Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 25 septembre 2019, n° 18/01727

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

25/09/2019

ARRÊT N°373

N° RG 18/01727 – N° Portalis DBVI-V-B7C-MHM3

FP/CO

Décision déférée du 12 Mars 2018 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE – 2017J118

M. LEBOULANGER

SAS JDC MIDI-PYRENEES

C/

SAS JDC

SARL J K

infirmation

infirmation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2e chambre

***

ARRÊT DU VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANTE

SAS JDC MIDI-PYRENEES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège

[…]

31240 SAINT-JEAN

Représentée par Me Emmanuelle ASTIE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SAS JDC prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me COTEG & AZAM de la SELARL COTEG AZAM, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Janaïna LEYMARIE, avocat au barreau de TOULOUSE

assistée de Me Patrick DAYAU, avocat au barreau de BORDEAUX

SARL J K prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[…]

[…]

Représentée par Me Janaïna LEYMARIE, avocat au barreau de TOULOUSE

assistée de Me Patrick DAYAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. PENAVAYRE président et M. SONNEVILLE, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

F. PENAVAYRE, président

M. SONNEVILLE, conseiller

S. TRUCHE, conseiller

Greffier, lors des débats : C. OULIÉ

ARRET :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

• – signé par F. PENAVAYRE, président, et par C. OULIÉ , greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Les sociétés JDC SA, JDC Midi-Pyrénées, […] et JDC Normandie exercent leur activité

dans la distribution de solutions en matière d’encaissement, de monétique et de surveillance (vente et location de caisses enregistreuses et de terminaux de paiement électroniques ou TPE).

La société JDC (ex JDC Aquitaine) a été créée le 30 mai 1989 (date d’immatriculation) par Monsieur X et intervient essentiellement sur le marché des caisses enregistreuses à destination des professionnels, sur tout le territoire national à l’exception de la région Pyrénées où intervient la société JDC Midi-Pyrénées.

La société JDC Midi-Pyrénées a été immatriculée le 23 mai 1989 par Monsieur Y et intervient essentiellement dans la région Midi-Pyrénées sur le même marché.

À l’origine, 4 sociétés JDC se sont réparties le territoire afin d’exercer la même activité, chacune des sociétés prenant pour dénomination sociale le sigle « JDC » en y accolant le nom de sa région d’activité.

Après avoir été partenaires pendant plus de 20 ans, les relations ont été rompues entre les sociétés JDC SA devenue SAS JDC et JDC Midi-Pyrénées à partir de 2011 .

La société J K, filiale de la société JDC, a été créée par Monsieur X le 25 janvier 2012 et intervient sur la région Midi-Pyrénées où elle a implanté plusieurs de ses établissements.

Par courrier du mois d’avril 2012, la société JDC Midi-Pyrénées a fait part officiellement à la société JDC de ses craintes liées à son implantation sur son territoire géographique et des agissements de concurrence déloyale dont elle se rendait coupable suite à l’embauche de l’une de ses anciennes salariées, Madame H I.

Par courrier en réponse des 17 avril et 11 mai 2012, la SAS JDC a dénié tout acte de concurrence déloyale et réitéré l’accord de fait existant entre les parties sur la répartition du territoire national.

La société JDC Midi-Pyrénées se plaignant de la multiplication d’actes déloyaux de la part de la société J K sur la région Midi- Pyrénées a :

— par acte d’huissier du 30 septembre 2016, assigné les sociétés JDC et J K devant le tribunal de Grande instance de Bordeaux pour solliciter la nullité des marques déposées les 1er mars 1999 et 2 août 2011 par la société JDC SA

— par acte d’huissier du 3 février 2017, assigné les sociétés JDC et J K devant le tribunal de Commerce de Toulouse en dénonçant une concurrence déloyale exercée par ces deux sociétés.

Par jugement du 27 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a annulé l’ensemble des marques déposées par les parties, rejeté l’action en contrefaçon de la SAS JDC, rejeté les demandes formées par la SAS JDC au titre de la concurrence déloyale et les demandes de dommages et intérêts.

La cour d’appel de Bordeaux est actuellement saisie du litige.

Par jugement du 12 mars 2018, le tribunal de Commerce de Toulouse :

— débouté la SAS JDC Midi-Pyrénées de l’ensemble de ses demandes

— débouté la SAS JDC Midi-Pyrénées et la SAS JDC de leurs demandes liminaires

— rejeté la demande d’expertise

— condamné la SAS JDC Midi-Pyrénées à verser à la SAS JDC la somme de 750 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la même somme à la société J K

— condamné la société JDC Midi-Pyrénées aux dépens de l’instance

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

La SAS JDC Midi-Pyrénées a interjeté appel de cette décision le 13 avril 2018.

L’ordonnance de clôture est en date du 20 mai 2019.

PRETENTIONS DES PARTIES

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 20 mai 2019, la SAS JDC Midi-Pyrénées demande à la cour :

— d’infirmer le jugement du 12 mars 2018, sauf en ce qu’il a débouté les sociétés JDC et J K de leurs demandes liminaires tendant à voir ordonner la communication de divers documents par la société LOCAM

À titre principal :

— de dire et juger que les sociétés JDC et J K ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme à son encontre

— d’ordonner la cessation des actes litigieux sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir et en conséquence, de modifier les documents publicitaires de la société J K de sorte que la mention de la société JDC et de son expérience datant de 1989 soient retirées de tous les documents et supports publicitaires, de cesser tout dénigrement, de faire interdiction à la société J K de se présenter comme une émanation de la société JDC dans ses campagnes de recrutement, de faire interdiction à la société JDC d’exercer son activité dans la zone géographique de Midi-Pyrénées soit directement soit par l’intermédiaire d’une société filiale et de cesser toutes les campagnes publicitaires Adwords sur le site www.jdc.fr sur la région Midi-Pyrénées

— de condamner in solidum les sociétés intimées à lui verser la somme de 125 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à sa réputation et de son préjudice moral

Avant dire droit :

— d’ordonner une expertise judiciaire afin de déterminer le préjudice économique subi et de nommer tel expert qu’il plaira la cour avec la mission précisée dans ses écritures

— de condamner les sociétés intimées à supporter les entiers dépens de l’instance outre une somme de 30 000 € à titre provisionnel sur l’indemnisation du préjudice économique subi

À titre subsidiaire , si la cour ne jugeait pas nécessaire d’ordonner un mesure d’ expertise :

— de condamner in solidum les sociétés JDC et J K à lui payer une somme de 250 000 € à titre d’indemnisation des préjudices subis

Et en tout état de cause :

— d’ordonner la cessation des actes litigieux sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter la décision à intervenir comme précisé plus haut

— d’ordonner la publication de la décision sur les sites Internet JDC et J K ainsi que dans les journaux locaux tels que La Dépêche du Midi aux frais des dites sociétés

— de condamner in solidum les sociétés intimées au paiement d’une somme de 20 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

— de mettre à leur charge les entiers dépens de l’instance lesquels comprendront les constats du huissier qu’elle a été contrainte de faire établir pour attester des agissements déloyaux.

Elle reproche pour l’essentiel aux sociétés défenderesses :

— des agissements déloyaux constitutifs d’autant de fautes à savoir :

*la volonté de créer la confusion dans l’esprit du public et l’usurpation de sa dénomination sociale par différents stratagèmes (notamment en présentant faussement la société J sur son site internet comme étant implantée depuis 1989 alors que sa création ne remonte qu’à 2012, en postant des offres d’emploi intitulées JDC Toulouse, en entretenant la confusion entre J et JDC Pyrénées )

*en détournant la clientèle et débauchant ses salariés

*en dénigrant son concurrent

* en se glissant dans le sillage de la société JDC Midi-Pyrénées

*en pratiquant des prix anormalement bas

— la création et l’implantation de la société J K sur la région Midi Pyrénées qui constitue à la fois une concurrence déloyale et du parasitisme.

Les sociétés JDC et J K ont notifié leurs conclusions récapitulatives le 7 mai 2019.

Elles demandent à la cour :

— de confirmer le jugement du tribunal de Commerce de Toulouse du 12 mars 2018,

— de débouter en tout état de cause la société JDC Midi-Pyrénées de l’intégralité de ses demandes

— de la condamner à leur verser à chacune la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

— de mettre à sa charge les entiers dépens et les frais éventuels d’exécution.

Elles rappellent que JDC SAS a l’antériorité d’usage du nom et de la marque « JDC » pour avoir était enregistrée antérieurement et que la société JDC Midi-Pyrénées lui a donné son accord pour utiliser la dénomination et la marque JDC en Midi-Pyrénées sur les produits relevant du domaine de la monétique , ce qu’elle a toujours fait. Dès lors il ne peut y avoir aucune usurpation de dénomination sociale.

Elles prétendent que la société J K a été créée pour éviter toute confusion avec la société JDC Midi-Pyrénées puisqu’elle exerce sous une dénomination sociale distinctive. Elles vendent du matériel de conception et de marques différentes de celui vendu par la société JDC

Midi-Pyrénées et n’ont pas bénéficié de la renommée ou des efforts de cette dernière. Dès lors il y a lieu de rejeter le grief de confusion et de parasitisme car tout a été fait pour qu’il n’existe aucun amalgame avec la société JDC Midi-Pyrénées dont elles ne tirent aucunement profit.

Enfin elles contestent s’être livré à une détournement de clientèle et soutiennent n’avoir commis aucun débauchage de salariés ni dénigrement.

Quant au fait qu’elles ne seraient plus en droit d’utiliser la dénomination CSI (CASH SYSTEM INDUSTRIE), elle rappellent avoir été autorisées par ce fournisseur à utiliser le nom.

Sur le grief relatif aux prix anormalement bas pratiqués par les défenderesses en comparaison des prix qu’elle pratique, elles rappellent que la vente à un prix inférieur d’un produit similaire à ceux de son concurrent n’est pas en soi déloyale et ne le devient que dans le cadre d’agissements parasitaires avérés.

Enfin elles soutiennent que la confusion est surtout entretenue par la société JDC Midi-Pyrénées qui ne se contente pas de profiter de la notoriété nationale de la société JDC mais se présente à ses interlocuteurs sous le nom de JDC sans la précision « Midi-Pyrénées » et a créé pour la concurrencer directement la société JMP SOLUTION qui exerce en dehors de sa région d’origine.

Il y a lieu de se reporter expressément aux conclusions susvisées pour plus ample informé sur les faits de la cause, moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La société appelante explique qu’en 1989, les quatre commerciaux d’une société qui travaillait dans le domaine de l’importation des caisses enregistreuses, ont créé leur propre société de distribution de solutions en matière d’encaissement, de monétique et de vidéo surveillance, dans une région géographique particulière, sans pour autant constituer un groupe ni un réseau formellement constitué.

Ont ainsi été immatriculées au RCS de leurs sièges respectifs:

— le 23 mai 1989, la SARL JDC Midi-Pyrénées dont l’activité principale concerne la commercialisation des caisses enregistreuses et de systèmes de gestion de terminaux de paiement électroniques ou TPE,

— le 30 mai 1989, la société JDC Aquitaine devenue depuis la SA JDC puis la SAS JDC qui exerce l’activité de vente et location de caisses enregistreuses, appareils de monétique, terminaux de paiement de cartes bancaires et informatiques, maintenance , formation et service après-vente, vente d’alarmes et de systèmes de vidéo surveillance

— le 18 février 1993 la SARL […]

— le 13 mai 2005, la SARL JDC Normandie.

Selon les explications fournies aux débats, SAS JDC (ex Aquitaine) a développé un partenariat avec différents établissements bancaires (Crédit Lyonnais, BNP, HSBC) qui lui a permis de disposer d’une véritable structure nationale dans le domaine de la monétique .

Elle sous-traitait aux sociétés JDC Midi-Pyrénées et […] une partie de ses contrats dans leur région respective, moyennant le versement d’une commission, jusqu’aux années 2010/ 2011 date à laquelle les relations entre les différentes sociétés se sont détériorées, chacune revendiquant l’antériorité de ses droits sur les marques déposées auprès de l’INPI comportant une déclinaison du

nom de JDC.

Les parties ont saisi le tribunal de Grande instance de Bordeaux d’une demande d’annulation des marques déposées respectivement par chaque société auprès de l’INPI.

Le tribunal de Bordeaux a, par jugement du 27 novembre 2018, considéré que le dépôt des marques JDC SA, JDC « GROUPE JDC », JDC, JDC Midi-Pyrénées, […], entre 1999 pour la première et 2011 et 2012 pour les suivantes, ont porté atteinte aux droits antérieurs de la société JDC Midi-Pyrénées qui utilisait le sigle JDC à titre de dénomination sociale antérieurement au dépôt des marques par la SAS JDC et a procédé à l’annulation tant des marques déposées par la SAS JDC que de celles déposées par les sociétés JDC Midi-Pyrénées et […].

Il a également rejeté l’action en concurrence déloyale engagée par la société JDC SAS (ex Aquitaine) à l’encontre de la société JDC Midi-Pyrénées.

La procédure est actuellement pendante devant la cour d’appel de Bordeaux.

Il sera examiné ci-après les principaux griefs invoqués par la société appelante à savoir ,la confusion entretenue dans l’esprit des tiers en ce qui concerne l’utilisation de la dénomination sociale JDC, le parasitisme, le détournement de clientèle, le dénigrement et la pratique de prix anormalement bas.

-Sur l’usurpation de la dénomination sociale et le parasitisme :

En ce qui concerne la concurrence déloyale reprochée à la SAS JDC et à sa filiale, il sera observé qu’après avoir longtemps exercé en bonne intelligence en vertu d’accords non contestés, les sociétés concernées sont désormais en situation de concurrence directe pour distribuer les mêmes produits et offrir les mêmes services sur l’implantation géographique traditionnellement réservée à la société JDC Midi-Pyrénées.

Cependant la concurrence ne devient déloyale et ne peut être sanctionnée que s’il est établi des agissements déloyaux tels que le fait de créer dans l’esprit des tiers une confusion entre plusieurs entités et ce, de façon délibérée , en vue de détourner la clientèle de son concurrent ou de profiter de sa notoriété de façon parasitaire.

Les actes parasitaires consistent à se situer dans le sillage d’une société afin de profiter des investissements et de l’image de marque de cette dernière à moindre prix.

La société JDC Midi-Pyrénées revendique l’antériorité de son droit à utiliser la dénomination JDC puisqu’elle a été immatriculée le 23 mai 1989 soit antérieurement à la société JDC Aquitaine devenue JDC SAS (qui a été immatriculée le 30 mai 1989) et également, en vertu de l’accord historique conclu entre les parties au moment de leur création.

Il n’est pas contesté que dans les années ayant suivi leur création, les quatre sociétés qui interviennent dans le même secteur d’activité, ont choisi de s’identifier en rajoutant le nom de la région où elles exerçaient pour éviter tout risque de confusion créé par la similitude de leur dénomination sociale.

La dénomination sociale a une fonction d’individualisation de la personnalité morale. Elle est opposable aux tiers dès l’enregistrement de la société au registre du commerce et des sociétés.

Dès lors la société JDC Midi-Pyrénées est en droit d’agir pour assurer la protection de son nom commercial contre le risque d’usurpation et faire constater que son utilisation par des sociétés tierces constitue des agissements déloyaux caractérisant une concurrence déloyale et un usage parasitaire de son nom.

Il s’agit d’un litige indépendant de celui relatif aux marques dont est saisi la cour d’appel de Bordeaux.

La société JDC Midi-Pyrénées prétend en l’espèce que la société J K a été créée « comme un cheval de Troie » dans le but de la concurrencer directement sur son territoire d’origine .

Elle fait valoir que les sociétés intimées n’ont eu de cesse de créer l’amalgame dans l’esprit du public tant en ce qui concerne l’utilisation de la dénomination sociale « JDC » qu’en se présentant auprès de ses clients comme étant une agence ou une filiale de cette société sur la région Midi-Pyrénées.

La société J K a été créée le 25 janvier 2012 par la société JDC SAS (dont elle détient 80 % du capital social).

Monsieur X, fondateur de la société JDC SAS, est également gérant de la société J et les sociétés ont le même siège social en Gironde.

Sa création fait suite à la décision de la société JDC SAS telle qu’annoncée dans un courrier du 31 mars 2011 de reprendre en K l’activité monétique avec ses partenaires bancaires sur l’ensemble du territoire français, en ce compris la région Midi Pyrénées, en riposte à des agissements qu’elle reprochait à la société JDC Midi-Pyrénées.

La société J K exerce dans le même secteur d’activité (vente et location de caisses enregistreuses, appareils de monétique, terminaux de paiement de cartes bancaires et informatiques, maintenance, vente d’alarmes et de systèmes vidéo surveillance) et a développé son activité sur le territoire d’implantation traditionnel de la société JDC Midi Pyrénées (ainsi que des sociétés JDC Normandie et Languedoc).

Compte tenu du droit d’antériorité sur la dénomination JDC Midi-Pyrénées, il ne peut être considéré comme légitime pour la société JDC SAS (ex Aquitaine) d’utiliser sur son site Internet et dans ses publicités, les termes JDC sa Midi-Pyrénées – agence de Toulouse- ou JDC Midi-Pyrénées / J K- agence de Toulouse ou encore JDC Toulouse, ce qui est manifestement de nature à créer une confusion avec sa concurrente sur le territoire géographique sur lequel cette dernière est implantée depuis 1989 (pièce 8).

Alors qu’ elle n’exerçait pas son activité en région Midi Pyrénées avant la création de la société J en 2012, et sous-traitait à JDC Midi-Pyrénées son activité en monétique dans le cadre du partenariat conclu avec les banques Crédit Lyonnais, BNP Paribas et HSBC , sa volonté de s’implanter en région Midi-Pyrénées pour toute la gamme de ses activités est à l’origine du présent litige.

Il est soutenu que la société J K a du faire sa place sur le marché par ses propres moyens et n’a absolument pas bénéficié de la renommée ou des efforts de la société JDC Midi-Pyrénées.

La capture d’écran du site Internet de la société JDC SAS produit aux débats permet de vérifier qu’elle a de multiples implantations sur tout le territoire national et que tout internaute désireux d’entrer en contact avec elle en utilisant le mot-clé « JDC », quelque soit sa situation géographique , est dirigé vers l’une de ses implantations locales.

En ce qui concerne la région Midi-Pyrénées, elle met ainsi en avant sa filiale, la société J K -Agence de Toulouse .

S’il ne lui incombe pas de créer un système de redirection en fonction de chaque région d’origine faute pour les sociétés concernées de s’être mises d’accord pour administrer ensemble un tel site, il ne

peut qu’être constaté la volonté de la société JDC SAS de se présenter comme l’interlocuteur officiel « JDC » au niveau national soit directement soit au travers de sa filiale J K, rien ne venant rappeler l’existence des autres sociétés implantées localement titulaires du même nom commercial.

Quant à la société J K dont le nom a été précisément choisi pour créer une marque distinctive afin de dissiper toute confusion dans l’esprit du public, elle ne peut se prévaloir d’aucun accord ni tolérance pour l’utilisation du nom commercial de JDC, même accolé à son nom propre.

En se présentant comme ayant une expérience dans le domaine de la monétique depuis 1989 alors qu’elle n’ a été créée qu’en 2012 et en prenant soin d’associer les termes JDC, JDC Toulouse ou les sigles Midi-Pyrénées sur ses documents et brochures, elle utilise de façon parasitaire un nom auquel elle ne peut prétendre et introduit des éléments de confusion dans l’esprit du public et de ses interlocuteurs et ce, avec l’accord de son actionnaire principal dont il y a lieu de considérer qu’il agit sous son couvert, compte tenu du contexte exacerbé de concurrence entre les parties, tant sur les produits que sur leur implantation géographique.

Contrairement à ce qui est soutenu, les sociétés intimées interviennent directement sur la région Midi-Pyrénées dans tous les domaines d’activité (système d’encaissement, alarme /vidéosurveillance et matériel monétique) et pas seulement dans le domaine de la monétique comme elles le prétendent, en utilisant tantôt le sigle JDC tantôt celui d’J K qui est toujours étroitement associé au sien.

S’il est loisible aux parties d’entrer en concurrence, elles ne peuvent le faire en utilisant de façon trompeuse la dénomination sociale commune de JDC, au mépris de leurs accords antérieurs et il leur appartient de créer des sociétés présentant des caractéristiques véritablement distinctives.

En exerçant leur activité hors de leur champ traditionnel et sur le territoire d’une autre société qu’elles connaissent parfaitement , tout en se présentant de manière trompeuse en jouant sur les dénominations respectives, les sociétés intimées ont ainsi créé un amalgame entre plusieurs entités différentes au détriment de la société appelante.

La volonté de créer une confusion dans l’esprit du public est attestée par plusieurs clients qui ont témoigné avoir été en contact avec la société JDC SAS ou la société J alors qu’en réalité ils croyaient contacter la société JDC Midi-Pyrénées.

Ainsi Monsieur L M a attesté « avoir cherché sur Internet les coordonnées de JDC Toulouse, avoir appelé le numéro de JDC et s’être trouvé en présence d’un représentant de chez J lequel s’est présenté « comme venant de chez JDC ».

Monsieur Z atteste avoir souhaité appeler au mois d’août 2015, la société JDC à laquelle il avait acheté une caisse enregistreuse par le passé et avoir reçu la visite d’un commercial de la société J K qui s’est présenté en expliquant « avoir repris le secteur ». Sa fille a établi une attestation dans le même sens.

De même la responsable de la pharmacie de la Bascule à Colomiers a été démarchée par l’attachée commerciale de la société JDC, Madame H I. À la question de savoir si c’était bien la société JDC de Toulouse, elle a répondu par l’affirmative et qu’elle se chargeait de toutes les démarches. Ayant appris qu’il s’agissait d’un prestataire différent, « elle considère qu’elle a été abusé par cette personne et qu’il s’agit d’une pratique insupportable ».

Madame A indique pour sa part avoir été démarchée par un commercial d’J K qui s’est présenté comme « venant de JDC » et ne s’être aperçue qu’à la remise du devis, qu’elle avait traité avec la société J K.

Monsieur B explique avoir eu plusieurs contacts avec la société J et à chaque prise de contact, les commerciaux se sont présentés comme étant de la société JDC alors qu’ils fournissaient un document estampillé J. Il a demandé des explications et il lui a été répondu que cette entreprise était une « filiale de JDC » tout en indiquant que ses produits ne sont pas fiables ce qui lui a paru étrange puisque c’était la même société .

Il n’y a aucune raison d’écarter des débats ces attestations qui sont signées par leurs auteurs même si elles ne sont pas toutes rédigées dans les formes requises par les articles 200 et suivants du code de procédure civile.

Il en résulte qu’après avoir créé une confusion sur les nominations respectives des sociétés, les intimés se sont placées dans le sillage de la société JDC Midi-Pyrénées en se faisant passer pour leur successeur dans le secteur où elle intervenait depuis 1989 ou en se présentant comme faisant partie d’un même groupe, en vue de détourner une partie de sa clientèle.

Ces agissements déloyaux engagent la responsabilité des sociétés intimées qui ont agi de concert au préjudice de la société JDC Midi-Pyrénées.

Sur le débauchage des salariés et le dénigrement :

La société J K a recruté deux anciens salariés de la société JDC Midi-Pyrénées.

Ce fait n’est pas fautif en soi compte tenu de la liberté du travail.

En ce qui concerne Madame H I, qui travaillait précédemment pour la société JDC Midi-Pyrénées , elle a été embauchée plusieurs mois après avoir quitté son précédent employeur et il ne peut en résulter aucun débauchage abusif.

Les attestations rédigées par Monsieur C et Madame D ne permettent pas de vérifier si les commerciaux ont effectivement été clairs sur l’identité de la société pour laquelle ils travaillaient lorsqu’ils ont été démarchés.

Dès lors les pratiques déloyales liées à l’emploi d’anciens salariés ne sont pas caractérisées alors que la preuve en incombe à la société appelante.

Il en est de même pour le dénigrement des produits de la société JDC Midi-Pyrénées ne peut être établi par le témoignage trop imprécis de Monsieur B tel que rappelé ci-dessus.

Sur les autres pratiques déloyales :

La société appelante prétend que les sociétés intimées ont commis des actes déloyaux en mettant en place une campagne de mots Adwords visant directement à capter sa clientèle et à apparaître en tête de liste sur Google lorsque les mots-clés « caisses enregistreuses » sont tapés dans le moteur de recherche.

Une campagne de mots Adwords sur le moteur de recherche GOOGLE consiste à choisir des mots-clés en rapport avec un groupe d’annonces afin de cibler un flux de clients potentiels.

Selon le constat établi par Maître LOPEZ, huissier de justice lorsqu’un internaute tape le mot cible « caisse JDC Toulouse » les liens renvoient à la société « JDC : site officiel » et en deuxième position à la société J K ce qui tend à établir qu’elle a mis en place une campagne Adwords pour capter les contacts des internautes.

Plus récemment il a été constaté le 27 mars 2017 qu’une autre campagne Google Adwords parasitait

l’activité de la société JDC Midi-Pyrénées et plus précisément la commercialisation des caisses enregistreuses CSI dont elle assure la diffusion sans en être pour autant le distributeur officiel puisque les sociétés JDC SAS et J K revendiquent le même partenariat.

Par ailleurs selon les attestations de deux clients, Messieurs E et F, un commercial de la société J K , Monsieur G, leur a proposé des caisses enregistreuses modifiées et rendues « permissives » alors qu’elles devraient être inviolables, ce qui permet de diminuer ou d’effacer certains enregistrements, moyennant le versement d’une somme de 400 € en espèces.

La matérialité de faits n’est pas contestée par la société J K qui a procédé au licenciement du salarié indélicat.

De telles pratiques , outre qu’elles sont susceptibles d’être qualifiées pénalement , sont de nature à fausser les règles de la concurrence entre les sociétés , indépendamment de la circonstance que les faits ont été constatés en dehors du territoire d’implantation de la société appelante.

Quant au prix anormalement bas, ils ne sont sanctionnés que s’il est établi qu’une société commerciale qui a connaissance des prix pratiqués par son concurrent, démarche sa clientèle en lui proposant des articles similaires à des conditions tarifaires plus avantageuses.

Selon les informations fournies, au moins 4 propositions commerciales ont été effectuées par des commerciaux de la société J comportant des remises comprises entre 25 et 56 % .

Ainsi pour la société Au Marché Gascon, il a été proposé successivement un prix de 7240 € hors-taxes avec une remise de 12 %, puis un prix de 5150 € hors-taxes avec une remise de 10 % et enfin un nouveau prix de base de 5045 € avec une remise de 22 % soit 1109,90 euros de réduction au final.

Cependant, le fait de proposer des rabais, mêmes exceptionnellement avantageux n’est pas en soi constitutif d’une démarche déloyale.

Il incombe à la société qui s’en prétend victime d’établir quel ordre de prix aurait dû être payé par le client concerné ainsi que celui qu’elle aurait elle-même appliqué afin de permettre à la cour d’apprécier si le prix est anormalement bas.

A défaut de justifier des marges de négociation habituellement pratiquées et en dehors de toute autre circonstance , les faits dénoncés ne peuvent caractériser une politique systématique de prix anormaux relevant d’une pratique déloyale.

Il y a lieu de rejeter ce moyen.

Sur les agissements reprochés à la société JDC Midi-Pyrénées :

La cour d’appel de Bordeaux étant saisie de cet aspect du litige, la présente juridiction ne peut examiner les moyens et arguments présentés de ce chef.

Sur le préjudice :

Les faits de concurrence déloyale ayant été caractérisés, la société appelante subit nécessairement un préjudice économique et un trouble commercial qui justifient sa demande de dommages et intérêts.

Toutefois la réparation ne peut être quantifiée à la mesure de la baisse de chiffre d’affaires ou de la perte de marge brute comme proposé par l’expert-comptable de la société JDC Midi-Pyrénées qui l’ a chiffrée à 482 899 € sur la période de 2011 à 2015, de nombreuses circonstances pouvant expliquer

une baisse du chiffre d’affaires ou de rentabilité, notamment l’intensification de la concurrence par des nouvelles sociétés investissant le marché.

Les bilans communiqués depuis 2012, ne permettent pas de vérifier une réelle dégradation de son chiffre d’affaires puisque depuis 2016 et 2017, elle affiche des résultats nets en progression (222 315 € en 2017) après un tassement en 2014.

Par ailleurs , il incombe à la société appelante d’établir la réalité de son préjudice et elle ne peut pour ce faire solliciter une expertise destinée à auditer l’activité de son concurrent et à se faire communiquer la liste de ses clients au mépris du secret des affaires.

De même il n’incombe pas à un expert d’établir la liste des clients détournés, tous faits qu’elle doit soumettre à l’appréciation de la juridiction après en avoir rapporté la preuve.

Il est constant que la société J K, nouvelle venue sur le marché considéré pour avoir était créée en mars 2012, a bénéficié du soutien matériel et financier de son fondateur, la société JDC SAS qui lui a permis de développer son réseau malgré des résultats déficitaires pendant plusieurs années successives.

Malgré plusieurs mises en demeure, elle n’a pas cessé ses agissements alors qu’il lui était reproché des faits précis.

Compte tenu de l’ incidence économique des pratiques déloyales sur une société appelante , il lui sera alloué la somme de 50 000 € au titre du préjudice économique outre une somme de 20 000 € pour le trouble commercial occasionné et l’atteinte à son image.

Sur les autres demandes :

Il incombe désormais aux parties de clarifier une situation qui résulte de leur volonté initiale d’utiliser la même dénomination sociale , situation qui n’est plus adaptée à l’état de leurs relations et au développement de chaque société.

Il sera fait injonction aux sociétés intimées de mettre leurs sites et documents en conformité avec l’impossibilité de faire référence à la dénomination « JDC Midi-Pyrénées », que ces deux termes soient utilisés ensemble ou séparément comme dans les noms suivants :

— JDC sa Midi-Pyrénées – agence de Toulouse

— JDC sa Midi-Pyrénées / J K- agence de Toulouse

ainsi que de se dénommer « JDC Toulouse » lieu d’implantation de la société appelante.

De même il appartiendra la société J K de supprimer la référence à une expérience dans le domaine de la monétique depuis 1989,mention qui est erronée.

Pour le surplus, il y a lieu de rejeter les demandes de la société appelante qui ne sont pas justifiées ou excèdent les faits retenus dans le cadre de la présente décision.

Enfin il serait inéquitable de laisser à la charge de la société JDC Midi Pyrénées les frais irrépétibles qu’elle a exposés pour assurer sa représentation en justice tant en première instance qu’en cause d’appel.

Il lui sera alloué la somme de 5000 € de ce chef en ce compris les frais de constat d’huissier.

La partie qui succombe ne peut prétendre à aucune indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et doit supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après en avoir délibéré,

Infirme le jugement du tribunal de commerce du 12 mars 2018 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Condamne in solidum les sociétés JDC SAS et J K à payer à la société JDC Midi-Pyrénées, en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale exercée à son détriment, la somme de 50 000 € en réparation du préjudice économique et 20 000 € pour le trouble commercial et l’atteinte à son image,

Déboute la société JDC Midi-Pyrénées de sa demande d’expertise,

Fait injonction à la société JDC SAS et à la Société J K de cesser d’utiliser sur quelque support que ce soit, la dénomination sociale de la société JDC Midi-Pyrénées, que ces deux termes soient utilisés ensemble ou séparément,

Leur interdit d’utiliser sur quelque document que ce soit, le sigle « JDC Toulouse » lieu d’implantation de la société appelante,

Fait injonction à la société J K de supprimer la référence à une expérience dans le domaine de la monétique depuis 1989 ,

Leur impartit un délai de quatre mois suivant la notification de la présente décision pour ce faire et dit qu’à défaut, elles seront redevable d’une astreinte de 500 € par infraction constatée,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes et de leurs prétentions contraires,

Condamne in solidum les sociétés JDC SAS et J K à payer à la société JDC Midi-Pyrénées la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Les condamne en outre aux entiers dépens de l’instance.

Le greffier Le Président.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 25 septembre 2019, n° 18/01727