Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 2 février 2021, n° 19/08435

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 2 févr. 2021, n° 19/08435
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 19/08435
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 22 novembre 2017
Dispositif : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Date de dernière mise à jour : 1 novembre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 61B

DU 02 FEVRIER 2021

N° RG 19/08435

N° Portalis DBV3-V-B7D-TTKZ

AFFAIRE :

[Y] [S] épouse [R]

[J] [R]

C/

SA UCB PHARMA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Novembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 14/01784

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— l’ASSOCIATION AVOCALYS,

— Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant qui a été prorogé le 26 janvier 2021, les parties en ayant été avisées dans l’affaire entre :

DEMANDEURS devant la cour d’appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation (CIV.1) du 19 juin 2019 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel de VERSAILLES le 23 novembre 2017.

Madame [Y] [S] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 8]

de nationalité Française

Monsieur [J] [R]

né le [Date naissance 3] 1959 à TUNISIE

de nationalité Française

demeurant ensemble au [Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620,

Me Martine VERDIER de la SELARL VERDIER, avocat plaidant – barreau d’ORLEANS, vestiaire : 101

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SA UCB PHARMA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

Défense Ouest

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par Me Mélina PEDROLETTI, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 – N° du dossier 24801

Me Carole SPORTES LEIBOVICI de la SELARL HAUSSMANN ASSOCIES, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : P0443

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 30 Novembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, Conseiller faisant fonction de Président, et Madame Nathalie LAUER, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Madame Coline LEGEAY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

Vu le jugement rendu le 26 novembre 2015 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

— reçu M. [R] en son intervention volontaire,

— déclaré la société UCB Pharma responsable des dommages résultant de l’exposition au Distilbène de Mme [Y] [S] épouse [R],

— condamné la société UCB Pharma à payer à Mme [Y] [S] épouse [R] la somme de 102 232 euros en réparation de ses préjudices, dont il conviendra de déduire les provisions déjà versées,

— condamné la société UCB Pharma à payer à M. [R] la somme de 6 000 euros en réparation de ses préjudices,

— condamné la société UCB Pharma aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise,

— ordonné la distraction des dépens au profit de la SCP CRTD, avocat aux offres de droit,

— condamné la société UCB Pharma à régler à Mme [Y] [S] épouse [R] une somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire du présent jugement à hauteur des deux tiers du montant des condamnations ci-dessus prononcées,

— débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

— déclaré le présent jugement commun à la CPAM du Var';

Vu l’arrêt rendu le 23 novembre 2017 par la cour d’appel de Versailles (3ème chambre) qui a :

— infirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf sur les dépens de première instance,

— débouté M. et Mme [R] de toutes leurs demandes,

— déclaré le présent arrêt commun à la CPAM du Var,

— laissé les dépens de première instance et d’appel à la charge de la société UCB Pharma en application de l’article 696 du code de procédure civile';

Vu l’arrêt rendu le 19 juin 2019 par la Cour de cassation qui a :

— cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation formée par Mme [S], épouse [R], au titre de son préjudice spécifique d’anxiété, l’arrêt rendu le 23 novembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remis, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée,

— condamné la société UCB Pharma aux dépens,

— vu l’article 700 du code de procédure civile, rejeté sa demande et l’a condamnée à payer à Mme [S], épouse [R], la somme de 3 000 euros,

— dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge à la suite de l’arrêt cassé ;

Vu la saisine de la cour d’appel de Versailles par déclaration du 4 décembre 2019 remise par M. et Mme [R]';

Vu les dernières conclusions notifiées le 19 mars 2020 par lesquelles M. et Mme [R] demandent à la cour de':

Vu les articles 1165, 1382, 1383 du code civil, nouvellement articles 1199, 1240 et 1241 du même code,

Vu le principe de réparation intégrale,

Vu la cassation partielle et les pièces versées aux débats,

— recevoir Mme [Y] [R], M. [J] [R] en leur appel et les déclarer bien fondés,

— débouter le laboratoire UCB Pharma de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires et notamment de la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

— condamner le laboratoire UCB Pharma au paiement de la somme de la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice d’anxiété de Mme [Y] [R],

— condamner le laboratoire UCB Pharma à indemniser le préjudice moral de M. [J] [R] à hauteur de 10 000 euros,

— condamner le laboratoire UCB Pharma au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés,

— condamner le laboratoire UCB Pharma aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la société Avocalys avocat sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile';

Vu les dernières conclusions notifiées le 25 mars 2020 par lesquelles la société UCB Pharma demande à la cour de':

Vu les articles 122, 633 et 638 du code de procédure civile,

Vu les articles 1382 (ancien) et 1353 (1315 ancien) et 2224 du code civil,

— débouter Mme [S] de l’intégralité de ses demandes lesquelles sont irrecevables et/ou mal fondées,

— débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes lesquelles sont irrecevables,

— condamner Mme [S] à restituer la somme de 61 821,33 euros due à UCB Pharma en application de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 23 novembre 2017,

— condamner M. [R] à restituer la somme de 2'000 euros due à UCB Pharma en application de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles le 23 novembre 2017,

— condamner Mme [S] et M. [R] à verser à UCB Pharma la somme de 5'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par Mme Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile';

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 15 octobre 2020 ;

FAITS ET PROCÉDURE

Se plaignant de dommages liés à son exposition in utero au diéthylstilbestrol (DES), Mme [Y] [S] épouse [R], née le [Date naissance 2] 1968, a, par actes du 23 juin 2011, assigné la société UCB Pharma, venant aux droits de la société Ucepha, producteur du Distilbène, et la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) du Var devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin d’en obtenir réparation. Son époux, M. [R], est intervenu volontairement à l’instance.

Par ordonnance du 3 janvier 2012, le juge de la mise en état a ordonné une expertise.

Le rapport définitif a été remis le 30 septembre 2013.

Constatant que l’exposition de Mme [R] au DES est établie, le tribunal de grande instance de Nanterre a, par jugement du 26 novembre 2015 :

— reçu M. [R] en son intervention volontaire,

— déclaré la société UCB Pharma responsable des préjudices résultant de l’exposition de Mme [R] au Distilbène,

— condamné la société UCB Pharma à payer :

à Mme [R], la somme de 102 232 euros dont à déduire les provisions versées, outre la somme de 10'000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

à M. [R], la somme de 6 000 euros,

— déclaré le jugement commun à la CPAM du Var.

Plus précisément le tribunal de grande instance de Nanterre a fixé comme suit les différents postes de préjudice :

— pour Mme [R] :

dépenses de santé actuelles à charge760 euros

frais divers1 500 euros

dépenses de santé futures à charge (sexologue)1 872 euros

déficit fonctionnel temporaire 2 100 euros

souffrances endurées12 000 euros

déficit fonctionnel permanent66 000 euros

préjudice sexuel8 000 euros

préjudice d’établissement10 000 euros

préjudice d’anxiétérejet

— pour M. [R] :

préjudice moral4 000 euros

préjudice de procréation et sexuel2 000 euros

La société UCB Pharma a interjeté appel le 23 décembre 2015.

La cour d’appel de Versailles (3ème chambre), par un arrêt en date du 23 novembre 2017, a’notamment :

— infirmé le jugement en toutes ses dispositions sauf sur les dépens de première instance,

— débouté M. et Mme [R] de toutes leurs demandes.

La cour a notamment retenu que les pathologies de Mme [R] ne peuvent être rattachées avec une certitude suffisante à son exposition au DES. Elle a en particulier estimé que l’infertilité était due à l’endométriose sévère dont souffre Mme [R].

M. et Mme [R] ont formé un pourvoi en cassation en date du 15 janvier 2018.

Par un arrêt rendu en date du 19 juin 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation formée par Mme [R] au titre de son préjudice spécifique d’anxiété, l’arrêt rendu le 23 novembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles. La Cour a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Versailles autrement composée. Elle a retenu que la cour d’appel de Versailles avait violé l’article 455 du code de procédure civile en ce qu’elle ne s’avait pas répondue aux conclusions de Mme [R] qui invoquait un préjudice spécifique d’anxiété indépendamment de tout dommage corporel.

C’est dans ces circonstances que M. et Mme [R] ont saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration en date du 4 décembre 2019.

SUR CE , LA COUR,

les demandes de Mme [S] épouse [R]

La recevabilité de ces demandes':

La prescription

La société UCB Pharma soutient en premier lieu que la demande d’indemnisation d’un préjudice d’anxiété en lien avec le risque de développer un cancer est irrecevable pour être prescrite. Elle observe en effet que le préjudice d’anxiété ici invoqué n’est rattaché à aucun dommage corporel de sorte que le régime de la prescription doit relever du droit commun de l’article 2224 du Code civil. Elle soutient que l’appelante détourne la notion de dommage évolutif en renvoyant à la notion de préjudices extrapatrimoniaux évolutifs selon la nomenclature Dinthillac, ce qui ne correspond pas au cas d’espèce puisque ce préjudice s’applique à des pathologies avérées, évolutives, non curables et avec une certitude d’aggravation. Elle conclut que Mme [S] ne peut soutenir que ce préjudice ne serait pas consolidable et donc ainsi imprescriptible. Elle indique que la Cour de cassation fait d’ailleurs application du délai de prescription quinquennal au préjudice d’anxiété invoqué dans le cadre du contentieux de l’amiante. Elle invoque également en ce sens des arrêts récents de la cour d’appel de Versailles qui retiennent que les préjudices allégués ne constituent pas des préjudices corporels de sorte que les demandes tendant à leur indemnisation se prescrivent dans les conditions de droit commun, donc à partir du moment où la victime a eu connaissance du dommage

Elle réplique par ailleurs que le jugement du tribunal de Nanterre invoqué par l’appelante se distingue de la présente espèce et de l’affaire [V] où un préjudice corporel en lien avec l’exposition in utero au DES. avait été retenu. En ce qui concerne le point de départ du délai de prescription, elle estime qu’il doit être fixé au plus tard au 12 août 2000, date à laquelle Mme [S] a été opérée de l’appendicite et a été informée de son exposition. Elle réplique que le point de départ ne peut être fixé en 2011, date à laquelle l’autorité de santé a actualisé ses recommandations ou même à la date des études publiées en 2017 dont les conclusions au demeurant rassurantes ne démontrent nullement la réalité du risque de cancer invoqué. En tout état de cause, elle observe que la brochure de l’autorité de santé a été publiée pour la première fois en 1989 de sorte que seule cette date devrait alors être retenue.

Contrairement à ce que soutient UCB Pharma, Mme [R] épouse [S] fait valoir que cette demande n’est pas prescrite. Elle souligne qu’à l’inverse des problèmes de santé causés par l’amiante qui sont circonscrits à un cancer bien identifié, les problèmes de santé causés par le Distilbène concernent plusieurs générations et se révèlent avec retard de façon très variée. Elle invoque l’arrêt de la Cour de cassation du 2 juillet 2014 rendu au visa de l’article 1382 du Code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice suivant lequel le préjudice moral en lien avec l’exposition au Distilbène doit être réparé. Elle affirme que ce dommage extra patrimonial par essence évolutif, ne peut se voir opposer une fin de non-recevoir tirée de la prescription, puisqu’il est hors consolidation. À titre subsidiaire, à supposer que la cour refuse de qualifier ce préjudice d’évolutif, elle soutient que le préjudice moral est un préjudice extra patrimonial dès lors qu’il atteint la personne dans son honneur, sa réputation, son affection, et dont la particularité est de se révéler permanent et exceptionnel. Elle en déduit qu’il doit être soumis aux dispositions de l’article 2226 du Code civil. Elle soutient que la consolidation d’un dommage moral ou physique suppose de constater un état permanent c’est-à-dire dont les lésions sont définitivement fixées. Elle estime que ce constat médico-légal ne peut être raisonnablement posé alors que la surveillance régulière imposée par les risques induits par le Distilbène, qui à ce jour ne sont pas tous connus, doit être maintenue en l’état des données disponibles de la science. Elle en déduit qu’en l’état du suivi régulier toujours en cours, ce dommage permanent ne peut être à ce jour consolidé. À titre infiniment subsidiaire, à considérer que les règles de prescription de droit commun s’appliquent, ce qu’elle conteste, elle fait valoir que le point de départ du délai de prescription ne peut courir à son encontre qu’à compter du moment où elle a eu connaissance de la consolidation de son état de santé, c’est-à-dire au moment du dépôt du rapport par le collège d’experts qui permet le constat médico-légal sur lequel la cour peut fonder sa décision. À titre subsidiaire, elle affirme que cette connaissance ne peut être établie en toute hypothèse antérieurement à l’information communiquée aux femmes exposées sur les risques liés au Distilbène. Elle prétend que le point de départ de la prescription doit donc être fixé au mois de juin 2011, date des recommandations de la Haute autorité de santé qui informe les médecins et potentiellement les patients des risques liés à l’exposition au DES. Elle estime qu’avant cette date, il ne peut être retenu qu’elle a pu avoir connaissance du risque de cancer à l’origine de son anxiété alors que des études publiées en 2017 confirment le risque aggravé de pathologies cancéreuses.

Appréciation de la cour

Le’préjudice’allégué, pour laquelle Mme [S] épouse [R]. sollicite à titre principal une indemnisation autonome, ne constitue pas un’préjudice’corporel, le’préjudice’d'anxiété’en raison d’une exposition au risque de développer une pathologie qui s’analyse en un’préjudice’moral pouvant exister et être indemnisé en l’absence de tout’dommage’corporel. La demande tendant à son indemnisation se prescrit en conséquence dans les conditions du droit commun, ainsi que justement observé par la société UCB Pharma. Le point de départ de la prescription doit être fixé au moment où la victime de ce’préjudice’a connaissance, ou aurait dû avoir connaissance du’dommage, et ne dépend pas du fait que le’dommage’perdurerait dans le temps.

Il est constant que Mme [S] épouse [R] a toujours eu connaissance de son exposition in utero au DES puisque sa mère lui a fait part en avoir pris.

Néanmoins, il n’est pas établi avec la certitude requise que Mme [S] épouse [R] ait été informée pour autant des risques liés à cette exposition et en particulier de celui de développer un cancer. Le courrier du directeur général de la santé en date du 29 juillet 1992 adressé à un confrère que produit la société UCB Pharma, par lequel il communique une brochure déjà diffusée en 1989 et qui fait le point sur les connaissances à ce sujet, est insuffisant à faire la preuve que le guide de l’AFSSAPS ait été édité dès 1989, ni même qu’il ait alors contenu l’alerte concernant les risques de survenue de cancers.

Cependant, Mme [S] épouse [R] ne peut sérieusement alléguer n’avoir connu ces risques qu’à la lecture du rapport d’expertise, ou en 2011 lors de la parution d’un guide de l’AFSSAPS alors que l’organisation mondiale de la santé a classé le DES comme cancérogène en 2009. Cependant, il ne ressort d’aucun des documents médicaux qu’elle a communiqués aux experts judiciaires qu’elle ait présenté des signes cliniques d’exposition au DES, l’ensemble des pièces médicales soumises aux experts concernant exclusivement l’endométriose dont elle est atteinte. Par conséquent, la seule circonstance qu’il soit constant que sa mère ait pris du Distilbène durant sa grossesse n’est pas de nature à démontrer que Mme [S] épouse [R] ait pu avoir conscience du risque de développer un cancer que lui faisait courir son exposition in utero au DES avant le classement de cette substance comme cancérogène par l’OMS en 2009, qui est donc la date à laquelle ce risque a été porté à la connaissance de la communauté internationale.

En conséquence, le délai de prescription, qui a commencé à courir en 2009 et a été réduit à 5 ans par la loi du 17 juin 2008, était en cours lors de l’introduction de l’instance le 23 juin 2011. La demande n’est donc pas prescrite.

les autres moyens d’irrecevabilité soulevés par la société UCB Pharma

La société UCB Pharma observe en préambule que par l’utilisation d’une expression fourre-tout de préjudice moral aggravé, l’appelante a tenté vainement de raccrocher une demande au titre de l’indemnisation d’un prétendu préjudice moral à celle de l’indemnisation du préjudice d’anxiété allégué et ainsi d’amener la cour à statuer sur des demandes ayant déjà fait l’objet d’une décision irrévocable. Elle soutient que l’angoisse que Mme [S] dit ressentir depuis l’adolescence, prétendument en lien avec le suivi qu’aurait impliqué l’exposition in utero au DES., n’a fait l’objet d’aucune demande dans le cadre de ses conclusions d’appel avant cassation de sorte que celles-ci sont irrecevables devant la cour d’appel de renvoi.

Elle observe de surcroît que les demandes fondées sur la nécessité de subir des examens médicaux ont déjà été formulées devant la cour d’appel de Versailles dans l’instance précédente au titre de l’indemnisation des souffrances endurées. Elle soutient par conséquent que toute demande tendant de nouveau à l’indemnisation d’un préjudice en lien avec le suivi gynécologique depuis l’adolescence est irrecevable, à l’exception d’un préjudice prétendu spécifique d’anxiété en lien avec la crainte de développer un cancer.

Elle précise que l’angoisse subie depuis l’adolescence à raison du suivi médical a fait l’objet d’une décision de justice devenue irrévocable suivant laquelle ce suivi et le parcours douloureux invoqué ont pour cause l’endométriose. Elle observe qu’en limitant son pourvoi à l’examen d’un préjudice d’anxiété lié à la crainte de développer une pathologie cancéreuse, Mme [S] a accepté les termes de l’arrêt d’appel qui a pu conclure que tous les autres préjudices invoqués n’étaient pas en lien avec l’exposition in utero au DES.

Mme [S] épouse [R] réplique que sa demande n’est pas nouvelle en cause d’appel mais est le complément direct de ses demandes précédentes qu’elle est parfaitement en droit d’élever contrairement à ce que soutient UCB Pharma.

Appréciation de la cour

L’arrêt de la cour d’appel de Versailles a été cassé faute par celle-ci d’avoir examiné le moyen invoqué par Mme [S] épouse [R] qui faisait valoir qu’elle éprouvait un préjudice spécifique d’anxiété consécutif au risque de cancer lié à son exposition in utero au DES impliquant un suivi médical. La société UCB Pharma ne peut donc sérieusement soutenir que Mme [S] épouse [R] n’avait pas formulé de demande de la sorte avant cassation.

En outre, dans le cadre de la présente instance sur renvoi de cassation, Mme [S] épouse [R] demande la réparation d’un préjudice d’anxiété. Aussi, si pour tenter de l’établir, elle invoque la nécessité de subir des examens médicaux depuis l’adolescence, ces faits sont cette fois invoqués à titre de moyens, ce qui n’est pas de nature à rendre sa demande irrecevable, peu important que ses demandes au titre des souffrances endurées ou du préjudice moral, fondées sur les mêmes moyens, aient été définitivement rejetées par la cour d’appel de Versailles.

Les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la société UCB Pharma seront donc rejetées.

Le bien-fondé de la demande

Au soutien de son appel, Mme [S] fait valoir que lorsque la victime n’a subi aucune atteinte corporelle et se trouve exposée au risque de subir un dommage, elle peut se prévaloir d’un préjudice d’anxiété ou d’angoisse autonome. Elle invoque la jurisprudence, constante d’après elle, qui admet la réparation de l’angoisse indépendante d’une atteinte à l’intégrité corporelle lorsque la victime est exposée à un risque de dommage, la crainte étant qu’il puisse se réaliser. Elle invoque en particulier la jurisprudence relative à l’amiante selon laquelle toute victime justifiant d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété résultant d’une telle exposition peut demander réparation. Elle ajoute que le préjudice d’anxiété a même été retenu en présence d’un risque incertain tel le risque d’exposition à des antennes relais de téléphonie mobile. Elle soutient que son dommage est établi et constitué dès lors que même s’il est définitivement jugé que son parcours d’infertilité n’est pas imputé au DES, il reste que les experts ont décrit par ailleurs son parcours douloureux depuis l’adolescence. Elle maintient qu’elle a été suivie très régulièrement et a subi des examens extrêmement lourds précisément en raison de son exposition au DES de sorte que selon elle, la société UCB Pharma ne peut utilement obvier que ce dommage moral ne pourrait être retenu par la cour de renvoi au motif que l’arrêt de la cour d’appel de Versailles est devenu définitif sur l’absence de lien causal entre l’infertilité et l’exposition au DES. Elle rappelle que l’OMS a classé le DES. comme cancérogène en 2009, celui-ci étant un facteur de risque reconnu pour nombre de cancers de l’appareil génital des femmes. Elle fait valoir que son angoisse est directement imputable à l’exposition médicamenteuse qui aurait dû être évitée si le laboratoire avait respecté ses obligations de prudence et vigilance plutôt que de maintenir sur le marché un médicament inefficace avec de seuls objectifs lucratifs. Elle considère que la cour doit donc nécessairement tenir compte de la politique de marketing du laboratoire qui a été préférée à la précaution du retrait d’un médicament inutile. Par ailleurs, elle calcule son préjudice par rapport à celui des victimes du sang contaminé qui ont obtenu une indemnisation de 300'000 Fr., soit 68'757 euros en euros constants. Elle affirme se trouver dans une situation rigoureusement identique puisqu’elle a été exposée in utero en 1968 à un médicament dont la toxicité est suspectée dès 1938, dont l’efficacité est remise en cause dès 1953 et retiré du marché par la FDA en 1971.

Sur le fond, la société UCB Pharma fait valoir que l’angoisse que le suivi médical de Mme [S] a pu générer est en lien avec la prise en charge d’une endométriose sévère alors que la décision de la cour sur ce sujet est irrévocable de sorte que toute demande d’indemnité au titre du suivi gynécologique devra être déclarée irrecevable et infondée. De plus, elle affirme que le suivi particulier à raison de l’exposition in utero au DES. n’est pas caractérisé depuis l’adolescence contrairement à ce qu’affirme l’appelante. Elle précise qu’aucun des examens subis n’a été justifié à raison de l’exposition in utero au DES. Elle en déduit que l’angoisse invoquée est en réalité en lien avec la prise en charge d’une endométriose sévère et l’infertilité. Elle observe à cet égard que l’angoisse décrite et évoquée lors des opérations d’expertise est en rapport avec le parcours d’infertilité, la prise en charge d’une endométriose sévère et une insuffisance ovarienne. Elle remarque que ces points, discutés dans le cadre des opérations d’expertise, ont amené les experts à considérer qu’il s’agissait des conséquences de l’endométriose. Elle observe en effet que les pouvoirs de la cour de renvoi doivent se limiter à l’examen du préjudice d’anxiété et ne sauraient dès lors inclure l’examen d’un nouveau préjudice moral comme tente de le faire subversivement Mme [S]. Elle relève au demeurant qu’en 2016, Mme [S] évaluait ce préjudice d’anxiété à 15'000 euros alors qu’elle sollicite aujourd’hui 100'000 euros sans produire aucun élément nouveau pour justifier de ce montant. Elle juge la demande tout aussi mal fondée en l’absence de préjudice certain. Elle observe en effet que la réalité du risque de cancer n’est pas démontrée par la littérature médicale la plus récente. Elle ajoute que l’autorité de santé ne recommande pas de suivi mammographique particulier à raison de l’exposition in utero au DES. Elle affirme que la littérature médicale actuelle ne retient pas de lien non plus entre l’exposition et un risque majoré de lésions dysplasiques et de cancer du col. Elle soutient par ailleurs que la réalité de l’anxiété invoquée n’est pas plus démontrée et qu’aucune indemnisation de principe d’un préjudice d’anxiété du seul fait de l’exposition in utero ne saurait être admise. Elle soutient à cet égard que les arrêts rendus par la Cour de cassation depuis 2014 démontrent que celle-ci n’entend pas autoriser l’indemnisation d’un préjudice de principe sans en démontrer la véritable consistance. Elle fait ainsi valoir que les arrêts visés par Mme [S] ne permettent pas de remettre en question l’état du droit positif en la matière. Elle considère en l’espèce que la cour ne saurait se contenter de la simple affirmation de Mme [S] selon laquelle ses examens gynécologiques seraient une source d’angoisse étant rappelé que le suivi gynécologique est en lien avec la prise en charge de l’endométriose et de l’infertilité.

Appréciation de la cour

Pour justifier sa demande, Mme [S] épouse [R] invoque son parcours douloureux depuis l’adolescence marqué par un suivi régulier et lourd en raison de son exposition au DES. Elle estime que son angoisse est directement imputable à cette exposition. Elle demande à la cour de tenir compte de la politique de marketing du laboratoire qui a été préférée à la précaution du retrait d’un médicament inutile.

Or, la réparation d’un préjudice spécifique d’anxiété nécessite de caractériser un’préjudice’personnellement subi et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave. Le préjudice ne saurait donc s’induire du seul comportement du laboratoire.

Parallèlement, la société UCB Pharma confond elle-même préjudice certain et réalité du risque. Ainsi, le risque de dommage, en l’occurrence de développer un cancer suite à l’exposition in utero, génère un préjudice distinct, actuel et certain qu’est l’anxiété résultant de ce risque. Ce préjudice permet ainsi d’appréhender la détresse morale dans laquelle se trouve celui qui, par la faute du défendeur, est exposé au risque anormalement élevé de développer une pathologie grave.

Encore convient-il toutefois de caractériser cette détresse morale et cette anxiété chez le sujet exposé.

La cour observe en premier lieu que les experts judiciaires ont quantifié 2/7 les souffrances psychiques ou morales en raison de l’infertilité, de la ménopause précoce liée, d’après eux, de manière possible à l’exposition in utéro au DES. Force est d’en déduire qu’ils n’ont noté chez Mme [S] épouse [R] aucune anxiété particulière en lien avec le risque de développer une pathologie grave suite à son exposition au DES.

D’ailleurs, elle n’a exprimé auprès des experts aucune doléance de cette nature, l’essentiel des doléances relatées étant relatives à ses importants problèmes gynécologiques, à la souffrance de ne pas avoir pu avoir d’enfants et les problèmes de couple qui ont conduit à son divorce qui l’a amenée à consulter un psychologue. Mme [S] épouse [R] justifie effectivement d’un suivi psychologique de 2009 à 2012. Néanmoins aucun élément du dossier n’est de nature à démontrer qu’il soit en lien avec l’anxiété pour laquelle elle revendique une indemnisation alors que ce suivi s’inscrit dans les suites de son divorce.

Il est à noter également que les attestations qu’elle produit témoignent sans exception de son parcours douloureux en rapport avec les tentatives de fécondation in vitro et l’endométriose et au bout du compte de la souffrance causée par l’impossibilité d’avoir des enfants, sans jamais évoquer une quelconque anxiété en lien avec le risque de développer une pathologie grave.

Il en va de même des dernières pièces qu’elle verse aux débats.

Ainsi Mme [M] [E] [S]-[A] atteste « d’un passé douloureux, celui de ma s’ur, à ce jour dans la douleur et l’angoisse de cette épée de Damoclès au- dessus de sa tête après toutes ses meurtrissures dans son corps de femme : le cancer qui rôde (') tout son parcours de femme rempli de douleurs et d’angoisses portent un nom Distilbene. Oui mais la suite c’est quoi alors ' Le cancer ! voilà l’angoisse qui s’amplifie pour ma s’ur à nouveau (') c’est toute notre famille qui est touchée par cette histoire de femme mutilée dans son corps, son intimité, sa légitimité d’être sexuée. C’est si dur, si triste, si touchant » (pièce I-46).

De même, sa nièce Mme [O] [A] atteste de la « souffrance psychique et de la douleur physique que ma tante a subi. En effet, j’ai toujours observé chez ma tante une attention soutenue portée sur cette question du DES (') Etant psychologue clinicienne à l’hôpital d'[Localité 7] et spécialisée en victimologie, je me permets de souligner qu’il me semble avoir constater un syndrome anxio-dépressif chronique et caractérisé par cette situation, attestant ainsi du statut de victime de ma tante » (pièce I-45)

Enfin, le Dr [K] certifie le 8 janvier 2020 « suivre sur le plan gynécologique Mme [R] qui dit avoir été exposée au DES. Cette situation lui impose un suivi gynécologique régulier et rapproché avec, en particulier un suivi des pathologies du col utérin par frottis et sénologique avec une imagerie appropriée » (pièce I-47).

Ces pièces ne témoignent nullement de l’anxiété que Mme [S] épouse [R] dit ressentir.

En effet, l’affirmation de sa s’ur : «Le cancer ! voilà l’angoisse qui s’amplifie pour ma s’ur à nouveau » relève d’une pétition de principe et ne renferme aucune constatation circonstanciée.

Sans que les souffrances de Mme [S] épouse [R] en lien avec son parcours d’infertilité doivent pour autant être minimisées, celle-ci, faute de tout élément objectif tel que suivi psychologique ou encore certificats médicaux, manque à faire la preuve qu’elle vit dans un climat d’inquiétude permanente de développer une pathologie grave suite à son exposition in utéro au DES. Il n’y a pas lieu par conséquent, en l’espèce, de déterminer si ce risque est avéré.

Mme [S] épouse [R] sera donc déboutée de sa demande au titre du préjudice spécifique d’anxiété.

Les demandes de M. [R]

La recevabilité de ces demandes

La société UCB Pharma invoque l’irrecevabilité de ces demandes dès lors que par arrêt du 23 novembre 2017, la cour d’appel de Versailles a débouté celui-ci de l’intégralité de ses demandes en ce compris celles relatives à l’indemnisation d’un préjudice moral et n’a pas été cassée à cet égard.

M. et Mme [R] indiquent qu’en l’état de la cassation partielle, la Cour d’appel est saisie du chef du préjudice moral d’anxiété de Mme [R] en lien avec son exposition au DES et du préjudice par ricochet nécessairement subi par son mari.

Appréciation de la cour

Selon l’article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

En l’espèce, l’arrêt de cassation du 19 juin 2019 a cassé et annulé, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation formée par Mme [S], épouse [R], au titre de son préjudice spécifique d’anxiété, l’arrêt rendu le 23 novembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles.

Il en résulte que la disposition de l’arrêt du 23 novembre 2017 de la cour d’appel de Versailles ayant débouté M. [R] de sa demande en réparation de son préjudice moral par ricochet n’est pas atteinte par la cassation et se trouve ainsi définitive de sorte que la demande qu’il présente à ce titre devant la cour de renvoi est irrecevable, cette demande n’étant de plus nullement indivisible de celle de son épouse.

Les demandes accessoires

Compte tenu du sens du présent arrêt M. et Mme [R], en tant que partie perdante tenue aux dépens, seront déboutés de leur propre demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité ne commande pas de faire applications desdites dispositions au bénéfice de la société UCB Pharma qui sera par conséquent déboutée de sa demande en ce sens.

Les dépens pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt CONTRADICTOIRE et mis à disposition, et dans les limites de la cassation prononcée le 19 juin 2019,

DIT que la demande en réparation du préjudice spécifique d’anxiété n’est pas prescrite,

En conséquence,

REJETTE les exceptions d’irrecevabilité soulevées par la société UCB Pharma,

DÉCLARE irrecevable devant la cour d’appel de renvoi la demande de M. [R] en réparation de son préjudice moral par ricochet,

DÉBOUTE Mme [S] épouse [R] de sa demande au titre du préjudice spécifique d’anxiété,

DÉBOUTE chaque partie de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. et Mme [R] aux dépens en ce compris ceux de l’instance cassée,

DIT que les dépens pourront être recouvré conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 2 février 2021, n° 19/08435