Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 20 février 2018, n° 16/09052

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 13e ch., 20 févr. 2018, n° 16/09052
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 16/09052
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Nanterre, 15 décembre 2016, N° 2014L01466
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 29 octobre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4IA

13e chambre

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 20 FEVRIER 2018

N° RG 16/09052

AFFAIRE :

LE PROCUREUR GENERAL

C/

[W] [M]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Décembre 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2014L01466

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20.02.18

à :

Me Patricia MINAULT,

Me Mélina PEDROLETTI,

Me Bertrand ROL

Me Martine DUPUIS

POLE ECOFI

Ministère Public

TC NANTERRE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

LE PROCUREUR GENERAL

Autres qualités : Appelant RG 16.9124 – Intimé RG 16.9179

POLE ECOFI – COUR D’APPEL

[Adresse 1]

Maître [Y] [Q] pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Sté DURAN,

Autres qualités : Intimé RG 16.9101- RG 16.9124 – RG 17/01211 ; Appelant RG 16.9179

[Adresse 2]

Représenté(e) par Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 et par Me Isilde QUENAULT, avocat plaidant au barreau de PARIS

Monsieur [Q] [E] [H]

Autres qualités : Intimé RG 16.9179 – RG16.9124 – RG 16.9101 – RG 17/01211

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] (20350) de nationalité Française

[Adresse 3]

Représenté(e) par Me Mélina PEDROLETTI, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 2161343 et par Me Isabelle ARMAND, avocat plaidant au barreau de PARIS

SA QUINTA COMMUNICATIONS Agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, inscrite au RCS de PARIS sous le n° 378 223 507,

Autres qualités : Appelant RG 16.9101 – Intimé RG 16.9124 – 16.9179 – RG 17.184

[Adresse 4]

Représentée par Me Bertrand ROL de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat Postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20161343 et par Me Edouard DE LAMAZEet par Me F. VECHIOLLI DE FOURNAS, avocats plaidants au barreau de PARIS de la SELARL CARBONNIER-LAMAZE-RASLE & Associés

APPELANTS

****************

Monsieur [W] [M],

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 2] – de nationalité française,

[Adresse 5]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 17/01211 (Fond)

Représenté(e) par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1757095 et par Me Louis GAUTHIER, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [R] [B]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Adresse 4]

Défaillant

INTIME

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Novembre 2017, Madame Sophie VALAY-BRIERE, présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER

En présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l’avis a été transmis le 14 février 2017 au greffe par voie électronique

FAITS ET PROCEDURE,

Le groupe Quinta Industries, qui s’inscrit dans un groupe international constitué par M. [X] [X] dans l’industrie du cinéma et qui opère dans le secteur des Industries techniques du cinéma, est notamment composé depuis 2006 des sociétés suivantes :

* la société Quinta Industries (détenue à 17,50% par Technicolor et à 82,50% par Quinta communications)

* la société Quinta Communications

* les sociétés Duran (détenue à 98,63 % par Quinta Industries) et Duboi (détenue à 100% par Duran) en charge du traitement de l’image

* les sociétés Les auditoriums de Joinville (ci-après ADJ, détenue à 100% par Duran) et SIS (détenue à 100% par Quinta Industries) en charge du traitement du son

* la société Laboratoire des technologies de communication (ci-après LTC, détenue à 100% par Quinta Industries) en charge de la copie

* la société Scanlab (détenue à 100% par LTC), centre de développement des activités de restauration et de conservation des catalogues, pour le traitement des vidéos.

Ce groupe avait été créé en collaboration avec la société Thomson media services, devenue Technicolor aux fins de regroupement de l’ensemble des prestations techniques de post-production inhérentes à la fabrication d’un film dans le but de proposer une offre de 'guichet unique’ des industries techniques du cinéma.

Selon ce concept, ces sociétés étaient en mesure d’effectuer pour un client l’intégralité des opérations de post-production d’un film : les sociétés Duran et Duboi étaient les points d’entrée des clients dans le modèle économique avec un faible tarif, ceux-ci utilisaient ensuite les compétences des sociétés SIS ou ADJ avant de confier le tirage des copies aux sociétés LTC et Scanlab qui généraient la marge pour l’ensemble du groupe.

La société Duran, créée en 1995, était spécialisée dans les effets spéciaux. Elle détenait des participations dans les société suivantes : Duboi (100%), ADJ (100%), Valentine (99%) et SARL Accousti (100%). Courant 2003, elle a fait l’objet d’une procédure collective qui s’est soldée par un plan de redressement par voie de continuation d’une durée de dix ans.

En 2010, les sociétés du groupe Quinta indutries ont rencontré des difficultés dans le cadre de la conversion au numérique, qui a supprimé le support et la duplication, étapes traitées par les sociétés LTC et Scanlab, qui réalisaient les marges redistribuées, conversion qui a été accélérée par les subventions publiques à l’équipement en matériel numérique des salles de cinéma.

Dans le cadre de la procédure de conciliation mise en oeuvre pour la société holding Quinta industries des accords ont été conclus avec les principaux fournisseurs. De son côté, le CIRI a tenté de mettre en place avec l’actionnaire Quinta communications, le soutien des banques et l’accord des créanciers publics (Trésor public et URSSAF) un plan de restructuration du groupe. Ces efforts n’ont pas abouti.

Par ailleurs Technicolor, qui avait depuis de nombreuses années des discussions avec la société Quinta communications sur l’acquisition éventuelle des actifs du groupe Quinta industries, a démissionné de son poste d’administrateur de la société Quinta industries le 23 mars 2011 et annoncé en mai 2011 qu’elle n’était pas intéressée par la reprise des actifs du groupe.

Le 30 septembre 2011, les sociétés du groupe Quinta industries ont signé avec la société Quinta communications un protocole d’accord sur un ensemble de compensations de dettes et cessions de créances.

Le 29 novembre 2011, M. [M] a déposé la déclaration de cessation des paiements de la société Duran, concomitamment avec les autres sociétés du groupe à l’exception de Quinta communications.

Par jugement en date du 1er décembre 2011, le tribunal de commerce de Nanterre a résolu le plan de redressement et prononcé la liquidation judiciaire avec poursuite d’activité pendant un mois de la société Duran, désigné Me [Y] [Q] en qualité de liquidateur judiciaire et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 09 novembre 2011.

Il a été mis fin à la pousuite d’activité le 20 décembre 2011.

Saisie par le liquidateur judiciaire, la même juridiction a, par jugement du 30 novembre 2012, reporté la date de cessation des paiements au 31 décembre 2010.

Par ordonnance du 17 février 2012, le juge-commissaire a demandé au cabinet Exafi un rapport sur les flux financiers entre les différentes sociétés du groupe et les éventuelles fautes de gestion commises. De leur côté, la société Quinta communications a fait établir un rapport par M. [B] [K] et M. [W] [M] par la société BM&A.

Considérant que les opérations de la procédure collective avaient mis en évidence des fautes de gestion imputables aux dirigeants, Me [Y] [Q], ès qualités, a saisi le tribunal de commerce de Nanterre qui, par jugement réputé contradictoire en date du 16 décembre 2016, a :

— rejeté les demandes de renvoi des défendeurs, les a déboutés de leurs demandes de sursis à statuer, débouté M. [Q] [E] [H] de sa demande de jonction,

— dit que les défendeurs ont la qualité de dirigeants au sens de l’article L. 651-1 du code de commerce,

— dit que la SASU Quinta communications et M. [Q] [E] [H] ont été les dirigeants de fait de la SA Duran à compter du début de l’année 2011,

En application des articles L. 653-1 et suivants du code de commerce,

— prononcé à l’égard de M. [Q] [E] [H], une interdiction de diriger, gérer, administrer, ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pour une durée de trois ans, et dit que cette condamnation ne s’appliquera pas aux mandats sociaux en cours à la date de prononcé du présent jugement,

— prononcé à l’égard de M. [W] [M], une interdiction de diriger, gérer, administrer, ou contrôler directement ou indirectement soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci pour une durée de deux ans, et dit que cette condamnation ne s’appliquera pas aux mandats sociaux en cours à la date de prononcé du présent jugement,

— débouté Me [Y] [Q], ès qualités, de sa demande à l’encontre de M. [R] [B],

En application de l’article L. 651-2 du code de commerce,

— condamné solidairement la SA Quinta communications, M. [Q] [E] [H] et M. [W] [M] à payer à Me [Y] [Q], ès qualités, la somme de 3.000.000 €, dans la limite de 30.000 € pour M. [W] [M], avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement et capitalisation en application des dispositions de l’article 1154 ancien du code civil,

— débouté Me [Y] [Q], ès qualités, de sa demande à l’encontre de M. [R] [B],

— débouté M. [Q] [E] [H] de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de M. [W] [M],

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire en ce qui concerne les sanctions personnelles prononcées au titre des articles L. 651-3 et suivants du code de commerce,

— ordonné l’exécution provisoire sur les condamnations prononcées au titre des dispositions de l’article L. 651-2 du code de commerce, les fonds étant déposés à la caisse des dépôts et consignations jusqu’à l’obtention d’une décision définitive ayant autorité définitive de la chose jugée,

— condamné solidairement la SA Quinta communications, M. [Q] [E] [H] et M. [W] [M] à payer à Me [Y] [Q], ès qualités, la somme de 30.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné solidairement la SA Quinta communications, M. [Q] [E] [H] et M. [W] [M] aux dépens à l’exception des frais de greffe employés en frais privilégiés de la procédure collective.

Les 20 et 21 décembre 2017, la SA Quinta communications a interjeté appel du jugement à l’encontre de Me [Q], ès qualités, de M. [H] et de M. [M].

Me [Y] [Q], ès qualités, a interjeté appel le 23 décembre 2016 à l’encontre de la SA Quinta Communications, M. [Q] [E] [H], M. [R] [B], et M. [W] [M].

M. [Q] [H] a interjeté appel le 6 janvier 2017 à l’encontre de M. [R] [B], M. [W] [M], Me [Q], ès qualités, et la société Quinta Communications.

Le 22 décembre 2016, le ministère public a également interjeté appel de ce jugement à l’encontre de M. [W] [M], la SA Quinta communications, M. [Q] [H], M. [R] [B], et Me [Y] [Q], ès qualités.

Vu les dernières conclusions (pages 1 à 77) remises au greffe et notifiées par RPVA le 21 septembre 2017 pour la SA Quinta communications aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa des articles 16, 144, 232 et suivants, 378, 907 et 771 du code de procédure civile, 6§1 de la CESDH, L. 632-1, L. 651-1 à L. 651-4, L. 653-1 à L. 653-11 et L. 622-8 du code de commerce, 1290 du code civil, L. 141-1 et suivants du code de l’organisation judiciaire, de :

A titre liminaire

— ordonner qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue définitive de la procédure actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de dé-séquestration des documents saisis et de mise en jeu de la responsabilité de Technicolor dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice,

— ordonner qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue définitive de la procédure pénale actuellement en cours devant le tribunal de grande instance de Nanterre,

— désigner tel expert judiciaire qu’il plaira avec pour mission de :

* se faire communiquer l’ensemble des documents utiles à sa mission,

* réunir les parties,

* entendre tous sachants,

* dire que l’expert pourra entendre toutes personnes qu’il estime nécessaire pour l’accomplissement de sa mission dont le CIRI et Me Gay,

* prendre connaissance des rapports [K] et Exafi,

* définir le périmètre du groupe Quinta Industries, comprenant les sociétés Quinta Industries, SIS, Scanlab, LTC, Duran/Duboi et ADJ,

* présenter les sociétés du groupe Quinta Industries, leur fonctionnement et leur éventuelle complémentarité (concept du « one stop shopping »),

* prendre connaissance des éléments factuels relatifs à la direction des sociétés du groupe Quinta Industries et déterminer les personnes physiques et/ou morales qui ont participé à ces décisions,

* déterminer le rôle et la participation du groupe Technicolor, incluant notamment mais non exclusivement Tnsf, et son rôle, au sein des sociétés du groupe Quinta Industries entre 2006 et 2011,

* déterminer le montant des créances intra-groupe,

* dire que l’expert adressera aux parties copie de ses pré-conclusions en impartissant un délai aux parties pour présenter leurs observations et qu’il prendra en considération les observations ou réclamations des parties formulées dans le délai imparti, en les joignant à son avis si celles-ci sont écrites et si les parties le demandent, conformément aux dispositions de l’article 276 du code de procédure civile,

* dire que l’expertise sera mise en oeuvre et que l’expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au greffe de ce tribunal dans un délai de six mois à compter de sa saisine,

* dire qu’il en sera référé au juge en cas de difficultés,

* fixer la provision à consigner au greffe à titre d’avance sur les honoraires de l’expert, dans le délai qui sera imparti par le jugement à intervenir,

En toute hypothèse,

— enjoindre à Me [Y] [Q], ès qualités, de communiquer aux défendeurs, au moyen d’une clef USB, l’ensemble des documents qui ont été consultés par Exafi pour l’élaboration de son rapport en date du 28 juin 2012,

A titre principal,

— infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 16 décembre 2016 en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

— constater que Me [Y] [Q], ès qualités, ne démontre pas qu’elle aurait la qualité de dirigeant de fait,

— constater que Me [Y] [Q], ès qualités, ne rapporte pas la preuve de l’existence et du quantum du préjudice qu’il allègue,

— constater que des facteurs économiques et politiques imprévisibles ainsi que le comportement fautif du coactionnaire Ericsson Broadcast services France ont contribué à la création et à l’augmentation de l’insuffisance d’actif de la société Duran,

— constater qu’elle s’est investie personnellement dans les démarches mises en oeuvre pour redresser la société Duran et le groupe Quinta Industries dans son ensemble,

En conséquence,

— débouter Me [Y] [Q], ès qualités, de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

— constater que les responsabilités respectives des dirigeants diffèrent du fait de leurs qualités et comportements respectifs,

En conséquence,

— débouter Me [Y] [Q], ès qualités, de sa demande visant à voir prononcer la solidarité de la condamnation éventuellement prononcée par la cour,

— fixer à un juste montant, pour chacun des dirigeants mis en cause et à proportion des responsabilités respectives (sic),

En état de cause,

— condamner Me [Y] [Q], ès qualités, à lui payer la la somme de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les dernières conclusions (pages 1 à 96) remises au greffe et notifiées par RPVA en date du 19 septembre 2017 pour Me [Y] [Q], ès qualités, aux termes desquelles il demande à la cour de :

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 16 décembre 2016 en ce qu’il a débouté M. [Q] [E] [H] et la société Quinta communications de leur demande de sursis à statuer et de leur demande concernant le rapport Exafi, retenu la qualité de dirigeant de fait de la société Quinta communications, retenu la responsabilité de M. [W] [M], M. [Q] [E] [H] et de la société Quinta communications, condamné solidairement la société Quinta communications, M. [Q] [E] [H] et M. [W] [M] à lui payer la somme de 30.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [Q] [E] [H] et M. [W] [M] à des sanctions personnelles,

— l’infirmer pour le surplus, en conséquence,

— constater que, par jugement rendu le 1er décembre 2011, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société Duran,

— constater que l’insuffisance d’actif certaine s’élève à la somme de 30 442 108,65 €,

— débouter la société Quinta Communications de sa demande de sursis à statuer,

— constater que la société Quinta Communications, M. [Q] [E] [H], M. [W] [M] et M. [R] [B], ont commis des fautes de gestion en omettant de déposer la déclaration de cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours, en ne procédant pas au paiement des cotisations sociales et fiscales, en ayant poursuivi abusivement une activité déficitaire ayant rendu les capitaux propres négatifs et en ayant fait preuve d’incompétence dans la gestion de la société, en ayant perdu le droit au bail et ayant fait un usage des biens de la société Duran contraire à l’intérêt social et dans l’intérêt personnel de l’actionnaire majoritaire, la société Quinta Communications,

— condamner solidairement la société Quinta Communications, M. [W] [M], M. [R] [B] et M. [Q] [E] [H] à lui payer la somme de 30 442 108,65 € en application des dispositions de l’article L. 651-2 du code de commerce avec intérêts de droit conformément à l’article 1153-1 du code civil et capitalisation en application de l’article 1154 du code civil,

— faisant application des articles L.653-3 et suivants prononcer une mesure de faillite personnelle ou, à tout le moins, une mesure d’interdiction de diriger et gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale et toute exploitation agricole, ainsi que toute personne morale à l’encontre de Messieurs [H], [M], et [B],

— débouter les défendeurs de l’ensemble de leurs demandes,

— condamner solidairement la société Quinta Communications, M. [W] [M], M. [R] [B] et M. [Q] [E] [H] à lui payer la somme de 25'000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner solidairement la société Quinta Communications, M. [W] [M], M. [R] [B] et M. [Q] [E] [H] aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de Me Patricia Minault, avocat, pour les frais dont elle aurait fait l’avance, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions (pages 1 à 39) remises au greffe et notifiées par RPVA en date du 3 février 2017 pour M. [Q] [E] [H] aux termes desquelles il demande à la cour de :

In limine litis, vu l’article 378 du code de procédure civile,

— ordonner qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue définitive de la procédure actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de dé-séquestration des documents saisis chez Technicolor dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ;

— ordonner qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue définitive de la procédure pénale actuellement en cours devant le tribunal de grande instance de Nanterre,

Sur la demande d’expertise, vu les articles 16, 144, 232 et 263 du code de procédure civile,

— de désigner un expert judiciaire avec la même mission que celle sollicitée par la société Quinta communications,

En tout état de cause,

— d’enjoindre Me [Y] [Q], ès qualités, de communiquer à l’ensemble des intimés l’ensemble des documents consultés par le cabinet Exafi ayant permis l’établissement du rapport du 28 juin 2012 ;

A titre principal

— d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau de,

— constater que Me [Y] [Q], ès qualités, ne démontre pas qu’il aurait la qualité de dirigeant de fait,

— constater que Me [Y] [Q], ès qualités, ne démontre pas qu’agissant en qualité de représentant permanent de la société Quinta Communications, administrateur, il aurait commis des fautes de gestion ayant contribué à la création ou à l’augmentation de l’insuffisance d’actif de la société Duran ;

— constater que Me [Y] [Q], ès qualités, ne rapporte pas la preuve de l’existence et du quantum du préjudice qu’il allègue ;

— constater que les facteurs économiques et politiques imprévisibles ainsi que le comportement fautif du co-actionnaire Ericsson broadcoast services France ont contribué à la création et à l’augmentation de l’insuffisance d’actif de la société Duran ;

En conséquence de,

— débouter Me [Y] [Q], ès qualités, de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire de

— constater que les responsabilités respectives des dirigeants diffèrent du fait de leurs qualités et comportements respectifs ;

— fixer à un juste montant pour chacun des dirigeants mis en cause et à proportion des responsabilités respectives (sic) ;

En tout état de cause de

— condamner Me [Y] [Q], ès qualités, à lui payer la somme de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction pour ceux le concernant au profit de Me Pedroletti, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions (pages 1 à 74) remises au greffe et notifiées par RPVA le 08 septembre 2017 pour M. [W] [M] aux termes desquelles il demande à la cour de :

A titre principal,

— infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 16 décembre 2016 en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau,

— constater que Me [Q], ès qualités, ne démontre pas qu’en sa qualité de dirigeant légal, il aurait commis des fautes de gestion ayant contribué à la création ou l’augmentation de l’insuffisance d’actif,

— constater que Me [Q], ès qualités, ne rapporte pas la preuve de l’existence et du quantum du préjudice qu’il invoque,

en conséquence de quoi,

— débouter Me [Q], ès qualités, de l’intégralité de ses demandes,

À titre subsidiaire, si par impossible la cour devait confirmer totalement ou partiellement le jugement querellé et entrer en voie de condamnation,

— constater que sa responsabilité doit être tempérée, en raison des efforts significatifs qu’il a personnellement réalisés pour opérer le redressement de la société dans un environnement technologique en mutation et un environnement économique très dégradé, ainsi qu’en raison des comportements parasitaires et perturbateurs des dirigeants de fait,

— constater qu’il a accompli la quasi-totalité de sa vie professionnelle en qualité de cadre dirigeant ou de dirigeant mais qu’à son âge, ses chances sont grandement obérées de trouver un emploi salarié,

en conséquence de quoi de

— fixer à une juste proportion le montant éventuellement mis à sa charge, en tenant compte de l’extrême modestie de ses facultés contributives,

— débouter Me [Y] [Q], ès qualités, de sa demande au titre de l’interdiction de gérer,

En tout état de cause de

— condamner Me [Y] [Q], ès qualité, à lui payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 15 000 € ainsi qu’aux entiers dépens,

— dire que les dépens d’appel pourront être recouvrés par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA en date du 14 février 2017 pour le ministère public aux termes desquelles il demande à la cour de :

— dire recevable l’appel qu’il a interjeté,

— le dire bien fondé

— réformer ce jugement et prononcer une mesure d’interdiction de gérer à l’encontre de M. [Q] [H] et M. [W] [M] pour une durée de 5 ans et aggraver les sanctions patrimoniales prononcées à l’encontre de ces deux personnes et de la société Quinta communications,

— éventuellement prononcer une sanction personnelle et patrimoniale à l’encontre de M. [R] [B].

Il expose que son appel porte exclusivement sur le quantum des sanctions personnelles et patrimoniales prononcées, le tribunal ayant parfaitement caractérisé la gérance de fait de la société Quinta communications et de M [H] ainsi que les fautes de gestion. Il ajoute qu’il considère inopportun d’exclure les mandats sociaux en cours.

Selon arrêt du 13 juillet 2017, la présente cour a dit qu’il n’y avait pas lieu à transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité soumise par la SA Quinta communications.

M. [R] [B], à qui les déclarations d’appel et les conclusions ont été signifiées selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 octobre 2017.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1- Sur les demandes de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure de dé-séquestration de pièces et de mise en jeu de la responsabilité de Technicolor

La société Quinta communications et M. [H] prétendent que la demande de sursis à statuer présentée in limine litis est recevable et que l’issue de la procédure en responsabilité, engagée sur la base des pièces saisies, aura une influence sur la présente instance en ce qu’elle démontrera les fautes commises par Technicolor à l’encontre des sociétés Quinta communications et Quinta Industries et leurs conséquences sur le montant du passif voire la cessation des paiements de la société Duran. La société Quinta communications précise qu’elle a assigné le liquidateur en intervention forcée aux fins de mise en oeuvre de l’action sociale ut singuli en réparation du préjudice subi par la société Quinta industries.

M. [H] prétend également que le jugement ne serait pas motivé sur ce point.

Me [Q] soutient que l’action engagée contre la société Technicolor est un conflit entre actionnaires ou futurs actionnaires qui ne concerne pas les créanciers des sociétés en liquidation ; que s’agissant d’une action en concurrence déloyale ou en responsabilité contractuelle elle se résoudra le cas échéant en dommages et intérêts au profit de la société Quinta Communications mais pas des sociétés en liquidation ; que le refus de la société Technicolor de racheter les actions détenues par la société Quinta communications dans la société Quinta Industries était connu des défendeurs dès le mois de mai 2011 et n’a pas d’incidence sur d’éventuelles fautes de gestion ; que la société Quinta communications et les dirigeants de droit qui étaient les interlocuteurs de la société Technicolor sont à même de produire les échanges intervenus entre eux ; que les éléments qui justifieraient, au regard des fautes commises par le groupe Technicolor, une demande de dommages et intérêts de 15 à 20 millions d’euros de la part de la société Quinta Industries ne sont pas nouveaux ; qu’il n’est pas d’une bonne administration de la justice de différer une fois encore une procédure qui a été engagée il y a trois ans, sur une procédure collective ouverte il y a cinq ans et qui a pour but de régler des créanciers impayés depuis plusieurs années ; que la demande serait devenue sans objet puisque la société Quinta communications verserait désormais aux débats les documents litigieux ; que sa mise en cause forcée dans la procédure qui oppose la société Quinta Industries à la société Technicolor n’est qu’un moyen artificiel pour retarder l’arrêt compte tenu de l’absence d’influence sur la présente procédure.

Le grief de défaut de motivation sera écarté dès lors qu’il est inexact, le tribunal ayant motivé sa décision sur ce point (pages 11 et 12 du jugement) alors, au demeurant, qu’il n’y était pas tenu.

Dans le corps de ses écritures Me [Q], ès qualités, demande à la cour d’infirmer la recevabilité des demandes de sursis mais n’en a toutefois pas saisi la cour dès lors que la demande ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions. En l’absence de moyen susceptible d’être soulevé d’office, il n’y a pas lieu de statuer sur ce chef.

La société Quinta communications ayant fait pratiquer une saisie de documents dans les locaux de Technicolor, des procédures aux fins de dé-séquestration de ces documents puis en responsabilité ont été engagées depuis 2012 devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Devant le tribunal, une demande de sursis dans l’attente de l’issue définitive de la procédure de dé-séquestration des documents saisis chez Technicolor avait été présentée. Cette procédure ayant depuis lors abouti, comme le démontre le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 29 juillet 2016 et les pièces produites, la société Quinta Communications et M. [H] ont modifié leur demande de sursis jusqu’à l’issue de la procédure en responsabilité dans laquelle le liquidateur a été assigné en intervention forcée le 3 août 2017 aux fins de mise en oeuvre de l’action sociale ut singuli en réparation du préjudice subi par la société Quinta Industries.

Bien que nouvelle, cette demande est recevable par application de l’article 565 du code de procédure civile en ce qu’elle tend aux mêmes fins que celle soumise au premier juge.

Il convient d’observer que si les deux procédures revêtent une nature indemnitaire, elles sont distinctes en ce que l’une a pour objectif initial et principal de caractériser des fautes à l’encontre de la société Technicolor à l’origine d’un préjudice subi par la SA Quinta communications et l’obtention par celle-ci de dommages et intérêts tandis que l’autre a pour objet la réparation du préjudice subi par la collectivité des créanciers de la société Duran en contraignant les dirigeants de la personne morale à combler une éventuelle insuffisance d’actif sur leur patrimoine personnel.

L’extension par la société Quinta Communications de son action au liquidateur de la société holding Quinta Industries est tardive par rapport à l’assignation initiale du 3 octobre 2012 et la recevabilité de l’action n’est pas acquise à ce stade.

En outre, la société Quinta Communications ne peut pas reprocher à la société Technicolor de s’être impliquée dans la gestion de la société Quinta Industries ou de connaître le fonctionnement du groupe Quinta Industries alors que c’est ce qui est attendu de la part d’un associé.

Enfin, elle allègue mais ne démontre pas que la société Technicolor aurait bénéficié de connivence avec certains organes de la procédure de liquidation judiciaire.

En conséquence, la solution de l’action en responsabilité engagée à l’encontre de la société Technicolor n’est pas de nature à avoir une incidence directe sur le présent litige. Les demandes de sursis à statuer seront donc rejetées et le jugement confirmé sur ce point.

2- Sur les demandes de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale

La société Quinta Communications fait valoir qu’elle a déposé le 3 avril 2012 une plainte contre X des chefs d’escroquerie et d’abus de confiance dans laquelle elle a dénoncé la manoeuvre mise en place par Technicolor pour conduire le groupe Quinta Industries à la liquidation en vue d’acquérir ses actifs à vil prix à la barre du tribunal et les conditions frauduleuses dans lesquelles sont intervenues ces cessions et que le résultat des investigations menées éclairera nécessairement sur les responsabilités respectives de chacun des dirigeants dans le cadre de la procédure en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Me [Q] rappelle que le tribunal a déjà statué et rejeté cette demande formée par les même parties, lesquelles n’apportent pas d’élément nouveau à l’exception de la mise sous témoin assisté et non en examen de la société Technicolor ; qu’aux termes de l’article 4 du code de procédure pénale il n’y a pas lieu à sursis dans le cadre d’une action commerciale ; que l’action publique en cours n’est pas de nature à exercer une quelconque influence sur la présente procédure alors qu’il n’est pas démontré que des éléments auraient été dissimulés au tribunal dans le cadre du rachat des actifs.

Le 5 juillet 2013 le procureur de la République de Nanterre a requis l’ouverture d’une information judiciaire des chefs d’abus de confiance et d’escroqueries aux jugements de cession rendus les 20 janvier et 3 février 2012.

Alors que l’article 4 du code de procédure pénale précise que la mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des affaires civiles, le placement de la société Technicolor sous le statut de témoin assisté tend à démontrer que la décision à intervenir au pénal n’est pas susceptible d’exercer directement ou indirectement une influence sur la solution de la présente instance.

Au demeurant, le tribunal a relevé de manière pertinente que la cession d’éléments d’actifs avait été opérée par des décisions judiciaires devenues définitives, non contestées par les dirigeants concernés et au regard d’une offre mieux disante que celle présentée par une filiale de la société Quinta Communications.

La demande de sursis dans l’attente de l’issue de la procédure pénale sera donc également rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

3- Sur les demandes d’expertise

Dans le corps de ses écritures Me [Q], ès qualités, demande à la cour de déclarer les demandes d’expertise irrecevables mais n’en a toutefois pas saisi la cour dès lors que cela ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions. Il n’y a pas lieu, dès lors de statuer de ce chef.

La société Quinta communications soutient qu’une nouvelle expertise judiciaire contradictoire est nécessaire dès lors que le rapport Exafi, sur lequel s’est appuyé le jugement, n’a pas pris en compte les spécificités de l’activité du groupe, notamment le concept de 'one stop shopping', et que les trois rapports qui ont été faits, Exafi à la demande du liquidateur judiciaire, [K] à la demande de la société Quinta communications et BM&A à la demande de M. [W] [M] sont divergents.

M. [H] rappelle que le rapport Exafi a été établi sur ordonnance du juge commissaire, de façon non contradictoire et que le mandataire liquidateur s’appuie dans ses écritures essentiellement sur les conclusions et les éléments chiffrés de ce rapport alors que celui-ci raisonne par entité sans tenir compte du modèle économique du groupe et de la spécificité des industries cinématographiques techniques. Il précise que selon l’article 482 du code de procédure civile le jugement qui se borne dans son dispositif à ordonner une demande d’instruction n’a pas l’autorité de la chose jugée tout comme un jugement qui rejette une demande d’expertise. Il considère que la cour doit être éclairée, au moyen d’un rapport contradictoire, sur le montant des créances intra-groupe, la réalité des passifs retenus et l’insuffisance d’actif.

Me [Q] prétend que cette demande est mal fondée puisque si la cour a à sa disposition trois rapports d’experts différents, il est faux de prétendre qu’il s’agit de rapports contradictoires et précise que le rapport Exafi a été communiqué dès l’origine dans son intégralité et avec toutes ses annexes.

Pour trancher les demandes dont elle est saisie, la cour dispose, outre les très nombreuses pièces communiquées par les parties :

— du rapport établi par le cabinet d’expertise-comptable et commissaire aux comptes Exafi, désigné en qualité de technicien par le juge-commissaire, lequel avait notamment pour mission d’analyser les flux financiers anormaux intra-groupe, d’analyser les écritures portées dans les comptes courants détenus par Quinta Communication et d’identifier les éventuelles fautes de gestion ayant eu pour conséquence de créer une insuffisance d’actif, et ses annexes,

— du rapport établi par M. [K], expert-comptable et commissaire aux comptes, à la demande de M. [X] et de la société Quinta Communications,

— du rapport dressé par le cabinet BM&A à la demande de MM. [M] et [S] [C],

— du rapport intitulé 'Examen critique de la présentation du montant du passif tel qu’il apparaît dans les jugements du tribunal de commerce de Nanterre du 16 décembre 2016" établi par le cabinet [O] à la demande de Me de Lamaze, conseil de la société Quinta Communications.

Ces quatre rapports, bien qu’établis non contradictoirement, ont été communiqués et ont fait l’objet d’un débat contradictoire.

Le reproche qui est fait au rapport Exafi de n’avoir pas pris en compte les spécificités de l’activité du groupe, notamment le concept du guichet unique, ne peut justifier une nouvelle expertise dès lors que le rapport [K] pallie l’absence alléguée en critiquant l’approche du rapport Exafi et en expliquant la notion de groupe et son modèle économique et que M. [M] considère aux termes de ses écritures que le rapport BM&A 'vient combler les insuffisances d’Exafi’ en ce qu’il 'restitue la dimension groupe… et apporte une analyse stratégique intégrée dans le contexte économique réel d’un secteur dévasté'.

Au demeurant la notion de groupe, son modèle économique et ses spécificités ainsi que la critique du passif pris en compte par le tribunal sont largement repris dans les écritures de M. [H] et [M] ainsi que dans celles de la société Quinta Communications en sorte que la Cour s’estime suffisamment éclairée sur ce point sans qu’il soit besoin d’ordonner une nouvelle mesure d’instruction.

Les demandes à ce titre seront donc rejetées.

4- Sur les demandes de communication de pièces

La société Quinta communications et M. [H] demandent à la cour d’enjoindre au liquidateur de communiquer sur une clé Usb l’ensemble des pièces remises à Exafi pour établir son rapport, considérant que la transmission de pièces au technicien, qui a établi un rapport en leur défaveur, et qui leur est refusée constitue une rupture de l’égalité des armes sanctionnée par les juridictions européennes.

Me [Q] relève qu’il n’existe aucun fondement juridique à cette demande dont l’objet est de retarder la procédure et rappelle d’une part que l’intégralité du rapport et de ses annexes a été communiquée aux parties et d’autre part que l’accès au dossier de la procédure collective est strictement délimité par la loi.

Il convient de rappeler que la désignation d’un technicien par le juge-commissaire en vue d’une mission qu’il détermine ne méconnaît pas par elle-même les droits de la défense, le principe de la contradiction ou celui de l’égalité des armes.

Les experts-comptables du cabinet Exafi précisent en page 1 de leur rapport que 'leurs travaux ont notamment consisté en l’analyse de la comptabilité des sociétés et de documents et/ou fichiers de la comptabilité que vous avez bien voulu nous communiquer’ et les annexes sont listées et numérotées en fin de rapport.

Dès lors que les sociétés Quinta communications et Duran sont présumées avoir en leur possession leur comptabilité, voire celle des autres sociétés du groupe, et qu’elles ne précisent pas les éléments auxquels le rapport Exafi ferait référence et non connus d’elles et que tant le rapport que ses annexes ont fait l’objet d’un débat contradictoire, les demandes de communication de pièces seront rejetées en ce qu’elles ne sont pas utiles à la solution du litige et le jugement confirmé de ce chef.

5- Sur la responsabilité pour insuffisance d’actif

Me [Q], ès qualités, indique d’une part que l’actif réalisé s’élève à la somme de 1 109 588,04 € correspondant pour l’essentiel au solde des comptes bancaires (158 734,31 €), au recouvrement clients (154 767,54 €), au prix de la cession de participations (407 000 €) et à la cession d’éléments corporels (359 090 €), d’autre part que le passif définitif est de 31 551 691,69 € dont 14 933 495,72 euros de passif intra-groupe soit une insuffisance d’actif de 30 442 108,65 €.

M. [H] prétend que le liquidateur ne produit pas de pièces comptables justificatives permettant d’identifier l’actif disponible au moment de la cessation des paiements et que le tribunal a largement surestimé le montant de l’insuffisance d’actif de la société Duran qui est de 12,9 millions d’euros par rapport au passif externe.

M. [M] soutient que l’insuffisance d’actif alléguée est manifestement surestimée puisque le liquidateur n’a pas neutralisé d’une part le passif intra groupe et d’autre part les passifs en doublon résultant de l’existence d’engagements de caution de diverses sociétés entre elles et de troisième part le passif résultant seulement de l’arrêt d’activité. Il ajoute que le liquidateur n’a fourni aucune information sur l’aggravation de l’insuffisance d’actif en relation avec chacune des fautes alléguées.

L’insuffisance d’actif est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis définitivement et le montant de l’actif réalisé de la personne morale débitrice. Elle s’apprécie à la date à laquelle le juge statue.

En outre, l’insuffisance d’actif d’une société qui peut être mise à la charge d’un dirigeant s’apprécie au regard de son actif et de son passif propres sans référence aux comptes consolidés du groupe.

Il n’y a pas lieu dès lors de retraiter les cautions et les dettes intra-groupe contrairement à ce qu’indiquent notamment les rapports BM&A (p 10) et [O] (p 10 à 15).

Il convient de déduire du passif retenu par le liquidateur judiciaire la somme de 727 084,31 € due au titre du super privilège des salaires, née postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, en sorte que l’insuffisance d’actif s’élève désormais à la somme de 29 715 024,34 €.

6- Sur la direction de la société Duran

Aux termes de l’article L651-1 du code de commerce, les dispositions relatives à la responsabilité pour insuffisance d’actif s’appliquent aux dirigeants d’une personne morale de droit privé soumise à une procédure collective ainsi qu’aux personnes physiques représentants permanents de ces dirigeants personnes morales.

* Les dirigeants de droit

Me [Q] rappelle les qualités et le rôle de chacun des défendeurs, que constitue une faute pour le dirigeant de droit de laisser s’exercer une gestion de fait, que ni la position dominante de la société Quinta communications ni le désintéressement de son mandat ne peuvent exonérer un administrateur de sa responsabilité.

La société Quinta communications rappelle que M. [M] était président de la société Duran, lequel reconnaît avoir eu la qualité de dirigeant mais se prévaut de la gestion de fait de la première.

Selon les pièces produites, notamment l’extrait Kbis du 24 novembre 2011, la société Duran est une société anonyme avec conseil d’administration composé de :

*M. [A] [C] [M], administrateur et président directeur général depuis le 22 novembre 2005,

* la société Quinta industries, administrateur, représentée par M. [B] à compter du 18 mai 2010,

* la société Quinta communications, administrateur, représentée par M. [H] à partir de 2004, (et par ailleurs président du conseil d’administration de Quinta industries, directeur général de Quinta communications et directeur général d’ADJ).

Il est constant que les administrateurs de sociétés anonymes ainsi que le président directeur général sont des dirigeants de droit au sens de l’article L651-1 du code de commerce.

Même s’il est acquis, au vu des pièces produites par lui-même et par le liquidateur, que M [M] a été écarté de la gestion à partir de l’été 2011, il n’a pas été révoqué et n’a pas démissionné de ses fonctions. Sa responsabilité est donc susceptible d’être engagée.

Conformément à l’article L.225-20 du code de commerce, le représentant permanent d’une personne morale encourt la même responsabilité civile que s’il était administrateur en son nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu’il représente. Au surplus l’article L.651-1 du code de commerce ne subordonne pas la condamnation au paiement de l’insuffisance d’actif du représentant de la personne morale à la condamnation de celle-ci. La responsabilité de MM [B] et [H] est donc également susceptible d’être engagée.

* la direction de fait

Me [Q] soutient que la société Quinta communications et M. [H] ont eu un rôle prépondérant dans la direction de la société Duran et se sont immiscés dans la gestion de celle-ci, pouvoir que leur mandat d’administrateur et de représentant permanent ne leur conférait pas, en étant l’interlocuteur des créanciers, des pouvoirs publics, du CIRI, M.[X] étant l’interlocuteur exclusif de celui-ci, et de la Commission des chefs des services financiers pour le compte de sa filiale, sans même parfois que M. [M] soit en copie. Il explique qu’il y a eu une confusion des rôles entre le dirigeant et l’actionnaire, que les notions de dirigeant de fait et de co-employeur ne peuvent être confondues et que la société Quinta communications ne peut tenter de s’exonérer au prétexte qu’elle serait intervenue comme garant financier alors qu’elle n’a jamais donné de garantie financière en son nom. Il ajoute que le dirigeant de droit ne pouvait émettre de chèque supérieur à 10 000 euros sans l’autorisation de M. [H].

La société Quinta communications affirme avoir tenté de sauver le groupe Quinta industries en sa qualité d’actionnaire et de garant financier par un apport financier et non par une substitution dans la gestion des filiales, avoir toujours eu la qualité d’administrateur au sein de la société Duran mais ne pas avoir été dirigeant de fait puisque ne s’étant jamais immiscée dans la gestion opérationnelle et financière de celle-ci, le poste de dirigeant revenant à M. [W] [M].

M. [M] prétend que la gestion de fait de la société Quinta communications, de MM [X] et [H] a eu un impact déterminant sur certaines fautes de gestion et l’a dépossédé de sa direction de droit.

M. [H] conteste avoir été dirigeant de fait de la société Duran expliquant qu’il n’a été que le représentant permanent de la société Quinta communications au conseil d’administration de la société et affirme ne pas s’être immiscé dans la gestion opérationnelle et financière de celle-ci. Il explique qu’il ne s’est pas engagé au nom des sociétés du groupe, qu’il a négocié auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations en tant que client et non au nom du groupe Quinta industries et que dans une période tendue il a seulement tenté d’empêcher le dirigeant d’émettre des chèques sans provision.

La direction de fait d’une personne morale suppose de démontrer l’exercice en toute indépendance d’une activité positive de direction.

S’agissant de la société Quinta communications, il est démontré par les lettres adressées le 9 février 2011 et le 12 avril 2011 par la Direction générale des finances publiques à 'M. [X] [X], SA Quinta Communications, [Adresse 7]' que celui-ci était l’interlocuteur de l’administration fiscale concernant la suspension des mesures d’exécution forcées prises à l’encontre des sociétés Quinta Industries, Duran, Scanlab, ADJ, LTC et SIS, et le paiement des parts ouvrières dues à l’Urssaf par la SA Duran, la première correspondance faisant au demeurant référence à l’engagement personnel de M. [X] vis à vis du CIRI quant à la reprise du paiement des cotisations sociales courantes depuis le mois de février 2011 et non à une quelconque garantie financière de la société Quinta communications en qualité d’actionnaire.

Les courriers du 2 et 9 août 2011 également envoyés par la Direction générale des finances publiques à 'M. [X] [X], SA Quinta Communications, [Adresse 7]' lui indiquent que la Codechef exige le paiement à bonne date des cotisations sociales pour les six sociétés susvisées et donne son accord pour un engagement écrit de l’actionnaire Quinta communications de s’acquitter au 30 septembre 2011 de la somme de 807 000 € à défaut de financement, outre un accord de principe pour un plan de 36 mois à compter des premières recettes de numérisation pour les dettes antérieures au 1er janvier 2011.

Le 12 septembre 2011, M. [X] [X] lui répond sur un papier en tête de la société Quinta Communications que 'les dirigeants de Quinta Industries et moi-même souhaitons vous rencontrer au plus vite afin d’explorer toutes les voies possibles pour une sortie amiable de ce dossier'.

Il est également constant que les mails envoyés par [N] Dubée et [H] [A], rapporteurs au CIRI, entre le 1er avril 2011 et le 8 septembre 2011 concernant 'Quinta Industries (et toutes ses entités y compris Duran)' l’ont été à titre principal à M. [X] [X] ou à M. [H], M. [M] n’apparaissant pas systématiquement en copie (ex 1er avril 2011) et que M. [X] a donné son accord de principe sur le paiement aux créanciers publics 'd’un montant à déterminer correspondant au paiement d’intérêts sur le passif fiscal et social’ .

Si le CIRI est désormais obligé depuis 2015 d’inviter les actionnaires aux négociations cela ne doit toutefois pas se faire au détriment des dirigeants légaux comme en l’espèce.

Contrairement à ses affirmations, la société Quinta communications ne rapporte pas la preuve qu’elle serait intervenue auprès de la Codechef ou du CIRI en qualité de garante financière dès lors qu’elle ne produit aucune garantie prétendument apportée, notamment le nantissement sur ses actions évoquées dans le courrier du 12 avril 2011.

Il se déduit de ces éléments qu’en se présentant comme l’interlocutrice des créanciers publics puis du CIRI, la société Quinta communications, par l’intermédiaire de son dirigeant M. [X], a montré qu’elle détenait le pouvoir de décision quant aux échéances de remboursement mais également par rapport à la stratégie de l’entreprise, peu important qu’elle n’ait pas été reconnue devant les instances prud’homales comme co-employeur. Elle est donc allée au delà de son rôle d’administrateur et s’est comportée à compter du début de l’année 2011 en dirigeant de fait de la société Duran.

S’agissant de M. [H], il est notamment établi que le 17 décembre 2010 il écrivait au cabinet KPMG en sa qualité de président du conseil d’administration de la société Quinta Industries l’informant que 'l’ensemble des chèques relatifs à l’échéance du 2 décembre 2010 du plan de continuation ont été établis et envoyés aux créanciers des sociétés du groupe Duran', que par mail du 21 juillet 2011, dont copie à M. [M], il rappelait à Mme [P] qu’aucun chèque de plus de 10 000 € ne pouvait être émis sans son autorisation, et que le 16 novembre 2011 Me [G] s’est adressé à lui ainsi qu’à M. [M] s’agissant des demandes du bailleur mais qu’en réponse Mme [P], directrice des services du groupe, a demandé exclusivement à M. [H] si elle devait préparer les règlements demandés par le bailleur.

Ces actes qui excédent les pouvoirs accordés au représentant permanent d’un administrateur constituent des actes positifs de gestion accomplis en toute indépendance caractéristiques d’une direction de fait que les agissements de l’actionnaire Technicolor ne peuvent expliquer.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la société Quinta Communications et M. [H] se sont comportés en dirigeants de fait de la société Duran à compter du début de l’année 2011.

7- Sur les fautes

L’article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 9 décembre 2010, dispose notamment que 'lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables'.

Contrairement au liquidateur qui soutient qu’il convient de raisonner, comme l’a fait le rapport Exafi, entité par entité et non par groupe, lequel au demeurant est déficitaire depuis 2007, la société Quinta Communications et MM [H] et [M] prétendent qu’au regard du caractère inséparable et complémentaire des activités des différentes sociétés, les résultats des entités prises individuellement ne sont pas représentatifs de la réalité économique du groupe et qu’il faut raisonner sur un résultat économique d’ensemble du groupe Quinta Industries. Ils considèrent également que la preuve des prétendues fautes de gestion commises par les dirigeants de ladite société et du lien de causalité entre celles-ci et la création ou l’aggravation de l’insuffisance d’actif n’est pas rapportée.

Cependant, en l’absence de notion juridique de groupe antérieure à l’ordonnance du 12 mars 2014, chaque faute de gestion doit être appréciée au regard de chacune des sociétés et non du groupe.

Il n’y a pas lieu en conséquence de répondre à tous les moyens fondés sur cette prémisse.

* Sur la déclaration tardive de cessation des paiements

Me [Q] expose que la société Duran, qui n’a pas bénéficié d’une mesure de conciliation, enregistre depuis 2006 des pertes cumulées de plus de 31 000 000 € et que ses capitaux propres sont négatifs ; que la continuité d’exploitation était assurée par le soutien de la société Quinta Communications, via sa filiale Quinta Industries, lequel n’a pas été renouvelé à compter du 31 décembre 2010 ; que le retard apporté au dépôt de la déclaration de cessation des paiements a contribué à augmenter l’insuffisance d’actif de 4 500 000 € en ce que les dettes de la SNC Recamier, de TVA, de l’URSSAF, de Pôle Emploi, de Audiens, de l’AFDAS et les congés payés ont augmenté en 2011 ; que ce retard a abouti à la perte du droit au bail, a permis à la société Quinta Communications de se rembourser ses avances sur le second semestre 2011 et de faire achever le film 'L’or noir’ ; que l’échéancier du 2 août 2011, qui avait été accordé sous différentes conditions qui n’ont pas été respectées, n’est jamais entré en vigueur ; qu’il ne peut s’agir d’une simple négligence ; enfin que cette faute est imputable aux dirigeants de droit et de fait.

La société Quinta Communications rappelle que l’état de cessation des paiements de la société Duran ayant été déclaré le 28 octobre 2011, seule l’éventuelle aggravation du passif entre le 31 décembre 2010 et le 28 octobre 2011 doit être prise en compte or le liquidateur, à qui incombe la charge de la preuve, n’apporte aucune preuve de l’aggravation du passif durant cette période. Elle précise qu’en juillet 2011 tous les intervenants y compris extérieurs croyaient encore en une possibilité de redressement en raison du plan de numérisation prévu par l’Etat ; que les mesures de conciliation englobaient toutes les sociétés du groupe ; et qu’un moratoire était en cours jusqu’à sa dénonciation intervenue le 8 novembre 2011.

M. [H] demande la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré qu’aucune faute ne pouvait être retenue contre lui s’agissant du retard dans la déclaration de cessation des paiements.

M. [M] soutient que l’article L651-2, dans sa rédaction issue de la loi du 9 décembre 2016, applicable aux procédures en cours, ne permet pas de sanctionner le dirigeant pour une simple négligence. Il considère que la société Duran a été de facto incluse dans la conciliation et qu’il n’a donc pas, par passivité ou mauvaise foi, décalé la déclaration de cessation des paiements mais l’a au contraire engagée dans un processus judiciairement contrôlé de traitement des difficultés. Il précise que le liquidateur n’a donné aucun élément permettant d’identifier une aggravation de l’insuffisance d’actif entre l’échec de la conciliation et la date de cessation des paiements du fait du court délai écoulé. Il invoque également sa bonne foi et les investissements importants réalisés au profit de cette société.

L’appartenance de la société Duran au groupe Quinta et la circonstance qu’elle fasse partie du périmètre de consolidation de la société Quinta industries ne permettent pas de considérer qu’elle a bénéficié de la procédure de conciliation dans laquelle elle n’est pas désignée alors qu’elle est une entité distincte de la société mère.

La date de cessation des paiements a été fixée de manière définitive au 31 décembre 2010. Il appartenait donc aux dirigeants de procéder à la déclaration de la cessation des paiements avant le 15 février 2011. La déclaration de cessation des paiements est intervenue le 29 novembre 2011.

Cette faute a contribué à l’insuffisance d’actif en ce que durant cette période le passif a augmenté de la manière suivante :

— la DGFIP a déclaré une créance de 194 496 € au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de l’année 2011, outre 1 262 819 € au titre de la TVA des mois de février à décembre 2011,

— l’Urssaf a déclaré une créance de 1 317 129,52 € au titre de cotisations impayées de janvier à novembre 2011,

— Audiens a déclaré une créance de 866 039,65 € au titre des cotisations dues de mars à novembre 2011,

— l’AFDAS a déclaré une créance de 43 402,36 € au titre des cotisations dues du 1er janvier au 31 octobre 2011,

— la caisse Les congés spectacles a déclaré une créance de 285 553 € au titre des cotisations dues de février à octobre 2011,

— le bailleur a déclaré des loyers impayés à hauteur de 494 347,50 € pour la période du 21 février 2011 au 21 novembre 2011,

— Pôle emploi a déclaré une créance de l’ordre de 160 000 €,

sans augmentation corrélative de l’actif.

Elle est établie à l’encontre de M. [M], dirigeant de droit, de la société Quinta communications et de M. [H], en leur qualité de dirigeant de fait.

M. [M] tente de se prévaloir de la modification législative issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, qui par le biais de son article 146, a complété l’article L.651-2 en insérant la phrase suivante : 'Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée'.

Cependant cette disposition n’est pas applicable en l’espèce en ce qu’elle est entrée en vigueur le 11 décembre 2016, soit postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, et pour laquelle aucune disposition transitoire n’a été prévue, alors même qu’il ne s’agit ni d’une loi de procédure ou de compétence ni d’un texte interprétatif, ce qui reviendrait à appliquer rétroactivement une législation à une action en cours et à une procédure collective ouverte antérieurement à cette législation.

En tout état de cause, et même à supposer que cette disposition puisse trouver à s’appliquer, l’absence de déclaration de cessation des paiements pendant plus de neuf mois ne peut s’analyser en une simple négligence eu égard aux difficultés financières et à l’endettement de la société connus de ses dirigeants.

En revanche, cette faute ne peut pas être reprochée à M. [B], représentant permanent de la SA Quinta industries, administrateur, en l’absence de production des procès-verbaux des assemblées générales justifiant de sa passivité.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il n’a pas retenu cette faute.

* Sur le non paiement des cotisations sociales et fiscales

Me [Q] explique que la Société Duran n’a procédé, durant de très nombreux mois, au règlement ni de la TVA, le privilège du Trésor public s’élevant à la somme de 3 945 000 €, ni des cotisations Urssaf, le privilège des caisses sociales s’élevant à la somme de 6 000 000 €, et que cette faute, imputable à la société Quinta Communications, ainsi qu’à MM. [M] et [H] a préjudicié à l’intérêt des créanciers.

La société Quinta Communications expose que le tribunal a écarté cette faute au motif qu’un conciliateur avait été nommé en janvier 2011 et que les dettes nées après cette date ne peuvent donc pas être retenues ; que seul le dirigeant exécutif est tenu de procéder aux règlements des cotisations ; qu’elle serait devenue dirigeant de fait à compter de janvier 2011, ce qui exclut toute faute liée au non-respect des cotisations antérieures ; enfin, qu’il ne peut lui être reproché simultanément d’avoir négocié des moratoires avec la DGFIP et de ne pas avoir réglé les cotisations.

M. [H] demande la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré qu’aucune faute ne pouvait être retenue contre lui s’agissant du non-paiement des cotisations sociales et fiscales.

M. [M] soutient que le défaut de paiement des cotisations sociales et fiscales n’est pas en l’espèce une faute de gestion compte tenu notamment de l’ouverture dans les délais légaux d’une procédure de conciliation et des suspensions d’exigibilité successives accordées par les créanciers sociaux et fiscaux.

Il ressort des déclarations de créances susvisées ainsi que du rapport Exafi (p 26,27, Annexe 8.12) que les dettes moratoriées sociales étaient de 627 411,92 € et les dettes fiscales de 1 489 490,43 € au 26 octobre 2010, le rapport [K] (p 16) précisant que pendant la période de conciliation des sociétés LTC et de la holding 4 156 K€ de dettes fiscales et sociales ont été restructurées.

Les bilans mentionnent par ailleurs des dettes fiscales et sociales de 8 311 000 € au 31 décembre 2009 et de 11 122 000 € au 31 décembre 2010.

Le non respect du plan d’apurement accordé le 10 septembre 2010 par l’administration fiscale ainsi que le non paiement des cotisations fiscales et sociales est une faute de gestion qui a nécessairement contribué à l’insuffisance d’actif alors au demeurant que l’actif n’a pas été renforcé dans le même temps.

Cette faute est imputable à M. [W] [M], dirigeant de droit, à la société Quinta Communications et à M. [H], dirigeants de fait depuis le début de l’année 2011, dès lors que les cotisations 2011 n’étaient pas payées sans que le bénéfice de la conciliation ne puisse être utilement invoqué et que ce dernier était le seul à pouvoir engager des dépenses supérieures à 10 000 € comme indiqué précédemment.

Elle n’est pas reprochée en revanche par le liquidateur judiciaire à M. [R] [B], représentant permanent de la société Quinta Industries.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

* Sur la poursuite abusive d’une activité déficitaire ayant rendus négatifs les capitaux propres

Me [Q] rappelle que les pertes cumulées par la société Duran entre 2005 et 2010 s’élèvent à plus de 31 000 000 € ; que les capitaux propres sont négatifs depuis 2005 et l’étaient à hauteur de 22 952 000 € en 2010 ; qu’ils n’ont pas été reconstitués ; que les pertes ont été financées par les sociétés LTC et Scanlab, via la société Quinta industries ; qu’il s’agit d’une faute de gestion qui a contribué à l’insuffisance d’actif et qui a entraîné la chute du groupe ; qu’elle est imputable aux dirigeants et aux administrateurs.

La société Quinta communications explique que le résultat d’exploitation et le résultat net des sociétés du groupe Quinta Industries se sont améliorés jusqu’à la fin de 2009 ; que les pertes ont diminué jusqu’en 2010 mais qu’ensuite le groupe a été confronté à un ensemble de facteurs politiques et économiques défavorables ; qu’elle a apporté 10,6 millions d’euros en capital pour les sociétés du groupe ; que du 16 août 2011 au 28 octobre 2011, il existait des perspectives de redressement ; qu’il ne peut pas être reproché aux dirigeants l’absence de reconstitution des capitaux propres, qui ne constitue pas une faute de gestion, dès lors qu’il s’agit d’une prérogative des actionnaires et non des dirigeants ou de dissolution de la société dès 2007. Elle critique la décision du tribunal qui a refusé de prendre en considération la notion de « groupe » et n’a pas accepté que les pertes de la société Duran soient financées par d’autres sociétés bénéficiaires telles que LTC ou Scanlab, au motif que le résultat d’exploitation cumulé des sociétés du groupe était, en tout état de cause, négatif.

M. [H] prétend qu’il n’est pas resté inactif et qu’il a engagé les mesures qui s’imposaient pour redresser la situation mais qu’au regard du contexte il ne peut lui être reproché d’avoir poursuivi une activité déficitaire alors que la société Quinta Industries a été acquise en 2003 en situation structurelle déficitaire et a fait l’objet d’une réorganisation se traduisant par une amélioration des résultats malgré l’absorption du passif lié au plan de continuation de la société Duran.Il ajoute qu’il n’a commis aucune faute dans l’organisation du groupe Quinta industries au regard de la politique d’interdépendance mise en place par ce groupe.

M. [M] soutient que la reprise de la société Duran était une opération de retournement qui a échoué du fait de la société Quinta communication qui n’a pas apporté les garanties demandées et qu’il ne peut donc pas lui être reprochée la poursuite d’une activité jusqu’au revirement de celle-ci. Il ajoute qu’il ne saurait être condamné du fait de la non reconstitution des capitaux propres dès lors que cette action ne relève que des prérogatives de l’actionnaire.

Comme cela a été rappelé à propos de l’insuffisance d’actif, l’analyse de l’activité d’une société s’effectue au regard de son actif et de son passif propres sans référence aux comptes consolidés du groupe. Il doit toutefois être tenu compte des conventions de trésorerie existant entre les sociétés (cf. 2006, 31 décembre 2009).

Il résulte des bilans communiqués que le résultat d’exploitation de la société Duran, qui était en plan de redressement par voie de continuation, était déficitaire depuis plusieurs années. Ainsi le déficit de cette société s’élevait à 5 643 000 € au 31 décembre 2006 pour un chiffre d’affaires net de 6 608 000 €, à 10 606 000 € au 31 décembre 2007 pour un chiffre d’affaires net de 12 052 000 €, à 5 542 000 € au 31 décembre 2008 pour un chiffre d’affaires net de 15 349 000 €, à 3 914 000 € au 31 décembre 2009 pour un chiffre d’affaires net de 13 700 000 €, et à 5 908 000 € au 31 décembre 2010 pour un chiffre d’affaires net de 19 556 000 €.

De même ces documents ainsi que le rapport Exafi (cf. Page 12) montrent que les capitaux propres étaient négatifs depuis 2006 à hauteur de 10 992 000 €, 21 599 000 € au 31 décembre 2007, 27 142 000 euros au 31 décembre 2008, 17 044 000 au 31 décembre 2009 et 22 952 000 € au 31 décembre 2010.

Il n’est pas contesté que les actionnaires n’ont ni réduit le capital social ni reconstitué les capitaux propres ni convoqué d’assemblée générale extraordinaire pour statuer sur la dissolution de la société et ce en violation des dispositions de l’article L.225-248 du code de commerce.

Si la reconstitution des capitaux propres appartient aux actionnaires et non aux dirigeants, il appartient en revanche à ces derniers de tirer les conséquences d’un défaut de reconstitution, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

Cette faute imputable à M. [M], dirigeant de droit, l’est également à la société Quinta communications, dirigeant de fait et administrateur, à M. [H], dirigeant de fait et représentant permanent de la société Quinta communications, et à M. [R] [B] représentant de la société Quinta industries à compter du 18 mai 2010, dès lors que les administrateurs ont approuvé les comptes et sont restés passifs alors que le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes 2010 indique 'La continuité d’exploitation de Duran est assurée par le soutien de Quinta communications, via sa filiale Quinta industries. Ce soutien n’a cependant pas été renouvelé de manière formalisée par l’actionnaire pour la période de 12 mois à compter de l’arrêté des comptes clos au 31 décembre 2010 Cette situation entraine une incertitude sur la capacité de la société à poursuivre son activité. En conséquence et en cas de non réalisation des hypothèses présentées, elle pourrait ne pas être en mesure d’acquitter ses dettes et de réaliser ses actifs dans le cadre normal de son activité".

Elle a nécessairement contribué à l’insuffisance d’actif et diminué le gage des créanciers.

* Sur la perte du droit au bail

Me [Q] indique que la société Duran a cessé de payer ses loyers à compter du mois de mars 2010 ; qu’en suite d’un commandement de payer visant la clause résolutoire resté sans effet, une ordonnance du 30 août 2011 l’a condamnée au paiement d’une provision de 930 000 € en sus des loyers courants en contrepartie de la suspension de la clause résolutoire ; que toutefois en l’absence de paiement des échéances, la déchéance du terme a été signifiée ce qui a entraîné la perte du droit au bail et fait obstacle à toute cession ; que cette faute est imputable à M. [M], à M. [H] et à la société Quinta communications.

La société Quinta communications et M. [H] soutiennent qu’il ne peut pas être reproché aux dirigeants de ne pas avoir interjeté appel de l’ordonnance du 30 août 2011 suspendant la clause résolutoire du bail dès lors que cette décision était favorable pour la société Duran ; qu’en 2011 le plan de redressement était toujours en cours et qu’il ne peut pas exister de préjudice résultant d’une éventuelle perte de chance de dépôt d’un plan de continuation ; enfin que la perte du droit au bail n’aurait eu aucune incidence négative dans la mesure où la société était prête à s’installer dans de nouveaux locaux.

M. [M] prétend également qu’il ne peut pas être reproché aux dirigeants de ne pas avoir interjeté appel de l’ordonnance du 30 août 2011 suspendant la clause résolutoire du bail dès lors que cette décision était favorable à la société ; que M. [H] l’a 'court-circuité’ en bloquant un réglement qu’il avait ordonné au profit du bailleur ; et qu’il ne peut pas exister pour une société en plan de préjudice résultant d’une éventuelle perte de chance de dépôt d’un plan de continuation.

Il résulte de l’ordonnance de référé du 30 août 2011 que le bailleur a fait délivrer le 28 avril 2011 un commandement visant la clause résolutoire pour obtenir paiement des loyers et charges impayés depuis le 21 mars 2010, soit 765 884,48 €, puis fait assigner la société Duran, laquelle a sollicité et obtenu la suspension des effets de la clause résolutoire et des délais de paiement.

S’il ne peut être reproché aux dirigeants de droit et de fait de ne pas avoir intejeté appel de cette décision favorable à la SA Duran, il convient de constater, au vu de la déclaration de créance du bailleur, que cette dernière n’a ni respecté les délais accordés ni procédé à une déclaration de cessation des paiements en sorte que la déchéance du terme signifiée le 7 octobre 2011 et la résiliation du bail étaient acquises à l’ouverture de la procédure collective compromettant ainsi une éventuelle cession de l’activité.

La perte du bail commercial a nécessairement contribué à l’insuffisance d’actif en ce qu’elle a privé la SA Duran d’un actif.

Cette faute est imputable à M. [M], dirigeant de droit, dès lors que le non paiement des loyers qui a abouti à cette situation est bien antérieur à sa mise à l’écart à compter de l’été 2011, ainsi qu’aux dirigeants de fait, la société Quinta communications et M. [H].

* Sur l’incompétence en matière de gestion

Me [Q] rappelle qu’en 2011 les frais de personnel, notamment la rémunération des dirigeants et les frais de personnel intermittent, représentaient 85,5% du chiffre d’affaires et plus de deux fois la richesse créée par l’entreprise et fait valoir que faire supporter à la société Duran des charges extrêmement lourdes que ce soit par les coûts de direction générale interne ou les refacturations de la société Quinta industries, aboutissant à un déséquilibre entre la valorisation des prestations et leur coût, ce qui ne pouvait conduire qu’à des pertes colossales, est constitutif d’une faute de gestion imputable aux dirigeants, en ce compris les administrateurs et leur représentant permanent.

M. [H] demande la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré qu’aucune faute ne pouvait être retenue contre lui.

La société Quinta communications s’en remet aux explications de M. [M], lequel expose que la reprise de la société Duran en 2005 était une opération de 'retrournement ' qui aurait pu réussir ; qu’il a engagé de nombreuses actions pour restructurer et developper le groupe Quinta industries et que la masse salariale élevée s’expliquait par l’embauche d’hommes clés dans un marché concurrentiel.

Il ressort du rapport dressé le 23 janvier 2012 par la société d’expertise comptable CE Consultant, à la demande du comité d’entreprise de la SA Duran, que celle-ci présente des déséquilibres importants, que ses difficultés relèvent d’une organisation défaillante, que les charges de structure et les refacturations de la holding Quinta industries sont particulièrement lourdes (15,5% du chiffres d’affaires en 2009, + 43% de frais généraux en 2011), que les coûts de la direction générale sont élevés au regard de la situation du groupe Duran, que les frais de personnel représentent 85,5% du chiffre d’affaires et plus de deux fois la richesse créée par l’entreprise, que sur les deux derniers exercices les coûts de personnel intermittent avoisinent la moitié des coûts de personnel interne, que la rigidité du volume des frais de personnel au regard de la variation d’activité est incompréhensible, enfin que si le volume des intermittents sur 2011 est justifié par les besoins effectifs de l’activité, alors il souligne une totale inadéquation des prix de vente des prestations avec les coûts de production de l’entreprise.

Nonobstant les démarches entreprises par les dirigeants pour restructurer le groupe, se rapprocher des sociétés Eclair et Technicolor, rechercher des solutions auprès des pouvoirs publics, procéder à des licenciements, la société Duran n’a pas diminué ses charges en proportion de la diminution de son chiffre d’affaires alors que le passage du photochimique au numérique était prévisible, annoncé et soutenu par les pouvoirs publics.

L’échec ou l’insuffisance des démarches engagées par ailleurs par les dirigeants ne peut les exonérer de leur responsabilité.

S’il ne peut être fait grief à M. [M], président directeur général, du montant des refacturations décidées par la holding dès lors que l’interdépendance des sociétés et l’immixtion des dirigeants de fait dans la gestion montrent qu’il n’avait pas les moyens de s’y opposer, il lui appartenait en revanche de prendre les décisions qui s’imposaient pour réduire les coûts de la direction générale, notamment sa propre rémunération, et adapter la charge liée au personnel intermittent à l’activité de la société ou relever le prix de vente des prestations dès lors que l’offre de 'guichet unique’ démontrait ses limites.

Cette faute est également imputable à la société Quinta communications, dirigeant de fait et administrateur, et à M. [H], dirigeant de fait et représentant permanent de la la société Quinta communications, administrateur, ainsi qu’à M. [B], représentant permanent de la holding Quinta industries qui décidait de refacturations manifestement trop lourdes par rapport au chiffre d’affaires de la SA Duran.

Cette faute de gestion qui a appauvri la société a contribué à l’insuffisance d’actif sans que l’actif n’ait été renforcé.

* Sur la gestion contraire à l’intérêt de la société Duran dans l’intérêt de la société Quinta communications

Me [Q] soutient que la société Quinta communications, MM [M] et [H] ont entendu privilégier l’actionnaire majoritaire, la société Quinta communications, via sa filiale la société Quinta industries d’une part, dans le cadre du protocole emportant cession de créances daté du 30 septembre 2011, lequel a notamment entraîné l’extinction par voie de compensation de la créance de 2 413 018,26 euros que la société Duran détenait à l’encontre de la société Quinta communications, précisant que l’absence de trésorerie qui en a résulté a causé un préjudice aux créanciers et empêché toute poursuite d’activité, et d’autre part dans le cadre de la post-production du film « L’or noir » que la société Quinta communications produisait, considérant qu’elle a confié ces travaux d’un montant de plus de 3 000 000 € au groupe Quinta industries en connaissant la situation obérée de celui-ci et en décidant de procéder à un paiement par compensation uniquement alors que les factures de la société Duran à ce titre s’élevaient à 677 636,99 €.

La société Quinta communications et M. [H] font valoir que le protocole du 30 septembre 2011 avait pour objectif de simplifier les flux financiers entre les entités du groupe Quinta industries, lequel avait pour habitude de fonctionner par compensation de créances réciproques ; qu’en l’espèce il s’agissait de dettes réciproques, certaines, liquides et exigibles entre la société Duran et le groupe Quinta Industries ; que la compensation légale jouant de plein droit, le protocole du 30 septembre 2011 ne faisait qu’entériner une simple compensation intervenue automatiquement, ce que Monsieur [M] ne pouvait ignorer. Ils ajoutent que les cessions de créances qui ont été annulées ne peuvent plus servir de fondement pour caractériser une nouvelle faute de gestion.

S’agissant du film 'L’or noir', ils prétendent que le courrier du 12 octobre 2010 en indiquant que les factures seraient réglées par compensation ou différées n’a fait que confirmer à un tiers le mode de fonctionnement du groupe.

La société Quinta Communications conteste s’être désengagée du groupe Quinta Industries considérant qu’elle a soldé les comptes courants lors de la livraison des films conformément à son mode de fonctionnement habituel.

M. [M] soutient d’une part qu’il n’a aucune responsabilité relativement au film 'L’or noir’ dès lors que c’est par un accord secret en date du 12 octobre 2010 que Monsieur [H] s’est engagé pour toutes les sociétés du groupe Quinta Industries à consentir à la société Quinta Communications un délai de paiement au 31 décembre 2012 ou un paiement par compensation avec les comptes courants et d’autre part qu’il n’a pas été en mesure de comprendre la portée des actes complexes de cession de créances et de compensation des comptes courants via le protocole du 30 septembre 2011.

Le soutien financier de la société Quinta Communications aux sociétés du groupe Quinta Industries antérieurement à l’année 2011 est démontré notamment par le rapport [K] et par les lettres de confort produites (ex lettre du 30 avril 2010 signée par M. [H] en sa qualité de directeur général délégué de la société Quinta Communications) et au demeurant non contesté.

Toutefois, la société Quinta Communications, qui avait pris des engagements de soutenir ses filiales, notamment les sociétés Quinta Industries et Duran, jusqu’au 30 juin et 31 décembre 2011, est revenue sur ses engagements à compter du mois de septembre 2011 (p13 rapport BM&A).

Ainsi, le 30 septembre 2011, les sociétés Quinta Communications, Quinta Industries, Duran, ADJ, LTC, Scanlab et SIS ont régularisé un 'protocole d’accord’ aux termes duquel ces sociétés ont décidé 'dans le cadre d’une réorganisation des créances intra-groupes au sein du groupe Quinta Communications’ de 'compenser leurs créances réciproques par débit de leur compte respectif dans leurs livres à la date du 30 septembre 2011" et de se céder des créances par compensations de comptes courants. Pour la société Duran, ce document a été signé par M. [M]. Il en résulte que la société Quinta Communications a notamment opéré une compensation entre des créances commerciales et des avances en compte courant qu’elle détenait sur la société Duran d’un montant global de 3 230 669,41 € avec une créance détenue par cette société, soit 2 413 018,26 €, puis cédé le solde aux sociétés SIS et ADJ à hauteur de 191 352,70 € pour la première et de 758 182,18 € pour la seconde.

La lecture de l’extrait de compte général de la société Quinta Communications montre que le compte courant de la société Duran qui était créditeur de 1 824 347,65 € au 1er janvier 2011 et de 3 619 604,84 € au 29 septembre 2011 a de ce fait été ramené à 5 098,13 € le 30 septembre 2011.

Nonobstant le fonctionnement antérieur des sociétés du groupe Quinta Industries quant aux compensations habituellement réalisées décrit dans le rapport [O], ce protocole a permis à la société Quinta Communications de 'compenser ses créances irrécouvrables sur les sociétés Duran et Quinta Industries avec ses dettes commerciales à l’égard de LTC, Scanlab et SIS’ (p16 BM&A) sans que leur connexité et leur exigibilité ne soient démontrées au regard de leur nature et de l’engagement de la société Quinta Communications de bloquer son compte courant jusqu’au 30 septembre 2011, alors au surplus, que par mail du 15 septembre 2011 adressé à Mme [P], directrice comptable de la société Quinta Industries et à MM. [H] et [X], Me [G], avocat, leur indiquait la liste des informations et documents nécessaires à la préparation d’une déclaration de cessation des paiements démontrant par là leur connaissance de l’état de la société Duran.

Contrairement à ce qui est vainement soutenu par les dirigeants de droit et de fait, les conventions de trésorerie existantes régissaient les mouvements de trésorerie entre les sociétés et la compensation entre créances réciproques mais ne prévoyaient pas de cession de créances entre les parties.

Ce protocole, qui a donc favorisé la société Quinta Communications en ce qu’il lui a permis de réduire son exposition financière au détriment de ses filiales, constitue une faute de gestion. Le fait que le liquidateur ait demandé puis obtenu l’annulation judiciaire d’une partie de cette opération ne lui retire pas son caractère fautif. Cette faute a contribué à l’insuffisance d’actif de la société Duran en la privant du recouvrement d’une créance sur la société Quinta Communications de 2 413 018,26 € alors que sa situation financière était obérée et que ses dirigeants s’apprêtaient à procéder à une déclaration de cessation des paiements.

Cette faute est imputable à M. [M], dirigeant de droit, qui ne peut sérieusement prétendre avoir signé un document qu’il n’aurait pas compris. Si tel était réellement le cas, il aurait dû à tout le moins s’abstenir de le signer.

Elle l’est également à M. [H] et à la société Quinta Communications, dirigeants de fait, à l’exclusion des administrateurs et de leur représentant dès lors que la consultation des administrateurs à ce sujet n’est pas démontrée.

S’agissant du film 'L’or noir', il est justifié que la société Quinta Communications a commandé des prestations de post-production aux sociétés Duran, SIS, ADJ, Scanlab et LTC moyennant un prix de l’ordre de 3 500 000 €. Par courrier à en tête de la société Quinta Industries, daté du 12 octobre 2010, M. [H] a écrit à la société Quinta Communications pour lui confirmer à propos de ces travaux 'qu’aucun paiement en numéraire ne sera exigé avant le 31 décembre 2012" et que les facturations seront payées soit par compensation de comptes courants soit différées jusqu’au 31 décembre 2012.

Il ressort du rapport Exafi, lequel s’appuie notamment sur le mail daté du 23 septembre 2011 envoyé par Mme [Y], auditrice interne de la société Quinta Industries, que cette société a facturé aux lieu et place des sociétés concernées et d’avance à la société Quinta Communications les prestations pour ce film afin de permettre à ces factures établies pour des prestations non encore faites d’être compensées avec des dettes de la société Quinta Communications dans le cadre du protocole susvisé (p 40 Exafi, annexe 8.17).

Cette faute, commise au bénéfice de la société Quinta Communications, a contribué à l’insuffisance d’actif de la société Duran en ce qu’elle l’a privée du recouvrement de factures en numéraires à hauteur de 677 636,99 € alors que par ailleurs sa trésorerie ne lui permettait pas de faire face à ses obligations fiscales et sociales.

Cette faute est imputable à M. [H] et à la société Quinta Communications, dirigeants de fait, et à M. [M], dirigeant de droit, qui s’il n’est pas le signataire de la lettre du 12 octobre 2010 et a sans doute été écarté de certains courriels (p17 BM&A), a néanmoins laissé le dirigeant de fait agir sans s’assurer du paiement effectif par la société Quinta Communications des prestations et achats réalisés comme l’y invitait le mail de Mme [Y] du 5 octobre 2010 et ce alors que le président directeur général d’une société anonyme dispose des pouvoirs les plus étendus par renvoi de l’article L225-51-1 du code de commerce.

8-Sur les sanctions financières

Le nombre de fautes retenues à l’encontre de MM. [M] et [H] et de la société Quinta communications ainsi que leur contribution à l’insuffisance d’actif justifient une sanction financière.

M. [M] fait état d’une situation financière difficile, indiquant ne pas être imposable et bénéficier du RSA et de la CMU de base ce dont il justifie.

Il sera toutefois relevé qu’il ne produit qu’un avis d’impôt 2015 sur les revenus 2014, lequel ne démontre ni le montant ni la nature de ses revenus et qu’il ne justifie pas de son patrimoine alors qu’il a perçu pendant de nombreuses années une rémunération qui s’élevait jusqu’en 2009 à 20 000 euros brut par mois sur 13 mois, outre un bonus variable, soit 562 000 € en 2009 en ce compris des bonus au titre des années 2007 et 2008, à partir de 2009 à 27 000 € bruts mensuels et à 24 000 € brut par mois en 2011.

Il convient, dans ces conditions, de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Quinta communications ainsi que MM [M] et [H] à supporter une partie de l’insuffisance d’actif et fixé à hauteur de 3 000 000 € la contribution de la première mais de l’infirmer sur les quantum mis à la charge de MM. [H] et [M], de condamner ces derniers à supporter une partie de l’insuffisance d’actif à hauteur de 1 600 000 € pour le premier et de 290 000 € pour le second et de l’infirmer en ce qu’il a débouté Me [Q] de sa demande de sanction à l’endroit de M. [B] et de condamner celui-ci à supporter une partie de l’insuffisance d’actif à hauteur de 10 000 € sans qu’il y ait lieu de prévoir de solidarité entre les personnes morale et physique.

9- Sur les sanctions personnelles

L’article L 653-1 du code de commerce dispose que lorsqu’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions de ce chapitre III, intitulé 'de la faillite personnelle et des autres mesures d’interdictions', sont notamment applicables aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales, et aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeant des personnes morales définies au 2°.

L’article L 653-8, alinéa 3, du code de commerce permet au tribunal de prononcer une interdiction de gérer une entreprise à l’encontre d’un dirigeant qui a omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements sans avoir, par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

M. [M] soutient que la loi du 6 août 2015 ne permet pas de sanctionner le dirigeant qui n’a pas sciemment omis de procéder à la déclaration de cessation des paiements durant la totalité de l’exercice 2011 ou bien qui a choisi la voie de la conciliation et que le nouvel article L.653-8 est d’application immédiate aux procédures en cours.

La déclaration de cessation des paiements est intervenue le 29 novembre 2011 alors que la date de cessation des paiements a été fixée définitivement au 31 décembre 2010 et MM. [M] et [H] n’ont pas sollicité du président du tribunal de commerce de Nanterre l’ouverture d’une conciliation au bénéfice de la société Duran.

A supposer que l’article L.653-8 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015, soit applicable en la cause l’absence de déclaration de cessation des paiements pendant plus de neuf mois ne peut qu’avoir été commise sciemment pour permettre à la société Quinta Communications de réduire son exposition financière et alors que Me [G], avocat, indiquait par mail du 15 septembre 2011 adressé à Mme [P], directrice comptable du groupe Quinta Industries et à MM. [H] et [X], la liste des informations et documents nécessaires à la préparation d’une déclaration de cessation des paiements démontrant par là leur connaissance de l’état de cessation des paiements de la société.

Le grief est donc établi.

Aux termes des articles L.653-4, 3° et L.653-5, 4° du même code, une mesure d’interdiction de gérer peut également être prononcée pour avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers.

M. [H], en sa qualité de directeur général de la société Quinta Communications, et M. [M] ont favorisé la société Quinta Communications dans laquelle ils étaient intéressés en ce qu’il s’agit de l’actionnaire majoritaire de la société holding du groupe Quinta Industries qui leur verse leur rémunération.

Il sera rappelé enfin que le protocole du 30 septembre 2011 qui a permis de payer la société Quinta Communications a été régularisé antérieurement au mail du 15 septembre 2011 mentionné ci-dessus lequel ne fait aucun doute sur la connaissance par MM. [H] et [M] de l’état de cessation des paiements de la société Duran.

Ces fautes sont également établies à l’encontre de MM. [H] et [M].

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a prononcé une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer, ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, toute personne morale, d’une durée de trois année à l’égard du premier et de deux années à l’égard du second.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par défaut,

Rejette la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure de mise en jeu de la responsabilité de Technicolor,

Rejette la demande d’expertise,

Infirme le jugement en ce qu’il n’a pas retenu la responsabilité de M. [B], exclu de la mesure d’interdiction de gérer les mandats sociaux en cours, fixé le quantum des condamnations de MM [H] et [M] à la somme de 3 000 000 € pour le premier et de 30 000 € pour le second, prononcé la solidarité des condamnations à supporter une partie de l’insuffisance d’actif et sur l’indemnité procédurale ;

Statuant des chefs infirmés,

Dit que M. [B] a commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société Duran ;

Déboute Me [Q], ès qualités, de sa demande de solidarité entre les dirigeants condamnés à supporter une partie de l’insuffisance d’actif ;

Dit n’y avoir lieu d’exclure les mandats sociaux en cours de la mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer, ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, toute personne morale prononcée à l’encontre de MM. [H] et [M] ;

Condamne M. [Q] [E] [H] à payer à Me [Q], ès qualités, la somme de 1 600 000 € au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif de la société Duran outre celle de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les instances de première instance et d’appel ;

Condamne M. [W] [M] à Me [Q], ès qualités, la somme de 290 000 € au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif de la société Duran outre celle de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les instances de première instance et d’appel ;

Condamne M. [R] [B] à payer à Me [Q], ès qualités, la somme de 10 000 € au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif de la société Duran outre celle de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les instances de première instance et d’appel ;

Confirme le jugement pour le surplus notamment en ce qu’il a prononcé à l’égard de M. [W] [M], né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant [Adresse 8]) et M. [Q] [E] [H], né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] (Tunisie), de nationalité française, demeurant [Adresse 9]) une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer, ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole, toute personne morale d’une durée de deux ans pour le premier et de trois ans pour le second ;

Condamne la société Quinta communications à payer à Me [Q], ès qualités, la somme de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les instances de première instance et d’appel ;

Condamne M. [W] [M] à payer à Me [Q], ès qualités, la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour les instances de première instance et d’appel ;

Condamne in solidum la société Quinta communications et MM. [M], [B] et [H] aux dépens de la procédure d’appel avec droit de recouvrement au profit des avocats qui y ont droit conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Dit qu’en application des articles 768 et R.69-9° du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la Cour d’appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Monsieur MONASSIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,

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Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 20 février 2018, n° 16/09052