Cour d'appel de Douai, 21 janvier 2016, n° 14/07571

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Douai, 21 janv. 2016, n° 14/07571
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 14/07571
Décision précédente : Tribunal de commerce de Valenciennes, 29 septembre 2014, N° 13/03941

Texte intégral

XXX

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 21/01/2016

***

N° de MINUTE : 16/

N° RG : 14/07571

Jugement (N° 13/03941)

rendu le 30 Septembre 2014

par le Tribunal de Commerce de VALENCIENNES

REF : SD/KH

APPELANTE

SARL SAGEXNORD Prise en la personne de son représentant légal et en cette qualité audit siège

ayant son siège XXX

XXX

Représentée par Me M-N O, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Dominique HENNEUSE, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉS

Monsieur Y X

de nationalité Française

XXX

XXX

Représenté par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assisté de Me Jérôme GUILLEMINOT, avocat au barreau de VALENCIENNES

Madame K B épouse X

de nationalité Française

XXX

XXX

Représentée par Me François DELEFORGE, avocat au barreau de DOUAI

Assistée de Me Jérôme GUILLEMINOT, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS à l’audience publique du 12 Novembre 2015 tenue par Sandrine DELATTRE magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marguerite-M HAINAUT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Philippe BRUNEL, Conseiller faisant fonction de Président

Sandrine DELATTRE, Conseiller

Nadia CORDIER, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2016 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Philippe BRUNEL, Conseiller faisant fonction de Président et Marguerite-M HAINAUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 novembre 2015

***

Vu le jugement contradictoire du 30 septembre 2014 du tribunal de commerce de Valenciennes, qui a condamné la société SAGEXNORD à payer à Y X et A B épouse X la somme de 33630 euros au titre du redressement fiscal résultant de l’imposition de la plus-value d’apport du fonds de commerce, majoration et intérêts de retard inclus, la somme de 12025 euros au titre du redressement fiscal résultant de l’imposition du bénéfice 2009 de l’entreprise individuelle, majorations et intérêts de retard inclus, mais réduction faite de l’impôt normalement dû par les époux X, la somme de 5000 euros au titre du préjudice moral, la somme de 1200 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Vu l’appel interjeté le 17 décembre 2014 la société à responsabilité limitée (SARL) SAGEXNORD ;

Vu les conclusions déposées le 12 octobre 2015 pour cette dernière, aux termes desquelles, elle sollicite l’infirmation du jugement entrepris, et demande à la cour de constater l’absence de lien contractuel entre elle et les intimés, dire que ces derniers sont à l’origine de la faute qui a généré le dommage dont ils demandent réparation, les débouter de leurs demandes, à titre subsidiaire, de constater que les époux X ont contribué à leur préjudice par leur propre faute dans les plus larges proportions et réduire en conséquence la condamnation éventuelle prononcée à l’égard de la société Z, les débouter du surplus de leur demande, en tout état de cause, les condamner aux dépens, dont recouvrement au profit de maître M N O, et à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées le 22 octobre 2015 pour Y X et K B épouse X, aux termes desquelles ils demandent à la cour de constater l’existence de manquements aux obligations de l’expert-comptable, de condamner la société Z à leur payer la somme principale de 62.177 euros, la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel et en tous les dépens ;

Vu l’ordonnance de clôture du 4 novembre 2015 ;

Référence étant faite au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que Y X exerçait l’activité de couvreur-zingueur à titre individuel du 29 juillet 1998 au 8 juin 2009, son exercice comptable courant du 1er octobre au 30 septembre de chaque année, et avait pour expert-comptable la SARL Z, dont le patrimoine était transmis, après sa dissolution sans liquidation, à la société SAGEXHOLDING devenue SAGEXNORD, le 16 octobre 2012.

Y X constituait l’ EURL X Y, immatriculée au RCS de VALENCIENNES le 8 juin 2009, avec un début d’activité rétroactif au 1er octobre 2008.

Y X faisait apport de son fonds de commerce précédemment exploité à titre individuel à l’EURL X Y.

Le 25 avril 2012, Y X recevait un avis de vérification pour l’ensemble de ses déclarations fiscales concernant la période du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009.

Le 21 juin 2012, Y X recevait notification d’une première « proposition de rectification » relative à l’imposition au titre des plus values d’apport du fonds individuel au capital de l’ EURL X Y, l’administration fiscale ayant maintenu sa position malgré un courrier de contestation adressé par Y X.

Le 29 août 2012, Y X recevait une seconde proposition de rectification relative cette fois au rejet de la rétroactivité de l’activité de l’EURL X Y et à l’absence de bilan de cessation de son activité à titre individuel au 8 juin 2009.

Le 22 juillet 2013, l’EURL X Y était placée en redressement judiciaire et le 30 juin 2014 en liquidation judiciaire.

Estimant la société SAGEXNORD responsable des redressements fiscaux subis, les époux X la faisait assigner devant le tribunal de commerce de Valenciennes, par acte d’huissier de justice du 4 juillet 2013, aux fins d’obtenir sa condamnation à les indemniser à hauteur de 60 729 euros, montant des redressements fiscaux, procédure qui donnait lieu au jugement déféré.

Au soutien de son appel, la société SAGEXNORD expose que’il n’est pas démontré que contractuellement la société Z se serait vue confier l’accomplissement de formalités administratives ou fiscales ou qu’elle ait été à l’origine de l’apport de l’entreprise individuelle en société.

Elle indique que si la société Z n’a pas effectué la déclaration de cessation d’activité devant lui permettre de bénéficier d’un régime dérogatoire, c’est parce qu’elle ne s’était pas engagée contractuellement à le faire, étant précisé que l’article 151 octies II ne fait pas obligation pour l’apporteur de déposer une déclaration d’activité en raison de l’apport intervenu.

Elle ajoute que les époux X se sont vus notifier une mise en demeure de l’administration fiscale le 22 février 2012, qu’ils n’ont ni déféré à cette mise en demeure, ni avisé la société Z, ce qui constitue une faute cause exclusive du dommage, car une régularisation aurait pu intervenir après rappel par mise en demeure, tandis que l’administration fiscale a refusé d’accorder le régime dérogatoire en raison de l’absence de déclaration malgré mise en demeure.

Elle précise que la plus value constatée à la suite de la cession du fonds de commerce était de toute façon due et que seul son report aurait été possible selon certaines conditions, que le préjudice n’est pas certain, que la société Z n’a pas à se substituer aux époux X pour le paiement de leur impôt, qu’ils ne donnent aucun élément sur le sort réservé à leurs contestations, qu’aucun justificatif de paiement, que le montant de l’échéancier est différent de celui de l’avis de mise en recouvrement n’est produit, que les arguments selon lesquels les époux X auraient pu ne jamais payer l’impôt du fait de la liquidation judiciaire de l’EURL ou que le paiement de cet impôt aurait pu être évité par une transmission à titre gratuit à un de ses enfants ne sont que des supputations qui exigent de raisonner en terme de perte de chance, le préjudice ne pouvant alors correspondre au montant de l’impôt.

En réponse, les époux X exposent que le cabinet Z, expert-comptable, effectuait les travaux de comptabilité de Y X lorsqu’il exerçait à titre individuel, a réalisé en juin 2009 la mission d’apport de l’entreprise individuelle à l’EURL (rédaction des statuts, immatriculation au RCS, établissement des déclarations fiscales) et a assuré le suivi comptable et juridique de cette nouvelle structure jusqu’à la révocation de son mandat intervenue en septembre 2012.

Ils expliquent que le premier redressement a pour origine la remise en cause par l’administration fiscale du régime de report de plus-value réalisée lors de l’apport de l’entreprise individuelle, en raison de la non transmission à l’administration fiscale d’une déclaration de cessation de l’ activité autrefois exercée à titre individuel(déclaration 2031 prévue à l’article 201-3 CGI) dans les 30 jours de l’immatriculation de la société bénéficiaire de l’apport.

Ils estiment que la société Z est responsable de cette absence de déclaration car elle était en charge des comptabilités professionnelle et personnelle de Y X, de réaliser l’apport d’activité, de rédiger les statuts, d’accomplir les formalités de constitution de l’EURL, et qu’elle a une obligation de résultat quant à la pertinence et l’efficacité des actes qu’elle rédige ainsi qu’un devoir de conseil à l’égard de son client, ce qu’elle n’a pas respecté.

S’agissant du second redressement fiscal résultant du refus de l’administration de prendre en compte le caractère rétroactif de l’activité d’EURL du 1er octobre 2008 au 8 juin 2009, la société Z en est également responsable car elle devait assurer la sécurité fiscale de l’opération en se conformant aux règles et, en cas de doute formuler tout avertissement préalable.

Ils affirment avoir adressé à la société Z par fax le 2 mars 2012, puis en main propre, la mise en demeure du 22 février 2012, que ce document était inexploitable pour eux car exigeant la communication de déclarations et de bilans dont ils n’étaient pas en possession, que la société Z était convaincue d’avoir fait le nécessaire comme en attestent ses réponses à l’administration fiscale faites en leur nom les 12 juillet et 12 septembre 2012, pour finalement reconnaître son erreur dans un courrier du 17 juin 2013.

Ils ajoutent que la faute relative au rejet du caractère rétroactif de l’activité de l’EURL n’était pas régularisable, cette option étant inscrite dans les statuts.

S’agissant du préjudice ils indiquent justifier des impôts payés au titre de l’IR 2009, du rappel de CSG 2009, des majorations appliquées, de leur exigibilité, que si la société Z n’avait pas commis de faute ils auraient pu amortir le paiement de l’impôt, ou ne pas le payer du tout en cas de liquidation judiciaire, ce qui est le cas, ou de cession à titre gratuit à un enfant, de sorte que la réparation intégrale du préjudice est justifiée.

Ils précisent que le fait d’avoir à payer immédiatement des sommes importantes au titre de l’impôt est en soi préjudiciable, car ils n’ont pu y faire face et auraient pu faire fructifier des sommes qu’ils sont aujourd’hui contraints de payer.

Ils exposent que leur préjudice moral est en lien avec les multiples tracas subis du fait de cette opération réalisée par la société Z et sur ses conseils, alors que Y X avait atteint l’âge de 50 ans et exerçait auparavant à titre individuel.

SUR CE

Il résulte des pièces communiquées aux débats que la société Z, expert comptable, a eu pour mission, aux termes d’une lettre du 22 septembre 1998, d’effectuer les travaux de comptabilité de Y X lorsqu’il exerçait à titre individuel, dont la déclaration des BIC ;

La société Z a également réalisé en juin 2009 la mission d’apport de l’entreprise individuelle à l’EURL consistant en la rédaction des statuts, l’immatriculation au RCS, et à l’établissement des déclarations fiscales ;

En effet, aux termes de la note d’honoraires adressée le 24 juin 2009 à l’EURL X Y, la société Z a facturé la mission juridique relative à l’apport d’une entreprise individuelle en société ;

La société Z a également assuré le suivi comptable et juridique de L’EURL X Y jusqu’à la révocation de son mandat intervenue en septembre 2012, dès lors qu’elle a facturé le 19 février 2010 à cette dernière ses honoraires relatifs à l’approbation des comptes 2009, et qu’elle lui a ensuite adressé une lettre de mission du 20 avril 2010 comprenant notamment l’assistance comptable et fiscale et l’assistance juridique ;

Ainsi la société Z avait une obligation de résultat, comprenant la conformité aux exigences légales, s’agissant des déclarations fiscales tant de Y X que de l’EURL, et une obligation générale d’information et de conseil, portant notamment sur les missions à elle confiées ;

Sur les formalités fiscales obligatoires lors de la cession de l’entreprise individuelle à l’EURL X Y

Le premier redressement fiscal subi par Y X est relatif au report de plus value réalisé lors de l’apport à l’entreprise individuelle ;

En effet aux termes des statuts constitutifs de l’EURL X Y, établis par la société Z, il est indiqué au titre 'fiscalité des plus-values’ que 'l’apporteur (…) Et la société bénéficiaire déclarent expressément opter pour le régime fiscal de sursis de taxation des plus values prévu à l’article 151 octies du code général des impôts (CGI), et s’engagent à respecter les règles prévues audit article’ ;

Comme l’a relevé l’administration fiscale aux termes de son courrier du 21 juin 2012 proposant une rectification suite à la vérification de comptabilité, l’application du régime fiscal spécial en matière de plus value prévu à l’article 151 octies du CGI est subordonnée notamment au dépôt dans le délai de 60 jours de la cession effective de la déclaration de résultats de l’exercice clos au moment de l’apport, tel que prévu par l’article 201-3 du code général des impôts ;

Or en l’espèce si l’option expresse pour l’application de l’article 151 octies du code général des impôts figure bien dans les statuts , en revanche, la déclaration de résultats de l’entreprise individuelle de l’exercice clos constatant les plus values bénéficiant du régime fiscal de l’article 151 octies du code général des impôts n’a pas été réalisée ;

La société Z s’étant chargé de réaliser l’apport en société, les statuts de l’EURL, ainsi que d’établir les déclarations fiscales, il lui appartenait d’assurer l’efficacité fiscale de cette opération et ainsi de faire la déclaration de résultat de l’entreprise individuelle constatant la plus value résultant de l’apport en société, dans le délai de 60 jours, conformément aux exigences légales ;

Y X a reçu une mise en demeure du 22 février 2012 de l’administration fiscale à ce propos, lui demandant la déclaration 2031 des résultats ainsi que les bilans, compte de résultat simplifié, et autres documents comptables relatifs à l’année 2009 ;

Y X a manifestement adressé ce document à la société Z, par télécopie, justifiant d’un accusé de réception daté du 2 mars 2012 ;

Par ailleurs, aux termes d’une télécopie du 10 mai 2012, la société Z a communiqué à Y X des modèles de lettre à adresser à l’administration fiscale, aux termes desquelles il était, d’une part, donné mandat à la société Z de répondre à toutes interrogations sur le contrôle fiscal, d’autre part, demandé que la vérification de comptabilité se fasse au sein du cabinet d’expertise comptable ;

Y X, a répondu à l’administration fiscale par courrier du 12 juillet 2012, rédigé par la société Z, aux termes duquel cette dernière a contesté l’obligation de déposer une déclaration de cessation d’activité en raison de l’apport intervenu ;

Par courrier en réponse du 9 août 2012 l’administration fiscale a rappelé les dispositions légales applicables et précisé qu’à défaut d’avoir déposé une déclaration pour l’année 2009, Y X ne pouvait bénéficier du régime de l’article 151 octies du code général des impôts ;

Il s’ensuit que bien qu’avisé de la nécessité d’établir une déclaration de cessation d’activité et une déclaration de résultats, la société Z ne les a pas régularisées, estimant qu’elles n’étaient pas obligatoires alors que l’obligation résultait clairement de l’article 201 du code général des impôts, applicable à l’époque des faits ;

En effet aux termes de cet article, dans le cas de cession d’une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou minière, dont les résultats sont imposés d’après le régime du bénéfice réel, ce qui était le cas en l’espèce, l’impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ou exploitation et qui n’ont pas encore été imposés est immédiatement établi, les contribuables devant, dans un délai de soixante jours aviser l’administration de la cession ou de la cessation ;

Le paragraphe 3 de ce même article précise que, les contribuables assujettis à un régime réel d’imposition sont tenus de faire parvenir à l’administration, dans le délai de soixante jours déterminé comme indiqué au 1, la déclaration de leur bénéfice réel accompagnée d’un résumé de leur compte de résultat ;

La société Z étant en charge de la comptabilité de Y X, entrepreneur individuel, et de la réalisation de l’opération de l’apport de cette entreprise à l’EURL X Y, il lui incombait d’accomplir les formalités exigées par les dispositions légales susvisées posant la double obligation d’aviser l’administration fiscale de la cessation d’activité, et d’adresser une déclaration de résultats ;

En conséquence, c’est bien en raison de fautes commises par la société Z que Y X n’a pu bénéficier des dispositions de l’article 151 octies du code général des impôts autorisant le report, ce qui a impliqué l’imposition de la plus value sans possibilité de report à hauteur de 22 480 euros ;

Sur le refus de l’administration fiscale de prendre en compte la rétroactivité de l’activité de l’EURL du 1er octobre 2008 au 8 juin 2009, inscrit dans les statuts

Les statuts de l’EURL X Y, rédigés par la société Z, prévoient un effet rétroactif du premier exercice social du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009, date de clôture, tandis que ces statuts ont été enregistrés le 5 juin 2009, et la société X Y immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Valenciennes le 8 juin 2009 ;

Comme cela a été précédemment rappelé, lors de la cession de l’entreprise individuelle la société Z aurait dû adresser à l’administration fiscale une déclaration de cessation d’activité de Y X ainsi que la déclaration de ses résultats ;

Par ailleurs, en vertu de l’article L210-6 du code de commerce, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;

Comme l’a indiqué l’administration fiscale dans les différents courriers adressés à Y X, rappelant la jurisprudence dite 'PINATON’ du conseil d’Etat aux termes d’un arrêt du 28 février 1997, lorsqu’une société a été créée par apport d’un fonds de commerce d’une entreprise individuelle, le premier bilan dans lequel doivent être prises en compte les conséquences des stipulations relatives à la constitution de la société est le bilan de clôture de l’exercice au cours duquel la société a été légalement constituée ;

L’arrêt du conseil d’Etat ajoute que lorsque les parties sont convenues de donner effet à cette constitution à une date antérieure à celle à laquelle la personnalité morale de la société est acquise, une telle convention ne peut, en vertu du principe de l’annualité de l’impôt et de la spécificité des exercices, avoir d’effet antérieurement au jour d’ouverture de l’exercice au cours duquel la société a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés, et reste sans influence sur l’imposition des résultats de l’exercice précédent ;

Or en l’espèce la société X Y n’a eu d’existence légale qu’à compter de son immatriculation, à savoir le 8 juin 2009 ;

Le fait, pour la société Z, de mentionner dans les statuts un effet rétroactif du premier exercice social au 1er octobre 2008, soit une date antérieure à l’existence légale de la société X Y, est contraire au principe d’annualité de l’impôt ;

De même la société Z ne pouvait dispenser Y X du paiement de l’impôt pour l’activité exercée du 1er octobre 2008 au 8 juin 2009 ;

Il s’ensuit que la société Z a également commis une faute de ce chef, n’assurant pas la sécurité fiscale de l’opération réalisée par elle, et ne mettant pas en garde Y X sur une éventuelle incertitude à ce propos ;

Sur le préjudice résultant des fautes commises par la société Z

Les époux X réclament au titre du préjudice subi, la somme de 62 177 euros, décomposée comme suit :

— mise en demeure de payer IR 2009 : 42 044 euros outre 4204 euros au titre de la majoration,

— rappel CSG 2009 : 14 481 euros outre 1448 euros au titre de la majoration ;

Les époux X justifient avoir acquitté leurs impôt, prélèvements sociaux 2009 ainsi qu’une partie des majorations, par le biais du bordereau établi par l’administration fiscale le 23 octobre 2015 ;

Il résulte des courriers versés aux débats que l’administration fiscale a refusé la demande de remise gracieuse des intérêts de retards et majorations mises à la charge des époux X, de sorte que ces sommes doivent être payées par ces derniers ;

Les fautes commises par la société Z ont, eu pour conséquence première de priver Y X du régime spécial du report des plus values ;

L’option pour le régime de report de taxation des plus values permet à l’apporteur de bénéficier d’un report d’imposition sur les plus values constatées sur les immobilisations non amortissables( cession du fonds de commerce) et d’une exonération pour les plus values sur immobilisations amortissables( tels les constructions, installations générales, agencements, les matériels et outillages industriels…), la charge fiscale correspondante étant transférée sur la société bénéficiaire de l’apport ;

Les plus values sur éléments non amortissables sont néanmoins provisoirement exonérés de toute imposition, cette dernière étant reportée jusqu’à la cession des droits sociaux reçus en rémunération de l’apport, le rachat de ces droits par la société, ou la cession par la société des biens concernés ;

En l’espèce la société X Y a fait l’objet d’une liquidation judiciaire, et il n’est pas établi que l’un des événements précédemment mentionnés se soit réalisés ;

Il en résulte que la faute commise par la société Z a amené les époux X à payer des impôts, prélèvements sociaux, intérêts de retard et majoration relatifs à la plus value de cession du fonds de commerce, alors qu’ils n’auraient jamais dû les payer ;

En conséquence, il ne s’agit pas d’une perte de chance mais d’un préjudice direct, certain et établi résultant de la faute commise par la société Z ;

Aux termes de l’avis d’impôt sur les revenus 2009 qu’elle a adressé aux époux X en 2012, à la suite du redressement fiscal, l’administration fiscale a retenu une plus value à long terme sur la somme de 80 00 euros au titre de l’apport du fonds de commerce, bien non amortissable, taxable à 16% à l’impôt sur le revenu;

En vertu de la proposition de rectification adressée par l’administration fiscale aux époux X le 21 juin 2012, la variation de l’impôt sur le revenu liée à l’imposition de la plus value est de 12 800 euros, ce qui est confirmé par l’avis susvisé, et la variation des prélèvements sociaux (CSG et CRDS) est de 9 680 euros ;

En outre les époux X se sont vu infliger une majoration au titre du retard dans le paiement des prélèvements sociaux résultant de la plus value de 1448 euros ;

En conséquence le préjudice relatif à l’imposition de la plus value peut être évalué à la somme de 23928 euros ;

S’agissant de l’impôt relatif à l’activité de Y X à titre individuel du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009, il était légalement dû par Y X, qui n’en a été dispensé dans un premier temps que du fait de la faute commise par la société Z ;

Néanmoins, si cette dernière avait respecté les dispositions légales, Y X aurait payé ses impôts dans les délais et n’aurait pas eu à subir de redressement fiscal, ce qui lui aurait évité les intérêts de retard et majoration pour défaut ou retard de dépôt ;

Or il résulte de l’avis d’impôt sur les revenus 2009 adressé en 2012 par l’administration fiscale, qu’il est réclamé aux époux X la somme de 14 021 euros au titre des intérêts de retard et majoration, ce qui est la conséquence directe des fautes commises par la société Z

En conséquence, la société Z devenue SAGEXNORD sera condamnée à payer à Y et A X la somme de 14 021 euros de ce chef ;

Par ailleurs les époux X ont nécessairement subi un préjudice moral en lien avec les tracas et contrariétés liés au redressement fiscal qui est la conséquence des fautes commises par la société Z ;

Les éléments de la procédure révèlent notamment que les époux X ont dû adresser de multiples courriers et demandes de délais de paiement à l’administration fiscale, et ont été concernés par des avis à tiers détenteur jusqu’en 2015, ce qui permet d’évaluer à 8 000 euros le préjudice moral subi par eux, somme que la société Z devenue SAGEXNORD sera condamnée à leur payer de ce chef;

Il s’ensuit que le jugement déféré sera infirmé, sauf en ce qui concerne le principe de la condamnation pour fautes de la société SAGEXNORD ;

La société SAGEXNORD qui succombe pour l’essentiel de ses demandes sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Y et A X les frais exposés par eux en première instance et cause d’appel et non compris dans les dépens ; il leur sera alloué la somme de 7000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris sauf sur le principe de la condamnation de la société SAGEXNORD, anciennement Z,

Statuant à nouveau,

Condamne la société SAGEXNORD, anciennement Z à payer à Y X et A B épouse X les sommes suivantes :

—  23 928 euros euros au titre du préjudice résultant de la faute commise au titre de l’option pour le régime fiscal de sursis de taxation des plus values,

-14 021 euros au titre du préjudice subi au titre des intérêts de retard et majorations résultant du redressement fiscal relatif à l’imposition sur le revenu 2009, en lien avec la faute commise au titre de la rétroactivité de l’activité de l’EURL,

—  8000 euros au titre du préjudice moral,

Déboute Y X et A B épouse X du surplus de eurs demandes,

Déboute la société SAGEXNORD anciennement Z de ses demandes,

Condamne la société SAGEXNORD anciennement Z à payer à Y X et A B épouse X la somme de 7000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SAGEXNORD anciennement Z aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT

FONCTION DE PRÉSIDENT

M. M. HAINAUT P. BRUNEL

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