Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 2 février 2022, n° 21/07850

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 2 févr. 2022, n° 21/07850
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/07850
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 14 avril 2021, N° 2021011559
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRET DU 02 FEVRIER 2022

(n° , 10 C)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07850 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDRNL


Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Avril 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021011559

APPELANTES

S.A.S. SG DISTRIBUTION FRANCE prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

68 rue du Faubourg Saint-Honoré

[…]

Société SG LYON-PART DIEU DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

68 rue du Faubourg Saint-Honoré

[…]

Société SG PARIS – LA DEFENSE DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

68 rue du Faubourg Saint-Honoré

[…]

Société SG STRASBOURG DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

68 rue du Faubourg Saint-Honoré

[…]

Société SG METZ DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

68 rue du Faubourg Saint-Honoré Société SG PARIS-FORUM DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

68 rue du Faubourg Saint-Honoré

[…]

Société SG BORDEAUX DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

68 rue du Faubourg Saint-Honoré

[…]

Société SG LYON-REPUBLIQUE DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

68 rue du Faubourg Saint-Honoré

[…]

Société SG NANCY DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

68 rue du Faubourg Saint-Honoré

[…]

Société SG VERSAILLES DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social

68 rue du Faubourg Saint-Honoré

[…]


Représentées par Me Nicole DELAY PEUCH, avocat au barreau de PARIS, toque : A0377


Assistées par Me Jean-Baptiste GOUACHE de la SELARL GOUACHE AVOCATS, avocat au Barreau de PARIS, toque : E1852

INTIMEE

Société SOSTRENE GRENE IMPORT A/S, de droit danois, prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social


Mariane Thomsens

[…]

[…]


Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée par Me Grégoire TOULOUSE du Cabinet TAYLOR WESSING, avocat au Barreau de PARIS, toque : J010

COMPOSITION DE LA COUR :


L’affaire a été débattue le 29 Novembre 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. X Y, Premier Président de chambre

Mme Carole CHEGARAY, Conseillère

Mme Edmée BONGRAND, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur X Y dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Olivier POIX

ARRET :


- CONTRADICTOIRE


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par M. X Y, Premier Président de chambre, et par Meggy RIBEIRO, Greffière placée, présente lors du prononcé par mise à disposition.

***


La société de droit danois Sostrene Grene Import (SGI) propose, dans son réseau de magasins succursalistes et franchisés sous enseigne 'Søstrene Grene', des produits de décoration et de loisir créatif.


SGI dispose d’une société holding de droit français SG Distribution France SAS (SGDF), à la tête de 13 filiales opérationnelles : les sociétés SG Lyon-Part Dieu Distribution, SG Paris La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, […] Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution et SG Versailles Distribution (les filiales).


Le 5 novembre 2014, SGI et SGDF ont conclu un contrat-cadre de développement en franchise, contrat soumis au droit danois et comportant une clause d’arbitrage sous l’égide de l’Institut danois d’arbitrage.


Les filiales du groupe SGDF ont également signé des contrats de franchise avec la société SGI.


A partir de 2018, SGI a résilié le contrat-cadre ainsi que les contrats de franchise avec des préavis de deux années.


Par acte du 8 mars 2021, SGDF et ses filiales ont assigné en référé devant le président du tribunal de commerce de Paris la société SGI, sur le fondement de l’article L 442-6 I du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 24 avril 2019, aux fins de voir ordonner la poursuite des contrats dans l’attente de la décision de la juridiction compétente au fond.
Par ordonnance contradictoire rendue le 15 avril 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris :


- s’est déclaré compétent ;


- a constaté qu’une tentative de conciliation entre les parties n’a pu aboutir ;


- a constaté que les parties demanderesses à l’instance n’ont pas souhaité solliciter le bénéfice d’ 'une passerelle’ ;


- a dit qu’il n’y a lieu à référé ;


- a condamné in solidum les demanderesses à verser à la société de droit Danois Sostrene Grene Import A/S la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;


- a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;


- a condamné les demanderesses in solidum aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 184,57 euros TTC dont 30,55 euros de TVA ;


Par déclaration d’appel du 22 avril 2021, les sociétés SG Distribution France, SG Lyon-Part Dieu Distribution, SG Paris La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, […] Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution et SG Versailles Distribution ont interjeté appel de cette ordonnance.


Par conclusions n°3 remises le 14 septembre 2021, elles demandent à la cour, au visa des articles 835 et 1449 du code de procédure civile, de l’article L 442-6 I 2° du code de commerce dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 24 avril 2019, et 101 du TFUE, de :


- confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a admis la compétence du juge des référés, les conditions de l’article 1449 du code de procédure civile, et notamment la condition d’urgence étant remplies ;


- l’infirmer pour le surplus ;


Statuant à nouveau,


- recevoir les sociétés SG Distribution France, SG Lyon-Part Dieu Distribution, SG Paris-La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, SG Paris-Forum Distribution, SG Bordeaux Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution, SG Versailles Distribution, en leurs demandes ;


- les déclarer bien fondées ;


- ordonner, dans l’attente de la décision de la juridiction compétente au fond :

• la continuation sans limitation de durée du contrat-cadre appelé « Framework Agreement » du 5 novembre 2014, qui a été dénoncé tardivement, donc de manière irrégulière ;

• la continuation sans limitation de durée des contrats de franchise qui ont été dénoncés au mépris du droit au renouvellement contractuel stipulé au profit des franchisés, donc de manière irrégulière, avec la société SG Versailles Distribution, la société SG Metz Distribution, la société Paris-Forum Distribution, la société SG Bordeaux Distribution, la société SG Lyon-Part Dieu Distribution, la société SG Strasbourg Distribution, la société SG Lyon République Distribution, la société SG Nancy Distribution, la société SG Paris-La
Défense Distribution ;

• la continuation ou la reprise des approvisionnements sans constitution de garanties, mais à la condition que chaque livraison postérieure à l’ouverture des procédures collectives soit effectivement payée dans le délai contractuel ;


- en conséquence, ordonner la restitution, sous huit jours ouvrés, des 360.000 euros versés à titre de garantie par SGDF à SGI sous la menace de cessation des approvisionnements ;


- s’abstenir de toute pratique déloyale, abusive ou discriminatoire destinée à évincer les franchisés SGDF, jusqu’à ce que la sentence arbitrale ait été rendue au Danemark ;


- rejeter toutes les demandes de la société Sostrene Grene Import ;


- condamner la société Sostrene Grene Import au paiement au profit des sociétés SG Distribution France, SG Lyon-Part Dieu Distribution, SG Paris-La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, SG Paris-Forum Distribution, SG Bordeaux Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution, SG Versailles Distribution, de la somme de 1.500 euros chacune, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamner la société Sostrene Grene Import aux dépens.


Elles réfutent, tout d’abord, l’idée selon laquelle l’ordonnance devrait être confirmée, au motif qu’ils n’auraient pas demandé l’infirmation ou l’annulation de l’ordonnance. Elles font valoir que les jurisprudences produites par l’intimée ne concernent pas l’hypothèse d’une ordonnance de référé ; plus précisément, elles considèrent que cette solution ne peut être étendue à la procédure des référés puisque l’article 910-4 du code de procédure civile ne peut s’appliquer en référé où il n’y a pas de prétentions sur le fond du droit.


Les appelantes considèrent que le juge des référés du tribunal de commerce était bien compétent : la condition d’urgence, permettant la compétence exceptionnelle du juge des référés en présence d’une convention d’arbitrage, était bien remplie en l’espèce :


- les pratiques de l’intimée les ont conduites à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde et certaines des filiales n’ont pas survécu et ont été mises en liquidation ; il est donc urgent que les mesures sollicitées soient accordées, afin d’éviter de nouvelles liquidations judiciaires ; les premières résiliations des contrats faisaient peser sur leurs magasins un risque de cessation imminente des approvisionnements, encore plus s’agissant des magasins de Versailles et de celui de la Défense ; s’agissant des autres magasins, les appelantes allèguent que l’intimée a annoncé la résiliation des contrats de franchise au moment-même où les plans de sauvegarde des franchisés allaient être circularisés auprès des créanciers, afin de mettre en péril la viabilité des plans de sauvegarde ; elles estiment que le report des dates de résiliation n’a pas permis de faire cesser l’urgence ;


- depuis l’adoption des plans de sauvegarde par les jugements du 25 mai 2021, l’urgence n’est pas remise en cause, car SGI n’a eu de cesse de poursuivre son entreprise d’élimination.


S’agissant des mesures conservatoires sollicitées, elles font valoir que le dommage était imminent : non seulement, plusieurs magasins étaient menacés de ne plus être approvisionnés de manière imminente, mais aussi l’annonce des autres résiliations mettait en péril la viabilité des plans de sauvegarde ; elles estiment que l’intimée avait la volonté de provoquer la liquidation judiciaire des appelantes pour ne plus les avoir comme concurrent et que cette volonté de l’intimée subsiste, de sorte que l’urgence est toujours d’actualité.


Elles soutiennent, par ailleurs, que les résiliations étaient irrégulières (certaines étant tardives et d’autres rompant le contrat avant l’arrivée du terme) et que, par conséquent, leur rupture constitue un trouble illicite.


Elles réfutent l’argument de l’intimée selon lequel la demande portant sur la reprise des approvisionnements serait une demande nouvelle, irrecevable en appel et parce que le tribunal arbitral aurait été constitué au moment où elle a été formulée : elles considèrent que leur demande n’est pas nouvelle puisqu’elle tend aux mêmes fins que la demande de continuation des contrats ; or, en l’espèce, la demande de continuation ou de reprise des approvisionnements était incluse dans la demande de continuation des contrats formulée en première instance.


La société Sostrene Grene Import A/S, par conclusions procédurales remises le 25 novembre 2021, sollicite le rejet des conclusions et pièces notifiées le 25 novembre 2021 à 11h35.


Par dernières conclusions remises le 10 novembre 2021, elle demande à la cour, au visa des articles 32-1, 542, 564, 873, 905-2, 910-4, 954, 1449 et 1506 du code de procédure civile, de :


A titre principal,


- confirmer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 15 avril 2021, faute pour les appelantes d’avoir sollicité son annulation ou son infirmation malgré les dispositions des articles 542, 910-4 et 954 du code de procédure civile ;


A titre subsidiaire,


- infirmer l’ordonnance rendue le 15 avril 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a retenu sa compétence, malgré l’absence d’urgence et les dispositions de l’article 1449 du code de procédure civile ;


Statuant à nouveau,


- juger que le président du tribunal de commerce de Paris n’avait pas compétence pour connaître des demandes des appelantes et qu’il aurait dû se déclarer incompétent au profit du tribunal arbitral ;


A titre très subsidiaire,


- confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’il a jugé qu’il n’y avait ni dommage imminent ni trouble manifestement illicite justifiant un référé et débouté SG Distribution France et ses Filiales, les sociétés SG Lyon Part-Dieu Distribution, SG Paris-La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, SG Paris-Forum Distribution, SG Bordeaux Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution, et SG Versailles Distribution, de leurs demandes ;


En toute hypothèse,


- condamner in solidum les appelantes à verser à SGI la somme de 10.000 euros pour compenser le préjudice subi par cette procédure d’appel abusive, sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;


- confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamné in solidum SG Distribution France, SG Lyon Part-Dieu Distribution, SG Paris-La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, SG Paris-Forum Distribution, SG Bordeaux Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution, et SG Versailles Distribution à verser à SGI la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance.
Y ajoutant,


- condamner les sociétés SG Distribution France, SG Lyon Part-Dieu Distribution, SG Paris- La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, SG Paris-Forum Distribution, SG Bordeaux Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution, et SG Versailles Distribution, au paiement à la société Sostrene Grene Import A/S de la somme de 3.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, au titre de l’instance d’appel.


A titre principal, l’intimée fait valoir que les appelantes n’ont sollicité, dans le dispositif de leurs conclusions, ni l’infirmation, ni l’annulation de l’ordonnance du 15 avril 2021 ; conformément aux articles 542 et 954 du code de procédure civile, en l’absence de demande d’annulation ou d’infirmation figurant dans le dispositif des conclusions d’appel notifiées dans le délai imparti, la cour ne peut que confirmer l’ordonnance ou le jugement rendu en première instance. Elle rappelle qu’aucune régularisation dans des conclusions ultérieures n’est possible en vertu de l’article 910-4 du code de procédure civile et que la jurisprudence sur ce point est parfaitement applicable, même s’il s’agit d’une ordonnance de référé.


Elle fait, par ailleurs, valoir que le président du tribunal de commerce ne pouvait retenir sa compétence en l’absence de toute urgence attachée aux demandes des appelantes ; l’article 1449 du code de procédure civile ne permet en effet d’obtenir des mesures provisoires ou conservatoires que tant que le tribunal arbitral n’est pas constitué, uniquement si le demandeur démontre l’existence d’une situation d’urgence, ce qui n’est pas le cas :


- la réaction de SGDF et de ses filiales a été extrêmement tardive concernant les cinq contrats résiliés par SGI en mars 2018 ; le contrat cadre et les quatre premiers contrats de franchise ont été résiliés le 7 mars 2018, soit trois ans avant l’assignation (le contrat cadre a été résilié avec un préavis de 2 ans, tout comme les contrats de franchise dont les préavis s’étendent sur une période allant de 3 à 4,5 ans) ; s’agissant des cinq derniers contrats de franchise résiliés le 24 novembre 2020, l’urgence ne peut non plus être caractérisée compte tenu des préavis de longue durée qui ont été accordés (de 2 à 4 ans) ;


- il ne saurait y avoir une urgence au regard des manquements à l’ordre public économique invoqués par les appelantes qui invoquent des faits intervenus en 2016 (s’agissant du site internet) et en 2018 (s’agissant des ventes Push) ;


- les plans de sauvegarde de SGDF et ses filiales ayant été adoptés le 25 mai 2021, le principal argument des demanderesses, qui consistait à justifier l’urgence par le risque de refus d’adoption du plan par le tribunal, a disparu.


A titre très subsidiaire, l’intimée soutient que les demandes des appelantes sont irrecevables en ce que :


- il n’existe aucun dommage imminent de nature à justifier la suspension de la résiliation et la continuation du contrat-cadre et des contrats de franchise résiliés : les appelantes ont disposé du temps largement nécessaire pour engager une procédure arbitrale si elles souhaitaient contester ces résiliations et/ou prendre les mesures nécessaires à la réorganisation de leur activité à l’issue des contrats de franchise ; en outre, le critère de l’illicéité de l’origine du dommage n’est pas davantage rempli puisqu’elle a procédé aux résiliations en se conformant strictement aux stipulations contractuelles ;


- il n’existe aucun trouble manifestement illicite occasionné par la rupture des contrats : le contrat-cadre du 5 novembre 2014 entre SGI et SGDF n’est pas un contrat à durée déterminée, mais un contrat à durée indéterminée, comme cela ressort de son article 4.1, de sorte qu’elle était en droit de résilier les contrats à tout moment moyennant l’octroi d’un préavis suffisant.


L’intimée soutient que les demandes nouvelles formulées par les appelantes sont irrecevables en raison de l’interdiction des demandes nouvelles en appel et de la compétence exclusive du tribunal arbitral :


- la demande relative à « la continuation ou la reprise des approvisionnements sans constitution de garanties, mais à la condition que chaque livraison postérieure à l’ouverture des procédures collectives soit effectivement payée dans le délai contractuel. », n’était pas formulée devant le président du tribunal de commerce. Par ailleurs, cette demande ne peut être considérée comme l’accessoire, la conséquence ou le complément de la demande initiale ; elle considère que ce n’est pas la demande de poursuite des livraisons qui est ici formulée par SGDF et ses Filiales, puisque celles-ci n’ont jamais cessé, mais uniquement le refus d’avoir à donner une garantie bancaire, pourtant contractuellement prévue ;


- les appelantes ont formulé une nouvelle demande dans leur conclusion n°3, à savoir que la Cour d’appel ordonne à SGI de 's’abstenir de toute pratique déloyale, abusive ou discriminatoire destinée à évincer les franchisés SGDF, jusqu’à ce que la sentence arbitrale ait été rendue au Danemark’ ; or, à la date à laquelle toutes ces demandes ont été formulées, le tribunal arbitral était constitué (depuis mi-avril 2021), de sorte que seul celui-ci est compétent pour toute nouvelle demande.


Enfin, elle invoque enfin le caractère abusif de l’appel, en ce que :


- malgré l’adoption des plans de sauvegarde le 25 mai 2021, SGDF et ses Filiales ont poursuivi la procédure devant la cour d’appel pour de nouveaux motifs ;


- les appelantes et l’intimée se sont mises d’accord les 24 et 30 juin 2021 sur un report des résiliations des contrats de franchise portant sur les magasins de La Défense et de Versailles.


En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS

Sur la demande de rejet


L’article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. Aux termes de l’article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.


Il ressort de l’article 446-2, dernier alinéa, du code de procédure civile que le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens, et pièces communiquées sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.


Alors que la date de clôture de l’instruction avait été reportée, à la demande des appelantes, au 25 novembre 2021, ces dernières ont remis le 25 novembre 2021 à 11h34, 70 C de nouvelles conclusions.


L’ordonnance de clôture étant intervenue le 25 novembre 2021 à 13 heures, la remise des conclusions du 25 novembre 2021, quelques minutes avant la clôture, n’a pas permis à l’intimée de disposer d’un délai suffisant ni pour répliquer, ni même pour prendre connaissance de ces dernières écritures. Ces circonstances ayant empêché le respect du principe de la contradiction, la cour ordonnera le rejet des conclusions remises par les appelantes le 25 novembre 2021.

Sur la saisine de la cour


Selon l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. L’article 954 du même code énonce que les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. L’article 910-4, alinéa 1er, du même code prévoit : 'A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond.


L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. (')'.


Il résulte de ces dispositions que :


- l’appelant doit, dans le dispositif de ses premières conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement, ou l’annulation du jugement ;


- aucune régularisation n’est possible par la remise de conclusions ultérieures, en application de l’article 910-4 du code de procédure civile, lequel, visant notamment à l’article 905-2 du même code, est nécessairement applicable aux procédures de référé.


Aux termes de leurs premières conclusions remises le 6 juillet 2021, les appelantes demandent de :


- recevoir les sociétés SG Distribution France, SG Lyon-Part Dieu Distribution, SG Paris La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, […] Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution et SG Versailles Distribution , en leurs demandes ;


- les déclarer bien fondées ;


- ordonner, dans l’attente de la décision de la juridiction compétente au fond :

o la continuation sans limitation de durée du contrat-cadre appelé « Framework Agreement » du 5 novembre 2014, qui a été dénoncé tardivement donc de manière irrégulière ;

o la continuation sans limitation de durée des contrats de franchise qui ont été dénoncés au mépris du droit au renouvellement contractuel stipulé au profit des franchisés, donc de manière irrégulière, avec les sociétés SG Lyon Part-Dieu Distribution, SG Paris-La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, SG Paris-Forum Distribution, SG Bordeaux Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution, et SG Versailles Distribution ;

o la continuation ou la reprise des approvisionnements sans constitution de garanties, mais à la condition que chaque livraison postérieure à l’ouverture des procédures collectives soit effectivement payée dans le délai contractuel ;


- condamner la société Sostrene Grene Import au paiement au profit des sociétés SG Distribution France, des sociétés SG Lyon-Part Dieu Distribution, SG Paris La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, […]
Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution et SG Versailles Distribution, de la somme de 1.500 euros chacune, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamner la société Sostrene Grene Import aux dépens ;


Dans leurs conclusions n°2 remises le 2 septembre 2021, les appelantes ont demandé de :


- confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a admis la compétence du juge des référés, les conditions de l’article 1449 du code de procédure civile, et notamment la condition d’urgence étant remplies ;


- l’infirmer pour le surplus ;


Statuant à nouveau,


- recevoir les sociétés SG Distribution France, SG Lyon-Part Dieu Distribution, SG Paris La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, […] Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution et SG Versailles Distribution en leurs demandes ;


- les déclarer bien fondées ;


- ordonner dans l’attente de la décision de la juridiction compétente au fond :

o la continuation sans limitation de durée du contrat-cadre appelé 'Framework Agreement’ du 5 novembre 2014, qui a été dénoncé tardivement donc de manière irrégulière ;

o la continuation sans limitation de durée des contrats de franchise qui ont été dénoncés au mépris du droit au renouvellement contractuel stipulé au profit des franchisés, donc de manière irrégulière, avec les sociétés SG Lyon-Part Dieu Distribution, SG Paris La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, […] Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution et SG Versailles Distribution ;

o la continuation ou la reprise des approvisionnements sans constitution de garanties, mais à la condition que chaque livraison postérieure à l’ouverture des procédures collectives soit effectivement payée dans le délai contractuel ;


- en conséquence, ordonner la restitution sous huit jours ouvrés des 360.000 € versés à titre de garantie par SGDF à SGI sous la menace de cessation des approvisionnements ;


- s’abstenir de toute pratique déloyale, abusive ou discriminatoire destinée à évincer les franchisés SGDF, jusqu’à ce que la sentence arbitrale ait été rendue au Danemark ;


- rejeter toutes les demandes de la société Sostrene Grene Import ;


- condamner la société Sostrene Grene Import au paiement au profit des SG Distribution France, des sociétés SG Lyon-Part Dieu Distribution, SG Paris La Défense Distribution, SG Strasbourg Distribution, SG Metz Distribution, […] Distribution, SG Lyon République Distribution, SG Nancy Distribution et SG Versailles Distribution, de la somme de 1.500 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamner la société Sostrene Grene Import aux dépens.'
Il est constant que les premières conclusions des appelantes ne comportaient aucune demande ni d’infirmation, ni d’annulation de l’ordonnance dont appel, ce que les appelantes, qui se bornent à invoquer l’inapplicabilité de l’article 910-4 du code de procédure civile aux procédures de référé, admettent. L’appel a, par ailleurs, été formé postérieurement au 17 septembre 2020.


Les chefs de l’ordonnance entreprise n’étant pas déterminés avec la précision exigée, la cour ne peut que confirmer l’ordonnance entreprise.


La société Sostrene Grene Import A/S n’établissant pas la réalité d’un préjudice occasionné par la présente procédure, autre que celui indemnisable au titre de l’article 700 du code de procédure civile, elle sera débotuée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

PAR CES MOTIFS


Ordonne le rejet des conclusions remises par les appelantes le 25 novembre 2021 ;


Confirme l’ordonnance entreprise ;


Déboute la Société Sostrene Grene Import A/S de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive;


Condamne in solidum les sociétés SG DISTRIBUTION FRANCE, SG LYON-PART DIEU D I S T R I B U T I O N , S G P A R I S L A D É F E N S E D I S T R I B U T I O N , S G S T R A S B O U R G DISTRIBUTION, SG METZ DISTRIBUTION, SG PARIS FORUM DISTRIBUTION, SG BORDEAUX DISTRIBUTION, SG LYON RÉPUBLIQUE DISTRIBUTION, SG NANCY DISTRIBUTION ET SG VERSAILLES DISTRIBUTION aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;


Les condamne in solidum à payer à la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.


LE GREFFIER LE PRÉSIDENT 1. Z A B C

[…]
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