Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 24 octobre 2019, n° 18/07143

  • Responsabilité délictuelle·
  • Veuve·
  • Obligation alimentaire·
  • Action en responsabilité·
  • Demande·
  • Intérêt à agir·
  • Chose jugée·
  • Organisation·
  • Surendettement·
  • Responsabilité

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 2, 24 oct. 2019, n° 18/07143
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/07143
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 10 mai 2017, N° 15/09602
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2019

(n° 2019 – 290, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/07143 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5OIN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/09602

APPELANTE

Madame C B, veuve L

Née le […] à PARIS

[…]

[…]

Représentée et assistée à l’audience de Me Bernard BESSIS de la SELEURL BERNARD BESSIS SELARL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0794

INTIMES

Monsieur E X

Né le […] à […]

[…]

[…]

ET

Madame F G, épouse X

Née le […] à […]

[…]

[…]

Représentées et assistées à l’audience de Me Florence RAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : R172

Madame H I, épouse Y

Née le […] à CHATOU

[…]

[…]

Assistée à l’audience de Me Nael RAAD, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Olivier HILLEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0257

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Septembre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre et

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère

Madame Anne DE LACAUSSADE, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, présidente de chambre et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***********

EXPOSE DU LITIGE

Mme C B veuve L est propriétaire d’un appartement situé à […], […], 3e étage gauche, d’une surface de 150 m² environ, loué à l’origine à M. Y (aujourd’hui décédé) et à Mme H I épouse Y en vertu d’un contrat de bail du 15 décembre 1998.

Mme Y a cessé de payer son loyer courant 2006.

Par jugement du 3 mai 2012, le tribunal d’instance du 12e arrondissement de Paris a :

— constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 24 novembre 2008 du bail conclu le 15 décembre 1998 ;

— accordé à Mme Y un délai d’un an à compter de la signification du jugement pour quitter les lieux et à l’issue de ce délai, a ordonné son expulsion ;

— condamné Mme Y à payer à Mme L la somme de 20.967,06 euros au titre des loyers et charges impayés au 24 novembre 2008 ;

— condamné Mme Y à payer à Mme L une indemnité d’occupation mensuelle de 2.100 euros indexée annuellement sur l’indice des loyers et augmentée des charges jusqu’à la libération des lieux ;

— condamné Mme Y à payer à Mme L un euro à titre de clause pénale ;

— condamné Mme L à payer à Mme Y la somme de 8.568,93 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son trouble de jouissance ;

— condamné in solidum le syndicat des copropriétaires et sa compagnie d’assurance à payer à Mme L la somme de 4.942,67 euros à titre de dommages-intérêts.

Aucune autorisation préfectorale n’a été délivrée.

La cour d’appel de Paris, statuant sur l’appel interjeté par Mme Y à l’encontre de cette décision, a, par arrêt du 9 octobre 2014, confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf sur le montant de la réfaction de loyers et le refus de délais de paiement.

Après avoir déclaré recevable le dossier de surendettement déposé par Mme Y, la commission de surendettement des particuliers de Paris, après échec de la phase amiable, a, par décision du 17 septembre 2013, imposé une suspension de l’exigibilité des créances pendant 24 mois.

A la suite du recours de Mme L, le tribunal d’instance du 19 ème arrondissement de Paris a, par jugement du 12 novembre 2014, rejeté la contestation formée par Mme L et adopté les mesures imposées par la commission au profit de Mme Y. Ce jugement a été infirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 mars 2016, laquelle a considéré que Mme Y ne se trouvait pas en situation de surendettement au sens de l’article L. 330-1 du code de la consommation.

Au cours de cette procédure, Mme Y a libéré l’appartement, le 7 octobre 2015, pour partir en EHPAD.

Par actes d’huissier de justice des 26 et 30 juin 2015, Mme L a fait assigner, d’une part, le fils de Mme Y, M. E X, devant le tribunal de grande instance de Paris afin de le voir condamné au paiement de la somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison du non paiement des loyers pendant 9 ans, et d’autre part, Mme F G, épouse X et Mme Y afin de leur voir rendre le jugement opposable.

Par jugement du 11 mai 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

— dit irrecevable l’action de Mme L ;

— débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes plus amples ou contraires ;

— condamné Mme L à verser une indemnité de 5.000 euros à chacun des défendeurs en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Mme L aux dépens recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 5 avril 2018, Mme L a relevé appel de ce jugement en ce qu’il a déclaré irrecevable son action en paiement de dommages-intérêts, en ce qu’il l’a condamnée au paiement des frais irrépétibles et des dépens et demande à la cour de statuer 'sur le préjudice par un tiers du fait de l’organisation de son insolvabilité'.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 20 juin 2019, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme B veuve L, demande, au visa des dispositions de l’article 1382, ancien, du code civil et des articles 565 et 331-2e alinéa du code de procédure civile, à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré son action irrecevable,

— déclarer recevable son appel du jugement rendu le 11 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 2e section et son action engagée à l’encontre de M. et Mme X,

— déclarer l’arrêt à intervenir opposable à Mme Y et à Mme X,

— dire et juger que l’action engagée n’est pas fondée sur l’article 205 du code civil mais sur l’article 1382, ancien, du même code dès lors que, en tant que tiers, elle a subi un préjudice financier en conséquence du libre choix fait par Mr X de ne pas assurer son obligation alimentaire visée par l’article 205 du code civil,

- dire et juger par ailleurs, qu’il est apparu en cours d’instance que M. X était intervenu activement en octobre 2013 et en octobre 2014 et de manière directe auprès du Préfet de Paris, pour retarder l’expulsion de Mme Y alors qu’il n’ignorait pas la teneur des décisions rendues ni l’absence de paiement de l’arriéré, et qu’il ne pouvait ignorer que ni les indemnités d’occupation courantes ni les indemnités d’occupations futures seraient réglées,

— dire et juger que par ses interventions il s’est rendu complice de l’inexécution d’une obligation contractuelle par la fourniture de moyens, augmentant sciemment la dette de sa mère à son égard,

— vu l’arrêt rendu le 22 mars 2016, par la cour d’appel de Paris, pôle 4 – chambre 9,

— dire et juger que M. X, et Mme Y ont organisé sciemment l’insolvabilité de cette dernière, à son préjudice, alors que la cour a retenu qu’il n’est pas véritablement contesté que la situation de M. X lui permettait de contribuer à l’entretien de sa mère son choix personnel de ne pas lui porter assistance comme celui d’intervenir auprès du Préfet pour différer son expulsion de deux ans, causant un préjudice direct à un tiers, elle-même, dont elle est en droit de demander réparation,

— dire et juger que de ce fait, M. X a commis une faute délictuelle à son égard qui lui cause un préjudice direct,

— condamner de ce fait M. et Mme X solidairement à lui payer 250.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier et moral subi,

— infirmer le jugement rendu en ce qu’il l’a condamnée alors qu’elle était victime d’une situation volontairement créée à son détriment, au paiement de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, soit 5.000 euros par partie,

— condamner solidairement M. et Mme X et Mme Y au paiement de 15.000 euros au titre

de l’article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles engagés et en tous les dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SELARL Bernard Bessis représentée par Me Bernard Bessis, avocat en vertu des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 9 septembre 2019, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. E X et Mme F G épouse X demandent, au visa des articles 31, 32, 122, 700 et 564 du code de procédure civile, et 205, 1166 et 1382 du code civil, à la cour de :

A titre principal,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— déclaré Mme L irrecevable en toutes ses demandes pour défaut de qualité et d’intérêt à agir en application des articles 31, 122 et 564 du code de procédure civile,

— débouté Mme L estimant qu’elle ne disposait d’aucun intérêt à agir à leur encontre,

A titre subsidiaire,

— dire et juger que l’action de Mme L est prescrite,

— déclarer Mme L irrecevable en toutes ses demandes par conséquent,

— dire et juger que l’action de Mme L se heurte à l’autorité de la chose jugée,

— déclarer Mme L irrecevable en toutes ses demandes par conséquent,

— constater que Mme F X n’est pas concernée par l’article 205 du code civil et qu’elle n’est tenue à aucune obligation alimentaire envers sa belle-mère et prononcer sa mise hors de cause,

- dire et juger que le nouveau moyen soulevé tenant à l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité de Mme Y par eux-mêmes est irrecevable et en tout état de cause non fondé,

— dire et juger que le nouveau moyen soulevé tenant à l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité de Mme Y par eux-mêmes est irrecevable,

A titre très subsidiaire,

— dire et juger que Mme L n’administre pas la preuve d’un fait fautif, commis par eux, tant sur le fondement de l’article 205 du code civil que sur celui de l’article 1382 du code civil,

— dire et juger que Mme L ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui déjà réparé par voie de justice,

Par conséquent :

— débouter purement et simplement Mme L de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre reconventionnel,

— condamner Mme L à leur payer une amende civile de 3.000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile,

— condamner Mme L à leur payer la somme de 10.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts, en sus des condamnations de première instance à ce titre,

— condamner Mme L à leur payer la somme de 15.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la première instance et d’appel.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 19 juin 2019, auxquelles il convient de se référer pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme Y, demande, au visa des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile, à la cour de :

— déclarer irrecevable la demande à son encontre, faute de qualité pour défendre à l’action et d’intérêt de Mme B, veuve L, à agir à son endroit,

— déclarer irrecevable la demande tendant à 'dire et juger qu’elle a bien organisé avec son fils son insolvabilité et qu’elle a bénéficié grâce à son intervention, des délais supplémentaires indûment octroyés, ce qui cause aujourd’hui un préjudice financier et moral à l’appelante’ comme nouvelle en cause d’appel d’une part, et comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée d’autre part,

— en conséquence, confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de Mme B, veuve L, et en ce qu’il l’a condamnée à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

— débouter Mme B, veuve L de toutes ses demandes,

— condamner Mme B, veuve L, à lui verser une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en application des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile,

— condamner Mme B, veuve L, à payer à Mme Y une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2019.

MOTIFS

Sur la recevabilité

Il ressort des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

' Sur l’intérêt et la qualité à agir

M. et Mme X soulèvent en premier lieu une fin de non recevoir pour défaut d’intérêt à agir sur le fondement des dispositions des articles 31 et 32 du code de procédure civile au motif que Mme L est dépourvue de droit à agir à leur encontre dans la mesure où ils ne sont pas débiteurs alimentaires de Mme Y et où l’action en reconnaissance d’une obligation alimentaire ne peut pas être exercée par le créancier d’un débiteur d’aliments.

Mme Y prétend pour sa part qu’elle n’a pas qualité pour défendre et que Mme L n’a pas d’intérêt à agir à son endroit au motif que la demande tendant à lui rendre opposable la

décision à intervenir ne porte en germe aucun début de contestation.

Mme L réplique qu’elle a un intérêt direct à agir puisqu’elle subit un préjudice direct en raison de l’action concertée de M. X et de Mme Y.

Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En application de l’article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

Ainsi, l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action.

En l’espèce, les demandes de Mme L sont fondées sur les dispositions de l’article 1382 du code civil, dans sa version en vigueur antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, celle-ci arguant d’une faute délictuelle commise par M. X consistant à ne pas assurer son obligation alimentaire à l’égard de sa mère visée par l’article 205 du code civil et à avoir organisé avec elle l’insolvabilité de cette dernière.

S’agissant du non respect de l’obligation alimentaire, l’obligation d’entretien des parents revêt un caractère personnel et est exclusivement attachée à la personne de son titulaire. Ainsi, le droit de demander l’exécution de cette obligation est attaché à la personne de ce dernier et ne peut dès lors être exercée par le créancier du débiteur.

Il est constant que Mme Y n’a jamais agi à l’encontre de son fils et de son épouse en demande de contribution alimentaire.

En conséquence, la cour confirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré Mme L, irrecevable en son action à ce titre au motif qu’en sa qualité de créancière de Mme Y, Mme L n’avait pas qualité à agir à l’encontre de M. et Mme X sur le fondement de l’obligation alimentaire en raison de son caractère personnel et ne pouvait en conséquence se prévaloir d’une action en responsabilité délictuelle fondée sur un manquement à cette obligation.

S’agissant du moyen tiré de l’organisation de l’insolvabilité de Mme Y, sans préjuger ni de la recevabilité, ni du bien fondé de ce moyen, il est incontestable que l’appelante a intérêt à agir à l’encontre de M. X auquel elle reproche cette faute.

S’agissant de Mme X et de la demande de l’appelante de lui voir déclarer opposable l’arrêt à intervenir, sur le fondement des dispositions de l’article 331 alinéa 2 du code de procédure civile, Mme L a également intérêt à agir, celle-ci exposant sans être contredite sur ce point que M. et Mme X sont détenteurs de biens immobiliers.

S’agissant de Mme Y, Mme L a également intérêt à agir à son encontre et à lui voir déclaré opposable l’arrêt à intervenir dès lors qu’elle lui reproche d’avoir organisé avec son fils son insolvabilité à son préjudice.

En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par eux de l’action en responsabilité engagée par Mme L pour défaut d’intérêt à agir doit être rejetée, sauf en ce qui concerne le non respect de l’obligation alimentaire de M. et Mme X.

' Sur la prescription

M. et Mme X prétendent également sur le fondement des dispositions de l’article 2224 du code civil que les demandes de Mme L sont irrecevables pour cause de prescription. En effet, selon eux, les faits auxquels elle fait référence remontent, à l’année 2006, la clause résolutoire du bail ayant été déclarée judiciairement acquise au 24 novembre 2008, alors qu’elle ne les assignés devant le tribunal de grande instance de Paris qu’en juin 2015.

Mme L estime que son action n’est pas prescrite, à la fois parce que le délai de prescription n’a pas couru jusqu’à l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 22 mars 2016 constatant la mauvaise foi de Mme Y et son absence de surendettement, mais également parce que l’instance engagée sur un fondement contractuel contre Mme Y a suspendu la prescription de celle engagée sur un fondement délictuel contre M. X.

En application des dispositions de l’article 2224 du code civil, l’action en responsabilité délictuelle relève désormais de la prescription quinquennale, anciennement décennale, instaurée par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, laquelle est applicable à compter du 19 juin 2008 date de son entrée en vigueur, conformément aux dispositions transitoires prévues à l’article 26-II, dès lors que le délai de prescription décennale n’était pas expiré à cette date et sans que la durée totale puisse excéder la durée de 10 ans prévue par la loi antérieure.

Le délai de prescription commençait à courir, avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 précitée, à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation et, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, ce délai court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, il est constant que Mme Y a cessé de payer son loyer en 2006 et que le tribunal d’instance du 12e arrondissement de Paris, a constaté, par jugement précité du 3 mai 2012, l’acquisition de la clause résolutoire au 24 novembre 2008 du bail conclu le 15 décembre 1998.

Cependant, s’il est exact que Mme L a engagé l’action en responsabilité délictuelle à l’encontre des intimés par assignation des 26 et 30 juin 2015 devant le tribunal de grande instance de Paris antérieurement à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 mars 2016, elle prétend également que l’intervention de M. X auprès du Préfet, par correspondance du 2 octobre 2014, serait fautive.

Dès lors que rien ne prouve que M. X ait eu connaissance du non paiement de ses loyers par sa mère antérieurement à son intervention auprès du cabinet du Préfet, le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité de Mme L doit être fixé au 2 octobre 2014, date à laquelle elle a effectivement pu avoir connaissance des fautes qu’elle reproche à M. X.

L’action en responsabilité délictuelle de Mme L a bien été engagée dans les cinq ans du point de départ de la prescription et n’est donc pas prescrite.

' Sur l’autorité de la chose jugée

M. et Mme X soutiennent ensuite que les demandes de l’appelante se heurtent à l’autorité de la chose jugée attachées aux décisions du tribunal d’instance du 12e arrondissement de Paris et de la cour d’appel de Paris, lesquelles ont déjà fixé sa créance locative à l’encontre de Mme Y.

Mme Y soutient pour sa part que les demandes de l’appelante se heurtent à l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 mars 2016 qui a considéré qu’elle n’était pas en situation de surendettement.

Mme L fait valoir en réplique que son action ne se heurte pas à l’autorité de la chose jugée des décisions rendues entre elle et Mme Y dont les parties, l’objet et la cause sont différents.

En application des dispositions de l’article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche. Par ailleurs, il ressort des dispositions de l’article 1355 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il est constant que M. et Mme X n’étaient parties à aucune des instances en recouvrement de loyers ou surendettement, qui ont opposé Mme L à Mme Y, tant devant le tribunal d’instance que devant le tribunal de grande instance. Au surplus, ces instances n’avaient ni la même cause, ni le même objet.

Par conséquent, les demandes de Mme L à l’encontre de M. et Mme X ne se heurtent pas à l’autorité de la chose jugée et sont recevables.

S’agissant de Mme Y, la demande de lui voir déclaré opposable l’arrêt à intervenir statuant sur la demande d’indemnisation de Mme L du préjudice subi à raison de l’organisation de l’insolvabilité de Mme Y par M. et Mme X ne se heurte pas davantage à l’autorité de la chose jugée dès lors que cette demande n’a été tranchée par aucune juridiction.

' Sur les demandes nouvelles

M. et Mme X et Mme Y exposent enfin qu’en application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, les demandes de Mme L sur le nouveau fondement de l’organisation frauduleuse d’insolvabilité sont irrecevables dans la mesure où ce fondement aurait dû être soulevé en première instance.

Mme L réplique qu’en application des dispositions de l’article 565 du code de procédure civile, le moyen tiré de l’organisation frauduleuse de l’insolvabilité de Mme Y et de la complicité de M. X dans l’inexécution de son obligation contractuelle n’est pas nouveau puisqu’il tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.

En application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter des prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. Aux termes de l’article 565 de ce code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux même fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En l’espèce, les demandes de Mme L ne sont pas nouvelles en cause d’appel dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soutenues en première instance, à savoir l’indemnisation du préjudice subi par Mme L sur le fondement de l’article 1382, ancien, du code civil, même si le moyen tiré de l’organisation de l’insolvabilité de Mme Y par son fils est nouveau.

La demande tendant à voir déclarer opposable à Mme X et Mme Y le jugement à intervenir, a été formée en première instance et n’est donc pas nouvelle.

En revanche, la demande tendant à voir condamner solidairement Mme X avec M. X pour organisation d’insolvabilité au paiement de la somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts est nouvelle en cause d’appel, aucune demande d’indemnisation n’ayant été formée à l’encontre de Mme X en première instance. Cette demande est donc irrecevable en cause d’appel.

Par conséquent, les prétentions de Mme L sur le fondement de l’organisation d’insolvabilité et sa demande d’indemnisation subséquente, sont recevables en cause d’appel, sauf en ce qui concerne Mme X.

Sur la responsabilité

Mme L soutient qu’elle fonde son action en responsabilité délictuelle à l’encontre de M. X sur les dispositions de l’article 1382, ancien, du code civil et qu’il est de jurisprudence constante que le tiers complice d’une inexécution contractuelle est responsable sur le fondement de la responsabilité délictuelle envers le contractant lésé.

Elle estime que les trois éléments constitutifs de la responsabilité délictuelle sont réunis, à savoir en premier lieu une faute délictuelle commise à son égard par M. X consistant à ne pas assurer son obligation alimentaire visée par l’article 205 du code civil, à aider pendant 9 ans sa mère à organiser frauduleusement son insolvabilité et à intervenir auprès du Préfet de police de Paris en 2013 et 2014 pour retarder son expulsion. En second lieu, elle estime que cette faute lui a fait subir un dommage direct puisqu’elle n’a aucune chance de recouvrer sa créance nonobstant l’existence d’une décision exécutoire à l’encontre de Mme Y. En troisième lieu, elle soutient qu’il existe un lien de causalité direct entre la faute et le dommage découlant de l’organisation et du maintien concerté de l’insolvabilité de Mme Y à son préjudice.

M. et Mme X exposent que la preuve d’un fait fautif de leur part relatif tant à une prétendue obligation alimentaire qu’à une organisation frauduleuse d’insolvabilité de Mme Y par son fils n’est pas rapportée et qu’ils ignoraient tout de l’existence des difficultés de Mme Y, cette dernière les ayant tenus à l’écart du litige l’opposant à son bailleur. Ils soutiennent qu’en tout état de cause, le préjudice de Mme L est déjà réparé puisqu’elle a fait reconnaître en justice sa créance locative. Ils arguent de la mauvaise foi de cette dernière, laquelle a laissé la situation de sa locataire s’aggraver en ne procédant pas aux travaux nécessaires dans l’appartement loué ce qui a entraîné le non paiement de ses loyers par Mme Y.

L’action de Mme X fondée sur le non respect de l’obligation alimentaire a été déclarée irrecevable par la cour.

Contrairement à ce que prétend Mme L, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 mars 2016, dont l’appelante se prévaut, n’a pas statué sur l’organisation de son insolvabilité par Mme Y, mais sur l’appréciation de sa situation de surendettement. La cour d’appel a en effet considéré que Mme Y n’était pas une débitrice de bonne foi au motif, notamment, qu’elle avait aggravé son endettement en se maintenant dans les lieux et qu’elle ne se trouvait pas dans une situation de surendettement au sens de l’article L. 330-1 du code de la consommation.

Ainsi, Mme L est mal fondée à prétendre que M. X, aurait organisé avec sa mère l’insolvabilité de cette dernière et en serait ainsi complice, alors d’une part, que, contrairement à ce qu’elle prétend, l’organisation d’insolvabilité de Mme Y n’a pas été jugée, par la cour d’appel de Paris et que d’autre part, le seul courrier adressé par M. X au cabinet du Préfet le 2 octobre 2014 dont l’objet était uniquement de demander au service des expulsions de disposer 'd’un peu de temps' pour pouvoir reloger sa mère, ne peut suffire à venir au soutien de la faute alléguée.

Par conséquent, Mme L qui ne démontre l’existence d’aucune faute commise à son égard par M. X sera déboutée de son action en responsabilité délictuelle à son encontre.

Sur l’opposabilité de la décision à intervenir à Mme Y et Mme X

Compte tenu du sens de la présente décision, la demande d’opposabilité à Mme Y et à Mme X de l’arrêt à intervenir est sans objet.

Sur la demande de dommages-intérêts et l’amende civile

M et Mme X, d’une part, et Mme Y, d’autre part, sollicitent également la condamnation de Mme L pour procédure abusive.

M et Mme X font valoir que la procédure a été mise en oeuvre sur des moyens qui ne sont pas sérieux et qu’elle est gouvernée par une mauvaise foi évidente.

Mme Y estime pour sa part que Mme L utilise les voies de droit qui lui sont ouvertes dans des conditions critiquables puisqu’elle n’a pas la moindre demande à formuler à son encontre et que son acharnement caractérise l’intention de nuire.

En réplique, Mme L fait valoir que l’action qu’elle a engagée est justifiée et que les intimés doivent être déboutés de leur demande de dommages-intérêts formée à son encontre pour procédure abusive.

M et Mme X, d’une part, et Mme Y, d’autre part, ne démontrent pas que le droit d’agir en justice de l’appelante ait dégénéré en abus.

Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M et Mme X et Mme Y, de leur demande de dommages-intérêts dès lors que la présente action ne présente pas le caractère d’une procédure abusive susceptible de donner lieu à une indemnisation à ce titre.

De plus, il sera rappelé que l’article 32-1 du code de procédure civile ne peut être mis en 'uvre que de la propre initiative de la cour.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Mme L, partie perdante, supportera les dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande de faire droit en appel, dans les termes du dispositif ci-après, à la demande présentée par M. et Mme X, et Mme Y au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en l’ensemble de ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable l’action en responsabilité délictuelle formée par Mme B veuve L à l’encontre de Mme F G, épouse X sur le fondement de l’organisation d’insolvabilité ;

Déclare recevable l’action en responsabilité délictuelle formée par Mme B veuve L à l’encontre de M. E X sur le fondement de l’organisation d’insolvabilité ;

Déboute Mme B veuve L de son action en responsabilité délictuelle formée à l’encontre de M. E X sur le fondement de l’organisation d’insolvabilité ;

Condamne Mme B veuve L à payer à M. E X, Mme F G, épouse X et Mme H I veuve Y, chacun, la somme de 1.000 euros, au titre des frais irrépétibles d’appel ;

Condamne Mme B veuve L au paiement des dépens d’appel ;

Rejette toute autre demande.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 24 octobre 2019, n° 18/07143