Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 15 avril 2021, n° 17/01852

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Sur la décision

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 15 AVRIL 2021

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/01852 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B2RFU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2016 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS/ FRANCE – RG n° F 14/12721

APPELANT

Monsieur Z X

[…]

[…]

Représenté par Me Mehdi LEFEVRE-MAALEM, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

SAS YSANCE devenue EASYENCE

[…]

[…]

Représentée par Me Marie-charlotte DIRIART, avocat au barreau de PARIS

INTERVENANT VOLONTAIRE

Organisme POLE EMPLOI

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Véronique DAGONET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 3

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente, rédactrice

Madame Corinne JACQUEMIN, conseillère

Monsieur Didier MALINOSKY, magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 16 juin 2006, M. Z X a été engagé par la société Ysance, aux droits de laquelle se présente aujourd’hui la société SAS Ysance, société de prestations de services spécialisée dans les métiers du Web et de la data, en qualité de consultant.

Il devenait par la suite chef de Projet, puis directeur de projet et enfin directeur de 'Business Unit', (B.U) et en tant que tel directeur opérationnel de la société Ysance Intégration.

La société Ysance, initialement Ysance Intégration était jusqu’en 2015, avec une autre filiale dénommée Ysance Bi-Services, membres d’un groupe dont la société mère s’identifie sous le nom de société Novao aujourd’hui dénommée Archipel.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.

En 2009, M. X a été nommé membre du comité de surveillance de la société Ysance et a souscrit à deux augmentations de capital, acquérant à ce titre le 29 juin 2009, 6 666 actions, puis 4 666 le 28 septembre 2012, soit environ 17% du capital social.

Le 6 octobre 2014, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin de voir prononcer la résiliation de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Le 15 octobre suivant, il était convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement et mis à pied à titre conservatoire, puis le 7 novembre 2014, il était licencié pour faute grave.

Au regard de ces développements, M. X a, subsidiairement à sa demande principale en résiliation du contrat de travail, sollicité du conseil des prud’hommes le prononcé de la nullité de son licenciement et très subsidiairement, que son licenciement soit reconnu dénué de cause réelle et sérieuse.

En toute hypothèse, il demandait à la juridiction de lui allouer une indemnité pour perte de chance de bénéficier des BSPCE (bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise).

En son dernier état, la rémunération brute mensuelle de M. X s’élevait à 6.675 euros.

Par un jugement du 28 Novembre 2016, la section encadrement du conseil de prud’hommes de Paris a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société YSANCE à verser à M. X les sommes de:

—  5.237,19 euros à titre de salaire pendant la mise à pied,

—  523,72 euros à titre de congés payés afférents,

—  20.025 euros à titre d’indemnité de préavis,

—  2.002.50 euros à titre de congés payés afférents,

—  19.283,34 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par déclaration du 25 janvier 2017, M. X a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 26 septembre 2018, il demande à la cour:

— de confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il a condamné la société Ysance à lui verser les sommes de :

—  5.237,19 euros au titre de la période de mise à pied à titre conservatoire ;

—  523,72 euros au titre des congés payés y afférents ;

—  20.025 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

—  2.002,50 euros au titre des congés payés y afférents ;

—  19.283,34 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

—  50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  700 euros au titre de l’article 700 du CPC.

— de rappeler que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation soit le 13 mars 2014, et les créances à caractère indemnitaire à compter du jour du prononcé du jugement ;

— d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté ses autres demandes,

— de condamner la société Ysance à lui verser les sommes de

—  561.704 euros à titre de dommages-intérêts au titre de sa perte de chance de n’avoir pu exercer les 4.278 BSPCE attribuées en 2012,

—  4 000 euros au titre del’article 700 du code de procédure civile,

— de la condamner aux dépens,

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par voie électronique le 16 mars 2020, la société Ysance, appelante incidente, demande au contraire à la cour :

— de constater la défaillance de M. X à apporter la preuve de manquements contractuels de la société YSANCE d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail,

— de constater le bien-fondé le licenciement pour faute grave de Monsieur Z X,

— de constater l’absence de toute perte de chance subie et démontrée par Monsieur Z X quant au bénéfice de ses BSPCE.

En conséquence :

— de confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 28 novembre 2016 en ce qu’il l’ a débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de bénéficier des BSPCE,

— d’infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 28 novembre 2016 en ce qu’il :

— a jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

— l’a condamné à verser à M. X des sommes au titre de la mise à pied et des congés payés afférents, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l’indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi que de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Et statuant à nouveau :

— de dire le licenciement bien fondé,

— de condamner M. X à lui rembourser l’intégralité des sommes qui lui ont été versées par cette dernière en vertu de l’exécution provisoire de droit ainsi que de l’exécution provisoire ordonnée par le Conseil de prud’hommes de Paris, soit la somme de 39.568,43 euros ;

— de débouter M. X de l’intégralité de ses demandes;

— A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où M. X la Cour viendrait à juger que le licenciement de M. X est sans cause réelle et sérieuse et que ce dernier a effectivement subi une perte de chance :

— de réduire significativement dans son quantum la demande d’indemnisation de ce dernier au titre de la perte chance d’exercer ses 4.278 BSPCE.

En tout état de cause :

— de condamner M. X lui verser 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— de condamner M. X aux entiers dépens.

Pôle Emploi est intervenu volontairement à la procédure.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par voie électronique le 22 juin 2020, cet organisme demande à la cour:

— de le déclarer recevable et bien fondé en sa demande,

— de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il qualifie le licenciement de dépourvu de cause réelle et sérieuse,

— de condamner la société à lui verser la somme de 22.780,80 euros en remboursement des allocations chômage versées au salarié.

— de condamner la société à lui verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— de condamner la société aux entiers dépens.

MOTIFS

I- sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Par application combinées des articles 1217, 1224, 1227 et 1228 du Code civil, tout salarié reprochant à son employeur des manquements graves à l’exécution de son obligation de nature à empêcher la poursuite du contrat peut obtenir le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Si les manquements invoqués par le salarié à l’appui de sa demande sont établis et d’une gravité suffisante, la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l’employeur.

Dans l’hypothèse où le salarié a été licencié, le juge doit préalablement rechercher si la demande de résiliation était justifiée et s’il l’estime non fondée il doit alors statuer sur le licenciement.

En l’espèce, la société Ysance ne conteste pas que M. X, engagé en 2006 pour exercer les fonctions de consultant, était devenu par la suite directeur de Business Unit, poste qu’il occupait lorsque dans la semaine du 21 novembre 2013, s’est tenue avec le dirigeant de l’entreprise, M. L., une réunion au cours de laquelle une nouvelle organisation, 'à effet très rapide’ (pièce N° 7 du salarié), a été envisagée pour 2014.

Du courrier électronique du 28 novembre 2013, (pièce N° 6 du salarié) adressé par M. L., il résulte que M. X devait être remplacé à son poste de directeur au plus tard le 2 janvier suivant, la situation créée étant définie par le dirigeant, comme n’étant 'pas simple', alors que le salarié en l’interrogeant, avait souligné qu’à ce stade il ne savait pas 'quel sera[ait] son poste’ et qu’il était 'un peu compliqué de déterminer quoi faire'.

Deux autres réunions sont intervenues le 29 novembre, puis le 10 décembre à l’issue desquelles M. X a estimé ne pas avoir obtenu les éclaircissements qu’il souhaitait sur son devenir au sein de la société dès lors que par un nouveau courriel du 13 janvier 2014, il a de nouveau interrogé M. L. , sur ce point, en vue de la préparation d’une réunion fixée avec lui le lendemain à 17 heures, rappelant que depuis plus d’un mois et demi, 'il n’avait pas de visibilité et qu’il lui était 'difficile d’avancer sans savoir quelles sont [ses] missions'.

Le fait qu’un courrier électronique adressé à l’ensemble du personnel le 9 décembre 2013 (pièce N° 33 de l’employeur), ayant pour objet 'TR. Ysance-Nouvelle Organisation 2014", dans lequel M. L., évoque la transformation de l’organisation comme impliquant d’une part la direction des Business Units par deux personnes au nombre desquelles ne figure pas M. X, et d’autre part la création 'd’une équipe de Business development’ incluant justement M. X, ne permet pas de considérer que ce dernier ait eu par ce moyen des éléments de nature à clarifier les tâches qui lui seraient désormais confiées, et sur lesquelles il avait expressément interrogé son employeur, le document

accompagnant le comité de direction du 2 décembre 2013 (pièces N° 33 et 35 de l’employeur'), n’étant pas davantage explicite sur ce point, dès lors qu’il ne fait que préciser l’existence d’une équipe 'BIZDEV’ dans laquelle se compte M. X.

Des échanges subséquents, il résulte que la première fiche de poste tendant à définir les nouvelles fonctions, a été adressée à M. X le 15 janvier 2014 et qu’une réunion s’en est suivie, le salarié exprimant le souhait 'd’avancer sur cette fiche de poste’ (pièce N° 9 de l’employeur).

Ces éléments démontrent que bien que la nouvelle organisation ait été destinée, conformément aux souhaits exprimés par M. L., à être mise en place immédiatement et au plus tard à compter du 1er janvier 2014, aucun accord de volontés n’était intervenu à ce stade avec le salarié sur le contenu de ses nouvelles fonctions.

Cette situation a perduré tout au long du premier semestre 2014, au cours duquel de nouveaux échanges sont intervenus sur ce point (courriers électroniques des 3 février , 27 mars, 8 avril, 21 mai, et 30 mai 2014, pièces N° 8, 10, 11, 12 et 13 du salarié), l’employeur n’ayant adressé d’avenant au contrat de travail impliquant une modification sur les modalités de la rémunération auquel était jointe une fiche de poste de 'business développer', que le 30 juin 2014 et précisant dans un courrier électronique du 21 juillet suivant, que M. X 'ne supportait clairement pas de ne plus être directeur de business unit', le tout démontrant que dépossédé de ses fonctions de directeur de Business Unit depuis le 1er janvier 2014, il a été procédé à une modification des conditions substantielles de son contrat de travail dans des conditions qui ne lui ont été précisées que le 30 juin 2014 et auxquelles rien ne permet de considérer qu’il avait donné son accord.

Le fait de laisser ainsi le salarié dans une totale incertitude sur son devenir au sein de l’entreprise, alors que lui a été annoncé une restructuration dont l’employeur lui même consent qu’elle aboutit à une situation qui 'n’est pas simple', constitue un manquement grave à l’exécution des obligations découlant du contrat de travail.

Ces manquements graves sont également établis par les déclarations de MM. O et M., (pièces N° 34 et 35 du salarié), que rien ne permet de remettre en cause et aux termes desquelles, la nouvelle organisation présentée 'mise en place fin novembre’ ne réservait 'aucun rôle concret’ à M. X, ses responsabilités ayant été 'dispatchées sur d’autres collaborateurs dont D. B., qui a repris la direction de la Business Unit Ysance Intégration', M. X 's’étant vu retirer des dossiers sur lesquels [ lui et M. M travaillaient] ensemble.(…)', et M. L., n’ayant 'jamais présenté auprès de l’équipe en place les nouvelles fonctions de M. Z X.' .

La résiliation du contrat de travail de M. X doit donc être prononcée aux torts de la société Ysance, le jugement devant être infirmé de ce chef.

II- sur les effets de la résiliation judiciaire

En application de l’article 1184 devenu 1225 du code civil, en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la résiliation ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date et que le salarié était resté au service de son employeur.

Par ailleurs, la résiliation prononcée aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse selon la nature des manquements retenus.

M. X a été licencié pour faute grave par lettre du 7 novembre 2014, date à laquelle doit être fixé le point de départ des effets de la résiliation prononcée.

Cette résiliation doit avoir les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse justifiant le

versement des sommes retenues au titre de la mise à pied conservatoire dès lors qu’il résulte de ce qui précède que celle-ci n’était pas justifiée, ainsi que de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents, dont M. X a été indûment privé dans le cadre d’un licenciement pour faute grave aujourd’hui considéré comme non justifié.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné la société Ysance à verser de ces chefs les sommes de, exactement calculées :

—  5.237,19 euros au titre de la période de mise à pied à titre conservatoire ;

—  523,72 euros au titre des congés payés y afférents ;

—  20.025 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

—  2.002,50 euros au titre des congés payés y afférents ;

—  19.283,34 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Par ailleurs, le salarié, âgé de 35 ans au moment de la rupture de son contrat de travail justifiait d’une ancienneté de plus de huit ans dans l’entreprise.

L’ensemble des éléments justifie l’octroi d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 50 000 euros en application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l’espèce.

Le jugement doit donc être également confirmé sur ce quantum.

III- sur la perte de chance de lever des options d’achat d’actions.

Lorsqu’un salarié n’a pu, du fait de la rupture injustifiée de son contrat de travail, lever les options d’achat d’actions, il en résulte un préjudice résultant de sa perte de chance qui doit être intégralement réparé.

La perte de chance implique une incertitude sur l’orientation future d’une

alternative ouverte dont la disparition actuelle présente le caractère certain à la mesure

de la probabilité du choix ou de l’événement souhaitable ou souhaité.

Si une perte de chance même minime est indemnisable, conformément au droit

commun, il appartient au demandeur d’apporter la preuve de l’existence de son

préjudice.

Il est admis que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

M. X rappelle qu’il a bénéficié par décision du 28 septembre 2012, de Bons de Souscriptions de Parts Créateur d’Entreprise (BSPCE), valables jusqu’au 28 septembre 2022, lui ouvrant droit à 4 278 actions du capital de la société Ysance, dont il a été indûment privé du fait de son licenciement.

Constatant que dans le cadre d’une opération de fusion, les 133 332 actions de la société Ysance ont été converties en 2 400 000 actions, dont chacune valait le 12 avril 2017 la somme de

7,9610697 euros, M. X soutient que ses 4 278 BSPCE lui ouvraient droit à 77 005 actions et donc à une somme de 613 040 euros, dont il y a lieu de déduire 51 336 euros représentant du prix de souscription des actions prévu dans le cadre de la levée d’option des BSPCE (soit 12 euros par titre).

Il sollicite donc la somme de 561 704 euros (613 040 euros – 51 336 euros), de ce chef en réparation du préjudice né pour lui de la perte de chance de bénéficier des 4 278 BSPCE qui lui avaient été attribuées en 2012.

L’article 3 du règlement du plan intitulé soumettait l’exercice des BSPCE aux conditions suivantes:

'- 2.568 BSPCE seront exerçables si le chiffre d’affaires HT d’un exercice, et au plus

tard celui de l’exercice clos le 31 décembre 2016, est au moins égal à 8.000.000

euros, et ce avec un résultat d’exploitation au moins égal à 0,

—  1.710 BSPCE seront exerçables si le chiffre d’affaires HT d’un exercice, et au plus

tard celui de l’exercice clos le 31 décembre 2018, est au moins égal à 10.000.000

euros, et ce avec un résultat d’exploitation au moins égal à 0.'

Il est admis de part et d’autre que ces conditions n’étaient pas remplies à la date de notification du licenciement pour faute grave, le 7 novembre 2014.

M. X soutient qu’en application de l’article Y228-99 du code de commerce, il bénéficiait d’une obligation légale de maintien et d’ajustement de ses droits de titulaire de BSPCE, aussi bien dans le cadre de la fusion du mois d’août 2015, que lors de la création par Ysance, le 12 avril 2017, d’une nouvelle catégorie d’action de préférence dites « ADP2 » et de la modification corrélative des termes et conditions des actions de préférence.

Cependant, il ne démontre pas que la société Ysance ne peut se prévaloir des conditions initiales d’exercice des BSPCE prévues à l’article 3 du règlement du plan précité, alors que rien ne permet de remettre en cause le fait que l’augmentation de capital d’un montant de 120.000 euros par émission de 66.666 actions ordinaires nouvelles de la Société a été faite avec suppression du droit préférentiel de souscription des associés.

De même, le fait que les actions auxquelles sont attachés des droits préférentiels dites ADPI ou ADPII ne modifient pas la répartition du bénéfice de la Société doit être considéré comme établi au regard de l’article 13 des statuts, aux termes desquels 'chaque action donne droit, dans les bénéfices et l’actif social, à une part proportionnelle à la quotité du capital qu’elle représente et donne droit au vote et à la représentation lors des décisions collectives'.

En conséquence, M. X ne démontre pas que les conditions de la levée d’option de ces titres relativement à l’atteinte d’un chiffre d’affaires hors taxe minimum et d’un résultat d’exploitation au moins égal à zéro telles qu’elles résultent de l’article 3 du règlement du plan de BSPCE du 28 septembre 2012 soient réunies ni que dans le cadre des opérations de fusion et d’augmentation de capital, des mesures correctives auraient dû conduire à maintenir et ajuster ses droits et d’écarter lesdites conditions, aucune chance réelle et sérieuse manquée n’étant dès lors caractérisée.

En outre, sous couvert d’une perte de chance, le salarié sollicite une somme strictement équivalente à l’avantage qu’il estimé avoir perdu sans ainsi préciser l’étendue du préjudice résultant de sa perte de chance et dont il est admis qu’il ne peut être de 100%.

Le jugement aux termes duquel il a été débouté de ce chef doit en conséquence être confirmé.

IV- sur le remboursement des allocations de chômage

Les conditions d’application de l’article L 1235 – 4 du code du travail étant réunies dès lors qu’il est reconnu à la résiliation judiciaire du contrat de travail les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient d’ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois d’indemnités, observation étant faite que Pôle-Emploi, intervenant volontaire, ne donne aucun élément sur la somme sollicitée de ce chef à hauteur de 22 780 euros et dont la cour n’est pas en mesure de déterminer si elle correspond à la limite maximum des six mois d’indemnités visée par le texte précité.

V- sur les autres demandes

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du jugement.

En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à M. X une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

Il en sera de même en faveur de Pôle Emploi.

DÉCISION

La Cour,

INFIRME le jugement entrepris, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. X,

et statuant à nouveau de ce chef,

PRONONCE la résiliation du contrat de travail de M. X aux torts de la société Ysance,

DIT que la résiliation du contrat de travail prend effet le 7 octobre 2014,

DIT que la résiliation du contrat de travail a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement confirmé.

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement à l’organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de trois mois d’indemnités,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes.

CONDAMNE la société Ysance à verser à M. X la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

CONDAMNE la société Ysance à verser à Pôle Emploi la somme de 200 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de l’instance d’appel,

CONDAMNE la société Ysance aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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