Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 8, 16 mars 2023, n° 20/00437

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 8, 16 mars 2023, n° 20/00437
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/00437
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 18 novembre 2019, N° 17/00193
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 21 mars 2023
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Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 16 MARS 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00437 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBIMY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 17/00193

APPELANT

Monsieur [N] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Amandine PERRAULT, avocat au barreau d’ESSONNE

(bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale numéro 2020/003452 du 11/02/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMÉE

S.E.L.A.R.L. MJC2A prise en la personne de Maître [D] [K] ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL DIMENSION ELECTRIQUE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Pierre TONOUKOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J133

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [N] [E] affirme avoir été engagé par la société Dimension Electrique par contrat à durée indéterminée du 16 janvier 2013, en qualité d’électricien N4 P1 de la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.

Le 6 mai 2013, la société Dimension Electrique a été mise en sommeil.

Affirmant s’être vu interdire l’accès d’un chantier ([Adresse 5]) le 21 mai 2013 et souhaitant obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, M. [E] a saisi le 23 janvier 2017 le conseil de prud’hommes de Bobigny.

Par ordonnance du 31 janvier 2018, Maître [K] a été désigné ès qualités de mandataire ad hoc de la société Dimension Electrique.

Par jugement du 19 novembre 2019, notifié aux parties par lettre du 13 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :

— mis hors de cause l’AGS CGEA IDF EST,

— débouté M. [E] de l’ensemble de ses demandes,

— condamné M. [E] aux dépens de la première instance.

Par déclaration du 10 janvier 2020, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 25 juin 2020, l’appelant demande à la cour :

— d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bobigny le 19 novembre 2019,

statuant à nouveau,

— de déclarer Monsieur [N] [E] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,

— de débouter Maître [K] en qualité de mandataire ad hoc de la société Dimension Electrique de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

— de dire et juger que la société Dimension Electrique a manqué à ses obligations essentielles en refusant de fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution,

en conséquence,

— de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [N] [E] avec la société Dimension Electrique aux torts et griefs de cette dernière, en raison des nombreux manquements de l’employeur à ses obligations,

— de condamner la société Dimension Electrique à verser à Monsieur [N] [E] les sommes suivantes :

-116 100 euros à titre de rappel de salaires sur la période du 17 janvier 2013 au 1er mai 2018, et à tout le moins, la somme de 64 800 euros à titre de rappel de salaires sur les trois dernières années,

-1 431 euros à titre d’indemnité de licenciement conventionnelle,

-10 800 euros à titre d’indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,

-3 600 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

-360 euros à titre de congés y afférents,

-10 800 euros en réparation du préjudice lié au travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié,

-640,50 euros au titre des « paniers repas » sur la période du 17 janvier au 21 mai 2013,

-175 euros au titre des frais de déplacement sur la période du 17 janvier au 21 mai 2013,

— remise d’une attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte et bulletins de salaire sous astreinte journalière de 50 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement,

— capitalisation des intérêts,

— exécution provisoire sur le fondement de l’article 515 du Code civil,

-3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamnation de la société aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 25 septembre 2020, la société Dimension Electrique par la personne de son mandataire ad hoc demande à la cour :

à titre principal,

— de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que l’action fondée sur la résiliation judiciaire du contrat de travail est prescrite,

en conséquence,

— de juger irrecevables toutes les demandes de Monsieur [E],

à titre subsidiaire,

— de dire et juger que la demande se heurte à l’autorité de la chose jugée et est donc irrecevable,

en conséquence,

— de juger irrecevables toutes les demandes de Monsieur [E],

à titre subsidiaire,

— de débouter Monsieur [E] de sa demande de résiliation judiciaire,

en conséquence,

— de rejeter toutes les demandes de Monsieur [E],

en tout état de cause,

— de limiter l’indemnité compensatrice de préavis à 900 euros brut , outre 90 euros au titre des congés payés afférents,

— de juger ce que de droit sur la remise de l’attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et des fiches de paie pour la période du 17/1/2013 au 21/5/2013,

— de rejeter le surplus des demandes.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2022 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 10 janvier 2023.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur l’irrecevabilité de la demande

Le mandataire ad hoc de la société Dimension Electrique soulève l’irrecevabilité de la demande de résiliation judiciaire, fondée sur un refus du prétendu employeur de donner du travail à compter du 21 mai 2013, du fait de la prescription; il soutient que M.[E] disposait d’un délai de deux ans à compter de cette date pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

À titre subsidiaire, il soulève l’irrecevabilité de la demande tenant à l’autorité de la chose jugée, un jugement d’incompétence ayant été rendu le 3 décembre 2014 par le conseil de prud’hommes de Bobigny.

M.[E] conteste toute prescription, invoquant avoir fait preuve de la plus grande diligence en saisissant le conseil de prud’hommes de Bobigny le 11 juin 2013, et invoque l’absence de manifestation de volonté de l’employeur de mettre fin au contrat de travail. Il estime que la prescription n’a couru qu’à compter du 11 juillet 2016, date à laquelle il a eu connaissance de ce que son employeur ne cotisait pas à la Caisse des congés payés. Il invoque également la fraude commise par la société Dimension Electrique, laquelle la prive de la possibilité de se prévaloir de la prescription biennale.

L’appelant fait valoir également qu’il a interrompu valablement la prescription le 11 juin 2013 et qu’il doit être déclaré recevable en ses demandes.

En l’espèce, la demande de résiliation judiciaire de M.[E], reçue par le conseil de prud’hommes de Bobigny le 23 janvier 2017 est fondée sur des manquements dans l’exécution du contrat de travail, manquements dont l’appelant a eu connaissance le 21 mai 2013 lorsque l’accès à un chantier lui aurait été interdit.

Par ailleurs, il n’est pas contesté que saisi le 11 juin 2013 d’une demande de rappel de salaire, des congés payés y afférents, d’indemnité pour licenciement abusif, de rappel de frais de transport, de remise de documents sociaux de rupture et de paiement de frais irrépétibles, par M. [E] à l’encontre de la société Dimension Electrique, le conseil de prud’hommes de Bobigny a rendu le 3 décembre 2014 un jugement d’incompétence qui a été frappé d’appel.

La cour d’appel de Paris (chambre 6-3), par arrêt du 13 décembre 2016, a déclaré irrecevable l’appel interjeté, après avoir rappelé que la décision d’incompétence rendue en première instance ne pouvait être attaquée que par la voie du contredit. Cet arrêt a en outre déclaré irrecevable la demande formulée le 17 octobre 2016 visant à voir analyser l’appel ainsi formulé en contredit.

Selon l’article 1351, devenu 1355, du Code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement.

Selon l’article 480 du code de procédure civile, « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche ».

Par conséquent, bien que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause et qu’elle concerne les mêmes parties en la même qualité, le mandataire ad hoc de la société Dimension Electrique ne saurait se prévaloir de l’autorité de la chose jugée tirée des deux décisions rendues, dans la mesure où elles n’ont pas tranché le principal.

Par ailleurs, une demande en justice, même présentée devant une juridiction incompétente, est interruptive de prescription, en vertu de l’article 2241 du Code civil.

L’article 2242 du même code dispose que « l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance ».

Dans ces conditions, l’action de M. [E], entamée le 11 juin 2013, soit avant l’entrée en vigueur – le 17 juin 2013- de l’article L1471-1 du code du travail dans sa version résultant de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 (art. 21), et soumise à la prescription de droit commun prévue par l’article 2224 du Code civil, soit 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, a fait courir un nouveau délai; son action présentée le 23 janvier 2017 n’est donc pas prescrite et s’avère recevable.

Sur l’existence d’un contrat de travail

M.[E] soutient qu’il a été embauché par la société Dimension Electrique à partir du 16 janvier 2013 à temps complet.

La relation de travail est contestée par le mandataire ad hoc qui relève que l’appelant n’a jamais été payé de son salaire, que le « protocole/contrat », pas plus que la DPAE et trois fiches de paye ne permettent de confirmer qu’il a effectivement travaillé pour la société Dimension Electrique et critique l’attestation versée par la partie adverse. La selarl MJC2A prise en la personne de Me [K] invoque un relevé de carrière rendant incompatible l’assertion de M.[E].

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité en cause.

M. [E] produit aux débats un document à l’en-tête de la société Dimension Electrique, intitulé 'Client : Cogedim/Icade

Chantier : [Adresse 5]

Objet : construction d’un bâtiment de bureaux

Lot n°22 & 40 – courant fort & courant faible'.

Ce document, qui mentionne ensuite 'protocole/contrat à durée indéterminée', prévoit plusieurs rubriques, telles que 'qualification : électricien N4-P1', 'salaire brut: 1 800 euros/mois', 'durée du travail : 35 heures/hebdomadaire', 'panier : 7 euros/jour', 'déplacement : 50 % des frais du transport', porte la date du 16 janvier 2013 et a été signé par un responsable chargé d’affaires, M.[I] [P] ainsi que par M.[E], sous le vocable 'salarié'.

Ce document porte en outre l’adresse de l’entreprise et son numéro de Siret notamment.

M.[E] verse également l’accusé de réception d’une déclaration d’embauche à son nom à compter du 16 janvier 2013, la fiche d’accueil de personnes sur chantier/site, en date du 17 janvier 2013 portant son nom et son prénom, trois bulletins de salaire, outre une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 mars 2013 sollicitant de la direction de la société Dimension Electrique la remise d’un contrat de travail à durée indéterminée, de ses bulletins de salaire, ainsi que le paiement de son salaire et des indemnités de panier.

L’appelant verse également son courrier recommandé du 21 mai 2013 demandant des explications sur l’interdiction d’accès au chantier, le courrier du même jour au responsable d’affaires de la société Cofely Ineo, de M. [U] [T], chef de chantier, ainsi que l’attestation de ce dernier quant à la prestation de travail du 16 janvier 2013 au 21 mai suivant en contrat à durée indéterminée de M.[E].

Il y a donc, à tout le moins, apparence de contrat de travail.

Dans ce cas, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.

Le mandataire ad hoc verse aux débats le relevé de carrière de M.[E] faisant état pour l’année 2013 d’une prestation de travail auprès de deux sociétés autres que la société Dimension Electrique, ainsi que la copie de l’assignation délivrée par M.[T] à l’encontre de son ex-employeur.

Cependant, le relevé de carrière ne comporte pas de renseignements sur toute l’année 2013 et le contentieux ayant existé entre le témoin et la société Dimension Electrique, qui n’affecte que l’attestation produite, s’avère sans portée sur les autres éléments versés aux débats par M.[E] pour établir son statut de salarié.

Il convient donc de retenir l’existence d’un contrat de travail.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

M. [E] affirme qu’il s’est vu interdire l’accès au chantier situé [Adresse 5] le 21 mai 2013, sans explication, que son employeur a dès lors gravement manqué à son obligation de lui fournir du travail et de lui payer le salaire convenu.

Le mandataire ad hoc conclut au rejet de la demande dans la mesure où le relevé de carrière de l’appelant démontre qu’il travaillait en 2013 pour d’autres employeurs, qu’il a travaillé en 2015 pour la société Haldimat, qu’au jour de la saisine du conseil de prud’hommes son contrat était déjà rompu puisqu’il travaillait pour d’autres employeurs et qu’une demande de résiliation judiciaire ne saurait porter sur un contrat déjà rompu.

Il résulte du courrier du 21 mai 2013 de M.[E] à la direction de l’entreprise qu’il n’a plus eu accès, à compter de ce jour-là, au chantier sur lequel il était affecté.

Il n’est pas justifié par le représentant de la société Dimension Electrique du paiement effectif des salaires dus à M.[E] , ni de la fourniture de travail à compter du 21 mai 2013.

Ces manquements aux obligations contractuelles sont suffisamment graves pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail.

La date de la résiliation du contrat de travail ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date.

En l’espèce, alors que dans son attestation M. [T] a fait état de ce qu’un aménagement d’horaires avait été mis en place au profit de M.[E] qui travaillait au sein d’un autre établissement le soir et que le relevé de carrière de ce dernier fait état de prestations de travail au sein de deux autres entités, il convient de constater que le salarié n’était plus à la disposition de la société Dimension Electrique au-delà du 21 mai 2013, date également de sa dernière réclamation à son employeur.

Il y a lieu par conséquent de fixer au 21 mai 2013 la résiliation du contrat de travail de M.[E].

Tenant compte de l’âge du salarié (38 ans) au moment de la rupture, de son ancienneté (4 mois), de son salaire moyen mensuel brut (soit 1 800 €, somme réclamée), de l’absence de justification de sa situation après la rupture, il y a lieu de fixer à 1000 € la juste réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail, par application des dispositions de l’article L 1235-5 du code du travail dans sa version applicable à la date de la résiliation judiciaire, à défaut de justificatif d’un effectif employé habituellement au sein de l’entreprise d’au moins 11 salariés.

S’agissant de l’indemnité conventionnelle de licenciement, l’article 1.1.10 de la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne la réservant aux salariés dont l’ancienneté remonte au minimum à deux ans, il convient de constater qu’elle n’est pas due en l’espèce.

Par ailleurs, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement, selon l’article L1234-9 du code du travail dans sa version applicable au litige.

L’ancienneté, inférieure à un an, de M.[E] l’empêche d’être accueilli en sa demande d’indemnité légale de licenciement.

En l’état de l’ancienneté limitée de M.[E], l’indemnité compensatrice de préavis qui lui est due, en vertu de l’article 1.1.9 de la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne s’élève à 900 €, outre les congés payés y afférents.

Sur le rappel de salaire

Il n’est pas justifié par le représentant de la société Dimension Electrique de l’effectivité du paiement du salaire, laquelle est contestée par l’appelant nonobstant la remise de trois bulletins de paie.

En l’état de l’interruption de la prescription, la demande présentée doit être accueillie à hauteur de la somme de 8 794,20 €, pour la durée de la relation de travail, du 16 janvier jusqu’au 21 mai 2013, indemnités de panier comprises (conformément aux mentions apposées à ce sujet sur les bulletins de salaire pour les mois de janvier à mars et eu égard à leur nombre moyen pour les mois d’avril et mai prorata temporis).

En ce qui concerne les frais de déplacement, si le « protocole/contrat à durée indéterminée» prévoit 50 % des frais de transport pris en charge par l’employeur, l’absence de tout justificatif à ce titre conduit à rejeter la demande.

Sur le travail dissimulé

M.[E] invoque le refus de son employeur de lui délivrer ses bulletins de paie pour les mois d’avril 2013 à ce jour, caractérisant un travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié. Il fait état également de ce que les cotisations à la Caisse des congés payés n’ont pas été réglées par son employeur, pour solliciter la somme de 10'800 € en réparation du préjudice lié au travail dissimulé.

Le mandataire ad hoc conclut au rejet de la demande.

Selon l’article L8221-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, ' est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.'

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, en vertu de l’article L8223-1 du code du travail.

Il appartient au salarié de démontrer l’intention de dissimulation de l’employeur.

S’il n’est pas justifié de la remise des bulletins de salaire aux mois d’avril et mai 2013, force est de constater que non seulement aucun refus n’a été opposé au salarié de la part de l’employeur, mais qu’en outre aucun élément n’est produit permettant de retenir une quelconque omission intentionnelle de la part de l’entreprise.

Par ailleurs, le défaut de paiement des cotisations à la Caisse des congés payés n’est pas assimilable à la soustraction aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des contributions ou de l’administration fiscale, conformément à l’alinéa 3° de l’article L8221-5 du code du travail.

Par conséquent, la demande présentée au titre d’un travail dissimulé ne saurait être accueillie.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1153, 1153-1 (anciens), 1231-6 et 1231-7 (nouveaux) du Code civil et R1452-5 du code du travail, les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil, courent sur les créances de sommes d’argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi ( rappels de salaire, indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, indemnité de licenciement) à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation en 2017 et sur les autres sommes à compter du présent arrêt.

Sur la remise de documents

La remise d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail, d’un solde de tout compte et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance du mandataire ad hoc représentant la société Dimension Electrique n’étant versé au débat.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d’appel.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile à l’une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d’appel en l’état de l’aide juridictionnelle totale dont bénéficie M.[E].

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement déféré,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONSTATE la recevabilité des demandes de M. [N] [E],

CONSTATE l’existence d’un contrat de travail entre la société Dimension Electrique et M.[E] à compter du 16 janvier 2013,

PRONONCE la résiliation du contrat de travail de M.[E] au 21 mai 2013,

CONDAMNE la société Dimension Electrique à payer à M.[E] les sommes de

—  8 794,20 € à titre de rappel de salaire,

—  900 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  90 € au titre des congés payés y afférents,

—  1 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil, sont dus à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation pour les créances de sommes d’argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi et à compter du présent arrêt pour le surplus,

ORDONNE la remise par la société Dimension Electrique à M.[E] d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail, d’un solde de tout compte et d’un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,

REJETTE les autres demandes des parties,

CONDAMNE la société Dimension Electrique aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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