Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale-1ère sect, 31 octobre 2018, n° 16/02824

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT N° PH

DU 31 OCTOBRE 2018

RG 16/02824 – N° Portalis DBVR-V-B7A-DZUB

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EPINAL

F 16/00090

04 octobre 2016

COUR D’APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

APPELANTE :

Association AVSEA prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[…]

[…]

En présence de Mme Y Z, directrice

Assistée de Me Julien FOURAY, avocat au barreau d’EPINAL

INTIMÉ :

Monsieur A X

[…]

[…]

Comparant, assisté de Me Sandrine CRUCY, avocate au barreau de NANCY, substituée par Me Stéphane HEIT, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats et du délibéré,

Président : C D

Conseillers : E F

G H

Greffier lors des débats : TRICHOT-BURTE Clara

DÉBATS :

En audience publique du 18 Septembre 2018 ;

L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 31 Octobre 2018 ;

Le 31 Octobre 2018, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

M. A X a été embauché le 1er septembre 2008 par l’association Vosgienne pour la Sauvegarde de l’Enfance, de l’Adolescence et des Adultes (AVSEA), suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur du service des tutelles, statut cadre de direction, classe 1, niveau 1, affecté à Golbey.

La convention collective applicable à l’espèce est la CCNT du 15 mars 1966.

Par courrier du 14 novembre 2012, M. A X a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement, entretien fixé au 23 novembre 2012 ; par ce même courrier, une mise à pied conservatoire lui a été notifiée.

Le 20 novembre 2012, M. A X a dénoncé par lettre adressée à la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations (DDCSPP) des faits pénalement répréhensibles qui auraient été commis par l’association AVSEA.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 3 décembre 2012, l’association AVSEA a notifié à M. A X un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Le 4 avril 2013, M. A X a saisi le conseil de prud’hommes d’Epinal aux fins de voir :

— à titre principal, débouter l’association AVSEA de sa demande de sursis à statuer, déclarer le licenciement intervenu le 3 décembre 2012 nul et ordonner sa réintégration, et obtenir des dommages et intérêts et des compléments de salaire ;

— à titre subsidiaire, déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l’association AVSEA à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

— en tout état de cause, condamner l’association AVSEA à lui payer une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à lui restituer l’ensemble de ses effets personnels sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

Par jugement du 4 octobre 2016, la juridiction a, in limine litis, dit et jugé que la cause du sursis à statuer prononcé le 17 juin 2014 et maintenu le 19 janvier 2016 était éteinte et que M. A X était recevable en sa reprise d’instance, et, au fond,

— a dit et jugé que la demande de nullité du licenciement de M. A X est recevable mais mal fondée et l’en a déboutée,

— a débouté M. A X de ses demandes de réintégration, de dommages et intérêts et de rappel de salaire pour nullité du licenciement,

— a dit et jugé que le licenciement de M. A X est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— a condamné l’association AVSEA à verser à M. A X 75 790,26 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— a condamné l’association AVSEA à restituer à M. A X l’ensemble de ses effets

personnels, notamment un ordinateur portable et a dit qu’il n’y a pas lieu à astreinte,

— a condamné l’association AVSEA à verser à M. A X une indemnité de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— a condamné l’association AVSEA à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M. A X du jour de son licenciement au jour du présent jugement dans la limite de six mois,

— a dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire du paiement des sommes accordées au titre des rémunérations et indemnités non mentionnées au 2° de l’article R.1454-14 du code du travail,

— a débouté l’association AVSEA de l’intégralité de ses demandes,

a dit que la moyenne des trois derniers mois de salaires prévue par les dispositions de l’article R.1454-28 du code du travail est de 4 371,18 euros,

— a condamné l’association AVSEA aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 25 octobre 2016, l’association AVSEA a interjeté appel de ce jugement.

* * *

Par conclusions déposées par l’intermédiaire du RPVA le 17 avril 2018, l’association A.V.S.E.A. demande à la cour :

— in limine litis et simultanément,

— d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la rupture du contrat de travail de M. A X était dépourvue de cause réelle et sérieuse et a condamné l’AVSEA à l’indemniser,

— statuant à nouveau,

— de dire et juger que la pièce n°19 adverse porte atteinte au secret de la correspondance,

En conséquence,

— d’ordonner à M. A X de communiquer sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 8e jour suivant la décision à intervenir l’identité et les coordonnées complètes de la personne qui, selon lui, a procédé à la communication entre ses mains de ladite pièce et les circonstances précises dans lesquelles cette communication serait intervenue,

— de dire et juger que le conseil de prud’hommes d’Epinal ne saurait se fonder sur ladite pièce sauf à violer l’article 9 du code civil,

— en tout état de cause :

— de dire et juger M. A X irrecevable et infondé en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

— de l’en débouter,

— de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de

procédure civile,

— de le condamner en tous les dépens de l’instance.

Au soutien de ses prétentions, l’association AVSEA expose :

— que si M. A X a prétendu dénoncer des faits de nature pénale commis par elle, cette procédure a abouti à un classement sans suite ;

— que l’insuffisance professionnelle de l’intéressé résultant d’une inadaptation à l’emploi est justifiée par les pièces versées aux débats et se manifeste par son absence de coopération et de dialogue avec la Direction générale, son incapacité d’adhérer au processus de décision, de politique et d’organisation et partant son incapacité à livrer les travaux demandés conformément aux directives données ;

— que M. X ne démontre pas que son licenciement est fondé sur un autre motif que celui figurant sur la lettre notifiant le licenciement.

Par conclusions déposées par l’intermédiaire du RPVA le 11 avril 2018, M. A X demande à la cour :

— à titre principal,

— d’infirmer le jugement entrepris,

Et, statuant à nouveau,

— de déclarer le licenciement intervenu le 3 décembre 2012 nul,

— d’ordonner sa réintégration,

— de condamner l’association AVSEA à lui payer la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— de condamner l’association AVSEA à lui verser au titre des compléments de salaire, déduction faite des indemnités Pôle Emploi, la somme de 72 000 euros à parfaire jusqu’à la date de sa réintégration effective,

— à titre subsidiaire,

— de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

' déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' condamné l’association AVSEA à lui payer les montants suivants la somme de 75 790,26 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

' ordonné la restitution de l’ensemble de ses effets personnels,

— en tout état de cause:

— de débouter l’association AVSEA de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,

— de condamner l’association AVSEA à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du

code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions, M. A X soutient :

— que les dysfonctionnements qu’il a dénoncés, s’ils n’ont pas été considérés comme constituant une infraction pénale, ont bien existé et ont suscité suffisamment d’interrogations pour que le Procureur de la République fasse diligenter une enquête et sollicite une régularisation sous son contrôle ;

— que son licenciement était exclusivement motivé par sa dénonciation auprès tant de la Direction que d’organismes de contrôle des pratiques illégales par l’association AVSEA ; qu’en tout état de cause les motifs allégués relèvent en réalité de la matière disciplinaire ;

— que cette décision ne repose sur aucun motif objectif et vérifiable.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les termes de la lettre de licenciement fixent le cadre du litige.

Par lettre du 3 décembre 2012, l’association AVSEA a notifié à M. A X son licenciement pour insuffisance professionnelle en ces termes:

' Nous vous rappelons que vous exercez les fonctions de directeur du service d’accompagnement et de protection juridique de l’ASVEA et ce depuis le 29 août 2008.

A cet égard, vous vous inscrivez dans le cadre d’une organisation associative dont l’objet implique la mobilisation et la collaboration de l’ensemble de ses membres, contribuant à un fonctionnement harmonieux rendu nécessaire par les activités portées par notre structure.

Dans le cadre de vos responsabilités, vous travaillez sous l’autorité de la Direction Générale de l’association pour gérer notamment les services qui composent le SAPJ.

Cette organisation et ce mode de fonctionnement devraient donc être parfaitement acquis.

Lors de votre recrutement, vous aviez vous-même reconnu que le Directeur ' exerce (ses fonctions) conformément à la demande de l’Organisme gestionnaire sous l’autorité du Directeur Général'.

Ainsi, et compte tenu de vos responsabilités et attributions, il est indispensable que vous respectiez et entreteniez une parfaite collaboration avec la Direction Générale (Directrice Générale et Directeur et Administratif de l’Association).

Or, nous avons eu à déplorer une attitude d’opposition systématique confinant à l’obstruction et se traduisant en particulier par l’absence de dialogue et de coopération avec la Direction Générale, par une incapacité à porter, animer et appliquer la politique générale de l’Association et plus généralement à adhérer au processus de décision et d’organisation.

Cette insuffisance a pu s’illustrer, en premier lieu, par votre incapacité à décrire précisément et planifier les engagements de dépenses relatives aux mesures d’exploitation non reconductibles et finançables sur le résultat affecté.

Or, ces travaux non seulement relèvent pleinement de vos attributions et responsabilités, mais encore sont indispensables dans le cadre des relations que nous entretenons avec nons financeurs.

Pour justifier de votre incapacité à livrer ces travaux et à remonter ces informations auprès de la Direction Générale, vous avez objecté que ces éléments d’informations étaient sans intérêt, démontant ainsi votre incapacité à collaborer avec la Direction de notre Association et à vous inscrire pleinement dans la politique que cette dernière conduit.

La maîtrise, le contrôle et la justification de nos charges d’exploitation sont primordiaux, au regard du caractère nécessairement non lucratif de nos activités et de la nécessité d’un emploi responsable des fonds publics qui sont alloués.

A ce titre, la Commission Finance associative vous a demandé de mener une étude détaillée concernant les modalités d’impression au sein de vos services

En réalité, vous vous êtes montré incapable d’adhérer à cette réflexion et de mener cette étude détaillée.

Vous n’avez dégagé dès lors aucune solution justifiée alors même que vous deviez être la force de proposition et l’animateur au sein de votre service pour traiter cette problématique.

Vous n’avez, plus généralement, développé aucune collaboration et coopération avec la Commission Finance ainsi qu’avec la Direction Générale rendant impossible toute coordination des politiques de management.

Ce déficit de coopération et de collaboration avec la Direction Générale a pu également se manifester à l’occasion de l’appel de marchés diffusés par le Conseil Général des Vosges relatif à la mesure d’accompagnement social et budgétaire.

Il vous appartenait naturellement de participer à la réponse à cet appel en fournissant les éléments permettant de soumissionner.

Compte tenu de vos responsabilités, vous deviez également être une force de proposition, d’animation, d’implication et ainsi contribuer au développement comme à la pérennisation de notre Association.

Par ailleurs, vous n’êtes pas sans ignorer que les relations que nous entretenons avec le Conseil Général des Vosges, en sa qualité de principal contributeur financier, méritent d’être préservées.

En réalité, vous avez été dans l’incapacité de vous impliquer dans ce projet et de collaborer à ce titre avec la Direction Générale, manifestant ainsi une complète désinvolture et une absence d’implication dans l’application des directives et de la politique générale.

Ces illustrations matérialisent votre incapacité à comprendre les enjeux et la nécessite de travailler en équipe, gage d’efficacité face aux problématiques auxquelles notre association est confrontée dans le cadre de ses activités et de ses missions.

Dans ces conditions, votre insuffisance professionnelle nous conduit malheureusement à procéder à votre licenciement'.

Les motifs évoqués dans cette lettre sont matériellement vérifiables.

Il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier des pièces 10 à 14 du dossier de l’association AVSEA, que les griefs formulés par celle-ci à l’encontre de M. A X reposent en réalité sur des divergences opposant le salarié au directeur administratif et financier de l’association sur la pertinence de choix de gestion portant sur un nombre de points limité ; que l’association ne démontre pas en quoi M. A X s’est montré incapable de mettre en oeuvre

les directives et choix d’orientation, dont il n’est apporté aucune description.

L’opposition qui ressort de ces éléments ne saurait à elle seule constituer l’insuffisance professionnelle alléguée.

M. A X soutient que son licenciement est nul en ce qu’il est en réalité motivé par la dénonciation qu’il a effectuée auprès des autorités compétentes de faits commis par l’association susceptibles de constituer des infractions pénales.

Toutefois, il convient de constater que la lettre adressée à la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations (DDCSPP) par M. X est postérieure à la convocation de celui ci à l’entretien préalable au licenciement, et que la concomitance des deux circonstances ne peut à elle seule établir le détournement de procédure allégué.

Compte tenu de ce qui précède, il y a donc lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen selon lequel le licenciement pour insuffisance professionnelle présenterait en réalité la nature d’un licenciement disciplinaire, de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté M. A X de sa demande relative à la nullité du licenciement et dit celui-ci sans cause réelle et sérieuse.

M. A X avait 51 ans et 10 mois à la date du licenciement, et 4 ans et 3 mois d’ancienneté au service de l’employeur.

Sa rémunération mensuelle moyenne brute était de 4 210,57 euros.

Il a été indemnisé au titre de la perte d’emploi pour une somme mensuelle de 2 281 euros en 2014 et 2015 ; il a bénéficié en 2016 d’un montant d’indemnisation de 10 576 euros ; du 1er mars 2017 au 28 février 2018, il a été indemnisé au titre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi pour un montant mensuel moyen de 2 474 euros.

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de faire droit à la demande à titre de dommages et intérêts à hauteur de 25 000 euros ; la décision entreprise sera réformée sur ce point.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné l’association AVSEA au remboursement à Pôle-Emploi des indemnités de chômage dans la limite de six mois d’indemnités.

L’association AVSEA, qui succombe, supportera les dépens d’appel.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. A X l’intégralité des frais irrépétibles ; il sera fait droit à cette demande à hauteur de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Epinal le 4 octobre 2016 sauf en ce qu’il a condamné l’association AVSEA à payer à M. A X la somme de 75 790,26 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

STATUANT A NOUVEAU sur ce seul point ;

CONDAMNE l’association AVSEA à payer à M. A X la somme de 25 000 euros (vingt cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

CONDAMNE l’association AVSEA aux dépens de la procédure d’appel ;

LA CONDAMNE à payer M. A X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition le 31 octobre 2018 et signé par Mme D C, Présidente de Chambre, Magistrat et par Mme Clara Trichot-Burté, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

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