Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 22 septembre 2021, n° 17/14063

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRÊT du 22 septembre 2021

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/14063 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4PU5

Décision déférée à la cour : jugement du 29 mai 2017 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/02171

APPELANTE

SARL CK

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-Michel TROUVIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0354

INTIMÉ

Monsieur G X

[…]

[…]

Représenté par Me Tamara LOWY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque: 141

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 08 Juin 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre

Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre

Madame Anne MENARD, Présidente de chambre

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Najma EL FARISSI

ARRÊT :

—  CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambre et par Madame Juliette JARRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Monsieur G X, engagé par la société CK sous l’enseigne PIZZA FIORENTINA à compter du 1er août 2010, en qualité de commis de salle, a adressé à son employeur une lettre de prise d’acte datée du 13 février 2017.

Par courriers des 11 janvier 2017 et 3 février 2017, l’employeur a mis en demeure le salarié de reprendre son poste et l’a convoqué par lettre du 8 février 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 20 février 2017.

Le 15 février 2017, Monsieur X a adressé à la société CK une lettre de prise d’acte ayant pour motifs le non-paiement des heures supplémentaires, l’absence de congés entre 2011 et 2013, le refus d’accès à l’entreprise depuis le 1er janvier 2017 et la dégradation de son état de santé

Monsieur X a saisi, le 23 mars 2017, le Conseil de prud’hommes de Paris sur la rupture du contrat de travail et a sollicité la condamnation de l’employeur à lui verser diverses sommes.

Par jugement rendu le jour de l’audience de jugement soit le 29 mai 2017, le Conseil de prud’hommes de PARIS a :

• Dit que la prise d’acte de Monsieur X en date du 13 février 2017 produit les effets d’une démission

• Condamné la société CK à lui payer les sommes suivantes :

—  29.316,00 euros à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires de mars 2014 à décembre 2016 outre 2.931,00 euros à titre de congés payés afférents

—  16.398,00 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

—  325,35 euros à titre de remboursement du Pass Navigo

—  600,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

• Ordonné à la société de lui remettre une attestation d’employeur destinée à Pôle Emploi et les bulletins de paie conformes à la présente décision

• Débouté le salarié du surplus de ses demandes.

La société CK en a relevé appel le 3 novembre 2017.

Par conclusions, signifiées par voie électronique le 7 janvier 2019, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société CK demande à la cour de

• Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a constaté que le salarié était en absence injustifiée à compter du 1er janvier 2017 et que les 3 motifs listés dans sa lettre de prise d’acte de la

rupture du 15 février 2017, ne constituaient ni des agissements fautifs ni un non respect de ses obligations par la société, et en ce qu’il a requalifié la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en démission.

• Réformer le jugement du 29 mai 2017 en ce qu’il l’a condamnée à payer à Monsieur X les sommes suivantes :

—  29.316 ' à titre de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires de mars 2014 à décembre 2016 et 2.931 ' au titre des congés payés afférents

—  16.398 ' à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

—  325,35 ' au titre du remboursement du Pass Navigo

—  600 ' au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la remise sous astreinte des documents sociaux conformes à la décision.

• Débouter le salarié de toutes ses demandes.

Par conclusions signifiées par voie électroniques le 8 janvier 2019, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Monsieur X demande à la cour de condamner la société CK à lui payer les sommes suivantes

titre

montant en

'

rappel de salaire du 1er janvier au 13 février 2017

congés payés

2.614

rappel de salaire au titre des heures supplémentaires de mars 2014 à décembre 2016 et

congés payés

29.316

2.931

dommages intérêt pour défaut d’information relatif au repos compensateur

10.941

indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

16.398

dommages intérêts pour non-respect de la visite médicale d’embauche et des visites

périodiques

3.000

rappel de remboursement du Pass Navigo

325,35

indemnité compensatrice de préavis

congés payés

5.466

indemnité de licenciement

3.006

indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

49.194

article 700 du code de procédure civile

3.000

• Ordonner la délivrance des bulletins de salaires, d’un certificat de travail et d’une attestation POLE EMPLOI conformes et de la condamner aux entiers dépens.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat

• Principe de droit applicable :

Aux termes de l’article L 1231-1 du code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu sur l’initiative de l’employeur ou du salarié ou d’un commun accord. Lorsque le salarié prend acte de la rupture en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d’une démission dans le cas contraire.

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, en sorte que d’autres manquements peuvent être invoqués, ne figurant pas dans cet écrit.

• Application du droit à l’espèce

Dans sa lettre du 13 février 2017, Monsieur X soutient qu’il a dû prendre acte de la rupture du contrat de travail en raison du non-paiement de ses heures supplémentaires, de l’absence de congés payés effectués et payés, du fait de l’avoir obligé de travailler alors qu’il était malade, du refus d’accès au restaurant depuis janvier 2017. Dans ses écritures, le salarié ne retient plus que le défaut de déclaration et le paiement très partiel des heures supplémentaires, l’absence de déclaration des salaires aux organismes sociaux pour l’année 2015, le défaut de fourniture de travail et non-paiement des salaires entre le 1er janvier 2017 et le 13 février 2017 et le défaut de visite médicale d’embauche et de visites médicales périodiques.

Sur le non-paiement des heures supplémentaires

L’article L 3171-4 du code du travail précise qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Monsieur X reproche à son employeur de ne pas lui avoir verser la totalité des sommes dues au titre des heures supplémentaires qu’il aurait accomplies pour la période de mars 2014 à décembre 2016 et conteste les éléments de preuves fournis par la société CK.

L’employeur fait remarquer que Monsieur X aurait soulevé pour la première fois en février 2017 la question des heures supplémentaires qui auraient dû lui être réglées sur la période de mars 2014 à décembre 2016 et conteste la réalité du décompte produit par Monsieur X selon lequel il aurait travaillé de manière immuable 55 heures par semaine.

Le contrat de travail, faisant la loi entre les parties, prévoit que Monsieur X s’est engagé à

travailler 39 heures par semaine, une majoration de 10 % étant prévue de la 36e à la 39e heures. L’examen des fiches de paie démontre que ces heures de majoration ont bien été prises en compte.

La cour prend en compte à la fois les plannings produits par l’employeur et les feuilles de décomptes produites en original et supportant pour chacune d’elle la signature de chacun des salariés avec une encre différente, y compris celle de Monsieur X, ces plannings étant cohérents avec les fiches de paie versées aux débats.

En revanche, le décompte établi par le salarié ne peut établir une preuve contraire tant les horaires produits identiques quelque que soit le mois et la semaine.

Enfin, les attestations concordantes de Monsieur Y, Madame Z, Monsieur A, Monsieur B établissent que Monsieur X quittait son service à 23 heures avant la fermeture et que l’établissement était le plus souvent fermé à 23 heures 30 comme l’attestent Madame C et Monsieur D, concierges d’immeubles riverains de la pizzeria.

Les 3 attestations du salarié émanant d’un client occasionnel, d’une personne rapportant des propos des salariés de l’établissement en contradiction avec leurs propres attestations et d’une salariée en litige avec la société CK ne peuvent être retenues comme ayant une valeur probante suffisante pour justifier le manquement de l’employeur à cet égard.

En conséquence, ce grief n’est pas établi.

Sur les déclarations aux organismes sociaux pour l’année 2015

En se basant sur son relevé de carrière, Monsieur X reproche à la société CK d’avoir omis d’effectuer les déclarations afférentes à ses heures de travail aux organismes sociaux pour l’année 2015.

Dans sa note en délibéré transmise à la demande de la cour le 7 juillet 2021, la société CK a produit la copie de la DADSU 2015 sur laquelle figurent les salaires bruts versés à Monsieur X et le tableau récapitulatif des cotisations d’URSSAF pour l’année 2015 dont les bases correspondant à la DADSU 2015.

En conséquence, ce grief est écarté.

Sur le défaut de fourniture de travail et non-paiement des salaires

Monsieur X prétend que l’employeur lui aurait interdit de revenir au sein de l’entreprise ainsi que l’atteste Monsieur E et prétend qu’il n’a pas eu connaissance des mises en demeure de reprendre son poste contenues dans les courriers des 11 janvier 2017 et 3 février 2017 que son employeur avait adressé à son ancienne adresse soit au 8, […] à Paris au lieu de sa nouvelle adresse 42, avenue d’Aligre à Aulnay sous Bois alors qu’il l’avait informé ce changement d’adresse depuis 2014.

La société CK soutient que le salarié a bien eu connaissance de ces courriers ainsi que de la convocation à l’entretien préalable auquel il s’est rendu le 20 février 2017 et souligne le fait qu’il n’a pris connaissance de l’arrêt de travail du 1er au 4 janvier 2017 pour un syndrome grippal que dans le cadre de l’instance prud’homale.

Au vu des pièces produites, il convient de relever que le fait que le salarié se soit rendu à la date et à l’heure précise à l’entretien préalable, alors que la convocation avait été adressée à son ancienne

adresse établit que son courrier lui parvenait, et qu’ainsi, il avait connaissance des mises en demeure adressées par son employeur.

Il ressort, également, des attestations produites par la société CK qu’à partir du 1er janvier 2017, Monsieur X n’est pas venu travailler, ne donnait aucune nouvelle et ne répondait même pas au téléphone et qu’il avait confié à ses collègues qu’il avait essayé de travailler ailleurs (attestations concordantes de Monsieur A et de Madame Z).

En conséquence, la preuve d’un manquement de l’employeur à lui fournir un travail et à lui donner accès à son lieu de travail n’est pas établie.

Sur le défaut de visite médicale d’embauche

En contravention avec les termes de l’article R 4624-10 du code du travail, il n’est pas justifié en l’espèce que le salarié a bénéficié, au moment de son embauche et au plus tard à l’issue de sa période d’essai, d’une visite médicale. Toutefois, ce grief à lui seul ne peut conduire à attribuer l’imputation de la rupture du contrat de travail à l’employeur.

En conséquence, il convient de confirmer la décision du conseil des prud’hommes en ce qu’il a dit que la prise d’acte de Monsieur X en date du 13 février 2017 produit les effets d’une démission.

Sur les autres demandes

Sur les demandes en rappel de salaire et en indemnités liées à la durée du travail

Compte tenu de l’analyse ayant conduit la cour à rejeter le grief sur le non-paiement des heures supplémentaires, il convient de rejeter les demandes de Monsieur X portant sur

• le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires de mars 2014 à décembre 2016 et aux congés payés afférents

• l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Le défaut d’information relatif au repos compensateur n’est pas plus justifié, les plannings et feuilles de décomptes établissant que Monsieur X a bénéficier de ces repos compensateurs les vendredis et samedis.

Enfin, la demande de rappel de salaire du 1er janvier au 13 février 2017 est également rejetée compte tenu des développements précédents relatifs au défaut de preuve des manquements de l’employeur à fournir à Monsieur X un travail et à lui donner accès à son lieu de travail pendant cette période.

En conséquence, il convient d’infirmer la décision des premiers juges portant sur les heures supplémentaires, les congés payés afférents et l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur les dommages et intérêts pour non respect de la visite médicale d’embauche et des visites périodiques

Comme il a été précédemment indiqué, en contravention avec les termes de l’article R 4624-10 du code du travail, il n’est pas justifié que le salarié ait bénéficié, au moment de son embauche et au plus tard à l’issue de sa période d’essai, d’une visite médicale ni de visite périodiques. Toutefois, Monsieur X ne justifie d’aucun préjudice à cet égard, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’accueillir favorablement la demande d’indemnisation.

Sur le rappel de remboursement du Pass Navigo

Si Monsieur X fournit son bail conclu le 1er février 2014 avec Madame F et son relevé de Pass Navigo, il ne justifie pas avoir transmis son changement d’adresse à la société CK, étant observé que les bulletins de paie portait son ancienne adresse et qu’aucune pièce ne vient établir la mauvaise foi de l’employeur sur ce point.

En conséquence, la décision du Conseil des prud’hommes sera infirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la prise d’acte de Monsieur X en date du 13 février 2017 produit les effets d’une démission

L’INFIRME pour le surplus

STATUANT de nouveau

DÉBOUTE Monsieur X de toutes ses demandes

STATUANT de nouveau

Vu l’article 700 du code de procédure civile

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTE les parties du surplus des demandes

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur X

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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