Cour de cassation, Chambre sociale, 16 juin 2021, 20-13.138 20-13.147, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Commentaire1

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carole-vercheyre-grard.fr · 16 juillet 2021

S'il est possible de contourner l'application de la modalité 2 de l'accord du 22 juin 1999 par un forfait d'heures hebdomadaires, il faut que ce dernier ne prévoit pas un décompte de la durée du travail en jours dans la limite d'un nombre maximal de 218 jours annuels En effet, dans ce cas, la Cour de Cassation considère que la convention de forfait d'heures conclue par le salarié relève de la modalité 2 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à la convention collective nationale Syntec. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 juin 2021, 20-13.196, Inédit) …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 16 juin 2021, n° 20-13.138
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 20-13.138 20-13.147
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Toulouse, 17 décembre 2019, N° 18/00526 (et 1 autre)
Textes appliqués :
Article L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Articles L. 3121-28, L. 3121-33, L. 3171-4 du même code.

Article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Article 1342 du même code.

Dispositif : Cassation
Date de dernière mise à jour : 20 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000043684246
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2021:SO00753
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

MA

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 16 juin 2021

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 753 F-D

Pourvois n°

D 20-13.147

U 20-13.138 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 JUIN 2021

La société Altran technologies, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° D 20-13.147 et U 20-13.138 contre deux arrêts rendus le 18 décembre 2019 par la cour d’appel de Toulouse (4e chambre, section 2, chambre sociale), dans les litiges l’opposant respectivement :

1°/ à M. [C] [D], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Mme [D] [M], domiciliée [Adresse 3],

3°/ au syndicat des salariés Altran CGT, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de ses pourvois, les trois moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Altran technologies, de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [D], de Mme [M] et du syndicat des salariés Altran CGT, après débats en l’audience publique du 5 mai 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 20-13.147 et U 20-13.138

sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Toulouse, 18 décembre 2019), M. [D] et Mme [M], salariés de la société Altran technologies, étaient aux droits d’un contrat de travail qui comportait une convention de forfait sur une base de 38,30 heures par semaine.

3. La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale du personnel des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

4. Les salariés ont saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes se rapportant à l’exécution de leur contrat de travail. Le syndicat des salariés Altran CGT (le syndicat), est intervenu volontairement à l’instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, le troisième moyen, ci-après annexés

5. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

6. L’employeur fait grief aux arrêts de le condamner au paiement d’heures supplémentaires outre congés payés et prime de vacances afférents, de dire que les salariés devaient rembourser les jours non travaillés et de le condamner à verser des dommages-intérêts au syndicat, alors :

« 1° / que la stipulation, dans un accord de branche étendu, d’un dispositif, réservé à certaines catégories de salariés, de convention de forfait en heures comportant une modalité dérogatoire de comptabilisation des heures supplémentaires sur une base annuelle, n’a ni pour objet ni pour effet de priver les entreprises de la branche de la possibilité de conclure avec les autres salariés des conventions de forfait hebdomadaire en heures sur le fondement des dispositions du code du travail ; qu’il résulte des articles L. 3121-38 et L. 3121-41 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, applicable au litige, que la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention de forfait en heures sur la semaine ou le mois dès lors que la rémunération forfaitaire convenue est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait augmentée des majorations pour heures supplémentaires ; que, dès lors que le décompte de la durée du travail et des heures supplémentaires est opéré sur une base hebdomadaire, une telle convention ne déroge à aucune règle légale impérative relative au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires, et peut donc être librement convenue par les parties au contrat de travail, quels que soient les fonctions et le niveau de rémunération du salarié ; qu’au cas présent, la société Altran technologies faisait valoir que le contrat de travail conclu avec chacun des défendeurs aux pourvois prévoyait une rémunération forfaitaire pour un horaire hebdomadaire de 38 heures 30 et exposait, sans être contredite, que cette rémunération était supérieure à la rémunération minimale conventionnelle pour un horaire de 38 heures 30 augmentée des majorations ; qu’il résulte, par ailleurs, des propres constatations de l’arrêt que les heures supplémentaires au-delà de 38 heures 30 étaient décomptées de manière hebdomadaire et rémunérées mensuellement ; que la société Altran technologies en déduisait que les conventions conclues avec les défendeurs au pourvoi étaient des conventions de forfait en heures hebdomadaires de droit commun, distinctes de celles prévues par la modalité 2 de l’accord de branche, et que ces conventions librement conclues par les salariés étaient applicables, indépendamment de la condition de rémunération prévue pour les salariés relevant du dispositif conventionnel dérogatoire ; qu’en jugeant que ces conventions étaient inopposables aux salariés au motif que « l’employeur n’est pas autorisé à créer sans accord collectif complémentaire, une modalité de »type 2« reposant uniquement sur des stipulations du contrat de travail concernant les ingénieurs ou cadres dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale », sans rechercher, comme il lui était demandé, si la convention de forfait hebdomadaire en heures conclue par la société Altran technologie avec chacun des défendeurs aux pourvois répondait aux conditions des articles L. 3121-38 et L. 3121-41 du code du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de ces textes et des articles 2 et 3 du Chapitre II de l’accord Syntec du 22 juin 1999, ensemble les articles L. 3121-10, L. 3121-20 et L. 3121-22 du code du travail ;

3°/ que selon l’article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord collectif, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; que la comparaison doit être opérée au regard de l’ensemble des dispositions conventionnelles et contractuelles ayant le même objet ou la même cause ; qu’à cet égard, la convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures stipulée dans un contrat de travail est relative au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires et a donc le même objet et la même cause que les dispositions d’un accord collectif relatives au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires, peu important que cet accord ne prévoie pas le recours au forfait ; qu’au cas présent, la société Altran technologies faisait valoir que, pour les salariés qui perçoivent une rémunération inférieure au plafond annuel de sécurité sociale et relèvent donc des dispositions du code du travail ou des modalités standard, modalité 1, prévues par l’article 2 Chapitre II de l’accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail, la convention individuelle de forfait conclue avec la société Altran technologies qui garantit au salarié le paiement d’un certain nombre d’heures supplémentaires, peu important leur accomplissement, ainsi qu’un nombre maximum de 218 jours annuels travaillés et qui ne déroge à aucune règle impérative en matière de décompte de la durée du travail et à la rémunération, était plus favorable que les dispositions du code du travail et que les dispositions conventionnelles relatives aux modalités standard, modalité 1, qui laissent à l’employeur la faculté de décider librement de l’accomplissement d’heures supplémentaires ; qu’en refusant de procéder à la recherche, qui lui était demandée, au motif que "les différences dans les modalités du forfait appliqué [?] ne permettent pas de caractériser en l’espèce un forfait distinct plus favorable que la modalité 2 résultant de l’accord Syntec de 1999, dès lors que le salaire perçu est inférieur au plafond de sécurité sociale", cependant que le caractère plus favorable des dispositions du contrat de travail devait être examiné au regard des dispositions conventionnelles relatives au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires résultant des modalités standard, dite modalité 1, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, et violé les articles L. 2254-1 du code du travail et 2 du Chapitre II de l’accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail. »

Réponse de la Cour

7. La cour d’appel a constaté, par motifs adoptés, que les salariés avaient été soumis à une convention individuelle de forfait en heures sur une base hebdomadaire de 38 heures 30 prévoyant, d’une part, un décompte de la durée du travail en jours dans la limite d’un nombre maximal de 218 jours annuels incluant la journée de solidarité, des variations de l’horaire de travail dans la limite de 10 % de l’horaire hebdomadaire de 35 heures, d’autre part, une rémunération forfaitaire sur une base de 218 jours travaillés par année civile incluant les heures de travail accomplies dans la limite de 10 % de l’horaire hebdomadaire de 35 heures, et, par motifs propres, que des jours de réduction du temps de travail étaient accordés aux salariés dans le cadre de l’exécution de ce forfait.

8. La cour d’appel, qui a fait ressortir que la convention de forfait à laquelle les salariés étaient soumis, ne précisait pas le nombre d’heures correspondant au forfait, notamment eu égard au nombre de jours RTT accordés, de sorte qu’elle ne répondait pas aux exigences des articles L. 3121-38 et L. 3121-41 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, a retenu que les conventions conclues par les salariés relevaient de la modalité 2 de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail annexé à la convention collective nationale Syntec, sans en remplir les conditions, et qu’elles étaient inopposables aux salariés.

9. La cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. L’employeur fait grief aux arrêts de le condamner au paiement d’heures supplémentaires, outre congés payés et prime de vacances afférents, des dommages-intérêts au syndicat, alors « que le salarié qui, en application d’une convention de forfait en heures, a perçu une rémunération correspondant à un nombre d’heures supérieur à la durée du travail, ne peut, en cas d’inopposabilité ou de nullité de la convention de forfait, percevoir une deuxième fois le salaire de base correspondant aux heures qui ont d’ores et déjà été rémunérées ; qu’au cas présent, les défendeurs au pourvoi sollicitaient le paiement d’un rappel d’heures supplémentaires (salaire de base + majorations) au titre des heures effectuées entre la 35e et la 38e heure 30 hebdomadaires au motif que la convention de forfait en heures pour 38 heures 30 que chacun d’eux avait conclue avec la société Altran Technologies leur était inopposable ; que l’exposante faisait valoir que les heures effectuées chaque semaine entre 35 et 38 heures 30 avaient d’ores et déjà été rémunérées au titre de la rémunération de base et ne pouvaient donc faire l’objet d’un deuxième paiement ; qu’en faisant intégralement droit aux demandes de rappel de salaire des défendeurs au pourvoi, la cour d’appel a condamné l’employeur à payer deux fois les mêmes heures de travail, en violation des articles L. 3171-4 et L. 3121-1 du code du travail tels qu’applicables au litige et de l’article 1234 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 3121-22 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les articles L. 3121-28, L. 3121-33, L. 3171-4 du même code, l’article 1234 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’article 1342 du même code :

11. En application des deux premiers de ces textes, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur.

12. Selon les derniers, le paiement entraîne l’extinction de l’obligation.

13. Pour dire que les salariés ont droit au paiement d’heures supplémentaires, outre les congés payés et la prime de vacances afférents et condamner l’employeur au paiement de sommes à ce titre, les arrêts retiennent que le versement d’un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires et que, dès lors, le paiement des heures effectuées par les salariés entre 35 heures et 38,5 heures n’est pas établi.

14. En se déterminant ainsi, sans vérifier, dans le cadre des comptes à faire à la suite de sa décision d’inopposabilité du forfait en heures, si la rémunération contractuelle versée par l’employeur en exécution du forfait irrégulier n’avait pas eu pour effet d’opérer paiement, fût-ce partiellement, des heures de travail accomplies au-delà de la trente-cinquième heure dans le cadre du décompte de droit commun de la durée du travail, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation partielle ne s’étend pas aux condamnations de l’employeur à verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter la charge des entiers dépens, justifiées par d’autres condamnations prononcées à l’encontre de celui-ci et non remises en cause.

En revanche, elle s’étend au chef de dispositif qui condamne l’employeur à remettre à Mme [M] des bulletins de salaires et des documents sociaux conformes à la décision rendue.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’ils condamnent la société Altran technologies à verser un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre congés payés et primes de vacances afférents ainsi qu’à verser des dommages-intérêts au syndicat des salariés Altran CGT et à remettre à Mme [M] des bulletins de salaires et des documents sociaux conformes aux décision à la décision, les arrêts rendus le 18 décembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

Condamne les salariés et le syndicat des salariés Altran CGT aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens communs produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Altran technologies, demanderesse aux pourvois n° D 20-13.147 et U 20-13.138

PREMIER MOYEN DE CASSATION

(Sur l’inopposabilité du forfait)

3. Il est reproché aux arrêts attaqués d’avoir condamné la société Altran technologies à verser à chacun des salariés défendeurs aux pourvois des sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de la prime de vacances afférente, et d’avoir condamné la société Altran Technologies à payer au syndicat des salariés Altran CGT la somme de 200 ? à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « Le moyen tiré de l’inopposabilité du forfait : Le salarié ne sollicite pas la nullité du forfait hebdomadaire en heures mais son inopposabilité. L’employeur Altran invoque la validité de la clause de forfait hebdomadaire en heures, assortie d’une rémunération forfaitaire au regard du code du travail et de la convention collective. Il est rappelé que lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention collective, celles-ci s’appliquent au contrat de travail, sauf stipulations plus favorables, et que le salarié ne peut renoncer aux droits qu’il tient de la convention collective. L’accord Syntec précité de 1999 prévoit que la modalité 2 s’applique aux salariés non concernés par la modalité 1 (standard) ou la modalité 3 (réalisation de missions avec autonomie complète). Il précise que « Tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale ». Cette modalité prévoit, en outre, un salaire supérieur ou égal à 115 % du minimum conventionnel, l’annualisation des heures supplémentaires effectuées au-delà du forfait de 38,5 heures hebdomadaires et 220 jours annuels de travail au maximum (jour de solidarité compris). Il résulte de la rédaction précise de cet accord de branche et du fait que la salariée ne peut renoncer aux droits qu’il tient de la convention collective, que l’employeur n’est pas autorisé à créer, sans accord collectif complémentaire, une modalité de « type 2 » reposant uniquement sur des stipulations du contrat de travail concernant des ingénieurs ou cadres dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale. La cour constate qu’il résulte de la comparaison des plafonds annuels de la sécurité sociale avec les salaires annuels effectivement perçus que ceux-ci sont systématiquement et largement inférieurs aux plafonds précités. Ainsi, les différences dans les modalités du forfait appliqué à la salariée, constituées par un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires au-delà de 38,5 heures, payées mensuellement (au lieu de leur annualisation) et une durée du travail annuelle de 218 jours (au lieu de 220 jours) ne permettent pas de caractériser en l’espèce un forfait distinct plus favorable que la modalité 2 résultant de l’accord Syntec de 1999, dès lors que le salaire effectivement perçu est inférieur au plafond de la sécurité sociale. Il en résulte que le forfait invoqué par l’employeur est inopposable au salarié. Lorsque la convention de forfait conclue entre le salarié et son employeur est irrégulière, comme au cas présent, le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires qu’il a effectuées » ;

1. ALORS QUE la stipulation, dans un accord de branche étendu, d’un dispositif, réservé à certaines catégories de salariés, de convention de forfait en heures comportant une modalité dérogatoire de comptabilisation des heures supplémentaires sur une base annuelle, n’a ni pour objet ni pour effet de priver les entreprises de la branche de la possibilité de conclure avec les autres salariés des conventions de forfait hebdomadaire en heures sur le fondement des dispositions du code du travail ; qu’il résulte des articles L. 3121-38 et L. 3121-41 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, applicable au litige, que la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention de forfait en heures sur la semaine ou le mois dès lors que la rémunération forfaitaire convenue est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait augmentée des majorations pour heures supplémentaires ; que, dès lors que le décompte de la durée du travail et des heures supplémentaires est opéré sur une base hebdomadaire, une telle convention ne déroge à aucune règle légale impérative relative au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires, et peut donc être librement convenue par les parties au contrat de travail, quels que soient les fonctions et le niveau de rémunération du salarié ; qu’au cas présent, la société Altran technologies faisait valoir que le contrat de travail conclu avec chacun des défendeurs aux pourvois prévoyait une rémunération forfaitaire pour un horaire hebdomadaire de 38 heures 30 et exposait, sans être contredite, que cette rémunération était supérieure à la rémunération minimale conventionnelle pour un horaire de 38 heures 30 augmentée des majorations ; qu’il résulte, par ailleurs, des propres constatations de l’arrêt que les heures supplémentaires au-delà de 38 heures 30 étaient décomptées de manière hebdomadaire et rémunérées mensuellement; que la société Altran technologies en déduisait que les conventions conclues avec les défendeurs au pourvoi étaient des conventions de forfait en heures hebdomadaires de droit commun, distinctes de celles prévues par la modalité 2 de l’accord de branche, et que ces conventions librement conclues parles salariés étaient applicables, indépendamment de la condition de rémunération prévue pour les salariés relevant du dispositif conventionnel dérogatoire ; qu’en jugeant que ces conventions étaient inopposables aux salariés au motif que « l’employeur n’est pas autorisé à créer sans accord collectif complémentaire, une modalité de « type 2 » reposant uniquement sur des stipulations du contrat de travail concernant les ingénieurs ou cadres dont la rémunération est inférieure au plafond de la sécurité sociale », sans rechercher, comme il lui était demandé, si la convention de forfait hebdomadaire en heures conclue par la société Altran technologie avec chacun des défendeurs aux pourvois répondait aux conditions des articles L. 3121-38 et L. 3121-41 du code du travail, la cour d’appela privé sa décision de base légale au regard de ces textes et des articles 2 et 3 du Chapitre II de l’accord Syntec du 22 juin 1999, ensemble les articles L. 3121-10, 3121-20 et L. 3121-22 du code du travail ;

2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE selon l’article L. 2251-1 du code du travail, les conventions et accords collectifs de travail ne peuvent déroger aux dispositions légales qui revêtent un caractère d’ordre public; qu’il résulte des articles L. 3121-38 et L. 3121-41, devenus L. 3121-56 et L. 3121-57, du code du travail que « tout salarié » peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois à condition que sa rémunération soit au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant au forfait augmentée des majorations pour heures supplémentaires ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une convention ou un accord collectif ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet d’interdire la conclusion de convention individuelle de forfait en heures sur la semaine avec certaines catégories de salariés et de soumettre la conclusion d’une telle convention à des conditions rémunération distinctes de celles prévues par le code du travail ; qu’au cas présent, il est constant que les conventions de forfait conclues par la société Altran technologies étaient des conventions de forfait en heures sur la semaine et qu’il n’était pas contesté que la rémunération des salariés était supérieure à la rémunération minimale conventionnelle pour la durée de travail accomplie augmentée des majorations pour heures supplémentaires ; qu’il résulte, par ailleurs, des propres constatations de l’arrêt que les heures supplémentaires au-delà de 38 heures 30 étaient décomptées de manière hebdomadaire et rémunérées mensuellement; qu’en jugeant que les dispositions de l’accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail relatives à la modalité 2 avaient pour effet d’interdire aux parties de conclure des conventions individuelles de forfait en heures hebdomadaires dès lors que la rémunération convenue était inférieure au plafond annuel de sécurité sociale, peu important que ces dernières soient conformes aux articles L. 3121-38 et L. 3121-41, devenus L. 3121-56 et L. 3121-57, du code du travail, la cour d’appel a violé ces textes, ensemble l’article L. 2251-1du même code ;

3. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE selon l’article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord collectif, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ; que la comparaison doit être opérée au regard de l’ensemble des dispositions conventionnelles et contractuelles ayant le même objet ou la même cause ; qu’à cet égard, la convention individuelle de forfait hebdomadaire en heures stipulée dans un contrat de travail est relative au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires et a donc le même objet et la même cause que les dispositions d’un accord collectif relatives au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires, peu important que cet accord ne prévoie pas le recours au forfait ; qu’au cas présent, la société Altran technologies faisait valoir que, pour les salariés qui perçoivent une rémunération inférieure au plafond annuel de sécurité sociale et relèvent donc des dispositions du code du travail ou des modalités standard, modalité 1, prévues par l’article 2 Chapitre II de l’accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail, la convention individuelle de forfait conclue avec la société Altran technologies qui garantit au salarié le paiement d’un certain nombre d’heures supplémentaires, peu important leur accomplissement, ainsi qu’un nombre maximum de 218 jours annuels travaillés et qui ne déroge à aucune règle impérative en matière de décompte de la durée du travail et à la rémunération, était plus favorable que les dispositions du code du travail et que les dispositions conventionnelles relatives aux modalités standard, modalité 1, qui laissent à l’employeur la faculté de décider librement de l’accomplissement d’heures supplémentaires; qu’en refusant de procéder à la recherche, qui lui était demandée, au motif que «les différences dans les modalités du forfait appliqué […] ne permettent pas de caractériser en l’espèce un forfait distinct plus favorable que la modalité 2 résultant de l’accord Syntec de 1999, dès lors que le salaire perçu est inférieur au plafond de sécurité sociale », cependant que le caractère plus favorable des dispositions du contrat de travail devait être examiné au regard des dispositions conventionnelles relatives au décompte de la durée du travail et à la rémunération des heures supplémentaires résultant des modalités standard, dite modalité 1, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, et violé les articles L. 2254-1 du code du travail et 2 du Chapitre II de l’accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail ;

4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE selon l’article L. 2254-1 du code du travail, lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord collectif, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus par lui, sauf stipulations plus favorables ; que la société Altran technologies offrait de justifier que les conventions individuelles de forfait conclues avec chacun des défendeurs aux pourvois, d’une part, assurent aux salariés une rémunération forfaitaire supérieure à la rémunération conventionnelle pour le nombre d’heures convenu augmentée des majorations et, d’autre part, ne dérogent à aucune règle relative au décompte de la durée du travail ; qu’il en résultait qu’en concluant une telle convention les défendeurs aux pourvois n’avaient renoncé à aucun droit qu’ils tiennent de la loi ou de la convention collective ; qu’en refusant néanmoins d’appliquer la convention individuelle de forfait au motif que le salarié « ne peut renoncer aux droits qu’il tient de la convention collective », sans caractériser l’existence d’un droit conventionnel auquel chacun des défendeurs au pourvoi aurait renoncé en concluant une telle convention, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 2254-1 du code du travail et des dispositions de l’accord national Syntec du 22 juin 1999 sur la durée du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

SUBSIDIAIRE

(sur les heures supplémentaires)

15. Il est reproché aux arrêts attaqués d’avoir condamné la société Altran technologies à verser à chacun des salariés défendeurs aux pourvois des sommes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents et de la prime de vacances afférente et d’avoir condamné la société Altran technologies à payer au syndicat des salariés Altran CGT la somme de 200 ? à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE « La preuve des heures supplémentaires accomplies et impayées : * sur le moyen tiré du paiement des 3,5 heures supplémentaires hebdomadaires. En premier lieu, l’employeur s’oppose au paiement des heures réalisées par la salariée entre 35 heures et 38,5 heures hebdomadaires au motif qu’elles ont déjà été payées, qu’elles soient réalisées ou non. Il invoque à cet effet les dispositions de l’article R. 3243-1 du code du travail dans sa version applicable au litige et les mentions portées sur les bulletins de salaire. L’article R. 3243-1 du code du travail dispose : Le bulletin de paie prévu à l’article L. 3243-2 comporte : (…) 5° La période et le nombre d’heures de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant, s’il y a lieu, les heures payées au taux normal et celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause et en mentionnant le ou les taux appliqués aux heures correspondantes : La nature et le volume du forfait auquel se rapporte le salaire des salariés dont la rémunération est déterminée sur la base d’un forfait hebdomadaire ou mensuel en heures, d’un forfait annuel en heures ou en jours ; L’indication de la nature de la base de calcul du salaire lorsque, par exception, cette base de calcul n’est pas la durée du travail ; (…) La cour relève qu’en l’espèce les bulletins de paie du salarié comportent : sur la ligne relative au montant du salaire uniquement la mention « salaire de base », sans aucune précision complémentaire, dans la partie en-tête du bulletin de paie, la mention « cadre 38h30 218 j » La cour retient que la seule mention « salaire de base » sur la ligne relative au montant mensuel du salaire, sans référence explicite au forfait hebdomadaire en heures, ne correspond pas à l’exigence posée par l’article R. 3243-1 du code du travail 5°. La mention « cadre 38h30 218j » apposée dans l’en-tête, en dehors de la ligne relative au montant du salaire, n’est pas susceptible de régulariser l’absence de référence au forfait. L’employeur fait valoir en outre que la rémunération majorée de 115 % du minimum conventionnel versée dès la première heure est toujours plus favorable que le paiement de la majoration des heures supplémentaires et qu’ainsi la salariée n’établit pas que les heures éventuellement réalisées entre 35 heures et 38,5 heures n’ont pas été payées. Toutefois, la cour retient que rien, dans le contrat de travail, ne permet de dire en fonction de quoi le montant du salaire a été calculé : la règle conventionnelle des 115 % du minimum conventionnel exigé par la convention pour la modalité 2, ou la valeur du travail de la salariée, ou les deux et dans quelles proportions. Ainsi le versement d’un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires. Dès lors, le paiement par l’employeur des heures effectuées par la salariée entre 35 heures et 38,5 heures n’est pas établi.* Sur la preuve des heures supplémentaires effectivement réalisées. S’il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures supplémentaires effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires. La cour relève en premier lieu que le salarié n’avait pas à déclarer précisément les heures effectuées entre 35h et 38h30 puisque l’employeur considérait qu’elles étaient comprises dans le forfait appliqué. Le salarié produit plusieurs comptes rendus de réunion (réponses aux questions des délégués du personnel des 27/11/2007-16/06/2009- 15/09/2009-11/02/16, PV des réunions du comité d’entreprise des 19/02/2008-08/07/2008, notamment). Il produit également le document de formation des managers Altran en droit social, le mémento social N2 Syntec émanant du syndicat patronal Syntec et un courrier du directeur général d’Altran technologies du 27 février 2013 adressé à un salarié titulaire d’un mandat électif lui indiquant qu’il doit réaliser 7,7 heures journalières et donc 38,5 heures par semaine. Il résulte de l’analyse concordante de ces documents que l’employeur a effectivement demandé jusqu’en décembre 2015 à tous ses salariés cadres auxquels était appliquée la modalité 2 d’effectuer systématiquement 38h30 hebdomadaires et qu’il ne s’agissait pas pour la salariée considérée d’une simple éventualité. Ainsi, M. [C] [D] étaye sa demande de paiement d’heures supplémentaires jusqu’à la date de son départ alors que l’employeur ne produit pas de justificatif permettant de le contredire utilement. Le calcul des heures supplémentaires : Dans le système de droit commun, les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail soit 35 heures hebdomadaires. Elles se décomptent par semaine civile. La société Altran fait valoir que les semaines où la salariée était absente, ne serait-ce qu’un jour, pour maladie, pour congés payés, pour RTT ou du fait d’un jour férié, soit l’équivalent de 7 heures de travail a minima, sa durée de travail ne dépassait pas sur la semaine 31,5 heures (38,5-7). L’employeur sollicite également la déduction de 15% du salaire minimum conventionnel. Il considère donc que la demande de paiement d’heures supplémentaires doit être minorée d’autant. La cour retient, comme le fait la salariée dans ses écritures, que la minoration systématique opérée par l’employeur est erronée car :-il est établi que la salariée a travaillé 38,5 heures hebdomadaires de façon habituelle de sorte qu’elle peut prétendre au maintien intégral du salaire prévu par les dispositions de l’article 43 I.C de la convention collective applicable, ce, sur une période de 3 mois dans la mesure où elle justifie d’au moins un an d’ancienneté, s’agissant des absences pour congés payés, l’indemnité ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue si la salariée avait continué à travailler et l’accomplissement d’heures supplémentaires est habituel sur la période, de sorte que l’indemnité de congés payés doit tenir compte des heures supplémentaires, l’article L. 3133-3 du code du travail fait interdiction absolue de tenir compte des jours fériés pour diminuer le salaire octroyé au salarié, le montant de 15 % du salaire minimum conventionnel, qui ne tient pas lieu de paiement des heures supplémentaires, ne peut être déduit. S’agissant des journées non travaillées JNT/RTT, la cour retient qu’il n’y a pas lieu en effet à majoration pour heures supplémentaires. Les vérifications des décomptes de paiement des heures supplémentaires de la salariée mettent en évidence que la déduction correspondante a été effectuée. Compte tenu des règles applicables, il sera fait droit aux demandes du salarié au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents formées à l’encontre de la société Altran Technologies. L’employeur ne conteste pas le mode de calcul de la prime de vacances sollicitée par le salarié. Par application de l’article 31 de la convention collective Syntec, il sera fait droit à cette demande » ;

1. ALORS QUE le salarié qui, en application d’une convention de forfait en heures, a perçu une rémunération correspondant à un nombre d’heures supérieur à la durée du travail, ne peut, en cas d’inopposabilité ou de nullité de la convention de forfait, percevoir une deuxième fois le salaire de base correspondant aux heures qui ont d’ores et déjà été rémunérées ; qu’au cas présent, les défendeurs au pourvoi sollicitaient le paiement d’un rappel d’heures supplémentaires (salaire de base + majorations) au titre des heures effectuées entre la 35ème et la 38ème heure 30 hebdomadaires au motif que la convention de forfait en heures pour 38 heures 30 que chacun d’eux avait conclue avec la société Altran technologies leur était inopposable ; que l’exposante faisait valoir que les heures effectuées chaque semaine entre 35 et 38 heures 30 avaient d’ores et déjà été rémunérées au titre de la rémunération de base et ne pouvaient donc faire l’objet d’un deuxième paiement; qu’en faisant intégralement droit aux demandes de rappel de salaire des défendeurs au pourvoi, la cour d’appel a condamné l’employeur à payer deux fois les mêmes heures de travail, en violation des articles L. 3171-4 et L. 3121-1 du code du travail tels qu’applicables au litige et de l’article 1234 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

2. ALORS QUE le contrat de travail de chacun des salariés défendeurs aux pourvois stipule, s’agissant de la durée du travail, que « de convention expresse entre les parties, le décompte de temps de travail effectif est prévu en jours, dans la limite de 218 jours par an, journée de solidarité incluse, englobant les variations éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures » ; que ce contrat de travail stipule, s’agissant de la rémunération, que «[le salarié] percevra un salaire forfaitaire annuel brut de xxx ? (xxx euros) en contrepartie de l’exécution de ses fonctions dans le cadre du forfait tel que défini sous l’article 4 (journée de solidarité exclue) », que « cette rémunération annuelle forfaitaire englobe les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures sur 217 jours travaillés sur l’année civile » et que « la rémunération annuelle lissée sur les 12 mois de l’année ne sera pas affectée par ces variations et, correspondra à une rémunération mensuelle brute de xxx ? (xxx) » ; qu’il résulte des termes clairs et précis de ces stipulations que le salaire contractuel correspondait à un horaire hebdomadaire de 38 heures 30 ; qu’en énonçant que « rien dans le contrat de travail ne permet de dire en fonction de quoi le montant du salaire a été calculé » et que « dès lors, le paiement par l’employeur des heures effectuées entre 35 heures et 38,5 heures n’est pas établi », la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de travail, en violation de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

3. ALORS QU’il résulte des conclusions de chacun des salariés défendeurs aux pourvois qu’ « au terme des contrats de travail liant les salariés Altran, il sont liés à [la société Altran] par […] une rémunération forfaitaire pour 38,5 heures » (Conclusions dossier pilote, p. 24) ; qu’en énonçant que « rien dans le contrat de travail ne permet de dire en fonction de quoi le montant du salaire a été calculé » et que « dès lors, e paiement par l’employeur des heures effectuées entre 35 heures et 38,5 heures n’est pas établi », la cour d’appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4. ALORS QUE selon l’article R. 3243-1 du code du travail, le bulletin de paie doit indiquer «la période et le nombre d’heures de travail auxquels se rapporte le salaire»; qu’il résulte des constatations de l’arrêt que les bulletins des paie des défendeurs aux pourvois comportaient, dans la partie en-tête du bulletin de paie, la mention « cadre 38h30 218 j » ; qu’en jugeant néanmoins que le paiement par l’employeur des heures effectuées entre 35 heures et 38,5 heures n’était pas établi, au motif que la mention de la durée du travail ne figurait pas sur la même ligne que le salaire de base, la cour d’appel a violé l’article R. 3243-1 du code du travail en ajoutant à ce texte une condition qu’il ne prévoit pas ;

5. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge doit, en toute circonstance, respecter le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu’il a relevé d’office sans recueillir préalablement les observations des parties ; qu’en exigeant, par un moyen qu’elle a relevé d’office, qu’une référence explicite au forfait hebdomadaire en heures figure sur la ligne des bulletins de paie relative au montant mensuel du salaire, sans recueillir préalablement les observations des parties, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

6. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE seules les heures de travail effectif accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires constituent des heures supplémentaires devant être rémunérées comme telles ; qu’en l’absence de dispositions conventionnelles en ce sens, les jours fériés, les jours d’arrêts maladie et de congés payés ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif et ne sauraient donc être pris en compte pour le décompte des heures de travail accomplies et dans l’assiette des droits à majoration pour heures supplémentaires; qu’au cas présent, la société Altran technologies exposait que les salariés ne pouvaient solliciter un rappel de salaires pour un horaire systématique de 38 heures 30 hebdomadaires et qu’il convenait notamment de neutraliser les semaines au cours desquelles les défendeurs aux pourvois avaient été absents pour jours fériés, congés payés et/ou maladie et au cours desquelles ils n’avaient donc pas pu accomplir d’heures supplémentaires ; que la société Altran technologies procédait à un contre-chiffrage en justifiant des absences de chacun des salariés et en produisant un tableau récapitulant la situation de chacun d’eux ; qu’en faisant intégralement droit aux demandes de rappel de salaire des défendeurs au pourvoi, sans prendre en compte les semaines où les salariés avaient été absents et n’avaient donc pas travaillé plus de 35 heures, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-1, L. 3121-20 et L. 3121-22 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, applicable au litige ;

7. ALORS QUE le moyen de défense de la société Altran technologies portait sur la neutralisation des semaines au cours desquelles les défendeurs aux pourvois avaient été absents pour congés payés et/ou maladie, et au cours desquelles ils n’avaient donc pas pu accomplir d’heures supplémentaires; qu’il ne portait nullement sur la rémunération des périodes de congés payés et d’arrêt maladie ; qu’en écartant les prétentions de l’employeur au motif que l’accomplissement habituel d’heures supplémentaires devait être pris en compte pour le calcul de l’indemnité de congés payés et pour le droit au maintien de salaire en cas d’arrêt maladie, la cour d’appel a méconnu l’objet du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

23. Il est reproché aux arrêts attaqués d’avoir condamné la société Altran technologies à verser à chacun des salariés défendeurs aux pourvois des dommages-intérêts au titre de la clause de loyauté requalifiée en clause de non-concurrence nulle ;

AUX MOTIFS QUE La société Altran technologies sollicite l’infirmation du jugement qui déclare non prescrite la demande et invoque sa non-recevabilité. Le salarié considère que la demande n’est pas prescrite. Dès lors, il y a lieu de statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription avant de statuer sur le fond. La prescription biennale tirée de l’article L. 1471-1 du code du travail issu de la loi du 14 juin 2013 relative aux actions portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail ne court qu’à compter du jour où le titulaire du droit a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son action. Toutefois, en application de l’article 2233 du code civil, la prescription ne court pas à l’égard d’une créance qui dépend d’une condition, jusqu’à ce que la condition se réalise. S’agissant de la clause de loyauté litigieuse, le salarié s’est engagé « à ne pas solliciter ou/et à ne pas répondre à un client en vue de négocier son éventuelle embauche, conscient que cela constituerait un manquement à son obligation de loyauté (…) Dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, ou au terme de celui-ci, le salarié s’interdit également, d’agir de sorte à constituer envers la société Altran technologies ou plus largement le groupe Altran, une concurrence déloyale ».Ainsi, le préjudice invoqué par le salarié se poursuit tout au long de l’exécution du contrat de travail jusqu’à la réalisation de la rupture du contrat de travail avec la société Altran technologies. Dès lors, la prescription n’a pas couru pendant l’exécution du contrat de travail et l’action de la salariée n’est pas prescrite. Les premiers juges ont justement retenu qu’il résulte des termes de la clause litigieuse, rappelés dans le jugement, qu’elle a vocation à s’appliquer après la rupture du contrat de travail et à limiter la liberté de travailler de la salariée auprès d’un client de l’employeur, ce qui en fait une clause de non-concurrence. Or cette clause ne respecte pas les conditions de validité d’une clause de non-concurrence faute de limitation dans le temps, dans l’espace et de contrepartie financière. Cette clause est donc nulle. Cette clause de loyauté requalifiée en clause de non-concurrence a interdit au salarié de chercher à quitter l’employeur Altran pour exercer une activité prohibée à tort, cette atteinte aux droits de la salariée constitue un préjudice certain. L’existence concomitante d’une autre clause de non-concurrence inscrite dans le contrat de travail de la salariée prévoyant effectivement des limitations dans le temps, l’espace et ainsi qu’une contrepartie financière ne fait pas disparaître la nullité de la clause de loyauté litigieuse requalifiée, ni le préjudice subi par suite de la clause de loyauté, d’une étendue illimitée dans l’espace et dans le temps, laquelle n’a jamais été levée par l’employeur. Le contrat de travail de ce salarié avec Altran Technologies a été rompu, compte tenu de la durée de l’obstacle mis à ses droits, l’indemnisation de son préjudice sera fixée à la somme de 3 000 ?. Le jugement sera confirmé de ce chef » ;

1. ALORS QUE la clause de non-concurrence est la stipulation par laquelle le salarié s’engage à ne pas exercer une activité concurrente de celle de l’employeur postérieurement à la rupture du contrat de travail ; que ne constitue pas une clause de non-concurrence, la clause interdisant au salarié de solliciter ou de répondre aux sollicitations d’un client en vue d’une embauche au cours des missions exercées auprès de ce client pour le compte de l’employeur ; qu’au cas présent, la clause de loyauté stipulait qu’ « au cours des missions qui lui sont confiées auprès des différents clients de la Société, [le salarié] s’engage à ne pas solliciter ou/et à ne pas répondre à un client, en vue de négocier son éventuelle embauche, conscient que cela constituerait un manquement à son obligation de loyauté » ; que cette clause limitait donc expressément l’obligation du salarié aux seules périodes d’exécution du contrat de travail exercées auprès des clients et ne comportait aucune limitation à la liberté d’exercer une activité professionnelle postérieurement à la rupture du contrat; qu’en jugeant qu’une telle clause devait s’analyser en une clause de non-concurrence illicite, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

2. ALORS QUE la clause de loyauté stipulait qu’ «au cours des missions qui lui sont confiées auprès des différents clients de la Société, [le salarié] s’engage à ne pas solliciter ou/et à ne pas répondre à un client, en vue de négocier son éventuelle embauche, conscient que cela constituerait un manquement à son obligation de loyauté » et limitait donc expressément l’obligation du salarié aux seules périodes d’exécution du contrat de travail exercées auprès des clients ; que pour dire que la clause « avait vocation à s’appliquer après la rupture du contrat de travail et à limiter la liberté de travailler[ du salarié] auprès d’un client de l’employeur », la cour d’appel a procédé à une reproduction tronquée de la stipulation, en omettant la précision déterminante en vertu de laquelle l’engagement du salarié était limité « au cours des missions qui lui sont confiées auprès des différents clients de la Société » ; qu’en procédant de la sorte, la cour d’appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis des contrats de travail des défendeurs aux pourvois, en violation de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

3. ALORS QUE la clause de non-concurrence est la stipulation par laquelle le salarié s’engage à ne pas exercer une activité concurrente de celle de l’employeur postérieurement à la rupture du contrat de travail et que ne constitue pas une telle clause, le rappel de l’interdiction générale d’accomplir des actes de concurrence déloyale ; qu’en relevant que la clause de loyauté stipulait que « dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, ou au terme de celui-ci, le salarié s’interdit également, d’agir de sorte à constituer envers la société Altran technologies ou plus largement le groupe Altran, une concurrence déloyale », la cour d’appel a statué par un motif impropre à caractériser l’existence d’une clause de non-concurrence et a violé les articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 16 juin 2021, 20-13.138 20-13.147, Inédit