était encore inédite. Car une clause d’exclusion qui annihile la garantie dans sa totalité ne revêt pas le caractère limité requis par l’article L.113-1 du code des assurances.

Le cas théorique d’un éventuel 'cluster’ de l’épidémie Covid-19 isolé et limité à un seul établissement dans un même territoire départemental, évoqué par l’assureur et qui permettrait l’application de la garantie, est purement fictif et n’est pas avéré à ce jour.

La SA Axa X IARD expose que le contrat d’assurance n’a pas pour objet de couvrir un risque systémique, qui concernerait plusieurs établissements en même temps, et qui se heurterait au principe de mutualisation des risques, qu’il n’a jamais été dans la commune intention des parties de couvrir les pertes alléguées résultant de mesures gouvernementales généralisées destinées à lutter contre la propagation d’une épidémie à l’échelle de la Nation.

Or le principe d’une assurance est de couvrir des risques individuels, contractuellement définis, et quels qu’ils soient, la seule limite étant leur caractère légal. Et la survenance d’un événement exceptionnel et généralisé à l’ensemble du territoire national n’est pas de nature à empêcher la

mobilisation des garanties souscrites individuellement.

Au regard de l’absence de risque couvert par la garantie perte d’exploitation en cas d’épidémie telle que prévue contractuellement, qui conditionne l’application de la garantie à l’existence d’une épidémie circonscrite à un seul établissement dans un territoire départemental, la clause d’exclusion litigieuse n’apparaît pas limitée ; elle vide de sa substance l’obligation de garantie souscrite par l’assuré.

En conséquence la clause d’exclusion doit être réputée non-écrite en application de l’article 1170 du code civil.

La clause d’exclusion, qui ne satisfaisait pas aux conditions de l’article L.113-1 du code des assurances, doit être réputée non-écrite et déclarée inopposable à la SARL Alexiane.

La SA Axa X IARD doit donc indemniser son assurée aux termes et conditions du contrat souscrit.

Sur l’indemnisation

La SA Axa X IARD s’oppose à toute provision, arguant que les calculs effectués par l’assurée ne sont pas conformes aux conditions du contrat, car la perte indemnisable doit correspondre à la différence entre le chiffre d’affaires qui aurait été réalisé en l’absence de sinistre et le chiffre d’affaires effectivement réalisé sur la même période, et doit tenir compte « des facteurs internes et externes susceptibles d’avoir eu, indépendamment de ce sinistre, une influence sur [l’activité de l’assuré] et sur [son] chiffre d’affaires » et doit être « calculé à partir des écritures comptables et résultats des exercices antérieurs », précisant que les charges variables/économies qui n’ont pas été supportées durant les deux périodes de fermeture et les aides/subventions perçues de l’Etat doivent être retranchées, avant de pouvoir appliquer le taux de marge brute.

En application des conditions particulières du contrat (page 9) :

' La garantie intervient pendant la période d 'indemnisation c’est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l 'établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l’indice.

L 'assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés '.

En l’espèce, il résulte des explications des parties et des pièces produites :

— que le restaurant de la SARL Alexiane a fait l’objet d’une fermeture administrative suite à l’épidémie de Covid-19 pour les périodes suivantes :

du 15 mars 2020 au 2 juin 2020,

à partir du 30 octobre 2020,

— qu’une déclaration de sinsitre a été faite le 30 juin 2020,

— qu’aucune déclaration de sinistre n’est produite pour la seconde période, mais l’assureur ne s’oppose pas à ce que la mission de l’expert couvre les deux périodes,

— qu’en raison de la fermeture de son établissement, l’assurée a subi des pertes d’exploitation dont elle

réclame l’indemnisation,

— que le contrat a été résilié à échéance du 1er mars 2021,

— qu’en produisant différents documents comptables émanant de son expert comptable en date des 15 octobre 2020, 19 janvier 2021 et 7 mai 2021, elle demande à être indemnisée par le versement des provisions suivantes :

— première période : 73 683€

— seconde période : 74 803€

Compte tenu de ces éléments, il convient d’allouer à la SARL Alexiane une provision de 50 000 € pour chacune des périodes.

Il y a lieu d’ordonner une expertise pour évaluer le préjudice subi par la SARL Alexiane pour les deux périodes couvertes par la police d’assurance, allant du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 puis du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021.

Sur les autres demandes

L’irrecevabilité de la demande en dommages et intérêts formée par la SARL Alexiane pour résistance abusive n’est pas encourue.

En revanche, l’opposition manifestée par la SA Axa X IARD à exécuter son obligation d’indemniser son assurée n’étant pas constitutive d’un acte de mauvaise foi, la demande en dommages et intérêts de la SARL Alexiane sera rejetée.

Il sera sursis à statuer sur la demande faite au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Ordonne la révocation de l’ordonnace de clôture, accueille aux débats les conclusions notifiées et les pièces communiquées postérieurement et prononce une nouvelle côture à la date de l’audience ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande en dommages et intérêts de la SARL Alexiane ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déclare inopposable à la SARL Alexiane la clause d’exclusion de la garantie pertes d’exploitation ;

Dit qu’en vertu du contrat d’assurance souscrit le 5 décembre 2019 la SA Axa X IARD doit garantir la SARL Alexiane des pertes exploitation subies à la suite à de la fermeture administrative ordonnée en raison de l’épidémie de Covid-19, pour les deux périodes allant du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 puis du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021, et dans les limites contractuelles,

Condamne la SA Axa X IARD à payer à la SNC Art Invest une somme provisionnelle de 50 000 euros pour la période du 15 mars 2020 au 2 juin 2020, et celle de 50 000 euros pour la période du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021 ;

Ordonne une expertise confiée à :

Y Z

[…]

[…]

Tél : 04.94.89.09.99 Fax : 04.94.22.37.08

Mèl : Y@cabinetdemuyter.fr

avec pour mission de :

— convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,

— se faire remettre tout document qu’il estimera utile à l’accomplissement de sa mission, notamment l’estimation effectuée par SARL Alexiane, accompagnée de ses bilans et comptes d’exploitation sur les trois dernières années, ainsi que le détail de ses comptes au titre de l’année 2020 ;

— évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant les périodes du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 puis du 30 octobre 2020 au 30 janvier 2021, garanties contractuellement par le contrat d’assurance, selon les conditions prévues en page 21 et 22 des conditions générales, sur une période maximum de trois mois par sinistre et après l’application de la franchise de 3 jours ouvrés,

— évaluer les sommes (aides ou subventions) perçues de l’Etat par la SARL Alexiane durant la période considérée ;

Dit que l’expert devra faire connaître sans délai son acceptation et dit qu’à défaut ou en cas de carence dans l’accomplissement de sa mission, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du magistrat chargé du contrôle de l’expertise ;

Dit que la SA X IARD devra consigner entre les mains du régisseur d’avances et de recettes de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans le délai d’un mois à compter du prononcé de la présente décision la somme de 3000 euros afin de garantir le paiement des frais et honoraires de l’expert ;

Dit qu’à défaut de consignation selon les modalités ainsi fixées, la désignation de l’expert sera caduque à moins que le magistrat chargé du contrôle de l’expertise, à la demande d’une partie se prévalant d’un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de forclusion ;

Dit que s’il estime insuffisante la provision ainsi fixée, l’expert devra, lors de la première convocation ou au plus tard lors de la deuxième, dresser un programme de ses investigations et évaluer de manière aussi précise que possible le montant de ses honoraires et de ses débours ;

Dit qu’à l’issue de cette convocation, l’expert fera connaître au magistrat chargé du contrôle de l’expertise la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire ;

Dit que l’expert devra déposer son rapport au greffe dans le délai de quatre mois à compter de la notification qui lui sera faite par celui-ci de la consignation, à moins qu’il ne refuse la mission ;

Dit qu’il devra solliciter du magistrat chargé du contrôle de l’expertise une prorogation de ce délai s’il s’avère insuffisant ;

Dit que l’expert devra accomplir sa mission en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées,

les entendre en leurs observations et répondre à leurs dires ;

Dit qu’à défaut de pré-rapport, l’expert organisera une réunion de clôture afin d’informer les parties du résultat de ses investigations et recueillera leurs ultimes observations, le tout devant être consigné dans son rapport d’expertise ;

Dit qu’en application des dispositions de l’article 173 du code de procédure civile, l’expert devra remettre une copie de son rapport à chacune des parties, ou à leurs représentants, en mentionnant cette remise sur l’original ;

Dit que si les parties viennent à se concilier, elles peuvent demander au magistrat chargé du contrôle de l’expertise de donner force exécutoire à leur accord ;

Dit qu’il sera pourvu au remplacement de l’expert dans les cas, conditions et formes des articles 234 et 235 du code de procédure civile ;

Sursoit à statuer sur la demande faite au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Réserve les dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 30 septembre 2021, n° 20/11597