Cour d'appel de Reims, 13 novembre 2012, n° 11/00483

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Reims, 13 nov. 2012, n° 11/00483
Juridiction : Cour d'appel de Reims
Numéro(s) : 11/00483
Décision précédente : Tribunal de commerce de Reims, 31 janvier 2011

Texte intégral

ARRET N°

du 13 novembre 2012

R.G : 11/00483

SA Y

XXX

SARL B C

SARL XXX

SARL SOMAYA

XXX

XXX

SARL CT C

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

SAS ZETA

XXX

A

c/

SAS HANS ANDERS FRANCE

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 13 NOVEMBRE 2012

APPELANTS :

d’un jugement rendu le 01 février 2011 par le tribunal de commerce de REIMS,

SA Y

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

SARL B C

XXX

XXX

XXX

SARL XXX

XXX

XXX

SARL SOMAYA

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

SARL CT C

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

SAS ZETA

XXX

XXX

XXX

XXX

XXX

Monsieur Z A

XXX

XXX

COMPARANT, concluant par Maître Jean-Pierre SIX, avocat au barreau de REIMS, et ayant pour conseil Maître Nathalie DESLAY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

SAS HANS ANDERS FRANCE

XXX

XXX

COMPARANT, concluant par Maître James GAUDEAUX, avocat au barreau de REIMS., et ayant pour conseil Maître Agnès KOETSIER, avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur HASCHER, président de chambre

Monsieur CIRET, conseiller

Monsieur SOIN, conseiller, entendu en son rapport

GREFFIER :

Madame THOMAS, greffier lors des débats et du prononcé.

DEBATS :

A l’audience publique du 25 septembre 2012, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 novembre 2012,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 13 novembre 2012 et signé par monsieur HASCHER, président de chambre, et madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * *

Du 05 janvier au 07 février 2009, la SAS HANS ANDERS FRANCE, qui fait partie du groupe néerlandais HANS ANDERS OPTICIEN et exerce une activité de commerce de détail 'low-cost’ dans le domaine de l’optique, a lancé une campagne publicitaire diffusée sur le site internet de la société et sur les lieux d’implantation de boutiques du nord de la France, au moyen d’affiches et de tracts disponibles dans un présentoir placé à l’intérieur ou à l’extérieur des magasins.

Par lettre recommandée du 26 janvier 2009 avec demande d’accusé de réception, la société Y, qui anime un réseau de magasins de cette enseigne et poursuit une activité de commerce de détail dans le domaine de l’optique, a mis en demeure la SAS HANS ANDERS FRANCE de cesser une pratique commerciale qui 'contrevient manifestement aux dispositions de la loi du 4 août 2008 dite loi LME et notamment au nouvel article L 121-1-1 du code de la consommation’ relatif à la pratique commerciale trompeuse.

Par acte d’huissier en date du 05 juin 2009, la SA Y et quinze membres associés de son réseau, la XXX, SARL B C, la SARL XXX, la SARL SOMAYA, la XXX, la XXX, la SARL CT C, la XXX, la XXX, la XXX, la XXX, la XXX, monsieur Z A, la SAS ZETA et la XXX, ( ci-après SA Y et consorts ) ont fait assigner la SAS HANS ANDERS FRANCE devant le tribunal de commerce de Reims, afin de voir condamner la défenderesse à lui payer une réparation pécuniaire, au titre de sa pratique commerciale trompeuse.

Par jugement en date du 1er février 2011, le tribunal de commerce de Reims a reçu la société Y et les associés visés en tête de son jugement en leurs demandes et les a déclarés mal fondés.

En conséquence, il les a déboutés,

dit et jugé que la société HANS ANDERS FRANCE ne s’est rendue coupable d’aucune pratique commerciale déloyale trompeuse ni d’acte de concurrence déloyale envers les opticiens Y et ses associés,

dit et jugé n’exister aucun lien de causalité entre les dommages invoqués par la société Y et ses associés et la publicité incriminée,

condamné solidairement la société Y et ses associés à verser à la société HANS ANDERS FRANCE la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,

dit n’y avoir lieu à exécution provisoire et condamné solidairement Y et ses associés aux dépens.

Par déclaration en date du 22 février 2011, les sociétés Y et consorts ont interjeté appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 10 septembre 2009, visant la directive européenne 2005/29/CE du 11 mai 2005, les articles L 121-1-1, L 121-1 et L 120-1 du code de la consommation, 1382 du code civil, les SA Y et consorts demandent à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :

dire et juger que la société HANS ANDERS FRANCE s’est rendue coupable de pratique commerciale réputée trompeuse en toutes circonstances dans le cadre de son offre commerciale,

dire et juger que la société HANS ANDERS FRANCE s’est rendue coupable à leur égard de concurrence déloyale du fait de la pratique commerciale réputée trompeuse en toutes circonstances à laquelle elle s’est livrée dans le cadre de son offre commerciale.

A titre subsidiaire, elles lui demandent de :

dire et juger que la société HANS ANDERS FRANCE s’est rendue coupable de pratique commerciale trompeuse dans le cadre de son offre commerciale,

dire et juger que la société HANS ANDERS FRANCE s’est rendue coupable à leur égard de concurrence déloyale du fait de la pratique commerciale à laquelle elle s’est livrée dans le cadre de son offre commerciale.

En tout état de cause, les sociétés Y et consorts demandent la cour de :

condamner la société HANS ANDERS FRANCE à verser à la société Y la somme de 1.000.000 euros HT, avec intérêts légaux à compter de la date de délivrance de l’assignation,

en réparation du préjudice subi du fait de l’acte de concurrence déloyal ;

condamner la société HANS ANDERS FRANCE à verser respectivement aux sociétés CLAEYS

OPTICIENS, B C, XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, INOV’OPTlC,A GREGORY, SA ZETA, BEM OPTIQUE les sommes de 3.500 euros , 5.500 euros, 11.000 euros, 6.000 euros, 2.500 euros, 1.800 euros, 7.000 euros, 5.500 euros, 6.500 euros, 12.000 euros, 6.500 euros, 4.000 euros, 7.000 euros, 6.000 euros,

4.000 euros HT, avec intérêts légaux à compter de la date de délivrance de l’assignation, en

réparation du préjudice qu’ils ont subi du fait de l’acte de concurrence déloyale;

ordonner la publication, sur la première page d’accueil du site internet HANS ANDERS accessible à l’adresse www.hansanders.fr, du texte intégral de l’arrêt à intervenir et ce, pour

une période d’un mois, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

ordonner la publication du texte intégral de l’arrêt à intervenir au sein de la revue «60 millions de consommateurs '' et au sein des magazines spécialisés « Bien vu '' et « L’opticien

lunetier '', lors de leur prochaine parution suivant la signification de l’arrêt à intervenir aux

frais de la société HANS ANDERS ;

ordonner, au profit de la société Y et des sociétés CLAEYS OPTICIENS, B C,

XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, INOV’OPT|C, A GREGORY, SA ZETA, BEM OPTIQUE, I’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir, nonobstant toute voie de recours et ce, sans constitution de garantie ;

condamner la société HANS ANDERS France à payer à la société Y et aux sociétés

CLAEYS OPTICIENS, B C, XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, XXX, INOV’OPTIC, A GREGORY, SA ZETA, BEM OPTIQUE la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société HANS ANDERS France en tous les dépens et dire qu’ils pourront être

recouvrés dans les conditions prévues aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 07 novembre 2012, la SAS HANS ANDERS FRANCE demande à la cour de :

confirmer le jugement en toutes ses dispositions et ce faisant à titre principal, dire et juger que HANS ANDERS FRANCE SAS ne s’est pas rendue coupable de pratiques commerciales déloyales et/ou trompeuse au titre des articles L 120-1, L 121-1 et L 121-1-1 du code de la consommation, ni d’acte de concurrence déloyale au titre de l’article 1382 du code civil,

subsidiairement, dire et juger que ni Y ni les associés ne justifient d’un quelconque dommage,

plus subsidiairement, dire et juger qu’aucun lien de causalité entre la publicité incriminée et les dommages invoqués par Y et ses associés n’existe ni n’est prouvé,

débouter ainsi Y et associés de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause, ajoutant au jugement dont appel, condamner Y et associés à lui verser solidairement la somme de 15.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

condamner Y et associés solidairement aux dépens.

SUR CE, LA COUR,

Attendu que le cadre juridique des pratiques commerciales est défini par le chapitre 1er du titre II, livre 1er de la partie législative du code de la consommation ;

Que ce chapitre est précédé d’un chapitre préliminaire intitulé « pratiques commerciales déloyales », dont l’article L 120-1 alinéa 1er prohibe de façon générale les pratiques commerciales contraires aux exigences de la diligence professionnelle et qui engendrent des conséquences néfastes pour le pouvoir décisionnel « du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » ;

Attendu que le II de l’article précité énonce que constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L 121-1 et L 121-1-1, l’article L 121-1 répertoriant ainsi les circonstances de commission de la pratique commerciale trompeuse, alors que l’article L 121-1-1 établit une liste des pratiques dont l’objet est réputé trompeur, au sens de l’article L 121-1 ;

Attendu qu’il s’ensuit de cette hiérarchie normative, issue de la loi n° 2008-776 du 04 août 2008, qu’au moment d’apprécier la validité d’une opération commerciale, le juge doit chronologiquement se poser comme première question si la pratique en litige correspond à l’un des vingt deux cas appréhendés par l’article L 121-1-1 ;

Qu’en cas de réponse négative, il devra alors déterminer si la pratique est trompeuse à l’aune du contexte posé par l’article L 121-1, que pour terminer son analyse, en cas de réponse négative à cette seconde question, il devra alors se pencher sur l’éventualité d’une pratique simplement déloyale, au sens de l’article L 120-1 ;

Attendu qu’en l’espèce, la cour observe que les appelants ont entendu respecter l’ordre logique sus-décrit, ceux-ci lui demandant en effet, à titre principal, de dire et juger que la société HANS ANDERS s’est rendue coupable de pratique commerciale réputée trompeuse en toutes circonstances, au sens de l’article L 121-1-1 19° du code de la consommation, dans le cadre de l’offre commerciale « votre monture gratuite à choisir parmi nos 1000 modèles », les demandes d’examen de la pratique contestée, à l’aune des articles L 121-1 et L 120-1, n’étant ainsi présentées qu’à titre subsidiaire ;

Sur la compatibilité de l’offre avec les dispositions de l’article L 121-1-1 19°

Attendu que sont réputées trompeuses au sens de l’article L 121-1 les pratiques commerciales qui ont pour objet de décrire un produit comme étant « gratuit », à titre « gracieux », « sans frais » ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d’autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l’article ;

Attendu qu’en l’espèce, il résulte des débats, conclusions et pièces versées au dossier que du 05 janvier au 07 février 2009, la société HANS ANDERS FRANCE a diligenté, dans le cadre de son activité commerciale d’opticien, une campagne publicitaire diffusée sur son site internet, ainsi que sur les lieux d’implantation des boutiques françaises situées dans une dizaine de villes du nord, par l’intermédiaire d’affiches situées en vitrine et de tracts accessibles dans des présentoirs disposés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des magasins ;

Attendu que pour démontrer que cette campagne publicitaire s’inscrit dans les pratiques commerciales réputées trompeuses, les appelants soutiennent que l’utilisation du terme « gratuit », alors même que le gain pour le consommateur de la monture est subordonné à un achat, en l’occurrence des lunettes complètes composées d’un ensemble verres-monture, constitue en soi l’infraction prévue par le 19 ° de l’article L 121-1-1 ;

Qu’ils ajoutent que la simple utilisation de cette pratique est suffisamment grave pour être relevée en toutes circonstances, sans que la preuve de la volonté de duper du professionnel n’ait à être rapportée ;

Qu’ainsi, arguant de la présomption irréfragable édictée par l’article L 120-1 II, les sociétés Y et consorts en tirent la conséquence que le juge serait privé de tout pouvoir d’appréciation, quant à la réalité du pouvoir trompeur de la publicité ;

Attendu à cet égard que certes les pratiques listées à l’article L 121-1-1 ont pour vocation de clarifier les techniques commerciales trompeuses et d’illustrer les différentes catégories de tromperie qui, en utilisant des pratiques de confusion, de dissimulation de l’annonceur ou d’allégations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur, ont pour conséquence d’altérer de manière significative sa liberté économique et son libre arbitre ;

Mais attendu que pour autant, du seul fait de la multiplicité des cas envisagés par cet article, organisé en un véritable catalogue, le juge doit nécessairement conserver le pouvoir de contrôle qui lui est normalement dévolu par la loi, dans le cadre de sa mission de protection du consommateur ;

Que partant, il lui incombe d’analyser, en fonction de la pratique concrète qui lui est soumise, en l’occurrence un message publicitaire, la portée réelle de ce message et son aptitude à suggérer, par des procédés plus ou moins déloyaux, une interprétation erronée de la part du client, notamment lorsque le contenu du message comporte une information matériellement exacte ;

Attendu au surplus que toute application par trop mécanique, par les juridictions, de l’article L 121-1-1, dans l’hypothèse par exemple de l’utilisation d’une formulation inexacte sanctionnée par la loi, aurait pour effet pervers de favoriser des pratiques déviantes et hypocrites, poursuivant un but avéré de tromperie du consommateur mais utilisant, en lieu et place d’une formulation expressément visées par la loi et constitutive d’une pratique réputée trompeuse, une formulation davantage subtile, mais tout autant condamnable ;

Que pour éviter ces effets pervers, non souhaités par le législateur, le contrôle du juge s’avère donc indispensable, contrairement à l’analyse réductrice effectuée par les appelants ;

* la publicité diffusée par internet

Attendu qu’il ressort du constat effectué par Maître X, huissier de justice, qu’en ouvrant la page d’accueil du site HANS ANDERS, durant la campagne publicitaire querellée, l’internaute, consommateur potentiel de produits d’optique, voyait apparaître un large encadré central affichant la photographie d’une paire de lunettes disposée devant un paquet cadeau dont la forme laisse présumer du contenu, à savoir un étui à lunettes ;

Attendu que cette photographie est surmontée d’une légende en gros caractères de couleur rouge « VOTRE MONTURE GRATUITE* A CHOISIR PARMI NOS 1000 MODELES » ;

Que l’astérisque apposé dernière le mot « gratuite », très visible et de taille parfaitement proportionnée à la taille des caractères de ladite légende, renvoie à une phrase qui explique en des termes concis et précis que l’offre est « valable à l’achat de lunettes complètes ( monture et verres traités anti-reflets et anti-rayures ), voir conditions en magasin » ;

Attendu que certes la taille des caractères de la phase de renvoi est très largement inférieure à celle de la phrase de légende ;

Mais attendu que le recours, dans un slogan publicitaire, à un astérisque renvoyant à des conditions de vente écrites en petits caractères constitue désormais une technique de communication courante, licite et connue du consommateur doté d’une capacité de compréhension moyenne, qui va chercher tout naturellement à découvrir la phrase de renvoi, afin de connaître précisément les conditions d’obtention des montures dites gratuites par le commerçant ;

Attendu au surplus que figure sur cette même page d’accueil, parmi les cinq encadrés graphiques ou photographiques qui cernent de part et d’autre le large encadré central, un encadré carré sur fond rouge, particulièrement lisible, qui indique « toutes les montures 35 € » ;

Que dès lors, à supposer que ce consommateur internaute, doté d’une capacité de compréhension moyenne, n’ait pas immédiatement localisé la phrase de renvoi, la simple mention d’un coût de 35 € pour l’acquisition d’une monture, mention qui entre radicalement en contradiction avec le slogan publicitaire principal, ne pouvait que l’inciter à parfaire son information ;

Attendu alors qu’un simple clic sur le slogan litigieux de la page d’accueil permettait d’accéder à une seconde page, qui détaillait les conditions d’acquisition de lunettes complètes, par le biais d’une offre exceptionnelle valable du 05 janvier au 07 février 2009, faisant apparaître, sous la mention « monture gratuite », le prix normal, barré, des lunettes complètes, ainsi que le prix promotionnel des mêmes lunettes, bénéficiant de 35 € de remise ;

Qu’en conséquence, il convient de constater que la publicité en litige explicitant clairement que le prix total de la paire de lunettes s’élevant, en période promotionnelle, à 100 € au lieu de 135 € pour les lunettes complètes uni-focales et à 180 € au lieu de 215 € pour les lunettes complètes varifocus progressives, le consommateur bénéficiait ainsi d’une réduction de prix correspondant à 35 €, soit très exactement au coût de la monture ;

Attendu qu’en définitive, nonobstant l’utilisation du vocable « gratuit », stigmatisée par la société Y et consorts, la description du produit permettait au consommateur de comprendre, sans équivoque possible et dès la consultation de la page d’accueil du site, ou à tout le moins dès après le premier clic pour le consommateur le moins avisé, que l’acquisition de montures ne pouvait s’effectuer qu’à la condition de payer des lunettes complètes ;

Qu’il s’ensuit que le 19° de l’article L 121-1-1 du code de la consommation n’est pas applicable à la publicité effectuée via internet par la société HANS ANDERS FRANCE ;

* la publicité effectuée dans ou devant les boutiques

Attendu que les constats d’huissiers versés aux débats par les appelants révèlent que les supports publicitaires, physiquement présents sur les lieux de vente, se matérialisaient par un « stop trottoir » placé devant les boutiques, contenant le même slogan que celui de la page d’accueil du site, avec la même présentation, des affiches de grand format ( 70 x 50 cm ) collées en vitrine et visibles de l’extérieur du magasin, reproduisant toujours ce slogan, et deux autres affiches de même grand format de localisation identique indiquant, par la méthode des prix barrés, le coût des lunettes complètes ;

Attendu que la société intimée soutient que ces supports publicitaires font partie d’un dispositif indissociable, les affiches de grand format étant ainsi juxtaposées de manière à ce que le consommateur dispose simultanément de l’information complète sur les conditions de l’offre promotionnelle et ce côté rue ;

Attendu à cet égard que les constats d’huissier versés aux débats par la partie adverse n’emportent pas la conviction de la cour sur un accès différent du consommateur à l’information, qui serait alors privé des éléments lui permettant de comprendre, de manière quasi instantanée et sans avoir besoin de pénétrer en boutique, qu’il pourrait sur simple demande revendiquer la remise gratuite d’une monture, sans bourse délier ;

Attendu au surplus que pour les consommateurs les plus téméraires, d’autres affiches publicitaires, situées à l’intérieur des magasins, de format adapté à la manipulation du consommateur, complétaient si besoin était le dispositif sus-décrit, ces affiches corroborant de manière on ne peut plus explicite les informations déjà glanées par le chalant à l’occasion de son passage à proximité de la devanture ;

Que dès lors, aucune violation des dispositions de l’article L 121-1-1 19° du code de la consommation ne pouvant raisonnablement être reprochée à la société HANS ANDERS FRANCE, il convient de juger que les sociétés Y et consorts ne peuvent se prévaloir d’une faute commise par la sus-nommée ;

Sur la pratique commerciale trompeuse

Attendu qu’au soutien de leur demande, les appelants entendent se prévaloir de l’article L 121-1 2° c du code de la consommation qui dispose qu’une pratique commerciale est trompeuse lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;

Attendu qu’en l’espèce, les développements qui précèdent, en partie transposables en réponse à la demande subsidiaire des sociétés Y et consorts, démontrent que le consommateur doté d’une capacité de compréhension moyenne ne pouvait pas se méprendre, d’une part sur le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, la période de l’offre étant ainsi ciblée, de même que les conditions d’achat de lunettes complètes ;

Que d’autre part, la présentation de l’offre, telle qu’effectuée par le professionnel, tant sur le site internet que dans les magasins, n’était pas de nature à induire en erreur le consommateur sur le prix ou son mode de calcul, celui-ci, qui manifestement constitue un élément essentiel de vente d’un opticien se qualifiant lui-même d’opticien discount, apparaissant en effet à première lecture et détaillant même le mécanisme aboutissant à la facturation finale ;

Attendu que certes, contrairement à ce qui est allégué par l’intimée, la période promotionnelle en litige s’analyse davantage en une réduction de prix au profit du consommateur, sur un ensemble verres-monture, qu’en une gratuité pure et simple de la monture ;

Qu’en effet, il n’est pas douteux et au demeurant non contesté de la part des appelants, que ladite réduction correspond arithmétiquement très exactement au coût facturé, hors période promotionnelle, de la monture, et donne ainsi l’apparence pour le consommateur de bénéficier de la gratuité de la monture, le prix des lunettes complètes uni-focales ressortissant ainsi à 100 € au lieu de 135 €, celui des lunettes complètes varifocus progressives passant quant à lui de 180 € à 215 € ;

Mais attendu qu’il n’est pas davantage contesté par la partie adverse que, durant la période promotionnelle, aucune augmentation corrélative du prix des verres n’a été effectuée par la société HANS ANDERS FRANCE , à fin de compenser la remise consentie au client et de maintenir ainsi l’intégralité de sa marge bénéficiaire sur les ensembles verres-lunettes ;

Qu’à cet égard, il ne semble pas inutile de rappeler aux sociétés Y et consorts que l’objet social d’une entreprise commerciale étant la réalisation de profits, le prix des montures était bien évidemment absorbé, en période promotionnelle, par la marge effectuée sur le prix des verres vendus au consommateur, la cour relevant au surplus qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure que la société HANS ANDERS se serait livrée à des ventes à perte sur la période suspecte, pratique interdite par la législation française ;

Attendu en définitive que le consommateur a effectivement bénéficié d’une réduction de prix de 35 € entre le 05 janvier et le 07 février 2009 pour tout achat d’une paire de lunettes complètes ;

Que dans ces conditions, les appelants ne pouvant se prévaloir utilement des dispositions protectrices des consommateurs, contenues à l’article L 121-1 du code de la consommation, il convient de les débouter de leur demande ;

Sur l’application de l’article L 120-1

Attendu que l’article L 120-1 du code de la consommation prohibe la pratique commerciale déloyale, qui est définie comme contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altérant de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service ;

Attendu que les développements qui précèdent ont déjà démontré que la publicité querellée a satisfait aux exigences professionnelles, en ce qu’elle a informé le consommateur sur les conditions de paiement d’une paire de lunettes complètes ;

Attendu par ailleurs qu’il résulte des débats et conclusions qu’il existe un marché, certes encore marginal, de vente de montures distinct de celui de la vente de verres, et notamment par le biais d’internet ;

Mais attendu que le comportement économique du consommateur n’était pas susceptible d’être altéré par la campagne publicitaire de la société HANS ANDERS FRANCE, celle-ci indiquant en effet immédiatement et très clairement que l’acquisition d’une monture nécessitait concomitament celle de verres, pour pouvoir bénéficier de l’offre promotionnelle ;

Qu’en d’autres termes, ledit consommateur, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ne pouvait imaginer, à la lecture des vecteurs publicitaires, prétendre exiger la remise d’une monture gratuite pour ensuite faire installer des verres achetés chez un concurrent ou un spécialiste de la vente de verres ;

Qu’en définitive, la pratique commerciale de la société HANS ANDERS FRANCE étant compatible avec les exigences des dispositions des articles L 120-1, L 121-1 et L 121-1-1 19° du code de la consommation, il convient de débouter les appelants de leur demande de dommages et intérêts, ainsi que de leurs demandes subséquentes et de confirmer en conséquence le jugement ;

Sur les autres demandes

Attendu que les sociétés Y et consorts, partie qui succombe, seront condamnés aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à l’intimée les frais exposés par elle en appel, non compris dans les dépens ;

Qu’il convient donc de condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement prononcé le 1er février 2011 par le tribunal de commerce de Reims,

Condamne in solidum la société Y, la société CLAEYS OPTICIEN, la SARL B C, la SARL XXX, la SARL SOMAYA, la XXX, la XXX, la SARL CT C, la XXX, la SARL BOLVIN OPTIQUE, la XXX, la XXX, la XXX, monsieur Z A, la SAS ZETA à payer à la société HANS ANDERS FRANCE la somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum a société Y, la société CLAEYS OPTICIEN, la SARL B C, la SARL XXX, la SARL SOMAYA, la XXX, la XXX, la SARL CT C, la XXX, la SARL BOLVIN OPTIQUE, la XXX, la XXX, la XXX, monsieur Z A, la SAS ZETA à payer les dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

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