Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 15 décembre 2020, n° 18/01253

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Angers, ch. a - civ., 15 déc. 2020, n° 18/01253
Juridiction : Cour d'appel d'Angers
Numéro(s) : 18/01253
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Le Mans, 26 février 2018, N° 15/04106
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – CIVILE

CM/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/01253 – N° Portalis DBVP-V-B7C-EKOZ

Jugement du 27 Février 2018

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d’inscription au RG de première instance 15/04106

ARRET DU 15 DECEMBRE 2020

APPELANT :

Monsieur Y Z

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Mickaëlle VERDIER de la SCP PLAISANT-FOURMOND- VERDIER, avocat postulant au barreau du MANS, et Me F-Michel MILOCHAU, avocat plaidant au barreau de LA ROCHE SUR YON

INTIMES :

Monsieur F-G H

né le […] à […]

[…]

[…]

Représenté par Me Caroline DAVID, avocat au barreau du MANS

S.C.I. DU PRE DU DOUE

[…]

[…]

Représentée par Me COUDREAU substituant Me David SIMON de la SCP LALANNE – GODARD
- HERON – BOUTARD – SIMON, avocat au barreau du MANS – N° du dossier 20121253

SASU BRICO DEPOT prise en son établissement d’ARCONNAY, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

91310 LONGPONT-SUR-ORGE

Représentée par Me F-luc VIRFOLET, avocat postulant au barreau du MANS N° du dossier 16332, et Me Catherine FOURMENT substituant Me F-Marie PERINETTI, avocat plaidant au barreau de LYON

SA SMA anciennement dénommée SAGENA, agissant poursuites et diligences du Président de son Directoire, et de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me RUBINEL substituant Me Benoit GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me G LANDRY, avocat plaidant au barreau du MANS

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 06 Octobre 2020 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame BEUCHEE, Conseiller, Président suppléant, et Madame MULLER, Conseiller, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame BEUCHEE, Conseiller, Président suppléant

Madame MULLER, Conseiller

Madame COUTURIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 15 décembre 2020 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Sabine BEUCHEE, Conseiller, Président suppléant, et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[…]

Exposé du litige

En 2006, la SCI du Pré du Doué ayant pour gérant M. A B a confié la construction d’une maison à ossature bois sur un terrain situé rue Poumon à La Hutte, commune de Saint Germain-sur-Sarthe (72130), à la SARL A. Renobat assurée auprès de la SA Sagena au titre d’une

police «protection professionnelle des artisans du bâtiment» garantissant les activités «maçonnerie béton armé», «plâterie», «carrelage et revêtements matériaux durs».

Les travaux comprenant la fourniture et le montage du kit bois (murs et menuiseries), la fourniture et la pose d’une dalle de béton, d’agglos de fondations, d’ardoises, de l’électricité, de la plomberie et de l’assainissement ont été facturés les 15 septembre, 17 octobre et 7 novembre 2006 pour un montant total de 112.842,60 euros TTC qui a été intégralement réglé.

La SARL A. Renobat a fait l’objet d’une dissolution amiable à compter du 31 mai 2007, son ancien gérant, M. Y Z, étant désigné en qualité de liquidateur, et sa liquidation a été clôturée le 6 octobre 2008, date de sa radiation du registre du commerce et des sociétés.

Après avoir constaté l’apparition de désordres en 2008 et fait effectuer des travaux de reprise en 2010 et 2012 par M. F-G H, charpentier-couvreur, la SCI du Pré du Doué a, sur la base d’un constat d’huissier du 25 octobre 2012 faisant état de désordres, notamment de remontées d’humidité dans le vide sanitaire, d’infiltrations d’eau au niveau des fenêtres, de pourrissement des bois et de malfaçons en couverture, fait assigner en référé expertise M. Y Z en qualité d’ancien gérant et de liquidateur amiable de la SARL A. Renobat le 28 novembre 2012 puis la SA Sagena le 20 décembre 2012.

Par ordonnance en date du 13 mars 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance du Mans a désigné en qualité d’expert M. J-K X dont les opérations ont, par nouvelle ordonnance en date du 28 août 2013, été déclarées communes et opposables à la SASU Brico Dépôt qui aurait fourni les ardoises et à M. F-G H, appelés en cause le 21 juin 2013 par M. Y Z, et étendues aux désordres affectant la VMC et le faux-plafond du séjour.

Dans son rapport déposé le 30 mars 2015, l’expert judiciaire retient les désordres suivants :

1- des traces d’humidité dans le vide sanitaire signalées fin 2008 et trouvant leur cause dans une erreur de conception (absence de ventilation avant l’intervention de M. F-G H), un vice des matériaux (absence de traitement fongicide des éléments de bardage bois) et une mauvaise mise en oeuvre de ceux-ci (clins bois légèrement enterrés au lieu d’être placés à au moins 15 cm du sol et dont une partie est déjà pourrie)

2- un manque d’étanchéité des menuiseries extérieures signalé fin 2008, dû à un problème de conception (blocs fenêtres emboîtés dans un précadre en bois sans étanchéité périphérique)

3- un pourrissement des pieds de poteau de la charpente signalé fin 2008, dû à un problème de conception (pièces de bois reposant sur le soubassement non isolées de tout contact avec celui-ci contrairement à ce qu’impose le DTU et non traitées par fongicides)

4- un défaut de contreventement des fermettes américaines constituées d’un assemblage de voliges assez fines ayant tendance à se déformer, ce qui réduit leur pouvoir porteur, découvert en cours d’expertise et relevant d’un problème de contrôle de l’exécution

5- en couverture, des inclusions de pyrite traversantes au centre des ardoises naturelles signalées fin 2008 et amenées à se dissoudre avec la pluie, ce qui formera des trous et affectera l’étanchéité de la couverture, imputables à un vice des matériaux qui ne sont pas conformes à la norme NF-P 32.301 et dont la fourniture par Brico Dépôt n’a pu être établie, et un grand nombre de problèmes de pose également signalés fin 2008 et constitutifs de malfaçons dans la mise en oeuvre qui ne respecte pas le DTU 40.11

6- un fléchissement du faux-plafond constitué de fausses solives et de voliges bois mal fixées, apparu en cours d’expertise et ayant nécessité un étaiement, dû à une malfaçon dans la pose de ce faux

plafond

7- la ventilation mécanique qui ne fonctionne pas correctement et n’assure pas le renouvellement de l’air du logement, comme constaté en cours d’expertise, ce qui est nuisible à la santé, non conforme au règlement sanitaire départemental de la Sarthe et imputable à un problème de conception (absence d’entrée d’air) et à une malfaçon dans l’installation (formes de siphon dans le réseau des gaines dont certaines sont carrément écrasées).

Il indique que tous les problèmes rencontrés rendent le bâtiment impropre à sa destination, que les travaux ont été exécutés par un personnel incompétent ignorant les règles de l’art, que l’entreprise n’était pas garantie pour ce type de travaux par une assurance et que le maître d’ouvrage était l’associé de M. Y Z et informé de ses compétences, ainsi que du risque sur la qualité des matériaux qui venaient de Roumanie par rapport aux normes françaises.

Il chiffre le coût des travaux propres à remédier aux désordes à la somme de 51.238,91 euros HT (soit 56.362,80 euros TTC) se décomposant comme suit :

—  9.031,61 euros pour la reprise du bardage du vide sanitaire de l’habitation et du garage avec incorporation de grilles de ventilation

—  1.000 euros pour le joint périphérique des baies et l’ajout d’une bavette aux fenêtres nord et est

—  3.380 euros pour le remplacement des poteaux de charpente par des poteaux traités

—  830 euros pour le contreventement de toutes les fermettes de l’habitation et du garage, déjà en partie réalisé

—  31.289,30 euros pour la réfection complète de la couverture de l’habitation et du garage avec pose d’ardoises aux crochets au lieu de clous et de gouttières pendantes au lieu de havraises

—  5.100 euros pour la fixation des fausses solivettes et la remise à niveau du faux-plafond

—  600 euros pour la réalisation des entrées d’air et la réfection du réseau de gaines de la ventilation mécanique.

Par acte d’huissier en date du 3 novembre 2015 transformé en procès-verbal de recherches infructueuses et réitéré le 12 mai 2016 au domicile du défendeur en Roumanie, la SCI du Pré du Doué a fait assigner M. Y Z pris tant en son nom personnel qu’en qualité de liquidateur amiable de la SARL A. Renobat devant le tribunal de grande instance du Mans en paiement de dommages et intérêts d’un montant de 56.362,80 euros au titre des travaux de reprise des désordres préconisés par l’expert judiciaire et de 7.409,52 euros au titre des travaux de reprise des désordres exposés avant l’expertise judiciaire, ce au visa, à titre principal, des articles L223-22 du code de commerce, 1792 et suivants, 2044 du code civil, L241-1 et L243-3 du code des assurances et, à titre subsidiaire, des articles L237-12 et L225-254 du code de commerce, ainsi qu’en paiement de la somme de 6.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile et de celle de 376,45 euros au titre du coût du constat d’huissier, outre les entiers dépens comprenant ceux de référé et les frais d’expertise judiciaire.

Par actes d’huissier en date des 18,19 et 26 octobre 2016, M. Y Z a appelé en garantie la SASU Brico Dépôt, la SA SMA venant aux droits de Sagena et M. F-G H et les instances ont été jointes.

Par jugement en date du 27 février 2018 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal a déclaré recevable l’action de la SCI du Pré de Doué à l’encontre de M. Y Z et, sur le fond, a

condamné M. Y Z à régler à la SCI du Pré de Doué la somme de 58.127,20 euros, l’a débouté de ses appels en garantie à l’encontre de la SA Sagena, de la SASU Brico Dépôt et de M. F-G H et de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’a condamné à régler au même titre à la SCI du Pré de Doué la somme de 2.500 euros, outre 376,45 euros au titre des frais du constat d’huissier en date du 25 octobre 2012, et à la SA Sagena, la SASU Brico Dépôt et M. F-G H la somme de 1.000 euros chacun, l’a condamné aux dépens comprenant ceux de référé et les frais d’expertise, dont distraction au profit de Me Simon, membre de la SCP Lalanne Godard Héron Boutard Simon Villemont Mémin Gibaud, et a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Pour statuer ainsi, il a considéré que :

— en s’abstenant de souscrire, comme l’y oblige l’article L241-1 du code des assurances sous peine de sanctions pénales prévues à l’article L243-3 du même code, une assurance responsabilité décennale susceptible de couvrir le chantier réalisé consistant en l’entière construction d’une maison à ossature en bois, M. Y Z, qui ne pouvait ignorer les limites de l’assurance souscrite pour les seules activité de maçonnerie béton armé, plâtrerie, carrelage et revêtements matériaux durs, a commis une faute intentionnelle séparable de ses fonctions de gérant qui engage sa responsabilité personnelle sur le fondement de l’article L223-22 du code de commerce et, ce possible défaut d’assurance ayant été révélé à la SCI du Pré de Doué lors de l’instance en référé, le délai de prescription triennale prévu à l’article L223-23 du même code n’a commencé à courir qu’à compter du 20 février 2013, date de l’audience, de sorte que l’action en responsabilité engagée contre lui le 3 novembre 2015 est recevable

— les désordres décrits par l’expert judiciaire, apparus après la réception qui est intervenue tacitement fin 2006, sont de nature décennale, ce qui n’est pas contesté par les parties, et engagent la responsabilité de plein droit de la SARL A. Renobat, constructeur de l’ouvrage, sur le fondement de l’article 1792 du code civil en l’absence de faute prouvée du maître de l’ouvrage qui a réalisé les plans nécessaires à la demande de permis de construire, qui ne sont pas des plans d’exécution, sans s’immiscer dans la conception de l’ouvrage ou l’exécution des travaux et dont le défaut de souscription d’une assurance dommages ouvrage obligatoire n’est pas en lui-même une cause des désordres et ni une cause exonératoire de la responsabilité du locateur d’ouvrage ; ces désordres avaient donc vocation à être couverts par l’assurance responsabilité décennale du constructeur et la faute du gérant de la SARL A. Renobat désormais liquidée, qui a fait perdre à la SCI du Pré de Doué une chance certaine d’être indemnisée des travaux de reprise, est directement à l’origine de l’impossibilité pour celle-ci de recouvrer sa créance à ce titre, incluant le coût des travaux de reprise évalués par l’expert judiciaire à la somme non contestée de 56.362,80 euros et de ceux réalisés par l’entreprise H avant l’expertise et réglés pour un montant de 1.764,40 euros selon factures des 21 janvier 2012 (96,28 euros pour la pose d’ardoises), 19 avril 2012 (1.241,82 euros pour le terrassement du soubassement, la fourniture de grilles de ventilation, le contreventement de la charpente, la fixation de l’ossature dans le vide sanitaire, la fixation de la gaine de ventilation et la fourniture d’une tôle alu) et 6 novembre 2012 (426,31 euros pour le remplacement d’ardoises), à l’exclusion de la facture du 29 février 2012 d’un montant de 5.645,12 euros relative à la pose d’un bardage qui ne semble pas correspondre à la reprise de désordres

— M. Y Z n’est pas fondé à appeler en garantie la SASU Brico Dépôt car il échoue à démontrer que les ardoises défectueuses posées sur le chantier proviennent de celle-ci, les factures d’ardoises qu’il produit ne mentionnant aucun nom de chantier et étant datées des 21, 24 et 25 novembre 2006 alors que la SARL A. Renobat a facturé à la SCI du Pré de Doué la fourniture et la pose des ardoises le 17 octobre 2006 et achevé les travaux au 7 novembre 2006, date de sa dernière facture, ni la SA SMA car les travaux réalisés n’entraient pas dans le champ de ceux couverts par l’assurance responsabilité souscrite par la SARL A. Renobat, ni M. F-G H car il ne fonde pas juridiquement son appel en garantie contre celui-ci qui a réalisé des travaux de reprise ayant permis de limiter en partie les désordres liés aux défauts de la construction initiale, même s’ils

sont insuffisants, et n’étant nullement à l’origine des désordres constatés par l’expert judiciaire.

Suivant déclaration en date du 14 juin 2018, M. Y Z a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Par ordonnance en date du 15 octobre 2019, le magistrat chargé de la mise en état, relevant l’existence d’éléments suffisants sur l’incapacité de l’appelant à s’acquitter du montant des condamnations au regard des poursuites dont il fait l’objet de la part du Trésor public, a dit n’y avoir lieu à radiation de l’appel et a réservé les dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 12 septembre 2018, M. Y Z, appelant, demande à la cour, au visa des articles L223-22 du code de commerce, 1792 et suivants, 2044 du code civil, L241-1 et L243-3 du code des assurances, de :

— à titre principal, annulant et réformant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, dire et juger irrecevable l’action de la SCI du Pré du Doué à son encontre en sa qualité de liquidateur amiable de la SARL A. Renobat au motif, d’une part, de l’absence de signification à partie de l’assignation en date du 3 novembre 2015 enrôlée sous le n°15/4106, d’autre part, de la prescription acquise au regard de l’article L225-254 du code de commerce

— à titre subsidiaire, réformant le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes en garantie, condamner in solidum M. F-G H, la SASU Brico Dépôt et la SA SMA dite Sagena à le garantir d’éventuelles condamnations, en particulier les sommes de 56.362,80 euros TTC à titre de dommages et intérêts correspondant aux travaux de reprise des désordres et de 7.409,52 euros TTC à titre de dommages et intérêts correspondant aux travaux de reprise des désordres avant l’expertise, les condamner in solidum à le garantir en sa qualité de liquidateur amiable d’éventuelles condamnations, en particulier la somme de 56.362,80 euros TTC à titre de dommages et intérêts correspondant aux travaux de reprise des désordres, et les condamner in solidum avec la SCI du Pré de Doué (sic) à le garantir en sa qualité de liquidateur amiable d’éventuelles condamnations, en particulier la somme de 7.409,52 euros TTC à titre de dommages et intérêts correspondant aux travaux de reprise des désordres avant l’expertise

— condamner in solidum la SCI du Pré du Doué, M. F-G H, la SASU Brico Dépôt et la SMA SA dite Sagena à lui verser la somme de 6.000 euros TTC en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance et aux dépens de l’instance (sic), distraction faite au profit de la SCP Plaisant-Fourmond-Verdier avocats, et rejeter toute demande contraire de la SCI du Pré du Doué.

Dans ses dernières conclusions n°1 en date du 7 décembre 2018, la SCI du Pré de Doué, intimée, demande à la cour, au visa des articles L223-22 du commerce, 1792 et suivants, 2044 du code civil, L241-1 et L243-3 du code des assurances, de :

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré recevable son action à l’encontre de M. Y Z et condamné ce dernier à lui régler la somme de 58.127,20 euros et celle de 376,45 euros en remboursement du coût du constat d’huissier dressé le 25 octobre 2012, ainsi qu’aux entiers dépens comprenant ceux de l’instance de référé ayant donné lieu à l’ordonnance du 13 mars 2013 et les frais d’expertise judiciaire de M. X, distraction faite au profit de Me Simon

— statuant de nouveau, condamner M. Y Z à lui verser la somme de 8.000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens en cause d’appel.

Dans ses dernières conclusions en date du 11 décembre 2018, la SA SMA anciennement dénommée Sagena, intimée, demande à la cour, au visa des articles 122 et 123 du code de procédure civile, L114-1 et L113-9 du code des assurances, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses

dispositions l’intéressant et, statuant en tant que de besoin à nouveau, de :

— à titre principal, débouter M. Y Z de son action, le sinistre étant en dehors du secteur d’activité professionnelle déclaré, et rejeter toutes les demandes de celui-ci à son encontre

— à titre principal également, si l’action de M. Y Z est jugée fondée, déclarer celui-ci prescrit en son action diligentée contre elle et l’en débouter

— à titre subsidiaire, limiter les sommes mises à sa charge conformément aux stipulations contractuelles après avoir fait application de la règle proportionnelle de réduction de l’article L113-9 du code des assurances

— en toute hypothèse, condamner reconventionnellement M. Y Z à lui verser la somme de 2.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel et accorder, en ce qui concerne ces derniers, à la SELARL Lexavoué Rennes Angers le droit prévu à l’article 699 du même code.

Dans ses dernières conclusions en date du 11 décembre 2018, la SASU Brico Dépôt, intimée, demande à la cour, confirmant la décision dont appel, au visa des articles 9 et suivants du code de procédure civile, de :

— à titre principal, dire et juger que M. Y Z ne rapporte pas la preuve que les tuiles en ardoise dont il se plaint ont été fournies par elle, en conséquence débouter celui-ci de l’ensemble de ses demandes, déclarer l’appel en garantie à son encontre infondé, débouter toute partie de toute demande en ce qu’elle serait dirigée à son encontre et condamner M. Y Z à lui verser une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel

— à titre subsidiaire, dire et juger que les tuiles ne sont pas la cause du désordre constaté de la couverture de la maison, en conséquence débouter celui-ci de l’ensemble de ses demandes, déclarer l’appel en garantie à son encontre infondé, débouter toute partie de toute demande en ce qu’elle serait dirigée à son encontre, condamner M. Y Z, ou qui mieux le devra, à lui verser une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner M. Y Z aux dépens de première instance et d’appel

— à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que sa garantie à l’égard de M. Y Z ne saurait excéder le coût du remplacement de la couverture, soit 31.289,30 euros, et réduire la demande présentée par M. Y Z au titre de l’article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.

Dans ses dernières conclusions en date du 13 décembre 2018, M. F-G H, intimé, demande à la cour, au visa de l’article 1792 du code civil, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. Y Z de son appel en garantie à son encontre et a condamné celui-ci à lui régler la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, et de le condamner à lui verser la somme de 2.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens en cause d’appel.

Sur ce, la cour,

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité de l’assignation introductive d’instance

Contrairement à ce que soutient M. Y Z, le tribunal de grande instance du Mans a été régulièrement saisi par la première assignation en date du 3 novembre 2015, remise le 6 novembre 2015 au greffe qui l’a enrôlée sous le numéro de RG 15/04106, quand bien même cette assignation ne

lui a pas été délivrée à sa personne.

En effet, elle a été faite selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile par un procès-verbal de recherches infructueuses dressé à sa dernière adresse connue, rue D E à […], où les ordonnances de référé des 13 mars et 28 août 2013 et le rapport d’expertise judiciaire du 30 mars 2015, tous contradictoires à son égard, indiquaient qu’il demeurait à l’époque, l’huissier de justice instrumentaire ayant pris soin de préciser avoir pris contact avec ses père et mère habitant la même rue qui ont déclaré qu’il avait déménagé en Roumanie il y a plusieurs mois et qu’ils refusaient de communiquer son numéro de téléphone et ignoraient son adresse postale, et avoir entrepris des recherches, notamment sur internet, pour le localiser, sans succès.

En tout état de cause, l’affaire ayant été renvoyée le 3 mars 2016 à une nouvelle audience de mise en état pour régularisation de l’assignation à son nouveau domicile roumain identifié rue Stefan Octavian Losif à Brasov où il a pu effectivement être joint par la transmission, en application du règlement (CE) n°1393/2007 du 13 novembre 2007, de la nouvelle assignation en date du 12 mai 2016 qui lui a été remise en personne le 6 juin 2016 par l’entité roumaine requise, cette simple réitération de l’assignation que le juge peut solliciter, à l’initiative du demandeur ou d’office, lorsque le défendeur ne comparaît pas et n’a pas été cité à sa personne, conformément à l’article 471 du code de procédure civile, n’a laissé subsister aucun grief pour M. Y Z qui a constitué avocat sur la deuxième assignation remise le 6 juillet 2016 au greffe, assignation qu’aucun texte n’imposait d’enrôler séparément.

M. Y Z a, d’ailleurs, dénoncé cette deuxième assignation présentée comme 'enrôlée sous le RG N°15/0416" dans les actes d’appel en cause et garantie qu’il a fait délivrer par huissier les 18,19 et 26 octobre 2016 à la SASU Brico-Dépôt, à la SA SMA et à M. F-G H.

La fin de non-recevoir opposée à cet égard par M. Y Z à la SCI du Pré de Doué ne peut donc qu’être rejetée.

Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription

Comme en première instance, la responsabilité personnelle de M. Y Z est recherchée en appel par la SCI du Pré de Doué, à titre principal, sur le fondement de l’article L223-22 du code de commerce pour faute détachable de ses fonctions de gérant de la SARL A. Renobat consistant à s’être abstenu de souscrire une assurance de responsabilité décennale obligatoire valable pour les travaux de construction entrepris et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article L237-12 du même code pour faute dans l’exercice de ses fonctions de liquidateur amiable consistant à avoir clôturé la liquidation de la SARL A. Renobat et fait radier celle-ci avant l’expiration du délai de garantie décennale bien qu’elle ne soit pas assurée.

Sur la prescription de l’action en responsabilité contre le gérant

Contrairement à ce que soutient la SCI du Pré de Doué, cette action n’est pas soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue par l’article 2224 (et non 2044) du code civil qui dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Elle se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation, conformément à l’article L223-23 du code de commerce, ainsi que l’a exactement retenu le premier juge.

La SCI du Pré de Doué admet expressément avoir eu connaissance du préjudice causé par le défaut d’assurance décennale obligatoire de la SARL A. Renobat à l’occasion de l’apparition des désordres en 2008 et ne peut, sans se contredire, prétendre que les opérations d’expertise judiciaire ont révélé

que cette société n’était pas assurée à l’époque de la réalisation du chantier pour les activités nécessaires à la construction d’une maison à ossature bois, alors qu’elle a elle-même communiqué au conseil de M. Y Z le 26 décembre 2012, soit avant de recevoir notification le 7 janvier 2013 des conclusions de la SA Sagena en défense à l’assignation en référé expertise qu’elle lui a fait délivrer le 20 décembre 2012, d’une part, en pièce 6, un décompte de cotisation daté du 1er décembre 2005 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2006 relatif au contrat d’assurance «protection professionnelle des artisans du bâtiment» souscrit par Renobat auprès de la SA Sagena et, d’autre part, en pièce 7, une attestation d’assurance datée du 8 décembre 2004 indiquant que ce contrat garantit les activités «maçonnerie béton armé», «plâterie», «carrelage et revêtements matériaux durs» au titre, notamment, du risque de responsabilité décennale pour les chantiers ouvertes entre le 1er janvier et le 30 juin 2005.

En outre, elle ne dément pas que son gérant, M. A B, et M. Y Z étaient associés dans la SCI Ecologe à laquelle a été initialement délivré le permis de construire relatif à la maison à ossature bois qui, selon les explications recueillies par l’expert judiciaire, devait servir de pavillon témoin en vue d’une commercialisation en France de ce type de bâtiment roumain pré-monté, projet ultérieurement abandonné faute de solutions d’assurance et de financement adéquates au profit d’une mise en location classique du bien, ainsi que dans une autre société Ecobat, et reconnaît que M. A B, également gérant de la SCI Ecologe, a lui-même réalisé les plans en vue de l’obtention du permis de construire.

Les relations étroites nouées entre M. A B et M. Y Z autour de ce projet ne permettent pas de considérer que le fait dommageable a été dissimulé à la SCI du Pré de Doué, de sorte que le point de départ du délai de la prescription triennale de l’article L223-23 doit être fixé au plus tard au 6 octobre 2008, date de clôture de la liquidation amiable de la SARL A. Renobat, clôture qui est présentée par la SCI du Pré de Doué elle-même comme concomitante au signalement des désordres par le maître d’ouvrage.

Plus de trois ans s’étant écoulés avant l’assignation en référé de M. Y Z le 28 novembre 2012, cette assignation n’a pu interrompre la prescription déjà acquise.

L’action sur ce fondement ne peut donc être jugée recevable.

Sur la precsription de l’action en responsabilité contre le liquidateur amiable

Il n’est pas contesté que cette action se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation, conformément à l’article L225-254 du code de commerce auquel renvoie le deuxième alinéa de l’article L237-12.

Or, ainsi qu’en convient la SCI du Pré de Doué, la radiation de la SARL A. Renobat consécutive à la clôture de sa liquidation a été publiée le 6 octobre 2008 au registre du commerce et des sociétés.

M. F-G H, dont la première intervention de reprise sur la couverture en ardoises remonte à janvier 2010, et non 2012 comme indiqué par erreur par le tribunal, a, d’ailleurs, comme il l’explique, été sollicité par la SCI du Pré de Doué pour effectuer des travaux de reprise du fait précisément de la liquidation de la SARL A. Renobat.

En outre, comme exposé ci-dessus, la SCI du Pré de Doué n’ignorait pas au 6 octobre 2008 le défaut d’assurance décennale obligatoire de la SARL A. Renobat à l’époque de la réalisation du chantier pour les activités nécessaires à la construction d’une maison à ossature bois.

Il y a donc lieu de considérer que la publication de la clôture de la liquidation de la SARL A. Renobat a permis la révélation du fait dommageable au tiers qu’est la SCI du Pré de Doué et de fixer le point de départ du délai de la prescription triennale des articles L237-12 alinéa 2 et L225- 254 à sa

date du 6 octobre 2008.

La prescription déjà acquise à la date de l’assignation en référé de M. Y Z et n’ayant pu être interrompue par cette assignation, l’action sur ce fondement doit elle aussi être jugée irrecevable.

Le jugement dont appel sera, dès lors, infirmé.

Cette irrecevabilité rend sans objet les recours en garantie formés par M. Y Z à l’encontre de la SASU Brico-Dépôt, de la SA SMA anciennement Sagena et de M. F-G H, la mention au dispositif des conclusions de l’appelant d’une demande de condamnation de la SCI du Pré de Doué à le garantir d’éventuelles condamnations au titre des travaux de reprise des désordres avant l’expertise résultant d’une erreur matérielle manifeste.

Sur les frais et dépens

Partie perdante, la SCI du Pré de Doué supportera les dépens de référé afférents à l’instance ayant donné lieu à l’ordonnance du 13 mars 2013, ainsi que ceux de première instance et d’appel, comprenant de droit la rémunération de l’expert judiciaire en application de l’article 695 4° du code de procédure civile, excepté les dépens de référé afférents à l’instance ayant donné lieu à l’ordonnance du 28 août 2013 et ceux relatifs aux appels en cause formés en première instance et en appel à l’encontre de la SASU Brico-Dépôt, de la SA SMA et de M. F-G H par M. Y Z, qui resteront à la charge de ce dernier.

En considération de l’équité et de la situation respective des parties, la SCI du Pré de Doué versera au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés en première instance et en appel par M. Y Z la somme globale de 4.000 euros en application de l’article 700 1° du code de procédure civile et ce dernier versera au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés en appel par la SASU Brico-Dépôt, par la SA SMA et par M. F-G H la somme de 1.500 euros chacun en application du même texte, en complément des indemnités déjà allouées à ceux-ci en première instance qui seront confirmées, toute autre demande à ce titre étant rejetée.

Par ces motifs,

La cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, excepté en ce qu’il a condamné M. Y Z à régler à la SASU Brico Dépôt, à la SA Sagena et à M. F-G H la somme de 1.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables comme prescrites les actions en responsabilité de la SCI du Pré de Doué à l’encontre de M. Y Z en qualité d’ancien gérant et de liquidateur de la SARL A. Renobat ;

Déclare sans objet les recours en garantie de M. Y Z à l’encontre de la SASU Brico-Dépôt, de la SA SMA anciennement Sagena et de M. F-G H ;

En application de l’article 700 1° du code de procédure civile, condamne :

— la SCI du Pré de Doué à verser à M. Y Z la somme globale de 4.000 (quatre mille) euros en première instance et en appel

— M. Y Z à verser à la SASU Brico Dépôt, à la SA Sagena et à M. F-G H la somme complémentaire de 1.500 (mille cinq cents) euros chacun en appel ;

Rejette toute autre demande au même titre ;

Condamne :

— la SCI du Pré de Doué aux dépens de référé afférents à l’instance ayant donné lieu à l’ordonnance du 13 mars 2013 et à ceux de première instance et d’appel, comprenant les frais d’expertise judiciaire

— M. Y Z aux dépens de référé afférents à l’instance ayant abouti à l’ordonnance du 28 août 2013 et à ceux relatifs aux appels en cause formés en première instance et en appel à l’encontre de la SASU Brico-Dépôt, de la SA SMA et de M. F-G H ;

Dit que les dépens seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT SUPPLEANT

C. LEVEUF S. BEUCHEE

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Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 15 décembre 2020, n° 18/01253