Cour administrative d'appel de Versailles, 28 mai 2015, n° 12VE03160

  • Plus-value·
  • Imposition·
  • Report·
  • Impôt·
  • Échange·
  • Justice administrative·
  • Fait générateur·
  • Cession·
  • Titre·
  • Tribunaux administratifs

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE VERSAILLES

N° 12VE03160


MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES

c. / M. Y X


Mme Helmholtz

Président


Mme Van Muylder

Rapporteur


Mme Garrec

Rapporteur public


Audience du 12 mai 2015

Lecture du 28 mai 2015

__________

Code PCJA : 19-04-02-08-01

Code Lebon : C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Versailles

7e Chambre

Vu le recours, enregistré par télécopie le 23 août 2012 et régularisé par la production de l’original le 27 août 2012, présenté par le MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES ;

Le MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1104077 en date du 8 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé M. Y X de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu ainsi que des majorations correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l’année 2007 et a mis à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rétablir M. Y X à l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2007 à concurrence des cotisations supplémentaires d’impôts sur le revenu ainsi que des majorations correspondantes dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif ;

Il soutient que :

— le tribunal administratif a considéré que, pour l’application des dispositions du II de l’article 92 B du code général des impôts, le fait générateur à prendre en compte est celui correspondant à l’événement qui a mis fin au report d’imposition, soit la cession par M. X des valeurs mobiliers intervenues en 2007, or, dans le cadre d’un mécanisme de report d’imposition, le fait générateur de la plus-value d’apport est constitué par l’échange ou l’apport initial, son assiette est alors déterminée selon les règles en vigueur à cette date et, concernant la territorialité de l’impôt, la domiciliation fiscale à prendre en compte est celle du contribuable à cette même date, soit au particulier le 23 décembre1996 ; en revanche, le report a pour objet de décaler l’exigibilité de l’imposition effective de la plus-value, ce qui conduit à appliquer les règles de taxation en vigueur au moment de l’expiration du report, le taux d’imposition est donc le taux en vigueur au cours de l’année d’expiration du report ;

— le tribunal a implicitement mais nécessairement assimilé la plus-value d’échange en report réalisée sur le sol français à la plus-value de cession afférente aux titres reçus en échange et écarté à tort, la qualité de résident de France de M. X à la date de la réalisation de la

plus-value litigieuse ;

— les moyens invoqués en première instance sont voués au rejet ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2012, présenté pour

M. Y X, par Me Ginter et Me Bellet, avocats ; M. X conclut au rejet du recours et, à ce qu’il soit mis à la charge de l’Etat une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— c’est à tort que l’administration dissocie le fait générateur de la plus-value qui interviendrait au moment de l’échange de titres et, le fait générateur de l’imposition qui interviendrait au moment de la cession des titres reçus en échange ; tant que la cession des titres reçus en échange n’est pas intervenue, la plus-value n’est pas déterminée dans son montant et aucun impôt ne peut-être calculé ;

— la plus-value doit être imposée selon les dispositions conventionnelles applicables à cette date, or, en 2007, il était résident fiscal belge, en application de l’article 18 de la convention franco-belge, la plus-value était imposable uniquement en Belgique ;

— l’imposition de la plus-value en France est contraire à la doctrine administrative du

13 mars 2006 qui prévoit que les règles de taxation sont celles en vigueur au moment de l’expiration du report ;

— la censure de l’exit tax qui visait à permettre l’imposition immédiate de la plus-value en report lors du transfert de résidence fait obstacle à ce que la résidence soit appréciée à la date de l’échange des titres ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 mai 2013, présenté par le MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES, qui conclut aux mêmes fins ;

Il soutient en outre s’agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l’instruction administrative 5 C-1-06 du 13 mars 2006 que l’imposition effective de la plus-value est déclarée, ce qui conduit à appliquer les règles de taxation, notamment le taux, en vigueur au moment de l’expiration du report sans que le mécanisme du report d’imposition ne porte atteinte au droit dont dispose l’Etat de résidence du contribuable, en l’espèce la Belgique, d’imposer la plus-value de cession des titres éventuellement réalisée en 2007 ;

Vu l’ordonnance en date du 24 janvier 2014 fixant la clôture de l’instruction au 28 février 2014, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus signée à Bruxelles le 10 mars 1964 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 mai 2015 :

— le rapport de Mme Van Muylder, premier conseiller,

— les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,

— et les observations de Me Bellet substituant Me Ginter, pour M. X ;

Considérant que M. Y X a, le 23 décembre 1996, apporté à la

SAS Dubocage la totalité des titres qu’il détenait de la SAS Dubocage Développement en échange de titres de cette dernière ; qu’il a alors réalisé une plus-value de 8 389 902 euros, placée, à sa demande, sous le régime du report d’imposition prévu par l’article 160 du code général des impôts, alors en vigueur ; que le 1er octobre 2004, M. X a transféré son domicile fiscal en Belgique puis, le 21 décembre 2007, a cédé la totalité des titres Dubocage, titres qu’il détenait depuis l’opération d’échange sus décrite du 23 décembre 1996 ; qu’au titre de l’année 2007, M. X a, à la suite de cette cession, déclaré une plus-value demeurant en report d’imposition d’un montant de 1 364 847 euros, qui a été imposée par l’administration pour un montant de 212 652 euros ; que le ministre fait appel du jugement du

8 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de cette cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle M. X a été assujetti au titre de l’année 2007 ainsi que des majorations correspondantes ;

Sur le recours du ministre :

Considérant qu’aux termes de l’article 160 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux plus-values en report d’imposition en 1996, date de l’échange de titres : « (…) I ter. 1. (…) l’imposition de la plus-value réalisée en cas d’échange de droits sociaux résultant d’une fusion ou d’une scission ou, à compter du 1er janvier 1988, en cas d’échange résultant d’apports de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, peut, sur demande expresse du contribuable, être reportée au moment où s’opérera la cession ou le rachat des droits sociaux reçus à l’occasion de l’échange par cet associé. (…) / 4. L’imposition de la

plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d’échange de droits sociaux résultant d’une opération de fusion, scission ou d’apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l’article 92 B (…) » ; qu’aux termes de l’article 92 B du même code : « (…) II. 1. À compter du 1er janvier 1992 (…), l’imposition de la plus-value réalisée en cas d’échange de titres (…) peut être reportée au moment où s’opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres reçus lors de l’échange. (…) / Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans les conditions prévues à l’article 97 (…) » ; que les articles 92 B et 160 du code général des impôts ont été abrogés par le V de l’article 94 de la loi des finances pour 2000 du 30 décembre 1999, qui dispose que leurs dispositions demeurent applicables aux plus-values en report d’imposition à la date du 1er janvier 2000 et que l’imposition de ces plus-values est reportée de plein droit lorsque les titres reçus en échange font l’objet d’une nouvelle opération d’échange ;

Considérant qu’en application des dispositions combinées du 4 du I ter de

l’article 160 et du II de l’article 92 B du code général des impôts, précitées, les plus-values placées sous ce régime de report d’imposition sont imposées par l’administration au titre de l’année au cours de laquelle ce report a cessé ; qu’à cet égard, l’Etat d’imposition de la

plus-value s’entend de celui dont le contribuable était résident au moment de sa réalisation, les dispositions précitées du I ter de l’article 160 du code général des impôts ayant pour seul effet de permettre, par dérogation à la règle suivant laquelle le fait générateur de l’imposition d’une

plus-value est constitué au cours de l’année de sa réalisation, de la rattacher à l’année au cours de laquelle intervient l’événement qui met fin au report d’imposition ;

4. Considérant que le fait générateur de la plus-value d’échange en litige se situe au

23 décembre 1996 ; que le principe de son imposition était donc, en application des dispositions précitées de l’article 160 du code général des impôts, acquis à la France dès cette date ; que le report d’imposition que M. X a obtenu sur le fondement des dispositions précitées de

l’article 92 B du même code n’a pu avoir ni pour objet ni pour effet de déplacer à la date de l’expiration du report le fait générateur de sa plus-value d’échange ni de l’exonérer de l’imposition en France de cette plus-value au motif qu’il aurait transféré son domicile hors de France lors de la cession des titres mettant fin au report ;

5. Considérant qu’aux termes de l’article 18 de la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 : « Dans la mesure où les articles précédents de la présente convention n’en disposent pas autrement, les revenus des résidents de l’un des États contractants ne sont imposables que dans cet État » ;

6. Considérant que les stipulations de l’article 18 de la convention franco-belge ne font pas obstacle à l’application des dispositions des articles 160 et 92 B du code général des impôts telle que rappelée au point 4., dès lors que le contribuable était résident français à la date du fait générateur de la plus-value en cause alors même qu’il était résident belge lors de la cession des titres ;

7. Considérant , toutefois, qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif et la cour administrative d’appel ;

8. Considérant que M. X invoque, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative référencée 5 C 1-06 du 13 mars 2006 qui prévoit notamment que l’application des règles de taxation en vigueur au moment de l’expiration du report ; qu’elle ne prévoit toutefois pas que la résidence fiscale doit être appréciée à cette date ; qu’ainsi l’instruction administrative invoquée ne comporte pas d’interprétation formelle du texte fiscal qui lui a été appliqué ;

9. Considérant, enfin, que les raisons pour lesquelles avait été instauré le mécanisme de l’imposition immédiate des plus-values de cession placées en report d’imposition lors du transfert du domicile fiscal hors de France prévu par le 1 bis de l’article 167 du code général des impôts, article déclaré incompatible avec les stipulations de l’article 52 du traité instituant la Communauté économique européenne, repris à l’article 43 du traité instituant la Communauté européenne et devenu l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et abrogé, sont sans incidence sur le droit de l’administration à imposer en France la plus-value d’échange placée en report d’imposition en application des dispositions combinées du 4 du I ter de l’article 160 et du II de l’article 92 du code général des impôts au titre de l’année 2007 au cours de laquelle a cessé le report puisque la plus-value a été réalisée en France en 1996 ainsi qu’il a été dit au point 4 ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles M. X a été assujetti au titre de l’année 2007 ; qu’il y a lieu d’annuler le jugement attaqué et de rétablir M. X au rôle de l’impôt sur le revenu de l’année 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1104077 du 8 juin 2012 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle M. X a été assujetti au titre de l’année 2007 ainsi que les majorations correspondantes sont remises à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de M. X présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS et à M. Y X.

Délibéré après l’audience du 12 mai 2015, où siégeaient :

Mme Helmholtz, premier vice-président,

M. Chayvialle, premier conseiller,

Mme Van Muylder, premier conseiller ;

Lu en audience publique le 28 mai 2015.

Le rapporteur, Le président,

C. VAN MUYLDER C.-V. HELMHOLTZ

Le greffier,

I. DOS SANTOS RAMOS-DIAS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour administrative d'appel de Versailles, 28 mai 2015, n° 12VE03160