Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 23 mars 2021, n° 18/06749

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Chronologie de l’affaire

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Alexandre Zollinger · L'ESSENTIEL Droit de la propriété intellectuelle · 1er juin 2021
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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 1re ch. 1re sect., 23 mars 2021, n° 18/06749
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/06749
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 29 août 2018, N° 15/11641
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

1re chambre 1re section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 79Z

DU 23 MARS 2021

N° RG 18/06749

N° Portalis DBV3-V-B7C-SVYH

AFFAIRE :

G X

C/

SA […]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Août 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° Section :

N° RG : 15/11641

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— la SCP BUQUET- ROUSSEL-DE CARFORT,

— la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur G X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

représenté par Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 334 – N° du dossier 20918

Me G PUDLOWSKI, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : K0122

Me Jean-Philippe HUGOT, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : C2501

APPELANT

****************

SA […]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[…]

[…]

représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20181070

Me Marie-Christine DE PERCIN, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : E1301

Me Christophe CARON de l’AARPI Cabinet Christophe CARON, avocat plaidant – barreau de PARIS, vestiaire : C0500

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Janvier 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne LELIEVRE, Conseiller et Madame Nathalie LAUER, Conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

Entre le 21 avril 1965 et le 1er février 1989 M. G X a collaboré en qualité de reporter photographe salarié et de photographe indépendant de janvier 1964 à mars 1965 et de mars 1989 à juin 1994, à la réalisation du magazine B, édité successivement par les sociétés Presse-Office, Editions des savanes, Cogedipresse puis, à compter du 15 mai 1998, la société Hachette Filipacchi Presse.

Il expose qu’ont été publiées dans ce magazine, sous son nom ou l’un de ses pseudonymes, 8.188 de ses photographies, principalement de charme, provenant de 814 reportages, dont 1.896 dans les magazines publiés de janvier 1964 à mars 1965 et de février 1989 à juin 1994, alors qu’il n’était pas salarié, mais que chaque reportage impliquait la prise d’environ 3.600 clichés et qu’il a réalisé, a minima, 2.930.400 clichés pour le compte des sociétés éditrices successives du magazine B.

Il indique en outre que l’ensemble de ces clichés était remis et archivé par la société éditrice au fur et à mesure de leur réalisation et qu’au moins 710 doublons qu’il a réalisés ont été transmis aux versions étrangères japonaises, espagnoles et américaines du magazine B pour une publication dans ces revues.

Un différend est né entre M. X et la société Hachette Filipacchi Presse à la suite de la rupture de leurs relations professionnelles, en particulier, d’une part, quant à l’exploitation des clichés dont il dit être l’auteur, et il précise avoir obtenu à plusieurs reprises la condamnation de la société Hachette Filipacchi Presse ou de sociétés qui B sont liées pour contrefaçon de ses droits d’auteur, et, d’autre part, quant à la propriété des supports matériels (ektas) desdites photographies réalisées en qualité de salarié ou de photographe indépendant et dont M. X a sollicité la restitution auprès de la société Hachette Filipacchi Presse.

M. X a fait assigner la société Hachette Filipacchi Presse en référé devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre pour obtenir la restitution de ses clichés, l’établissement d’un inventaire de ceux-ci par huissier de justice et le versement d’une provision de 2.000.000 d’euros. Par ordonnance du 28 août 2008 confirmée par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 20 mai 2009, la juridiction a estimé n’y avoir lieu à référé en raison de contestations sérieuses relatives au contrat de travail et au licenciement de M. X.

Afin de voir trancher la question de la propriété des supports matériels des photographies conservées dans ses archives et réalisées par M. X dans le cadre de son contrat de travail, la société Hachette Filipacchi Presse a saisi le conseil des prud’hommes de Nanterre le 9 juillet 2008.

Par décision du 23 octobre 2009, le conseil des prud’hommes de Nanterre, en formation de départage, a retenu sa compétence pour statuer sur la question de la propriété de ces supports pour les clichés réalisés dans le cadre du contrat de travail, mais a renvoyé à la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre les demandes reconventionnelles de M. X au titre de ses droits d’auteur.

Par ordonnance du 7 avril 2011, le juge de la mise en état de ce tribunal a retenu sa compétence pour les clichés réalisés en dehors de la période du contrat de travail et ordonné un sursis à statuer dans l’attente de la décision du conseil des prud’hommes.

Par décision du 1er mars 2013 assortie de l’exécution provisoire, le juge départiteur du conseil des prud’hommes de Nanterre a principalement dit que la société Hachette Filipacchi Presse rapportait la preuve de l’existence de son droit de propriété corporelle sur les supports matériels des clichés réalisés par M. X du 1er avril 1965 au 1er février 1989, ordonné à la société de communiquer au photographe une liste des clichés réalisés sous son nom ou l’un de ses pseudonymes accompagnés de planches contact couleur ou l’équivalent reprenant l’intégralité de ces clichés en couleur, et sursis à statuer dans l’attente de cette liste sur la demande d’indemnisation formulée par M. X en cas de perte de clichés par la société Hachette Filipacchi Presse.

La société Hachette Filipacchi Presse a fait dresser le 8 juillet 2013 un procès-verbal par huissier de justice constatant un tableau recensant les supports pour 5.320 photographies parues dans le magazine B et 3.170 supports de sélection autour des reportages parus, lesquels, selon l’huissier de justice instrumentaire qui a procédé par échantillonnage, sont conservés au sein de la photothèque de la société Hachette Filipacchi Presse classés chronologiquement et sont en bon état de conservation.

Par arrêt du 26 mai 2015, la cour d’appel de Versailles a :

— infirmé le jugement du 1er mars 2013 à l’exception notamment des dispositions relatives aux dates de la période contractuelle et à la remise par la société Hachette Filipacchi Presse d’une liste des clichés de M. X en sa possession,

— dit que M. X est propriétaire du support matériel des photographies qu’il a réalisées pendant l’exécution de son contrat de travail,

— ordonné en conséquence la restitution de l’ensemble des originaux des photographies mentionnées dans l’inventaire dressé selon procès-verbal d’huissier de justice du 8 juillet 2013,

— déclaré irrecevables ou mal fondées toutes autres demandes de M. X,

— déclaré la société Hachette Filipacchi Presse mal fondée en ses demandes et l’en a déboutée.

M. X s’est désisté de son pourvoi devant la Cour de cassation à l’encontre de cet arrêt en octobre 2015.

C’est dans ces circonstances que, par jugement rendu le 30 août 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

— Rejeté la demande de révocation de l’ordonnance de clôture sollicitée par M. G X,

— Dit irrecevables les demandes de M. G X tendant à la réparation de son préjudice résultant de la perte avérée des photographies qu’il a réalisées lorsqu’il était salarié,

— Débouté M. G X de sa demande de restitution des supports matériels des photographies qu’il a réalisées avant le 1er avril 1965 et après le 1er février 1988 pour le magazine B,

— Débouté M. G X de l’ensemble de ses demandes au titre de la perte d’exploitation liée au refus de restituer les 8.683 photographies qu’il a réalisées lorsqu’il était salarié et des 1.896 clichés réalisés en qualité d’indépendant,

— Débouté M. G X de l’ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon du droit d’auteur,

— Débouté M. G X de l’ensemble de ses demandes au titre de l’abus du droit de

propriété,

— Débouté la société Hachette Filipacchi Presse de ses demandes reconventionnelles au titre de la procédure abusive et de condamnation de M. G X à une amende civile,

— Condamné M. G X à payer à la société Hachette Filipacchi Presse la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamné M. G X aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

M. X a interjeté appel de cette décision le 2 octobre 2018 à l’encontre de la société Hachette Filipacchi Presse.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 juin 2019, M. X demande à la cour, au fondement des articles 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, 1er du 1er protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 544, 545, 570, 571, 1315, 1915, 1921 et 1932 du code civil, L. 111-1, L. 111-3, L. 113-1, L. 121-1, L. 121-2, L. 122-1, L. 122-4, L. 123-1, L. 331-1-4

et L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, (88 pages) de :

— Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 30 août 2018,

— Constater que la société Hachette Filipacchi Presse n’a jamais rien payé au titre de la réalisation de ses photographies par B et n’a jamais racheté les archives photographiques de B aux différents éditeurs du magazine B successifs.

— Dire et juger qu’il est seul propriétaire des supports matériels (ektachrome, kodachrome et tout autre document permettant de réaliser des tirages) des photographies qu’il a réalisées pour le magazine B avant le 1er avril 1965 et après le 1er février 1989, c’est-à-dire lorsqu’il n’était pas ou plus salarié de la société éditrice du magazine B.

— Subsidiairement, dire et juger qu’il a acquis la propriété des supports matériels des

photographies réalisées pour le magazine B avant le 1er avril 1965 et après le 1er février 1989, en application de la théorie de l’accession.

— Dire et juger que :

* par arrêt du 26 mai 2015 ayant autorité de la force jugée, la cour d’appel de Versailles a reconnu que « M. X est demeuré titulaire de ses droits d’auteur sur l’ensemble des photographies réalisées pour B » et constaté que dans son courrier du 4 septembre 2009 la société Hachette Filipacchi Presse n’a pas contesté « les droits de propriété incorporelle de M. X »,

* la société Hachette Filipacchi Presse a consenti un « contrat de licence » sur les photographies présentes dans ses archives et ainsi reconnu ses droits d’auteur sur les photographies présentes dans ses archives,

* le jugement entrepris a renversé la charge de la preuve en retenant qu’il B revenait de rapporter la preuve du caractère original des photographies restituées par la sociétéHachette Filipacchi Presse et

publiées dans le magazine B alors qu’il existe une présomption d’originalité sur ces photographies,

* il rapporte la preuve qu’il a remis à la société Hachette Filipacchi Presse les supports matériels (ektachromes) des 814 reportages (ou sujets) réalisés pour le magazine B entre 1964 et 1994 (soit 2 930 400 photographies), dont 8 188 photographies ont été publiées dans la seule version française du magazine B,

— Prendre acte que la société Hachette Filipacchi Presse avait, comme il l’a toujours soutenu, conservé les supports matériels des photographies réalisées par B en vue de leur publication et ce jusqu’à leur restitution en septembre 2015.

— Dire et juger que :

* la société Hachette Filipacchi Presse ne rapporte pas la preuve qu’elle a restitué l’intégralité des photographies qui B ont été remises par B, autre que les 8.683 photographies qui furent restituées en septembre 2015 après 15 ans de procédure,

* le refus de la société Hachette Filipacchi Presse de restituer pendant plus de treize ans et sans aucune raison ses 8.683 photographies qu’elle détenait B a causé un préjudice d’exploitation qu’il convient de réparer.

— Se déclarer compétente pour indemniser le préjudice subi par B consécutif à la perte de ses photographies tel que cela résulte de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 26 mai 2015, ayant autorité de la force jugée, qui a reconnu que « conformément au jugement définitif du 23 octobre 2009, le conseil des prud’hommes et, présentement, la cour ne sauraient connaître des demandes de M. X tendant à l’indemnisation, par la société Hachette Filipacchi Presse, du préjudice consécutif à la perte de certaines de ses photographies et à l’impossibilité d’en exploiter d’autres en raison du refus que B a opposé la société de les mettre à sa disposition ».

— Dire et juger que :

* la société Hachette Filipacchi Presse est également tenue de l’indemniser du préjudice que B a causé la perte de 1 067 photographies publiées dans l’édition française du magazine B, de 710 photographies publiées dans ses versions étrangères et de 2 315 140 photographies inédites qui B avaient pourtant été remises et qui n’ont pas été restituées,

* il est l’auteur des 5.225 photographies numérisées dans les bases de données de la société Hachette Filipacchi Presse et que ces photographies sont originales,

* en numérisant et en intégrant dans ses bases de données ses 5.225 photographies, la société Hachette Filipacchi Presse s’est rendu coupable de contrefaçon.

—  subsidiairement, dire et juger que le refus de la société Hachette Filipacchi Presse de l’autoriser à accéder à ses 'uvres est un abus de droit de propriété au sens de l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, qu’il convient de réparer,

En conséquence,

I - Concernant les photographies réalisées avant le 1er avril 1965 et après le 1er février 1989 :

— Ordonner à la société Hachette Filipacchi Presse d’avoir à restituer les supports matériels (ektachromes, kodachrome et tout autre document permettant de procéder à des tirages) des photographies réalisées par B avant le 1er avril 1965 et après le 1er février 1989 pour le magazine B dans un délai de 30 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir et ce sous astreinte de

5.000 euros par jour de retard,

II - Sur la réparation du préjudice résultant de la perte avérée des photographies réalisées par B lorsqu’il était salarié et remises à la société Hachette Filipacchi Presse :

— Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 11.737 000 euros en réparation du préjudice lié à la perte avérée de 1.067 des photographies publiées dans l’édition française du magazine B et dont la valeur unitaire est évaluée à 11.000 euros par M. Y et qui en tout état de cause ne saurait être inférieure à 2.500 euros par photographie, selon l’estimation faite par M. Z.

— Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 7.810.000 euros en réparation du préjudice lié à la perte avérée de 710 photographies publiées dans les éditions espagnoles, japonaises et américaines du magazine B et dont la valeur unitaire est évaluée à 11.000 euros par M. Y et qui en tout état de cause ne saurait être inférieure à 2.500 euros par photographie, selon l’estimation faite par M. Z.

— Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 115.757.000 euros en réparation du préjudice lié à la perte avérée de 2.315.140 photographies inédites (non publiées), dont la valeur unitaire est évaluée à 50 euros.

— Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 2.000.000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la perte avérée des supports matériels de 2.316.917 photographies réalisées par B en qualité de photographe salarié.

III - Sur la réparation du préjudice résultant de la perte d’exploitation liée au refus de la société Hachette Filipacchi Presse de B restituer les 8 683 photographies qu’elle détient et réalisées par B lorsqu’il était salarié :

— Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 17.747.164 euros en réparation du préjudice patrimonial résultant de la perte d’exploitation lié au refus de la société Hachette Filipacchi Presse de B restituer, sans aucune raison et pendant plus de treize ans, ses 10.589 photographies qu’elle détient.

— Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 1.000.000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l’impossibilité pour B de pouvoir exploiter les 10.589 photographies détenues par la société Hachette Filipacchi Presse sans droit et dont elle a refusé toute restitution.

IV - Sur la condamnation de la société Hachette Filipacchi Presse en raison des agissements contrefaisants commis du fait de la numérisation et de l’exploitation de plus de 5.000 photographies de M. X, sans aucun droit ni autorisation de sa part :

— Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 1.567.500 euros en réparation du préjudice patrimonial et 250.000 euros en réparation du préjudice moral, résultant des agissements contrefaisants du fait de la numérisation de 5.225 photographies.

— Prendre acte que la société Hachette Filipacchi Presse s’engage à effacer toute trace de reproduction papier et de fichier numérique de ses photographies à l’issue du litige.

— Ordonner à la société Hachette Filipacchi Presse d’avoir à B restituer l’ensemble des fichiers numériques de ses photographies qu’elle a numérisé, la société Hachette Filipacchi Presse ne devant en conserver aucune copie, cette restitution devant être réalisée sous le contrôle d’un huissier de justice dont les frais seront à la charge de la société Hachette Filipacchi Presse, dans un délai de 30

jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par photographie non restituée.

V - A titre subsidiaire, sur la condamnation de la société Hachette Filipacchi Presse pour abus du droit de propriété :

— Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 17.747.164 euros sur le fondement de l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle en réparation de la perte d’exploitation de ses photographies, du fait du refus abusif de la société Hachette Filipacchi Presse de B en autoriser l’accès pour pouvoir les exploiter.

VI - En tout état de cause :

— Débouter la société Hachette Filipacchi Presse de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

— Débouter la société Hachette Filipacchi Presse de ses demandes reconventionnelles en procédure abusive et au paiement d’une amende civile.

— Dire et juger :

* les allégations de la société Hachette Filipacchi Presse sur le nombre de ses photographies, l’évaluation de sa côte, les ventes aux enchères de ses photographies et leurs résultats ainsi que le nombre de photographies potentiellement vendues par an, factuellement fausses et dénuées de fondement,

* qu’il ne relève pas de la compétence de la cour d’appel de statuer sur les compétences et connaissances d’un expert du marché de la photographie ni de faire sienne des jugements de valeur d’experts désignés par la défenderesse.

— Débouter la société Hachette Filipacchi Presse de sa demande dilatoire de voir commettre l’expert de son choix.

— Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 150.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, qui seront recouvrés, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 janvier 2020, la société Hachette Filipacchi presse demande à la cour, au fondement des articles L. 111-3 et L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle, 544 et 1355 du code civil, 480 et 232 du code de procédure civile, 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (152 pages) de :

—  Confirmer le jugement de première instance en date du 30 août 2018 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle en procédure abusive et au paiement d’une amende civile,

Et, statuant de nouveau,

—  Dire et juger que l’ensemble des frais d’acquisition, réalisation, développement, tirage des supports corporels des clichés réalisés par M. X pour le magazine « B », en dehors de son contrat de travail, a été intégralement financé par elle et dire et juger que la propriété corporelle des clichés revient à celui qui les a financés et que la théorie de l’accession, invoquée par M. X à titre subsidiaire, est inapplicable en l’espèce,

En conséquence,

—  Dire et juger que :

* elle est propriétaire corporelle de l’ensemble des supports matériels des clichés réalisés par M. X pour le magazine B en dehors de son contrat de travail, soit avant le 1er avril 1965 et après le 1er février 1989 et débouter M. X de sa demande de restitution des quelques supports matériels des photographies réalisées avant le 1er avril 1965 et après le 1er février 1989,

* il est désormais acquis qu’elle n’avait pas vocation à conserver l’ensemble des clichés des photographes du magazine B ainsi que jugé par la cour d’appel de Versailles du 26 mai 2015 avec autorité de la chose jugée et dire et juger que les demandes de M. X au titre de la prétendue perte de ses clichés par elle se heurtent à l’autorité de la chose jugée,

* conformément à l’autorité de chose jugée par la cour d’appel de Versailles, « M. X ne peut prétendre à l’existence d’un contrat de dépôt conclu avec la société la société Hachette Filipacchi Presse quant aux divers clichés réalisés par B », étant « exclu que la société la société Hachette Filipacchi Presse se soit vu confier par M X le soin de conserver ces clichés »,

* en tout état de cause, conformément à l’autorité de chose jugée, M. X ne justifie pas de la preuve de la remise de ses clichés à elle, « aucun écrit en ce sens n’a jamais été signé par la société Hachette Filipacchi Presse et il n’est justifié d’aucun élément démontrant que celle-ci a donné son accord ».

—  Prendre acte de ce que les seuls clichés de M. X aux archives de la société Hachette Filipacchi Presse pour la période de 1965 à 1989 sont ceux qui ont été restitués à M. X, soit 8.683 photographies,

En conséquence,

—  Débouter M. X de l’ensemble de ses demandes d’indemnisation pour la prétendue perte des clichés non restitués.

Et

—  Déclarer irrecevable M. X à prétendre à une protection globale de la loi sur le droit d’auteur et notamment l’article L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle au titre de son fonds de photo de charme réalisé pour B, dire et juger qu’il n’existe pas de présomption d’originalité et que la notion d’originalité est d’ordre public, dire et juger qu’il doit justifier du caractère d''uvre de l’esprit de chacune des 8683 photos de charme qui B ont été restituées sur lesquelles il demande la protection du droit d’auteur, dire et juger qu’il incombe à M. X de justifier, photo par photo, de sa paternité sur des photos dont, par exemple, plus de 10 % des photos restituées sont co-attribuées à d’autres photographes et 278 n’ont pas été décomptées comme ayant fait l’objet de re-parutions.

—  Dire et juger que :

* M. X ne justifie pas de la perte de chance depuis 2008 d’une éventuelle exploitation de ses clichés réalisés dans le cadre de son contrat de travail qui n’est ni réelle, ni sérieuse, ni raisonnable, dans la mesure où rien ne prouve que des tirages issus des clichés restitués, auraient pu être sérieusement exploités sur le marché de la photographie et que bien au contraire, preuve est rapportée de l’absence de marché, de l’absence de valeur et de l’absence de vente des photos réalisées pour le magazine B,

* de plus fort que M. X ne justifie pas de la perte de chance depuis 2008 d’une éventuelle exploitation de ses rares clichés conservés aux archives réalisés hors contrat de travail,

* les demandes en indemnisation de M. X portent sur un nombre erroné et indéterminé de photographies, contesté par elle, dont nombre d’entre elles n’ont jamais figuré aux archives, n’ont fait l’objet d’aucun dépôt, ont été pour partie co- attribuées,

* l’évaluation du nombre de tirages issus de ces clichés que M. X aurait prétendument pu vendre sur le marché de l’art depuis 2008 (voire même depuis 2003), ainsi que le prix prétendu de vente de ces tirages, sont totalement invraisemblables, et de mauvaise foi, contraires à la réalité du marché de la photo et ne se fondent sur aucun élément probant, qu’il s’agisse de l’avis de l’ «expert » en bandes dessinées, M. Y, contesté par son propre employeur, ou du faux raisonnement par analogie avec l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles dans un autre dossier,

* il résulte des rapports d’expertise de l’expert en photographie, M. Z, qu’au vu des différents critères des photos réalisées par M. X pour le magazine B et données par elle en septembre 2015 (photo de charme couleur, photo de presse, absence de cotation des photos de charme, absence d’intérêt des collectionneurs pour des tirages de photos de charme, rareté des ventes de photo de charme sur le marché, faible capacité d’absorption du marché pour ce type de photos, faible montant des estimations et des prix de vente déduction faite des coûts de fabrication des tirages et des commissions de vente), M. X aurait tout au plus vendu 3 à 4 tirages par an des clichés réalisés pour B, soit 30 à 40 tirages sur 10 ans, au prix unitaire de 90 euros la photo,

* M. A de M-N et I J, consultés par M. X, ont refusé de vendre les photos de charme de B considérant qu’il n’y avait pas de clients, ni de marché pour ces photos, dire et juger que M. A de M-N et I J ont attesté que le rapport de M. Y traduisait une « méconnaissance totale du marché de la photographie » et était de « mauvaise foi »,

* les photos réalisées pour B sont des photos de commande, dont la quasi-totalité concerne des photos de charme, certains sujets étant relatifs à des publicités de voiture ou de mode, et de rares sujets de personnalités,

* les seuls résultats de ventes de photos de M. X ne concernent pas les photos de commande réalisées pour B mais des photos bien connues de M, X, réalisées à des dates bien postérieures, sans aucun lien ni comparaison avec les photos de charme, de publicité ou de mode de commande de la période de collaboration pour B.

—  Subsidiairement, dire et juger que la vente du 3 mai 2016 organisée par Paris Match avec M. A de M-N et I J, « la passion du photo journalisme », n’a aucun impact sur la valorisation prétendue du fonds de photos réalisées par M. X pour B, pas plus que les trois tirages vendus le 3 octobre 2016.

En tant que de besoin,

—  Commettre aux débats et entendre l’expert en photo M. Z pour fournir toute information sur les éléments étayant ses rapports versés aux débats,

En conséquence,

—  Débouter M. X de l’intégralité de ses demandes d’indemnisation au titre de la perte de chance d’exploitation des clichés restitués, ainsi que des demandes au titre d’un prétendu préjudice moral.

En tout état de cause,

—  Débouter M. X de sa demande en contrefaçon du fait de la prétendue numérisation non autorisée des clichés, en raison notamment de l’absence de preuve du caractère d''uvre de l’esprit des photos remises en septembre 2015 et encore de ce que les quelques planches contact numérisées par elle a été réalisée dans le cadre d’une décision de justice, pour compléter les copies de planches contact papier, et dans le but de conserver une trace des photos restituées en septembre 2015 et de justifier de l’absence de caractère d''uvre de l’esprit des clichés restitués.

—  B donner acte qu’elle s’engage à effacer toute trace de reproduction papier et de fichier numérique des photos de M. X dès l’obtention d’une décision définitive sur les différents chefs de demande reconventionnelle de M. X ou d’une transaction ou médiation mettant fin à la présente instance.

—  Débouter M. X de sa demande en remise forcée des fichiers numériques réalisés par elle pour les besoins de la procédure qui s’analyse comme une expropriation et une mesure contraire au droit à un procès équitable, du fait de la nécessité de conserver des preuves de la remise et de l’absence de caractère d''uvre de l’esprit des clichés restitués.

—  Débouter M. X de sa demande subsidiaire pour abus de son droit de propriété.

—  Débouter M. X de sa demande en indemnisation d’un prétendu préjudice moral inexistant, en l’absence de tout empêchement de divulgation d''uvres de l’esprit de M. X.

—  Débouter M. X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

- Condamner M. X à B verser la somme de 15.000 euros pour procédure abusive, ainsi qu’une amende civile de 3 000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile.

—  Condamner M. X à B verser la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens qui pourront être recouvrés sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 20 février 2020.

SUR CE, LA COUR,

A titre liminaire,

—  Le rejet des débats du livre sur X édité en 2017 chez Assouline

Au cours de l’audience de plaidoirie, le conseil de M. X a remis à la cour un ouvrage sur X édité en 2017 chez Assouline.

Par note du 25 janvier 2021, transmise par le canal du réseau privé virtuel des avocats, le conseil de la société Hachette Filipacchi Presse demande le rejet des débats de ce livre qui n’a pas été régulièrement communiqué à la société Hachette Filipacchi Presse et qui ne figure pas sur le bordereau des pièces communiquées à la cour.

Par note du 28 janvier 2021, le conseil de M. X admet que cet ouvrage en tant qu’objet physique n’a pas été communiqué, même si, selon B, la substance même de cet ouvrage l’a été. Compte tenu des protestations de son adversaire et afin d’éviter, selon B, toute polémique oiseuse, il retire l’ouvrage en tant qu’objet de sa communication.

La cour écartera dès lors des débats cet ouvrage.

—  Les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile

La cour rappelle que l’article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions.

Par prétention, il faut entendre, conformément aux dispositions de l’article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu’il soit tranché un point litigieux.

Par voie de conséquence, les 'dire et juger’ et les 'constater’ ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l’examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif.

La cour ne répondra de ce fait à de tels 'dire et juger’ qu’à condition qu’ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée au dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.

Sur les limites de l’appel,

Bien qu’au dispositif de ses dernières écritures M. X demande l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions, il est patent que l’appelant ne développe aucun moyen de fait ou de droit de nature à remettre en cause l’appréciation des premiers juges sur l’application de l’article 784, alinéa 1er, du code de procédure civile.

Le jugement en ce qu’il rejette la demande de M. X aux fins de révocation de l’ordonnance de clôture sera dès lors confirmé.

À l’exception de ce chef du dispositif du jugement qui n’est pas sérieusement discuté, M. X poursuit l’infirmation des autres chefs du jugement déféré.

Des écritures ci-dessus visées, il apparaît donc que le débat en cause d’appel se présente dans les mêmes termes qu’en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant le premier juge.

Au dispositif de ses dernières écritures (pages 83 et 84), M. X sollicite ainsi l’infirmation du jugement et la condamnation de la société Hachette Filipacchi Presse à :

1) B restituer les supports matériels (ektachromes, kodachrome et tout autre document permettant de procéder à des tirages) des photographies réalisées par B avant le 1er avril 1965 et après le 1er février 1989 (soit alors qu’il exerçait comme photographe indépendant) pour le magazine B dans un délai de 30 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard ;

2) B verser diverses sommes en réparation du préjudice résultant de la perte avérée des photographies réalisées par B lorsqu’il était salarié et qui ont été remises à la société Hachette Filipacchi Presse ;

3) B verser des sommes en réparation de ses préjudices patrimonial et moral résultant de la perte d’exploitation liée au refus de la société Hachette Filipacchi Presse de B restituer les 8.683 photographies qu’elle détenait et qu’il avait réalisées lorsqu’il était salarié ;

4) B verser diverses sommes en réparation de ses préjudices patrimonial et moral résultant des

agissements contrefaisants commis du fait de la numérisation et de l’exploitation de plus de 5.000 photographies réalisées par B sans aucun droit ni autorisation de sa part.

A titre subsidiaire, M. X sollicite la condamnation de la société Hachette Filipacchi Presse à B verser des sommes en réparation de la perte d’exploitation de ses photographies en raison du refus abusif de la société Hachette Filipacchi Presse de B en autoriser l’accès pour pouvoir les exploiter.

La société Hachette Filipacchi Presse poursuit la confirmation du jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur la réparation du préjudice résultant de la perte matérielle alléguée des photographies réalisées par M. X lorsqu’il était salarié et, selon B, remises à la société Hachette Filipacchi Presse

Se fondant sur les dispositions des articles 1351 du code civil, 480 et 122 du code de procédure civile, le premier juge a retenu que les demandes d’indemnisation de M. X en raison de la perte par la société Hachette Filipacchi Presse de 2.316.917 originaux de photographies réalisées pendant son contrat de travail étant présentées devant B entre les mêmes parties, formées pour elles et contre elles en la même qualité, fondées sur la même cause, ayant le même objet que celle formée devant la cour d’appel de Versailles qui l’a tranchée dans son dispositif, se heurtent à l’autorité de la chose précédemment jugée et sont donc irrecevables.

—  Moyens des parties

M. X poursuit l’infirmation du jugement de ce chef et prétend que le premier juge a mal interprété l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 26 mai 2015 qui a déclaré la juridiction prud’homale incompétente à la suite du jugement du tribunal de prud’hommes du Nanterre du jugement mis à disposition le 1er mars 2013 relativement à ses demandes reconventionnelles portant sur ses demandes indemnitaires au titre tant de la perte de ses photographies que celles portant sur l’exploitation de ses droits d’auteur et l’a renvoyé devant le tribunal de grande instance de Nanterre seul compétent sur ces demandes fondées sur les dispositions du code de la propriété intellectuelle.

La société Hachette Filipacchi Presse poursuit la confirmation du jugement de ce chef et soutient que c’est par de justes motifs que le premier juge a retenu que les demandes indemnitaires de M. X portant sur la perte matérielle de ses photographies réalisées lorsqu’il était salarié et remises à elle avaient été examinées et tranchées de manière irrévocables.

Appréciation de la cour

Contrairement à ce que soutient M. X, il résulte incontestablement du jugement du 23 octobre 2009 rendu par le conseil de prud’homme (CPH) de Nanterre (pièce 53 produite par la société Hachette Filipacchi Presse), ce qui a été rappelé en page 2 du jugement déféré, que la juridiction prud’homale s’est déclarée compétente pour statuer sur le litige opposant la société Hachette Filipacchi Presse à M. X et ayant trait à la propriété des supports pour les clichés réalisés dans le cadre de son contrat de travail, mais a renvoyé à la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre les seules demandes reconventionnelles de M. X sur le fondement des droits d’auteur (voir le dispositif du jugement en page 9).

Le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 1er mars 2013 a du reste expressément indiqué (page 2 de ce jugement) que (souligné par la cour) 'Dans le jugement rendu le 23 octobre 2009, le CPH de Nanterre en formation de départage a décidé, sur la demande formée par la société Hachette Filipacchi Presse à l’encontre de M. X et portant sur la compétence de cette juridiction pour statuer sur l’existence du contrat de travail entre les parties et sur la propriété des supports matériels des photographies réalisées par M. X dans ce cadre, qu’il s’agissait bien d’un litige d’ordre individuel s’élevant entre un salarié et son employeur, à l’occasion du contrat de travail qui les lie et ce indépendamment de toute question relative à la propriété littéraire et artistique relevant de la demande reconventionnelle de la compétence du seul tribunal de grande instance'.

Et au dispositif ce jugement du 1er mars 2013, le CPH de Nanterre a, en particulier, (matérialisé en caractères 'gras’ par cette cour) :

— Dit que la société Hachette Filipacchi Presse rapporte la preuve de l’existence de son droit de propriété corporelle sur les supports matériels des clichés réalisés par M. X du 1er avril 1965 au 1er février 1989 dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail à durée indéterminée ;

— Rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription acquisitive trentenaire,

— Rejeté le moyen tiré de la théorie de la spécification ou de l’existence d’un contrat de dépôt au profit de M. X,

— Reçu M. X en sa demande reconventionnelle et ordonné à la société Hachette Filipacchi Presse de communiquer à M. X une liste des clichés réalisés par M. X ou réalisés sous l’un de ses pseudonymes (…) dont elle revendique dans le cadre de la présente instance la propriété du support matériel, accompagnés de planches contact couleur ou l’équivalent reprenant l’intégralité de ces clichés en couleur, aux seuls frais de la demanderesse, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai de 6 mois à compter de la décision à intervenir,

— Ordonné le sursis à statuer sur la demande d’indemnisation relative à des supports photographiques pris par M. X dans le cadre de la période contractuelle en cas de perte par la société Hachette Filipacchi Presse.'

Sur appel de M. X à l’encontre de cette décision, la cour d’appel de Versailles par arrêt du 26 mai 2015 a (matérialisé en caractères 'gras’ par la cour) :

— Infirmé le jugement entrepris, à l’exception des dispositions relatives aux dates de la période contractuelle, à la remise par la société Hachette Filipacchi Presse d’une liste de clichés de M. X en sa possession, aux frais irrépétibles de M. X et aux dépens ;

Statuant à nouveau pour le surplus,

— Dit que M. X est propriétaire du support matériel des photographies qu’il a réalisées pendant l’exécution de son contrat de travail le liant à la société Hachette Filipacchi Presse ;

— Ordonné, en conséquence, à la société Hachette Filipacchi Presse, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, commençant à courir trois mois après la notification de cet arrêt, de restituer l’ensemble des originaux des photographies mentionnées dans l’inventaire dressé selon procès-verbal d’huissier de justice du 8 juillet 2013 ;

— S’est réservé la compétence pour liquider le cas échéant l’astreinte ;

—  Déclarer irrecevables ou mal fondées toutes autres demandes de M. X ;'

S’agissant de ce dernier chef de dispositif, il convient d’indiquer que M. X sollicitait de la cour d’appel, notamment, ce qui suit (page 3 de l’arrêt rappelant le dispositif des conclusions de l’appelant, matérialisé en caractères 'gras’ par la cour) :

— Juger qu’il a mis en dépôt, durant cette période (durant laquelle il était salarié de la société Hachette

Filipacchi Presse), l’intégralité de ses clichés réalisés pour le magazine B soit plus de 2 millions de clichés,

— Juger que la société Hachette Filipacchi Presse a perdu 1.067 photographies sur les 6.292 photographies publiées dans la version française de B et 2.315.850 photographies n’ayant pas été publiées,

— Ordonner à la société Hachette Filipacchi Presse de B restituer l’ensemble des originaux détenus dans ses archives, sous son nom ou sous divers pseudonymes qu’il a utilisés, dont elle a dressé inventaire selon constat d’huissier de justice du 8 juillet 2013 ;

— Condamner la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 127.529.500 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de 2.316.917 originaux de photographies,

— Si la cour juge que son droit de propriété résulte de l’application des règles de l’accession mobilière, dire que devra être déduit du montant de ces dommages et intérêts, le prix de la 'matière employée’ au sens de l’article 571 du code civil sur justificatif produit par la société Hachette Filipacchi Presse.

Pour rejeter les demandes indemnitaires de M. X au titre de la perte de ces originaux de photographies, après avoir retenu que le salarié démontrait être propriétaire des droits corporels sur les clichés des photographies réalisées par B à l’occasion de son contrat de travail, et, par voie de conséquence, avoir infirmé le jugement de ce chef, l’arrêt susmentionné précise que 'M. X ne peut sérieusement prétendre en l’existence d’un contrat de dépôt conclu avec la société Hachette Filipacchi Presse, quant aux clichés réalisés par B ; qu’en effet, la pratique ci-dessus exclut que la société Hachette Filipacchi Presse se soit vu confier par M. X le soin de conserver ces clichés ; qu’en droit aucun écrit en ce sens n’a été signé par la société Hachette Filipacchi Presse et il n’est justifié d’aucun élément démontrant que celle-ci aurait donné son accord ;'.

La cour d’appel a par conséquent débouté M. X de sa demande tendant à la condamnation de la société Hachette Filipacchi Presse à B payer la somme de 127.529.500 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de 2.316.917 originaux de photographies réalisées durant l’exécution de son contrat de travail.

Contrairement à ce que prétend M. X, il résulte très clairement des décisions rendues par les juridictions prud’homales que ses demandes en réparation du préjudice résultant de la perte des photographies remises à la société Hachette Filipacchi Presse lorsqu’il était salarié ont été tranchées par des décisions aujourd’hui irrévocables.

C’est à bon droit que le jugement déféré a déclaré M. X irrecevable en ces demandes en raison de l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 26 mai 2015.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la propriété des supports des photographies réalisées en dehors du contrat de travail

Se fondant sur les dispositions de l’article L.111-3 du code de la propriété intellectuelle, le premier juge a rappelé que ce texte distinguait les propriétés corporelle et intellectuelle et qu’il appartenait à M. X de démontrer sa qualité de propriétaire des supports photographiques en cause ce qui supposait qu’il justifie les avoir financés.

Appréciant les éléments versés aux débats, en particulier les témoignages de Mme C, secrétaire de la société Hachette Filipacchi Presse, de M. D, photographe pour le journal B entre 1977 et 2007, de M. E, gendre de M. X et l’ayant assisté entre 1979 et 1984, de M. Neveu, exerçant les fonctions de directeur de la rédaction ainsi que celle de directeur de la

publication du magazine B entre 1986 et 1992, de Mme F, styliste en free-lance entre 1970 et 1980, payée par la société Hachette Filipacchi Presse, ces personnes ayant donc exercé leurs fonctions au sein de la société Hachette Filipacchi Presse durant la période litigieuse, soit avant le 21 avril 1965 ou/et après le 1er février 1989, le premier juge a retenu qu’il était d’usage pour les photographes de B, pendant plusieurs décennies, de commander aux frais du magazine le matériel photographique, les accessoires, les outils lumières ou modèles, nécessaires à leurs prises de vues dont le développement était également pris en charge financièrement par le magazine.

Le premier juge en a déduit qu’ayant financé les supports vierges et les frais techniques de développement, la société Hachette Filipacchi Presse devait être considérée comme propriétaire originaire desdits supports sans qu’il soit besoin de démontrer l’acquisition par la société éditrice des supports transformés par l’intervention du photographe, la qualité de propriétaire du support matériel étant reconnue à celui qui en a assuré le paiement et/ou la fabrication. Il a de ce fait écarté, comme étant inopérants, les moyens tirés de la possession de bonne foi, des règles de l’accession mobilière résultant des articles 566 et suivants du code civil, parce que la société Hachette Filipacchi Presse était reconnue propriétaire ab initio des supports transformés.

—  Moyens des parties

M. X poursuit l’infirmation du jugement de ce chef.

Se fondant sur des arrêts de la Cour de cassation (1re Civ., 8 juin 2004, pourvoi n° 02-13.096 ; Soc., 10 juillet 2013, pourvoi n° 11-22.200) et sur la doctrine (M. le Professeur Gauthier in Propriété littéraire et artistique ' PUF Ed. 2007, p. 307 ' ; M. le Professeur Caron, in Communication Commerce électronique n° 2, Février 2001, comm. N° 13, pièce 89) ; M. le Professeur Dissaux ' pièce 74 ' qui critique l’arrêt rendu par la 1re chambre civile de la Cour de cassation le 28 octobre 2015 ' pourvoi n° 14-22.207, Bull. 2015, I, n° 256 Publication : Bull. 2015, I, n° 256 ' qu’il estime 'excessivement matérialiste'), il poursuit l’infirmation du jugement et soutient que le photographe est seul et unique propriétaire du support transformé, c’est-à-dire du support contenant son oeuvre et que seule la cession expresse de la propriété emporte cession du droit de propriété.

Il ajoute que, par son arrêt du 26 mai 2015, la chambre sociale de la cour d’appel de Versailles a jugé de manière irrévocable qu’il était seul et unique propriétaire de l’intégralité des photographies produites par B lorsqu’il était salarié. Selon B, cet arrêt a acquis autorité de la chose jugée si bien que c’est à tort que le jugement déféré a suivi son adversaire et décidé que le simple financement d’un support vierge établissait la preuve de la propriété des supports.

Enfin, il fait valoir que la société Hachette Filipacchi Presse n’établit nullement avoir financé les supports vierges et les frais techniques de développement. A cet égard, il indique que seules Presse Office, les Editions des Savanes et Cogedipresse ont participé à ce financement et ces sociétés n’ont pas entendu céder leur droit de propriété sur l’objet matériel puisque cela ne figure pas dans les projets de fusion-absorption. Au surplus, il ajoute que, en ne se considérant pas comme propriétaires des supports matériels, ces sociétés ont de facto renoncé au droit de se prévaloir d’un quelconque droit de propriété sur ceux-ci et la société Hachette Filipacchi Presse ne saurait aujourd’hui se prévaloir de droits auxquel ces tiers ont renoncé, à supposer, selon elle, que de tels droits aient existé.

A titre subsidiaire, M. X soutient qu’en application de la théorie de l’acquisition de la propriété par accession, sa propriété sur les supports des photographies réalisées en dehors de son contrat de travail ne pourra qu’être reconnue. Selon B, bien que le matériel ait été financé par l’entreprise, l’intervention artistique du photographe sur la pellicule vierge génère une chose nouvelle : le négatif. Or, la valeur ajoutée du négatif par rapport à la pellicule vierge tient, selon B, au travail artistique du photographe, valeur d’autant plus importante si le photographe jouit d’une renommée particulière comme c’est le cas en l’espèce.

Se prévalant de l’analyse à laquelle la cour d’appel de Versailles a procédé le 26 mai 2015, il soutient que la théorie de l’accession devra aboutir à B reconnaître la qualité de propriétaire du support.

La société Hachette Filipacchi Presse poursuit la confirmation du jugement de ce chef et rétorque que le seul arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 octobre 2015 (susmentionné) suffit à établir que la propriété ab initio des supports photographiques appartient à celui qui a financé les frais d’achat et de développement des photographies.

Elle ajoute que cet arrêt du 28 octobre 2015 dit 'D’ est parfaitement transposable à la présente espèce puisque ce sont les mêmes pièces qui ont été versées aux débats dans les deux litiges, les mêmes anciens photographes de B qui ont attesté que tous les frais étaient payés par la société éditrice Presse Office, aux droits de laquelle elle vient. Elle relève que dans l’affaire D, la Cour de cassation a statué au vu de la qualification de pigiste professionnel de ce dernier collaborant ab initio à la société Hachette Filipacchi Presse. La situation professionnelle de M. X étant identique à celle de M. D, la jurisprudence de la Cour de cassation ne peut qu’être appliquée au présent litige.

Elle souligne que, par cet arrêt la Cour de cassation a écarté l’application de la théorie de l’accession inapplicable en l’espèce en raison de son caractère subsidiaire et supplétif.

L’intimée rétorque de plus au moyen nouveau de M. X, tiré de l’absence de cession à la société Hachette Filipacchi Presse des droits des sociétés auxquelles elle succède sur le support matériel des photographies, que les pièces versées aux débats démontrent que les archives du magazine B ont été transférées à chacune des sociétés successives et ce, sans que M. X n’émette aucune réserve quant à ces transferts (pièces 21 à 24). Elle observe que l’apport des archives rédactionnelles et publicitaires inclut l’apport des photographies qui en font partie intégrante ce qui résulte de l’objet même des contrats de fusion absorption puisque l’ensemble des archives a été transféré sans aucune exception.

Enfin, selon la société Hachette Filipacchi Presse, c’est de manière infondée que son adversaire prétend l’inverse alors que, dans ses propres écritures d’appel (en page 47 de ses dernières écritures) il admet B-même que la société Hachette Filipacchi Presse vient bien aux droits des précédentes sociétés auxquelles elle succède et que les archives ont bien été transférées à chaque société. C’est ainsi que rapportant ses écritures, elle relève qu’y est indiqué ce qui suit : 'Il ressort donc de ces pièces que les sociétés qui sont venues successivement aux droits de Presse Office n’ont jamais entendu céder la propriété matérielle desdit supports, démontrant en réalité que les employeurs successifs de G X ne se sont jamais considérés comme propriétaires de ceux-ci.

Ainsi, HFP, venant aux droits et obligations des sociétés Presse Office, Editions des Savanes puis Cogedipresse, est à son tour devenue dépositaire et donc gardienne des photographies de G X. Il n’existe aucune cession du support des photographies au profit d’HFP, ce qu’elle ne conteste pas car elle prétend être propriétaire en raison du financement du support vierge.

Or, Hachette Filipacchi Presse n’a jamais participé au financement du support vierge des photographies réalisées par G X. Seules Presse Office, les Editions des Savanes et Cogedipresse y ont participé.'

Selon la société Hachette Filipacchi Presse, par ces écritures, M. X a ouvertement commis un aveu judiciaire au sens de l’article 1383-2 du code civil, qui entre en totale contradiction avec l’argumentation qui précède.

Appréciation de la cour

C’est à tort que M. X fait valoir que l’arrêt du 26 mai 2015 rendu par la chambre sociale de

la cour d’appel de Versailles a irrévocablement tranché la question de la propriété des supports des photographies qu’il a réalisées tant à l’occasion de son contrat de travail qu’en dehors de son contrat de travail. En effet, la chose jugée par cet arrêt ne concernait que la propriété des supports des photographies réalisées par B à l’occasion de son contrat de travail, soit dans la période située entre le 21 avril 1965 et le 1er février 1989.

A l’occasion du présent litige, il s’agira de déterminer qui est propriétaire des supports des photographies réalisées par M. X en dehors de cette période. L’objet du litige étant différent de celui tranché par la cour d’appel de Versailles le 26 mai 2015, c’est donc à tort que M. X se prévaut des dispositions des articles 1351 du code civil, 480 et 122 du code de procédure civile.

L’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable au litige, dispose que (souligné par la cour) 'La propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 est indépendante de la propriété de l’objet matériel.

L’acquéreur de cet objet n’est investi, du fait de cette acquisition, d’aucun des droits prévus par le présent code, sauf dans les cas prévus par les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 123-4. Ces droits subsistent en la personne de l’auteur ou de ses ayants droit qui, pourtant, ne pourront exiger du propriétaire de l’objet matériel la mise à leur disposition de cet objet pour l’exercice desdits droits. Néanmoins, en cas d’abus notoire du propriétaire empêchant l’exercice du droit de divulgation, le tribunal de grande instance peut prendre toute mesure appropriée, conformément aux dispositions de l’article L. 121-3.'

Comme l’a très exactement retenu le premier juge, ces dispositions prévoient l’indépendance des propriétés corporelle et intellectuelle ; la vente du support n’entraîne pas cession des droits d’auteur à l’acquéreur et la cession des droits de propriété intellectuelle n’entraîne pas le transfert de propriété du support. Il s’ensuit que le propriétaire du support exerce les prérogatives que B confère le droit de propriété d’un objet corporel notamment la vente de celui-ci à laquelle ne peut s’opposer le titulaire des droits d’auteurs, ce dernier pouvant en revanche interdire au propriétaire du support de reproduire l’oeuvre, de porter atteinte à son intégrité, puisque ce dernier ne dispose d’aucun droit de propriété intellectuelle sur l’oeuvre.

Comme l’a encore exactement retenu le premier juge, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 octobre 2015 (précité), dans une affaire similaire, puisqu’elle opposait la société Hachette Filipacchi Presse à un autre photographe indépendant qui avait réalisé, à partir de 1974 jusqu’en 1984, des reportages pour le magazine B, a tranché cette question.

Par cet arrêt publié, la Cour de cassation a dit pour droit que viole les articles 544 du code civil et L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, une cour d’appel qui, pour condamner un éditeur à payer à un photographe des dommages-intérêts en réparation du préjudice patrimonial résultant de la non-restitution des clichés photographiques dont ce dernier est l’auteur, retient que la preuve de l’acquisition des supports transformés par l’intervention du photographe n’est pas rapportée par l’éditeur, alors que, selon ses propres constatations, celui-ci avait financé les supports vierges et les frais techniques de développement, ce dont il résulte qu’il était le propriétaire originaire desdits supports matériels.

Il faut donc bien en déduire que la qualité de propriétaire du support matériel est reconnue à celui qui en a assuré le paiement et/ou la fabrication.

Cet arrêt apparaît conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation. En effet, déjà dans un arrêt du 8 juin 2004 (1re Civ., 8 juin 2004, pourvoi n° 02-13.096), dans un litige opposant un photographe indépendant à une société qui B avait passé commande de reportages photographiques destinés à la promotion des différents programmes immobiliers qu’elle réalisait, la Cour de cassation a jugé qu’il résultait des notes versées aux débats par le photographe que celui-ci avait facturé

distinctement les reportages et les frais techniques énumérés comme représentant les pellicules, développement plus contacts, ektas, diapositives en couleur, correspondant, en définitive, au support matériel de l’oeuvre, et que ces frais avaient été payés. Elle a dès lors approuvé la cour d’appel qui a décidé, à partir de ces éléments, que la société qui avait passé cette commande avait acquis, outre le droit de reproduction des oeuvres, la propriété des supports matériels des clichés.

Dans la présente affaire, les éléments retenus comme probants par le premier juge ne sont pas contredits, en appel, par des éléments de preuve contraires.

Les productions démontrent que c’est bien la société éditrice qui a financé les supports vierges et les frais techniques de développement de sorte que le premier juge a retenu à bon droit que celle-ci était propriétaire du support matériel des photographies.

Enfin, il résulte des pièces versées aux débats que les archives du magazine B ont été transférées à chacune des sociétés qui ont succédé à la société Presse Office et que la société Hachette Filipacchi Presse vient aux droits de celles-ci de sorte qu’elle est fondée à réclamer la propriété des supports des photographies réalisées par M. X en dehors de son contrat de travail.

S’agissant du fondement subsidiaire invoqué par M. X tiré de la théorie de l’accession, c’est à bon droit que le premier juge l’a rejetée dès lors que la société Hachette Filipacchi Presse justifie sa propriété ab initio de ces supports et qu’elle n’a pas cessé de les détenir et ce de bonne foi.

La demande en restitution des supports matériels (ektachromes, kodachrome et tout autre document permettant de procéder à des tirages) des photographies réalisées par M. X avant le 1er avril 1965 et après le 1er février 1989, soit au cours de la période durant laquelle il exerçait la profession de reporter photographe indépendant, sera dès lors rejetée.

Le jugement, en ce qu’il rejette cette demande, sera confirmé.

Sur la réparation des préjudices tant patrimonial que moral résultant de la perte d’exploitation liée au refus de la société Hachette Filipacchi Presse de restituer les 8.683 photographies de M. X réalisées à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail

Après avoir constaté que la société Hachette Filipacchi Presse avait exécuté la décision de la cour d’appel de Versailles du 26 mai 2015 et donc restitué les 8.683 photographies en sa possession, le tribunal a retenu que M. X n’avait montré que peu d’intérêt à l’exploitation des clichés détenus par la société Hachette Filipacchi Presse au cours de ces longues années, celui-ci ne démontrant pas que la lettre du 31 mai 1985 adressée à la société Presse Office avait bien été réceptionnée, ni l’avoir relancée en l’absence de réponse.

Il ajoutait que ce n’était que le 16 septembre 2003, à l’occasion d’une lettre adressée à la société Hachette Filipacchi Associés et non à la société Hachette Filipacchi Presse, par laquelle il s’étonnait de l’exploitation du cliché de K L objet de l’affiche du film 'Emmanuelle’ dans les magazines Paris Match et Elle, qu’il sollicitait la restitution des seuls clichés concernant cette actrice sans projet précis. En outre, il constatait que M. X n’avait demandé à ce que qu’il B soit remis 'l’ensemble des photographies originales ainsi que des tirages de ces photographies, détenues par votre société, et qui ont été publiées ou remises pour publication dans le magazine B' que quatre années après la réponse de la société Hachette Filipacchi Associés, soit le 27 avril 2007 ; que cette lettre avait été suivie d’une action en référé introduite par M. X devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre qui, par ordonnance du 28 août 2008, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Versailles du 20 mai 2009, a estimé n’y avoir lieu à référé en raison de contestations sérieuses relatives au contrat de travail et au licenciement de M. X. Le tribunal a en outre constaté que la première lettre de réclamation adressée à la société Hachette Filipacchi Presse par M. X aux fins d’accès à ces clichés parus et non parus dans le magazine B sans autres précisions, datait du 17 juillet 2009 alors que les parties étaient déjà en conflit au sujet de ces photographies en particulier devant le conseil de prud’hommes.

Le tribunal observait encore que, par ses lettres en réponse à celles adressées par M. X, la société Hachette Filipacchi Presse sollicitait légitimement des précisions quant aux clichés dont le requérant réclamait l’accès ou sur les projets d’exploitation envisagés pour donner suite aux demandes du photographe et qu’elle a toujours réclamé la propriété des supports matériels des clichés jusqu’à l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 26 mai 2015 étant relevé que le conseil de prud’hommes avait statué en sens contraire le 1er mars 2013.

Le tribunal en déduisait que M. X ne démontrait pas le comportement fautif de la société Hachette Filipacchi Presse de sorte qu’il déboutait le demandeur de ses prétentions au titre de la perte d’exploitation des clichés.

—  Moyens des parties

M. X critique le jugement en ce qu’il le déboute de ses demandes au titre des préjudices tant patrimonial que moral résultant de la perte d’exploitation liée au refus de la société Hachette Filipacchi Presse de restituer les 8.683 photographies qu’il a réalisées à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail.

Il fait valoir avoir demandé à accéder à ses photographies dès 1985, sans obtenir de réponse positive alors que la société Hachette Filipacchi Presse a multiplié les exploitations illicites de celles-ci :

* par lettre recommandée A.R. du 31 mai 1985 (Pièces 37 et 88),

* par ordonnance de référé du 21 janvier 1999, le tribunal de grande instance de Paris a constaté la violation de ses droits d’auteur a condamné la société

Hachette à B payer 100.000 F (Pièce 39),

* les demandes de restitution se sont multipliées notamment par des courriers et des mises en demeure des 16 septembre 2003 (pièce 51), 14 octobre 2003 (pièce 52), 27 avril 2007 (pièce 54), 17 juillet 2009 (pièce 57), 27 octobre 2009 (pièce 58), 22 février 2012 (pièce 64).

Il critique le jugement en ce qu’il retient qu’il ne justifie pas de l’envoi de la lettre de 1985 alors que la pièce 88 suffit à démontrer que cette lettre a bien été adressée à la société Hachette Filipacchi Presse.

Il soutient que la société Hachette Filipacchi Presse ne pouvait pas s’opposer à la restitution de certains clichés aux motifs (pièce 65 de ses productions) inopérants qu’ils représentaient des photos de femmes connues dans des positions dénudées dont certaines à caractère sadomasochiste alors que, en cas de publication de ces photos, il aurait été le seul à devoir en assumer la responsabilité et à indemniser ces personnes dont l’image aurait été reproduite sans autorisation.

La société Hachette Filipacchi Presse sollicite la confirmation du jugement et rétorque avoir remis à M. X les clichés litigieux depuis septembre 2015 de sorte que son adversaire peut désormais les exploiter et les vendre.

Elle ajoute que le préjudice allégué par M. X au titre de la perte de chance de n’avoir pas pu exploiter ces clichés pendant une longue période, antérieure à la remise des clichés par ses soins, est purement hypothétique et ne peut justifier ses demandes.

Appréciation de la cour

C’est par d’exacts motifs adoptés par cette cour que le premier juge a retenu que M. X ne démontrait pas le comportement fautif de la société Hachette Filipacchi Presse et l’a débouté de ses prétentions au titre de la perte d’exploitation des photographies réalisées à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail.

Il sera ajouté que le tribunal n’a pas retenu qu’il ne justifiait pas de l’envoi de la lettre du 31 mai 1985, mais qu’il ne prouvait pas la réception de cette lettre par son destinataire.

A cet égard, la cour ne peut que constater que les pièces 37 et 88 ne sont toujours pas de nature à le démentir. La lettre du 31 mai 1985 (pièce 37) émanant du conseil de M. X, adressée à la société Presse Office, selon les mentions figurant en haut et à gauche de celle-ci 'Recommandée AR', concernait avant tout le différend relatif à la rupture du contrat de travail du salarié et évoquait en des termes généraux la reproduction de photographies. En outre, ne figure pas l’accusé d’envoi, et encore moins de réception de cette lettre. La lettre émanant de son conseil de l’époque ne saurait suppléer cette carence.

Si effectivement, M. X démontre avoir réclamé le 16 septembre 2003, à l’occasion d’une lettre adressée à la société Hachette Filipacchi Associés et non à la société Hachette Filipacchi Presse, les clichés relatifs à K L actrice du film 'Emmanuelle’ il ne démontre pas que la non remise de ces clichés, à cette époque précise, a entravé un projet d’exploitation de ces clichés par ses soins. A cet égard, la cour ne peut que constater que l’appelant ne fournit aucun élément de preuve de nature à démontrer la réalité d’un projet et/ou du préjudice en découlant pour B.

En outre, le 24 octobre 2003, la société Hachette Filipacchi Associés répondait au conseil de M. X et évoquait différentes difficultés tenant tant à l’identification des photographies réalisées dont le relevé détaillé n’avait pas été fourni qu’à l’étendue des droits respectifs du photographe et de l’éditeur sur ces documents réalisés dans le cadre d’une collaboration salariée et dont l’auteur ne pouvait faire un usage de nature à faire concurrence au magazine.

C’est également justement que le tribunal a relevé que la société Hachette Filipacchi Presse revendiquait la propriété des supports et qu’un contentieux judiciaire s’est développé entre les parties peu de temps après la demande faite par M. X à cette société en 2007.

En outre, il apparaît téméraire de retenir que la société Hachette Filipacchi Presse s’est opposée sans motifs légitimes à la demande de restitution de ces clichés réalisés au cours de la période durant laquelle M. X était salarié au regard tant de la décision du conseil de prud’hommes de Nanterre du 1er mars 2013 que de la présente décision. En effet, compte tenu des règles légales en matière de propriété des supports de photographies, consacré par la Cour de cassation dans son arrêt dit 'D', les prétentions de la société Hachette Filipacchi Presse n’apparaissaient ni fautives ni, a fortiori, abusives. Dès lors, en résistant aux demandes de restitution de ces photographies, le comportement de la société Hachette Filipacchi Presse ne peut être qualifié de fautif.

Les demandes de M. X en réparation de ses préjudices tant patrimonial que moral résultant de la perte d’exploitation liée au refus de la société Hachette Filipacchi Presse de restituer les 8.683 photographies réalisées par B à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail, qui ne sont pas fondées, seront dès lors rejetées.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la réparation des préjudices patrimonial et moral résultant des agissements contrefaisants commis du fait de la numérisation et de l’exploitation de plus de 5.000 photographies réalisées par B sans aucun droit ni autorisation de sa part

Rappelant les termes des articles L.111-1, L. 112-1 et L.112-2, 9°, du code de la propriété

intellectuelle, le tribunal indique qu’il appartient à M. X qui invoque la protection au titre des droits d’auteur d’établir et de caractériser l’originalité des oeuvres réclamées ; que M. X ne peut se contenter d’affirmer, de manière générale, que ces 5.225 photographies portent toutes l’empreinte de la personnalité de son auteur, sans identifier les photos qui, dans la présente affaire, sont, selon B, éligibles à la protection des droits d’auteur qu’il revendique, et sans caractériser les actes de contrefaçons qu’il allègue. Les demandes de M. X en réparation des préjudices patrimonial et moral au titre des actes de contrefaçon ont dès lors été rejetées.

Il a également rejeté les demandes indemnitaires de M. X au titre du préjudice d’exploitation et de l’abus de propriété s’agissant des photographies réalisées en dehors de son contrat de travail.

—  Moyens des parties

M. X poursuit l’infirmation du jugement sur ce point et affirme être l’auteur de l’ensemble des photographies réalisées pour B qui ont été numérisées par la société Hachette Filipacchi Presse sur lesquelles il prétend détenir des droits protégés au titre de la propriété intellectuelle dès lors que :

* la société Hachette Filipacchi Presse B a reconnu la paternité et l’originalité de ces photographies antérieurement, tant dans des lettres que dans des conclusions signifiées au cours des diverses procédures judiciaires l’ayant opposé à son adversaire,

* ses droits sur ces oeuvres sont également établis par les relevés de droits d’auteur que la société Hachette Filipacchi Presse B verse comme en attestent les pièces 130 à 132 ;

* chacune de ses photographies sont originales dès lors qu’il a choisi l’appareil photographique, la lumière, le décor, le mannequin, la pose du mannequin et, sur les planches contacts, les photographies qui seraient publiées,

* chacune de ses photographies est le résultat du choix personnel de l’auteur dans chacune des trois phases reconnues et retenues dans la définition d’une oeuvre originale (préparatoire, de prise de vue et de mise en scène) ;

* de nombreuses décisions judiciaires définitives B ont reconnu la paternité de ces photographies ;

* sa paternité est établie par la publication des photographies sous son nom et leur identification par la société Hachette Filipacchi Presse ; c’est ainsi que, selon B, de 1964 à 1994, 8.188 de ses photographies provenant de 814 reportages ou sujets réalisés au cours de cette période ont été publiées dans la seule version française du magazine B (pièces 56 à 77) sous son nom ou sous un de ses pseudonymes (pièces 31 à 78) ;

* le 8 juillet 2013, un constat d’huissier de justice a du reste été dressé par la société Hachette Filipacchi Presse en exécution de l’arrêt du 26 mai 2015 et ces photographies B ont été restituées ;

* ces photographies ont été numérisées par la société Hachette Filipacchi Presse sans son autorisation ;

* en 2003, la société Hachette Filipacchi Presse a exploité ses photographies dans les magazines Paris Match et Elle (pièces 47 et 78) ;

* en 2013, sur le site interne du journal 'Première’ (pièce 67) ;

* en 2012 et 2013 sur les sites internes des magazines Paris Match et Elle (pièces 68 et 69).

Il en déduit que la reproduction non autorisée de ces photographies constitue une atteinte à ses droits

patrimoniaux.

Selon B, en procédant à la numérisation de ses photographies sans son autorisation, la société Hachette Filipacchi Presse B a causé un préjudice patrimonial et moral dont il demande réparation.

Il prétend que la valeur à la vente d’un tirage d’une de ses photographies peut atteindre 30.000 euros de sorte que, en numérisant 5.225 de ses photographies sans son accord, la société Hachette Filipacchi Presse a fait l’économie d’une rémunération importante qui aurait dû B être payée si elle en avait demandé l’autorisation.

Il sollicite dès lors 300 euros par photographies numérisées soit 1.568.500 euros (300 euros x 5.225 photographies numérisées).

La société Hachette Filipacchi Presse poursuit la confirmation du jugement en ce qu’il rejette les prétentions de M. X au titre de la contrefaçon de 5.225 photographies.

Elle soutient d’abord que cette numérisation est intervenue en exécution du jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre du 7 janvier 2013 et afin de B permettre de contester, le cas échéant, photo par photo, l’originalité des clichés restitués dont la copie papier n’existait pas.

Elle indique ensuite, se fondant notamment sur un arrêt de la Cour de cassation du 11 mai 2017 (1re Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 15-29.374) qu’il revient à M. X de rapporter la preuve qu’il existe une oeuvre de l’esprit originale et à ce titre protégeable par le droit d’auteur pour agir efficacement en contrefaçon de droits d’auteur. En effet, selon elle, il n’existe pas de présomption d’originalité, contrairement à ce que soutient son adversaire, et l’originalité doit être démontrée oeuvre par oeuvre.

En l’espèce, selon elle, M. X ne se soumet pas à ces exigences légales puisqu’il ne prend même pas la peine d’identifier oeuvre par oeuvre les photographies qui selon B sont originales alors qu’elle conteste l’originalité de toutes ces photographies et critique son adversaire qui prétend, sans fondement, qu’il existerait une présomption d’originalité sur l’ensemble de ses photographies.

Appréciation de la cour

C’est par d’exacts motifs adoptés par cette cour que le premier juge a rejeté les demandes de M. X en réparation des préjudices patrimonial et moral résultant des actes de contrefaçon commis du fait de la numérisation et de l’exploitation de plus de 5.000 photographies.

Il sera ajouté que M. X ne sollicite pas la réparation d’un préjudice résultant de la publication des photographies publiées de 1964 à 1994 dans le magazine B (pièces 56 à 77) sous son nom ou sous un de ses pseudonymes (pièces 31 à 78), en 2003, dans les magazines Paris Match et Elle (pièces 47 et 78), en 2013, sur le site internet du journal 'Première’ (pièce 67) et en 2012 et 2013 sur les sites internes des magazines Paris Match et Elle (pièces 68 et 69), mais demande la réparation du préjudice subi par B au titre de la numérisation de 5.225 de ses photographies sans son accord.

Comme l’a exactement retenu le premier juge et comme le soutient pertinemment la société Hachette Filipacchi Presse, il revient à M. X d’identifier précisément les photographies éligibles à la protection conférée par le droit d’auteur, de caractériser photo par photo leur originalité, ainsi que les actes de contrefaçon photo par photo qui B ont porté préjudice.

Or, M. X se borne à affirmer que les 5.225 photographies sont protégées par son droit d’auteur sans procéder à l’identification de chacune des photographies, sans préciser en quoi l’oeuvre revendiquée porte l’empreinte de sa personnalité, de quelle manière il a pu exprimer sa capacité

créative lors de la réalisation de cette oeuvre en particulier, donc sans justifier pour chacune d’entre elles en quoi consiste son originalité.

Ni la reconnaissance dans le passé par la société Hachette Filipacchi Presse des droits de propriété incorporelle de M. X sur certaines photographies, ni l’existence de décisions de justice antérieures consacrant des droits sur certaines de ses photographies ne sont de nature à le dispenser de procéder à cette démonstration photo par photo dans le cadre de la présente affaire.

C’est donc à bon droit que le premier juge a rejeté sa demande en réparation des préjudices patrimonial et moral résultant d’actes de contrefaçon en raison de la numérisation et de l’exploitation de plus de 5.000 photographies.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la demande subsidiaire de M. X au titre du refus injustifié de la société Hachette Filipacchi Presse de B permettre d’accéder et d’exploiter les photographies réalisées hors contrat de travail

—  Moyens des parties

Se fondant sur les dispositions de l’article L. 111-3, alinéa 2, in fine, du code de la propriété intellectuelle, M. X soutient que le comportement de la société Hachette Filipacchi Presse est notoirement abusif dès lors qu’elle a refusé de B donner accès de manière injustifiée à 1.896 clichés réalisés par B alors qu’il était photographe indépendant.

En réparation, il sollicite la condamnation de la société Hachette Filipacchi Presse à B verser la somme de 17.747.164 euros au regard du très grand nombre de photographies et de la durée très important durant laquelle la société Hachette Filipacchi Presse a refusé cet accès.

La société Hachette Filipacchi Presse sollicite le rejet de cette demande et la confirmation du jugement de ce chef.

Appréciation de la cour

Comme indiqué précédemment, pour que cette demande soit accueillie encore faudrait-il que M. X identifie précisément les photographies éligibles à la protection des droits d’auteur et qu’il démontre l’originalité de l’oeuvre, photo par photo.

Défaillant dans l’administration de cette preuve, sa demande ne saurait aboutir.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de la société Hachette Filipacchi Presse

—  Moyens des parties

La société Hachette Filipacchi Presse poursuit l’infirmation du jugement qui rejette sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive dirigée contre M. X.

Elle soutient que les demandes excessives de M. X démontrent son intention de B nuire ; que cette action infondée, téméraire et malveillante traduit une légèreté blâmable équipollente au dol, se matérialisant par une demande de dommages et intérêts de près de 160 millions d’euros ; que le fait de réclamer des sommes de près de 140 millions d’euros pour des prétendues pertes de clichés réalisés alors qu’il était salarié de la société Hachette Filipacchi Presse en faisant fi de l’autorité de

chose jugée attachée à la décision de la cour d’appel de Versailles dans son arrêt du 16 mai 2015, démontre de plus fort le caractère abusif de son action.

M. X sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

Appréciation de la cour

Il convient de rappeler que l’exercice d’un droit ne peut dégénérer en abus qu’à charge pour le demandeur de démontrer l’existence d’une faute faisant dégénérer en abus l’exercice de ce droit.

En l’espèce, des demandes en justice d’un montant très élevé ne suffisent pas à caractériser une telle faute. En outre, la société Hachette Filipacchi Presse ne démontre pas par les éléments qu’elle invoque l’intention de son adversaire de B nuire.

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive qui n’est pas fondée sera rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.

M. X, partie perdante, supportera les dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’équité commande de condamner M. X à verser à la société Hachette Filipacchi Presse la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande de M. X de ce chef sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

ÉCARTE des débats le livre sur X édité en 2017 chez Assouline produit en fin d’audience de plaidoiries du 25 janvier 2021 par le conseil de M. X.

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

CONDAMNE M. X aux dépens d’appel.

DIT qu’ils seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. X à verser la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

REJETTE toutes autres demandes.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,

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Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 23 mars 2021, n° 18/06749