Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 1er mars 2018, n° 17/11705

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 1er mars 2018, n° 17/11705
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/11705
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 1er juin 2017, N° 17/51071
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 01 MARS 2018

(n° 127, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/11705

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Juin 2017 -Président du TGI de PARIS – RG n° 17/51071

APPELANTE

SAS JUSTE POUR RIRE prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège

[…]

[…]

N° SIRET : 378 240 584

Représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assistée par Me Soizic NADAL substituant Me Henri ROUCH de la SCP ROUCH & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P335

INTIME

Monsieur G B C

37, bis avenue D V

94130 NOGENT-SUR-MARNE

Représenté et assisté par Me Francis PUDLOWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0122

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 01 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. X Y, Président

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M. X Y, Président dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Z A

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. X Y, président et par M. Z A, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. B C est le légataire universel de D E décédé le […].

La SAS Juste Pour Rire, qui indique venir aux droits de la société de droit canadien Les films Rozons Inc devenue la SARL Rozon, est quant à elle une société de production de spectacles.

Par acte du 5 décembre 2016, M. B C a fait assigner la SAS Juste Pour Rire devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris.

Il a exposé avoir découvert que la société Warner Music France a édité avec la SAS Juste Pour Rire les disques suivants : « Mon c’ur s’envole », en 1992, « Le Récital » en 1994, « Fais ta vie » en 1995, « Les poètes descendent dans la rue » et « Pleyel » en 1999 ainsi que le disque intitulé « Je n’irai à Notre Dame » en 2006.

Il a soutenu que la SAS Juste Pour Rire n’a jamais rendu de comptes ni versé la moindre redevance en dépit :

— de la signification de l’ordonnance rendue à son contradictoire le 1er juin 2015 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris ordonnant la mainlevée des mesures de séquestre prononcées le 29 juin 2007 dans le cadre du litige contre la société Nest, qui l’avait spolié de ses droits, et le versement des sommes consignées entre ses mains,

— d’une mise en demeure de son conseil du 7 juillet 2016 itérée le 26 septembre 2016 de lui adresser les relevés de compte pour la période 2001-2016 relatifs à l’exploitation des chansons de D E, tous les contrats l’autorisant à exploiter ces disques ainsi qu’un chèque correspondant au montant des royalties qui lui sont dus, ces lettres n’ayant provoqué que la communication des relevés de l’année 2015.

M. B C a demandé au juge des référés de :

— constater que la société Juste Pour Rire exploite depuis 2006 un disque reproduisant des oeuvres de D E sans autorisation de ce dernier ni de son ayant droit ;

— ordonner à la société Juste Pour Rire de lui adresser dans un délai de 8 jours à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard :

— les relevés de compte pour la période 2001-2016 relatifs à l’exploitation des six disques suscités,

— les contrats du 27 juillet 1995 et du 26 novembre 1991 aux termes desquels la société Juste Pour

Rire a cédé à la société Warner Music France les droits d’exploitations de ces six disques,

— condamner la société Juste Pour Rire à lui verser une provision de 100 000 euros à valoir sur le montant des royalties dues ;

— condamner la société Juste Pour Rire à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par ordonnance contradictoire rendue le 2 juin 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance a :

- rappelé que les demandes de constat ne sont pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et qu’elles ne peuvent être examinées ;

— rejeté la demande M. B C au titre de la production forcée des contrats de licence des 26 novembre 1991 et 27 juillet 1995 conclus entre les sociétés Les films Rozons Inc et Warner Music France ;

— enjoint à la SAS Juste Pour Rire de communiquer à M. B C, sous astreinte de 150 euros par jour de retard pendant un délai de 4 mois courant à partir de l’expiration d’un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, les états de redevances pour la période 2001-2016 relatifs à l’exploitation des disques de D E : « Mon coeur s’envole » (1992), « Le Récital » (1994), « Fais ta vie » (1995), « Les poètes descendent dans la rue » (1999), « Pleyel » (1999) et « Je n’irai pas à Notre Dame » (2006) ;

— s’est réservé la liquidation de cette astreinte ;

— rejeté la demande de provision présentée par M. B C ;

— rejeté la demande reconventionnelle de la SAS Juste Pour Rire au titre de la procédure abusive et en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la SAS Juste Pour Rire à payer à M. B C la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par déclaration en date du 13 juin 2017, la SAS Juste Pour Rire fait appel de cette ordonnance.

Au terme de ses conclusions communiquées par voie électronique le 31 janvier 2018, la SAS Juste Pour Rire a demandé à la cour, sur le fondement des articles 2224, 1240 du code civil , L.110-4 et L.123-22 du code de commerce, 32-1 et 564 du code de procédure civile, de :

— infirmer l’ordonnance de référé rendue le 2 juin 2017 en ce qu’elle :

— lui a enjoint de communiquer à M. B C les relevés d’exploitation des 6 disques en cause de D E ;

— l’a condamnée à verser à M. B C la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

— l’a déboutée de ses demandes reconventionnelles ;

— la confirmer pour le surplus ;

statuant à nouveau,

— dire irrecevables ou à tout le moins mal fondées les demandes de M. B C ;

— le débouter de l’intégralité de ses demandes ;

— condamner M. B C à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de procédure abusive sur le fondement des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil ;

— condamner M. B C à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d’appel.

M. B C, par conclusions transmises par voie électronique le 31 janvier 2018, a demandé à la cour, sur le fondement des articles L 131-2, L 131-3, L 131-4, L 132-13, L 132-14, L 132-25, L 138-28 et L.212-5 du code de la propriété intellectuelle, 808, 809 et 145 du code de procédure civile, de :

— ordonner à la SA Juste Pour Rire de lui adresser, dans un délai de 8 jours à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, les relevés de compte pour la période 2001-2017 relatifs à l’exploitation des 8 disques suivants de D E dont elle est le producteur et l’éditeur :

— Mon c’ur s’envole (1992)

— Le Récital (1994)

— Fais ta vie (1995)

[…]

— Pleyel (1999)

— Je n’irai pas à Notre Dame (2006)

— La vie qui va (2006)

— Les Grande Chansons ;

— ordonner à la SA Juste Pour Rire de lui adresser, dans un délai de 8 jours à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, les relevés de compte pour la période 2001-2017 relatifs à l’exploitation des 59 'uvres de D E dont elle est l’éditeur ;

— condamner la SA Juste Pour Rire à lui verser une provision d’un montant de 200 000 euros ;

— condamner la SA Juste Pour Rire à lui verser la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;

— condamner la SA Juste Pour Rire à lui verser en application de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 5 000 euros pour ses frais de première instance ainsi que 5 000 euros pour la procédure d’appel ;

— débouter la société Juste Pour Rire de l’ensemble de ses demandes ;

— condamner la société Juste Pour Rire aux dépens.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour la connaissance des moyens et des arguments exposés au soutien de leurs réclamations, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

L’ordonnance frappée d’appel n’est pas contestée en ce qu’elle a rejeté la demande M. B C au titre de la production forcée des contrats de licence des 26 novembre 1991 et 27 juillet 1995 conclus entre les sociétés Les films Rozons Inc et Warner Music France au motif qu’ils ont été produits en cours d’instance. Elle sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de production des relevés de compte relatifs à l’exploitation des disques

M. B C avait demandé en première instance la condamnation de la société Juste Pour Rire à produire sous astreinte les relevés de compte pour la période 2001-2016 relatifs à l’exploitation des six disques suivants : « Mon c’ur s’envole », « Le Récital », « Fais ta vie », « Les poètes descendent dans la rue », « Pleyel » et « Je n’irai à Notre Dame ».

En cause d’appel, il a ajouté à sa demande deux autres disques, ' La vie qui va ' et ' Les grandes chanson’ ainsi que l’année 2017.

Conformément à l’article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour des prétentions nouvelles si ce n’est pour faire juger les questions nées de la survenance d’un fait. En vertu de l’article 566 du même code, les parties peuvent ajouter à leurs demandes initiales celles qui en sont le complément.

M. B C expose avoir découvert à la lecture des relevés de redevance de la société Warner Music France produits par l’appelante dans le cadre de cette procédure que celle-ci exploitait aussi le disque ' La vie qui va'. Il indique avoir découvert également à la lecture des pièces communiquées par cette dernière qu’elle vendait au Canada le disque 'Les grandes chansons'.

La SAS Juste Pour Rire ne conteste pas que la production des deux disques en cause était mentionnée dans les pièces qu’elle a communiquées à l’intimé dans le cadre de ce procès et elle ne justifie pas ni même ne soutient qu’il avait connaissance de ce fait auparavant.

La demande additionnelle de M. B C relativement aux deux disques en cause sera déclarée recevable.

S’agissant de la demande de production des relevés de comptes de l’année 2017, la SAS Juste Pour Rire soutient qu’elle est irrecevable mais la cour retiendra qu’elle constitue le complément de la demande relativement aux années antérieures. Elle sera également déclarée recevable.

Sur les mérites de la demande en examen, le juge des référés ne dispose que des pouvoirs qui sont conférés par la loi.

M. B C cite dans le dispositif de ses conclusions les articles 808, 809 et 145 du code de procédure civile qui déterminent ces pouvoirs mais il n’indique pas dans les motifs de celle-ci celui ou ceux de ces articles sur lesquels il fonde chacune de ses réclamations.

La lecture de ces motifs enseigne qu’il n’invoque aucune urgence au soutien de sa demande de production de relevés de compte, de sorte que celle-ci ne saurait être examinée au visa de l’article 808, précité.

En revanche, M. B C cite les articles L 132-13 et L 132-14 du code de la propriété intellectuelle relatifs à l’obligation de l’éditeur de rendre des comptes et de fournir des justificatifs à l’auteur, l’article L 132-25 sur la rémunération de l’auteur et l’article L 212-15 prévoyant l’obligation du producteur de phonogrammes de rendre compte semestriellement à l’artiste-interprète du calcul de sa rémunération, de façon explicite et transparente.

Il ressort, par ailleurs, de ses explications et des pièces produites que la société les Films Rozon, aux droits de laquelle se trouve l’appelante, a conclu avec D E deux contrats, l’un de mandat d’organisation de spectacles, l’autre d’artiste interprète de production de phonogrammes signé le 3 juillet 1987, qui prévoit le reversement à D E au titre de ses droits voisins d’artiste interprète un intéressement calculé sur le nombre de disques vendus.

Selon l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut ordonner l’exécution de celle-ci même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Ainsi que le premier juge l’a retenu à bon droit, il peut être admis, au vu du dernier contrat précité, que M. B C est fondé à agir à l’encontre de la SAS Juste Pour Rire sur le fondement des obligations légales et contractuelles qui incombent au producteur de phonogrammes et non des autres dispositions qu’il cite concernant les droits d’auteur.

M. B C mentionne à cet égard l’article L 212-5 du code de la propriété intellectuelle aux termes duquel, lorsque le contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes prévoit le paiement direct par le producteur d’une rémunération qui est fonction des recettes de l’exploitation, le producteur de phonogrammes rend compte semestriellement à l’artiste-interprète du calcul de sa rémunération, de façon explicite et transparente.

Mais comme l’appelante l’a souligné, cette disposition a été créée par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016. Si elle est applicable aux contrats en cours à la date de son entrée en vigueur, le 1er novembre 2016, elle ne saurait instaurer une obligation rétroactive à sa charge permettant de tenir pour dépourvue de contestation sérieuse l’obligation de produire les relevés de comptes d’exploitation des huit disques en cause pour les années 2001 à 2017.

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Il en résulte que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer la réalité de ses suppositions à cet égard, cette mesure in futurum étant précisément destinée à l’établir mais qu’il doit justifier d’éléments les rendant crédibles et de ce que le procès en germe en vue duquel il sollicite cette expertise n’est pas dénué de toute chance de succès.

Au vu du contrat de production de phonogrammes susvisé, en particulier de son article 5, M. B C justifie avoir un motif légitime à voir ordonner la communication des relevés de compte afférents à l’exploitation des huit disques en cause.

La SAS Juste Pour Rire soutient que cette demande de production de pièces se heurte aux dispositions de l’article L 123-22 du code de commerce, selon lesquelles les documents comptables et les pièces justificatives sont conservés pendant dix ans.

Cependant, cette disposition ne fait pas obligation aux sociétés de détruire leurs archives après dix ans, de sorte qu’elle ne saurait faire obstacle à une injonction de communication à des fins probatoires sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile s’il s’avère que la société concernée dispose encore des archives réclamées.

Dans l’affaire en examen, la SAS Juste Pour Rire soutient avoir exécuté l’ordonnance attaquée et elle produit à son dossier en pièce 22 des états de redevance relatifs à l’exploitation des disques « Mon c’ur s’envole », « Le Récital », « Fais ta vie », « Les poètes descendent dans la rue », « Pleyel » et « Je n’irai à Notre Dame » pour les années 2001 à 2016.

Le moyen fondé sur l’impossibilité de produire les pièces en cause tiré de l’article L 123-22 du code de commerce ne saurait donc être retenu.

La SAS Juste Pour Rire soutient encore que la demande de production de relevés de comptes serait prescrite pour toute la période antérieure au 5 décembre 2011 au motif que l’action en reddition de comptes constitue une action personnelle et mobilière qui relève de l’article 2224 du code civil et que l’action devant le juge des référés a été engagée le 5 décembre 2016.

Toutefois, ainsi que le premier juge l’a retenu, ce moyen ne saurait priver de tout motif légitime la demande de communication des relevés de compte pour les années 2001 à 2011 dès lors qu’il existe une contestation sur le point de départ du délai de prescription de l’action qui pourrait être engagée par l’intimé.

La société Juste Pour Rire expose également que la demande aurait été sans objet dans la mesure où les relevés de compte établis par la société Warner Music France suffisaient à informer M. B C de sa situation.

Mais comme le premier juge l’a retenu à bon droit, la SAS Juste Pour Rire, à l’article 5 du contrat du 5 juillet 1987, s’est obligée à rendre des comptes à l’interprète ou aux ayants droits de celui-ci, de sorte que les relevés établis par la SA Warner Music France en vertu des contrats de licence conclus entre elles ne sauraient constituer les comptes de redevances qu’elle est ainsi tenue de rendre personnellement.

Au vu des considérations qui précèdent, l’ordonnance attaquée doit être confirmée en ce qu’elle a enjoint à la SAS Juste Pour Rire de communiquer à M. B F les états de redevances pour la période 2001-2016 relatifs à l’exploitation des disques de D E : « Mon coeur s’envole » (1992), « Le Récital » (1994), « Fais ta vie » (1995), « Les poètes descendent dans la rue » (1999), « Pleyel » (1999) et « Je n’irai pas à Notre Dame » (2006).

Ajoutant à celle-ci, il convient encore de lui faire injonction de produire les états de redevances pour la période 2001-2016 relatifs à l’exploitation des disques de D E ' La vie qui va’ et ' Les grandes chansons’ ainsi que, au vu de l’article 5 du contrat du 3 juillet 1987 aux termes duquel les comptes de redevances sont arrêtés les 30 juin et 31 décembre de chaque année, les états de redevance pour l’exploitation de ces huit disques pour l’année 2017.

M. B C demande à la cour de porter le montant de l’astreinte destinée à assurer l’exécution de cette décision à 1 000 euros par jour de retard.

La SAS Juste Pour Rire expose qu’elle a exécuté l’ordonnance attaquée.

Il ressort de l’examen des documents produits en pièce n° 22 de son dossier que la SAS Juste Pour Rire a communiqué les états de redevances semestriels pour les années 2001 à 2016 des disques 'Mon coeur s’envole’ et 'Le récital’ ainsi que des disques 'Fais ta vie', 'Les poètes descendent dans la rue ', 'Pleyel’ et 'Je n’irai pas à Notre-Dame'.

M. B C soutient que ces relevés ne rendent pas compte 'du calcul de sa rémunération de façon explicite et transparente’ contrairement à ce qui est prévu par l’article L 212-15 du code de la propriété intellectuelle. Il expose que lesdits relevés ne permettent pas de connaître le montant des ventes sur chaque support des chansons enregistrées par D E. Il leur fait également grief de ne pas lui permettre de connaître et de vérifier les redevances dues au titre des droits d’auteur et des droits voisins en exploitation des chansons composant les disques susvisés.

Au vu de l’article 5 du contrat du 3 juillet 1987, qui fonde la légitimité de la demande de production de pièces de M. B C et qui stipule que la redevance due à D E sera calculée en

fonction d’un pourcentage du nombre de disques vendus, il convient de préciser que les états de redevances pour la période 2001-2017 relatifs à l’exploitation des disques de D E : « Mon coeur s’envole » (1992), « Le Récital » (1994), « Fais ta vie » (1995), « Les poètes descendent dans la rue » (1999), « Pleyel » (1999) « Je n’irai pas à Notre Dame » (2006), 'la vie qui va’ et 'les grands chansons’ devront faire apparaître le nombre de disques vendus et le mode de calcul de chaque redevance semestrielle à partir de celui-ci.

Afin d’assurer l’exécution du présent arrêt, une astreinte provisoire sera prévue dans le dispositif de celui-ci dont la cour ne se réservera pas la liquidation.

Sur la demande de production des relevés de compte pour la période 2001-2017 relatifs à l’exploitation des 59 oeuvres de D E dont elle est l’éditeur

M. B C soutient qu’il ne s’agit pas d’une demande nouvelle au motif qu’il avait demandé au premier juge la production des 'relevés de compte pour la période 2001-2016 relatifs à l’exploitation de 6 disques de D E dont elle est le producteur et l’éditeur’ et qu’il avait visé les articles L 132-13 et 132-14 du code de la propriété intellectuelle.

Cependant, cette demande de M. B C, telle qu’elle était rédigée et nonobstant la référence dans le dispositif de ses écritures aux articles relatifs à l’obligation de l’éditeur de rendre des comptes, n’était pas suffisamment précise et explicite pour être comprise comme incluant une demande de production des comptes d’exploitation des 59 chansons dont la société Juste Pour Rire serait éditrice, 59 chansons dont, au demeurant, les titres ne sont pas cités.

Il convient de relever, à cet égard, que le premier juge n’a pas compris non plus que les prétentions de M. B C incluaient la demande en examen, que ce dernier n’a pas fait grief à l’ordonnance attaquée d’être entachée d’une omission de statuer, qu’il n’a pas fait mention de ladite demande dans ses écritures en cause d’appel transmises le 27 octobre 2017 et qu’il l’a exprimée pour la première fois dans ses conclusions du 23 janvier 2018.

Cette demande sera donc déclarée irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile.

Sur la demande de provision

Selon l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance statuant en référé peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

M. B C expose avoir augmenté en appel sa demande de provision à la somme de 200 000 euros aux motifs qu’il a découvert en cours d’instance que la SAS Juste Pour Rire exploitait les huit disques en cause au Canada, qu’elle a perçu 1 997 077 euros d’avances au titre des deux contrats de licences signés avec la société Warner et qu’elle n’a reversé aucune somme pour l’exploitation de ces disques. Il indique également qu’il ressort des bulletins de déclaration des 57 oeuvres de D E dont les droits d’édition ont été cédés à la société Rozon que la SAS Juste Pour Rire doit lui reverser 50 % des droits perçus pour chacune de ces oeuvres.

Mais, d’une part, il ressort des états de redevances produits par la SAS Juste Pour Rire en pièce 22 de son dossier que le montant de celles-ci est systématiquement négatif en raison des avances récupérables consenties par la société Warner et le point de savoir si ces avances doivent être déduites des redevances dues à l’ayant droit de D E ne relève pas du pouvoir d’appréciation du juge des référés.

D’autre part, la SAS Juste Pour Rire produit à son dossier des reçus de D E au vu desquels

elle se déclare créancière d’une somme de 12 millions de Francs et l’appréciation de l’existence de cette créance comme de sa compensation avec les redevances qui seraient dues à M. B C au titre de l’exploitation des huit disques en cause depuis 2001 ne relève pas non plus des pouvoirs du juge de l’évidence.

Au vu de ces considérations, il sera dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de M. B C.

Sur les demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive

L’exercice d’une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l’octroi de dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, chacune des parties succombant pour une partie de ses prétentions. Les demandes à titre de dommages et intérêts doivent donc être rejetées.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le premier juge a fait une application équitable de l’article 700 du code de procédure civile

et fondée de l’article 696 du même code. L’ordonnance attaquée doit être confirmée en ce qu’elle a fait application de ces articles.

En cause d’appel, les parties ayant vu leurs demandes être rejetées pour une part substantielle, elles garderont la charge de leurs dépens.

L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’une ou l’autre partie.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l’ordonnance rendue le 2 juin 2017 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en ce qu’elle a :

— rejeté la demande M. B C au titre de la production forcée des contrats de licence des 26 novembre 1991 et 27 juillet 1995 conclus entre les sociétés Les films Rozons Inc et Warner Music France ;

— enjoint à la SAS Juste Pour Rire de communiquer à M. B C les états de redevances pour la période 2001-2016 relatifs à l’exploitation des disques de D E : « Mon coeur s’envole » (1992), « Le Récital » (1994), « Fais ta vie » (1995), « Les poètes descendent dans la rue » (1999), « Pleyel » (1999) et « Je n’irai pas à Notre Dame » (2006) ;

— rejeté la demande de provision présentée par M. B C ;

— rejeté la demande reconventionnelle de la SAS Juste Pour Rire au titre de la procédure abusive et en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné la SAS Juste Pour Rire à payer à M. B C la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

L'INFIRME en ce qui concerne l’astreinte, statuant à nouveau et ajoutant à celle-ci,

ENJOINT à la SAS Juste Pour Rire de communiquer à M. B C les états de redevances pour

l’année 2017 relatifs à l’exploitation des disques de D E : « Mon coeur s’envole » (1992), « Le Récital » (1994), « Fais ta vie » (1995), « Les poètes descendent dans la rue » (1999), « Pleyel » (1999) et « Je n’irai pas à Notre Dame » (2006) ;

ENJOINT à la SAS Juste Pour Rire de communiquer à M. B F les états de redevances pour la période 2001-2017 relatifs à l’exploitation des disques de D E « La vie qui va » et « Les grandes chansons » ;

DIT que ces états de redevance devront faire apparaître le nombre de disques vendus et le mode de calcul de la redevance semestrielle à partir de celui-ci ;

DIT que lesdits états de redevance devront être communiqués à M. B C dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine de devoir supporter au terme de ce délai une astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 4 mois ;

DIT n’y avoir lieu à se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte ;

DÉCLARE irrecevable la demande de M. B C en production des relevés de compte pour la période 2001-2017 relatifs à l’exploitation des 59 oeuvres de D E dont la SAS Juste Pour Rire serait l’éditrice ;

DIT n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de M. B C ;

REJETTE les demandes de dommages et intérêts ;

DIT que chaque partie gardera la charge de ses dépens en appel et n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 1er mars 2018, n° 17/11705