Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 20 juillet 2017, n° 16/03032

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 20 juill. 2017, n° 16/03032
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 16/03032
Décision précédente : Tribunal d'instance de Libourne, 12 avril 2016, N° 11-15-448
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE


ARRÊT DU : 20 JUILLET 2017

(Rédacteur : Elisabeth LARSABAL, président,)

N° de rôle : 16/03032

B Y

c/

D X

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

XXX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 avril 2016 par le Tribunal d’Instance de LIBOURNE ( RG : 11-15-448) suivant déclaration d’appel du 09 mai 2016

APPELANT :

B Y

né le XXX à XXX

de nationalité Française, demeurant XXX

Représenté par Maître Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

D X

né le XXX à XXX

de nationalité Française, XXX

Représenté par Maître Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX

Représenté par Maître Hélène TAINTENIER-MARTIN, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, Place de l’Europe – XXX

Non représentée, assignée à personne habilitée.

XXX agissant poursuites et diligences de son représentant

légal domicilié en cette qualité audit siège, XXX

Représentée par Maître GUERIN substituant Maître Françoise GELIBERT de la SCP DGD, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 juin 2017 en audience publique, devant la cour composée de :

Elisabeth LARSABAL, président,

Catherine COUDY, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Irène CHAUVIRE

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

M. X exploite des parcelles de vignes dont il est propriétaire, dans le cadre de la société civile Le Groupement Foncier Agricole Château Bujan dont il est le gérant.

Pour ce faire, il a effectué notamment des traitements avec des produits pesticides.

M. Y dont l’habitation se situe sur des parcelles contiguës à celles-ci, dit avoir subi un dommage corporel du fait des épandages des mois de mai et juin 2014.

Par assignation en référé, délivrée en date du 17 juillet 2014, M. Y a saisi le Président du tribunal de grande instance de Bordeaux afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire aux fins d’expertise médicale.

La CPAM est intervenue 1e 31 juillet 2014 au titre du risque maladie de M. Y.

Par ordonnance de référé, rendue 1e 15 décembre 2014, le président du tribunal de grande instance de Bordeaux a désigné le docteur Z, et par ordonnance de remplacement d’expert, rendue le 31 décembre 2014, l’expert désigné a été remplacé par le docteur A.

Par ordonnance de référé, rendue 1e 31 décembre 2014, 1e président du tribunal de grande instance a déclaré commune à la société AXA France l’expertise et a prolongé le délai de dépôt du rapport.

Le pré-rapport et le rapport d’expertise ont été rendus les 10 mars, 2 mai et 9 juin 2014 en raison des dires des avocats du défendeur.

Par assignation en date du 9 juillet 2015, M. Y a saisi le tribunal d’instance de Libourne, et a présenté les demandes suivantes :

— dire et juger que M. X est responsable des expositions à des produits de traitement des vignes de M. Y aux mois de mai et juin 2014,

— condamner M. X à lui payer les sommes de :

* DFTP 1.800€

* Souffrances endurées: 4.000€

* Préjudice d’agrément: 3.000€

— condamner M. X à lui payer la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance, comprenant les frais d’expertise du docteur A,

— ordonner 1'exécution provisoire.

Par jugement en date du 13 avril 2016, le tribunal d’instance de Libourne a :

— débouté M. Y de l’intégralité de ses demandes,

— débouté les parties pour le surplus de leurs demandes respectives,

— rejeté les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné M. Y aux dépens, compris les frais d’expertise.

Le tribunal a considéré que :

— sur la demande d’indemnisation, il n’est pas possible d’établir un lien de causalité entre les faits reprochés à M. X puisque la faute n’est pas prouvée, de même pour l’hospitalisation du 24 mai 2014 et les séquelles évoquées, puisqu’aucun examen médical adapté n’a été pratiqué,

— M. Y n’a pu fournir aucune analyse médicale à l’appui de sa demande, amenant le corps médical à effectuer des diagnostics reposant sur ses seules allégations, et il ne produit aucun élément nouveau permettant de compléter et justifier une nouvelle expertise.

M. Y a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 9 mai 2016, dans des conditions de régularité non contestées.

Par conclusions n°2 signifiées par RPVA le 10 novembre 2016, M. Y demande à la cour de :

— réformer le jugement dont appel,

— dire et juger que M. X est responsables des trois expositions à des produits de traitement de ses vignes qui se sont déroulées les :

* 6 mai 2014,

* 24 mai2014,

* 5 juin 2014.

— condamner M. X à lui payer les sommes suivantes :

* DFTP 10 % ……………………………………… 1.800 €

* Souffrances endurées ……………………….. 4.000 €

* Préjudice d’agrément …………………………. 3.000 €

— condamner M. X à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance, y compris les frais d’expertise.

Par conclusions additionnelles responsives et récapitulatives signifiées par RPVA le 22 mai 2017, M. X demande à la cour de:

— déclarer recevable mais non fondé l’appel interjeté par M. Y à l’encontre du jugement.

En conséquence,

— confirmer le jugement.

En conséquence,

— débouter M. Y de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner M. Y à lui payer une indemnité de 2.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner M. Y aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d’expertise et de mise en cause de la société AXA France IARD, ainsi que d’appel dont distraction au profit de la société civile professionnelle Michel Puybaraud, avocat postulant près la cour d’appel de Bordeaux, et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions d’intimé signifiées par RPVA le 12 août 2016, AXA France IARD demande à la cour de:

A titre principal,

— constater que M. Y n’établit pas une faute imputable à la charge de M. X,

— constater que M. Y n’établit pas que l’épandage de produits par M. X soit à l’origine de ses préjudices.

En conséquence,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. Y de ses demandes,

— le condamner à verser la somme de 1.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

— réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires de M. Y,

— limiter le déficit fonctionnel temporaire partiel invoqué à la somme de 239,20€,

— réduire à de plus justes proportions les souffrances endurées invoquées par M. Y,

— le débouter de sa demande au titre du préjudice d’agrément,

— dire n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— laisser à la charge de chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par courrier en date du 25 juillet 2016, la CPAM de la Gironde a fait savoir qu’elle n’entend pas intervenir à l’instance. A la requête de M. X, ses conclusions lui ont été signifiées à personne par acte d’huissier en date du 31 mai 2017. Celles de la société AXA France IARD lui ont été signifiées le 29 août 2016

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 6 juin 2017.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de M. D X

La demande de M. B Y est fondée sur l’article 1382 ancien du code civil aux termes duquel tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par lequel la faute est arrivée à le réparer. Il appartient au demandeur de prouver l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

M. B Y produit des pièces nouvelles en appel.

M. B Y fait état de trois épandages réalisés par un salarié de M. D X les 6 mai, 24 mai et 5 juin 2014, dont la matérialité n’est pas contestée par l’intimé.

M. D X produit la liste des nombreux produits utilisés et M. B Y ne conteste pas que ceux-ci soient autorisés ; pour autant, il ressort de la littérature médicale que ces produits chimiques appliqués par pulvérisation non ciblée par tracteur sont susceptibles de générer des troubles chez les personnes qui y sont exposées, notamment de nature pulmonaire ou oculaire ; M. D X produit par ailleurs des relevés météorologiques sur la vitesse du vent les jours visés, et celle-ci est inférieure à 19 km/h, au delà de laquelle le code rural et de la pêche maritime prohibe l’épandage de ces produits. Pour autant, il appartient au viticulteur qui procède à l’épandage de produits autorisés dans ces conditions de vent de s’assurer que son épandage, non ciblé et à deux jets, un de chaque côté du tracteur, ne nuit pas à son voisinage et de faire en sorte de ne pas procéder aux traitements lorsque les riverains sont présents dans leur jardin, et de s’interrompre lorsque ceux-ci souhaitent sortir de leur domicile où du lieu où ils se trouvent.

Par ailleurs les deux plaintes pénales déposées par M. B Y à la gendarmerie de Blaye les 7 mai et 7 juin 2014 à raison de ces épandages n’ont pas eu de suite, ce qui ne fait pas obstacle à la recherche de la responsabilité civile fondée sur la faute . De même a été classée la plainte déposée contre M. B Y par le salarié de M. D X à raison d’un jet de caillou imputé à M. B Y lors de l’incident du 24 mai 2014.

La circonstance qu’il existe entre M. B Y et M. D X un litige de limite de propriété qui a donné lieu à un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux ne suffit pas à exclure le bien fondé de l’action en responsabilité de M. B Y , qui ne peut s’analyser uniquement en une manifestation vindicative.

S’agissant de l’épandage du 6 mai 2014, s’il a bien eu lieu, et M. B Y indiquant être sorti pour déplacer sa voiture pour éviter qu’elle ne soit atteinte par les produits, et avoir demandé en vain au salarié de M. D X d’arrêter, il n’est pas justifié de troubles médicaux consécutifs et d’une consultation médicale.

S’agissant de l’épandage du 24 mai 2014, M. B Y produit des pièces médicales d’où il ressort d’une part qu’il a vu son médecin traitant le jour même, qui lui a notamment prescrit un anti-histaminique, et qu’il s’est présenté aux urgences de l’hôpital de Libourne tôt le matin du 25 mai 2014 se plaignant de maux de tête, de troubles oculaires et respiratoires, dont la réalité (irritation de la muqueuse bronchique) a été constatée par le médecin, qui, s’il n’a pu en constater lui- même la cause, a mentionné celle indiquée par M. B Y , qui lui a paru compatible avec lesdits troubles, et qui a été soigné par un traitement aérosol anti-histaminique et gastro-protecteur. l’expert judiciaire rappelle cette compatibilité et l’absence d’autres causes connues possibles, et il détaille la liste des sept produits diffusés et les troubles qui peuvent en résulter , irritation oculaire, toux, sensibilisation cutanée.

S’agissant de l’épandage du 5 juin 2014, pour lequel le tribunal avait écarté une attestation globale irrégulière des personnes présentes chez l’appelant à l’occasion d’un repas d’obsèques, M. B Y produit désormais des attestations régulières et individuelles des participants d’où il ressort que s’ils étaient en majorité à l’intérieur fenêtres ouvertes, ils ont été incommodés par le nuage de produits fongicides projetés durant trente minutes environ, et que M. D X, qui était présent, a refusé d’arrêter l’épandage et a eu un incident avec le beau-frère de M. B Y . M. B Y n’a pas à cette occasion consulté de médecin, mais certains des témoins attestent de ses troubles respiratoires et de nausées.

M. D X conteste vainement l’expertise judiciaire du docteur A, qui a répondu aux dires de son avocat, et qui au vu des documents médicaux produits, retient les troubles dénoncés par M. B Y pour l’épisode du 24 mai 2014.

Eu égard à ces éléments, mais étant rappelé que l’action est engagée sur le fondement de l’article 1382 ancien du code civil et non des troubles anormaux de voisinage, il apparaît que la responsabilité de M. D X est engagée pour les faits du 24 mai 2014 , qui ont causé à M. B Y des troubles médicaux dont il est justifié, et pour celui du 5 juin 2014 , compte tenu de sa durée et du refus de M. D X d’interrompre l’épandage alors que de nombreuses personnes étaient présentes, qui témoignent des troubles ressentis par l’appelant.

Sur le préjudice de M. B Y

L’expert judiciaire a retenu, étant rappelé que M. B Y est retraité :

— un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 10 % du 24 mai au 4 septembre 2014, soit pendant 104 jours

— des souffrances endurées évaluées à 2/7.

M. D X n’a pas conclu sur les demandes indemnitaires de M. B Y, mais son assureur y a répondu précisément.

Il sera alloué à M. B Y :

— pour le déficit fonctionnel temporaire partiel, une somme de 23 € X 10% X 104 jours = 239.20 €

— pour les souffrances endurées, une somme de 1800 €, au regard de la durée et de la nature des souffrances limitées à une gêne respiratoire

soit au total 2039.20 €, somme que M. D X sera condamné à lui verser.

M. B Y sera débouté de sa demande au titre du préjudice d’agrément, fondée sur l’arrêt de son activité de dégustation de vins pendant six mois, en l’absence de toute justification de cette activité, étant observé que son goût pour le vin ne saurait faire abstraction du processus d’élaboration, qui inclut les traitements qu’il dénonce.

M. D X ne forme pas de demande de garantie contre son assureur Axa France IARD.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise, seront mis à la charge de M. D X, dont la responsabilité est retenue, et qui sera débouté de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile , et condamné à verser à ce titre à M. B Y une somme de 1800 €.

La demande de la société Axa France IARD à ce titre n’étant dirigée que contre M. B Y et non contre son assuré M. D X , il n’y sera pas fait droit.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Condamne M. D X à verser à M. B Y la somme de 2039.20 € en réparation du préjudice causé par les épandages du 24 mai 2014 et du 5 juin 2014 ;

Déboute M. B Y du surplus de ses demandes ;

Condamne M. D X à verser à M. B Y une somme de 1800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. D X et de la société Axa France IARD ;

Condamne M. D X aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise.

Le présent arrêt a été signé par Elisabeth LARSABAL, président, et par Madame Irène CHAUVIRE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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